Bonjour bonsoir ! J'espère que vous allez bien ! Je suis (enfin!) de retour avec une Drarry qui se déroule 6 ans après la guerre. Désolée si ça a pris autant de temps, je suis en voyage depuis plusieurs mois, dans des conditions pas forcément idéales pour écrire :)

Tags en vrac : POV Draco, Post-Poudlard, internet, site porno, nostalgie, Pensine, souvenirs, relation passée, premier amour, relation épistolaire, identité cachée, monde moldu, EWE, feelings, obsession, canon-compliant, illustrations, masturbation, fluff, angst, tranche de vie.

Techniquement : Update tous les 10 jours. J'ai de l'avance sur l'histoire, mais j'édite/relis un nombre incalculable de fois... Cette fanfic compte 10 chapitres. Je finis toujours ce que je commence !

Info importante : Cette fanfic est illustrée ! Lisez-la directement sur Archive of Our Own (mon pseudo : maiathoustra) ou checkez les dessins du chapitre sur instagram (maiathoustra).

Résumé : Draco, 24 ans, habite dans le monde moldu depuis 5 ans et demi. Il y mène une vie paisible et routinière. Certes, il plonge parfois dans sa Pensine pour revoir un souvenir avec Harry, avec qui il a été ami dans le passé, mais globalement, il se porte bien. Tout bascule le soir où, en surfant sur un site pornographique, il tombe sur la photo d'un homme qui ressemble à Harry...


TIPHERET ET JUSTAGUY

Chapitre 1 : Mikados et Site porno

''il préférait que ce soit du sperme plutôt que du vomi''


18 septembre 2004

Avec un soupir soulagé, Draco referma la porte de son appartement derrière lui. Il était enfin rentré.

La journée avait été longue et éprouvante. Comme tous les samedis, le café où il travaillait n'avait pas désempli. Il n'avait pas eu le temps de prendre sa pause, en fait, c'était tout juste s'il avait été autorisé à se rendre aux toilettes. Il avait terminé son service en pilote automatique, rêvant du moment béni où il rentrerait chez lui, enlèverait ses chaussures cirées et se jetterait dans son lit.

Cependant, une fois déchaussé et étalé de tout son long sur son matelas une place, Draco se rendit compte qu'il n'avait pas sommeil. Et pour cause, il n'était même pas dix-neuf heures.

Qu'allait-il bien pouvoir faire de sa soirée ?

Alors qu'il se redressait, agacé, son regard fut attiré par un reflet doré. C'était la petite clef qui pendait autour de son cou. Elle s'était mise à tourner sur elle-même, brillant comme un Gallion ou comme un soleil miniature...

Draco, Draco, disait-elle de sa voix de sirène, après la journée que tu viens de vivre, tu as amplement mérité un voyage dans le passé. Retourner en arrière te ferait le plus grand bien...

Ne commence pas, toi. Pas ce soir, songea fermement Draco, bien qu'il était incapable de détourner les yeux de la petite clef dorée.

Oh, Draco, rien ne sert de faire semblant avec moi ! répondit la clef avec un rire narquois. Je lis dans ton cœur et voilà ce que j'y vois : un immense désir, bouillonnant comme de la lave. Pourquoi lutter, alors que tu meurs d'envie de te perdre dans le flot du temps, où aujourd'hui et hier appartiennent à la même dimension, où rien ne change, où tout est toujours pareil ? Pourquoi lutter, alors que je peux te faire remonter le cours des choses ? Ah, tes doutes faiblissent... Allons, utilise-moi, Draco... personne n'en saura jamais rien...

Draco n'avait jamais réussi à résister longtemps à ses suppliques. Ce soir-là, il ne tint pas plus de quelques secondes. La clef avait peut-être raison, après la journée qu'il venait de passer, un saut dans le temps ne pourrait pas lui faire de mal... Et ce n'était pas comme s'il avait autre chose à faire.

Avec un mélange de résignation et d'excitation, Draco ôta la clef d'or de son cou et alla ouvrir son placard à souvenirs.

Sur les étagères en bois, étaient méticuleusement alignées plusieurs dizaines de fioles transparentes. Elles portaient toutes une étiquette et elles étaient remplies d'une étrange substance, entre liquide et fumée. On aurait dit de la poussière d'étoile, ou de minuscules galaxies, ou encore des éclats d'ouragan, en tout cas, quelque chose d'extraordinaire qui n'avait rien à faire dans le placard d'un serveur de café.

Draco laissa son doigt courir sur les fioles étiquetées, incapable de se décider. Il finit par en prendre une au hasard. Peu importait le lieu, peu importait la date, finalement, tant qu'il avait l'oubli.

Un instant plus tard, il avait posé sa Pensine sur la table à manger, versé le souvenir à l'intérieur et, sans perdre une seconde de plus, il avait plongé dans le passé.

xXx

souvenir du 19 juillet 1998

Il atterrit dans une chambre à coucher familière. Des posters moldus de motos et de femmes en bikini recouvraient la quasi-totalité des murs. Il y avait aussi des photos sorcières, montrant quatre adolescents riant au bord de l'eau ou assis pêle-mêle dans un lit à baldaquins. Toutefois, l'aspect le plus étonnant de cette chambre était ses couleurs.

Les rideaux en velours rouge étaient bordés d'or, le linge de lit était dans les mêmes tons. Au dessus du bureau, il y avait une immense bannière pourpre où était brodé « Gryffondor » et, sur la grande penderie à gauche de Draco, on avait placardé un écusson représentant un lion doré.

Draco s'avança d'un pas décidé en direction du lit. Il n'avait pas encore identifié le souvenir dans lequel il était tombé – il en avait beaucoup et tous remontaient à plus de cinq années en arrière – mais s'il était au moins sûr d'une chose, c'était qu'il n'était pas là pour admirer la décoration de la chambre de Sirius Black.

Dans le lit, Harry Potter, dix-huit ans, et Draco Malfoy, dix-huit ans lui aussi, étaient assis en tailleur l'un en face de l'autre, des cartes à jouer dans les mains.

– J'abandonne, Potter, déclara Draco avec un soupir dramatique, en envoyant ses cartes en l'air. Je m'ennuie. Je ne sais pas pourquoi je continue à accepter tes propositions de jeux. En fait, je pense que je viens de mettre le doigt sur le cœur du problème, tu ignores ce qu'est l'essence d'un jeu. Un jeu, vois-tu, a pour dessein de divertir les personnes qui y participent. Pas les assommer, Potter, les divertir.

– Et je suppose que tu n'es pas en train de te divertir ? grimaça Harry, en ramassant les cartes éparpillées sur le lit.

– Je viens de te le dire, non ? Avec une telle capacité de déduction, tu feras un bien piètre Auror.

– Je ne suis même pas sûr de vouloir devenir Aur– Hey ! C'est à moi ! Rends-moi ce paquet de biscuits, Malfoy !

Draco sourit de toutes ses dents et leva haut la main, agitant le paquet de mikados en l'air.

– Rends-moi ça ! s'écria encore Harry, en gesticulant pour attraper la boîte de biscuits. C'était dans mon sac ! Quand as-tu fouillé mon sac ?

– Il y a un instant, répondit le blond, en évitant habilement un coup de coude. Tu ne m'as pas vu faire ? Ah, suis-je bête, tu étais en train de chercher tes cartes à jouer sous les oreillers. Je le répète, un bien piètre Auror...

– Malfoy !

Harry se jeta sur son ami, le renversa sur le dos et attrapa ses deux poignets pour le maintenir immobile. Leurs bassins rentrèrent en collision et, soudain, leurs visages n'étaient plus séparés que par quelques centimètres. L'espace d'une seconde, l'air parut s'épaissir entre eux, comme chargé d'une tension inconnue... puis Harry s'empara du paquet de mikados dans la main lâche de Draco et se redressa à toute vitesse.

[ILLUSTRATION]

– Sers-toi si tu en veux, marmonna-t-il en désignant la boîte de biscuits du menton et en évitant soigneusement le regard de Draco.

– Tout ce cirque pour finalement m'en proposer, se força à ricaner le blond, avant de prendre un mikado.

Pendant deux ou trois minutes, on n'entendit plus que le craquement des biscuits dans la bouche des deux adolescents. Puis Harry se pencha vers Draco, les yeux pétillants de malice, toute gêne manifestement oubliée.

– Tu t'ennuies toujours ? demanda-t-il en battant des paupières, tentant en vain d'avoir l'air innocent.

– Oh Merlin, je sens que tu viens encore d'avoir une idée fumeuse, Potter, mais dis toujours.

– Et bien... quand j'étais gamin et que j'étais tout seul à la maison, par exemple quand mon oncle, ma tante et mon cousin partaient dîner chez des amis, il m'arrivait de sortir de mon placard...

– Terrifiant ! s'exclama Draco, en feignant l'effroi. Un véritable délinquant en herbe.

– Tais-toi et laisse-moi raconter. Je disais donc que je sortais de mon placard pour aller piquer des restes dans le frigo – le garde-manger si tu préfères – mais aussi pour aller regarder la télévision. Je t'ai expliqué ce qu'est–

– Je sais ce qu'est une télévision, Potter, le coupa Draco d'un ton sec.

– Bref, une fois, je suis tombé sur une série pour ados. Dans cet épisode-là, ils jouaient à un jeu. Ils étaient à une fête alcoolisée–

– Par Salazar, est-ce que j'ai bien entendu ? Une fête avec de l'alcool ? Mais que fait le Ministère des Moldus ?

– Arrête de m'interrompre ! protesta Harry en riant malgré lui. Sauf si tu ne veux pas savoir à quel jeu ils jouaient ?

– Je ne veux rien entendre de plus, Potter, frissonna Draco en se bouchant les oreilles. Il me suffit de savoir qu'il y avait de l'alcool pour savoir que c'était mal. Mal, Potter ! Et c'était très, très, mal de ta part de regarder ça à quatre ans...

– J'en avais au moins huit ! Ou neuf !

– Mal, Potter, répéta Draco. Mais je t'écoute. Tout compte fait, je trépigne d'impatience de connaître le fin mot de ton histoire. Tes mots sont des plumes qui caressent mon cœur et laissent derrière eux un millier de petites fées argentées. Tu es plus poète que l'illustre Beedle le Barde, que dis-je ? Tu manies les lettres comme Merlin maniait sa baguette !

– Tu en fais trop, grimaça Harry en étouffant un rire. Bref, le jeu impliquait justement des mikados.

– Ne me dis pas qu'il fallait les insérer... oh non... douce Morgane, je ne suis pas prêt à entendre ça, au final, dit Draco en portant une main à son cœur.

– En effet, il fallait bien les insérer quelque part...

Cette fois-ci, Draco porta la main à sa bouche, véritablement choqué.

– Dans la bouche, sourit Harry, d'un sourire facétieux. Il fallait mettre les mikados dans la bouche. On peut y jouer maintenant, si ça te dit.

– Je n'ai pas compris les règles du jeu. Non, tu n'as pas expliqué les règles du jeu, Potter.

– J'y venais ! On prend l'extrémité d'un mikado dans la bouche, comme ça, dit Harry en plaçant un bâtonnet entre ses dents... et l'auchtre per'onne doit 'endre l'auchtre bout dans cha–

– Je ne comprends rien, articule. Ou bien enlève ce mikado de ta bouche. Merlin, il faut tout te dire.

– On prend chacun un bout du mikado entre les dents, et celui qui casse le mikado en premier a perdu.

– D'accord, dit lentement Draco, l'air perplexe. Je ne vois pas quel est l'intérêt de ce... jeu, mais soit, faisons ça. Ce sera toujours plus divertissant que le Uno. Je commence.

Il coinça l'extrémité non chocolatée d'un mikado entre ses dents et attendit, en arborant une expression très ennuyée, que Harry attrape l'autre côté.

– 1, 2, 3... compta Harry entre ses dents, avant de croquer un petit bout du biscuit.

Surpris, Draco ouvrit grand la bouche, faisant tomber le mikado sur le lit.

– Tu ne m'as pas dit qu'il fallait le manger, Potter, sale tricheur ! s'écria-t-il. Cette manche ne compte pas, évidemment. On recommence.

Harry leva les yeux au ciel mais il ne dit rien. Il prit un nouveau mikado dans la boîte et le plaça précautionneusement entre les dents de son ami.

De la salive s'accumula aussitôt dans la bouche de Draco, le forçant à déglutir sonorement. Sa gorge était serrée, sa respiration courte, son cœur battait la chamade, et son boxer était soudain beaucoup trop étroit. Salazar, il fallait qu'il se reprenne. Harry venait de glisser un simple biscuit entre ses lèvres. Un biscuit, rien d'autre.

Harry compta de nouveau jusqu'à trois, puis les deux garçons se mirent à manger le mikado petit bout après petit bout, leurs bouches se rapprochant dangereusement. Quand ils furent tout près du milieu, leurs regards se croisèrent et Draco lâcha ce qu'il restait du bâtonnet en même temps que son cœur ratait un battement.

– Ce jeu est stupide ! grogna-t-il tout en prenant un nouveau mikado dans le paquet.

Ils réessayèrent plusieurs fois d'affilée mais à chaque fois qu'ils approchaient du milieu, l'un d'eux craquait. Une fois, Harry partit dans un fou rire. Une autre fois, Draco serra trop les dents, brisant le biscuit. Une autre fois encore, ils s'écartèrent tous les deux d'un même mouvement, pris d'une sorte de panique inexplicable.

Et puis, une fois, ils tinrent bon et leurs lèvres s'effleurèrent, mais ils ouvrirent les yeux, et le dernier morceau du mikado leur échappa.

Un quart d'heure plus tard, Draco fourra la boîte de mikados dans le sac de Harry, décrétant que ce jeu-là n'était guère plus amusant que le précédent.

Le souvenir s'arrêtait sur la scène suivante : Draco, les bras croisés, râlant, et Harry dans son dos, se moquant de lui.

Le véritable Draco, celui qui avait vingt-quatre ans et qui portait un uniforme de serveur, resta planté à côté du lit avec une expression de désespoir. Il demeura là plusieurs minutes durant, et il avait l'air d'un homme ivre devant la porte fermée d'un bar ou d'un enfant à la fin de sa fête d'anniversaire, quand tout le monde est parti.

Autour de lui, les contours de la pièce ondulaient et se désagrégeaient, comme s'ils étaient doués de conscience et qu'ils cherchaient à le chasser. Sentaient-ils qu'il ne faisait pas parti de ce temps-là et qu'il était l'heure pour lui de s'en aller ?

Lorsque Draco ne fut plus entouré de rien d'autre que de fumée opaque et qu'il eut l'impression de se noyer dans le néant, il leva finalement la tête et sortit de la Pensine.

xXx

Draco s'affala sur une chaise, encore plus épuisé qu'il ne l'était en sortant du travail. Il ne revoyait pas souvent ses souvenirs avec Harry, et il venait de se rappeler pourquoi : à chaque fois qu'il visitait le monde irréel de la Pensine, il revenait frustré et malheureux.

Après avoir rangé le souvenir et la bassine de pierre à leur place, Draco se fit la promesse de ne pas rouvrir le maudit placard avant l'année suivante, voire celle d'après. La prochaine fois, la clef dorée aurait beau l'implorer et l'implorer encore, Draco ne céderait pas à ses caprices.

Oui, la prochaine fois, Draco serait fort, la prochaine fois, il se souviendrait que toutes ces petites fioles étaient autant de plaisirs coupables et tentateurs qui lui faisaient beaucoup plus de mal que de bien. Elles n'étaient en aucun cas un remède. Elles étaient le virus.

Parfois, il lui arrivait de passer des mois entiers sans ouvrir les portes du placard. Durant ces périodes-là, il avait l'audace de croire – pauvre fou ! – qu'il était finalement libéré du passé et de Harry. Il faisait sa petite vie dans sa petite banlieue de Londres. Le mercredi soir, il voyait Pansy et Blaise – bien que Blaise soit souvent absent ces derniers temps –, le vendredi, il achetait une pâtisserie à la boulangerie du coin et le dimanche, il faisait sa lessive.

Sa vie n'était peut-être pas passionnante mais c'était celle qu'il avait choisie. Elle lui convenait. C'était un quotidien stable et rassurant, composé d'habitudes que Draco accumulait consciencieusement depuis cinq ans et demi.

Oh, mon petit Draco, aimes-tu réellement ta vie dépourvue de magie et de fantaisie ? Pardonne-moi de douter, mais tu finis toujours par retomber dans ta Pensine. Je ne dirais rien si ces escapades dans le passé te suffisaient, mais ce n'est pas le cas, n'est-ce pas ? Tu as toujours envie de plus, beaucoup plus...

Tais-toi, grogna mentalement Draco, en serrant la clef d'or dans son poing, comme pour l'étrangler.

Et oui, Draco, continua la voix comme si elle n'avait pas été interrompue, quand tu ressors de ta pauvre bassine, tu hésites entre replonger dedans ou jeter tous tes souvenirs dans les égouts. Enfin, regarde-toi ! Ton corps et ton esprit sont aussi agités que si tu étais habité par un démon ! Et tes pensées, écoute donc tes sombres pensées ! « Je vendrais ma ratte, mes reins ou mes poumons contre un Retourneur de Temps, je tuerais mille innocents si cela pouvait me ramener en arrière, je ressusciterais le Seigneur des Ténèbres s'il était capable de me renvoyer dans le passé » !

Arrête ! gémit Draco, ses ongles s'enfonçant dans la peau de sa paume, ses jointures devenant blanches. Arrête ou je te détruis !

Draco, tu ne feras jamais cela, sourit la clef. Tu me détestes mais je suis la seule chose que tu possèdes. Tu voudrais une porte, je ne suis qu'une fenêtre. Tu voudrais avoir dix-huit ans de nouveau, je ne puis t'offrir qu'une illusion. Mais c'est déjà cela, n'est-ce pas, ce que je te montre, c'est déjà mieux que rien...

Draco tirait désormais si fort sur la clef que la chaîne d'or s'enfonçait dans sa nuque comme les dents d'une scie. Il la détestait, mais il détestait encore plus le fait qu'elle avait raison. Draco échangerait volontiers n'importe lequel de ses organes vitaux contre un Retourneur de Temps.

S'il avait un de ces merveilleux artefacts... oh, s'il en avait un... il pourrait retourner au jour des mikados et embrasser mille fois Harry. Il pourrait revisiter chacun de ses souvenirs avec Harry, chacun d'eux, Merlin, et saisir chaque occasion d'être intime avec lui. Il pourrait changer le passé.

Mais il n'avait pas de Retourneur de Temps. Il n'avait qu'une putain de collection de souvenirs.

Comment avait-il pu être assez bête pour croire la clef quand elle lui avait promis délivrance et relaxation ? Tout ce que le souvenir avait réussi à faire, c'était transformer son estomac en une boule de nerfs, de regrets et de manque, tellement de manque.

Même cinq ans après, le manque était toujours le sentiment le plus difficile à gérer.

Draco compta jusqu'à dix, ferma les yeux, les rouvrit, puis il desserra un à un ses doigts de la clef d'or et la rangea sous sa chemise. Il n'allait pas passer sa soirée à haïr un morceau de métal. Il avait suffisamment fait cela par le passé et cela ne l'avait jamais avancé à grand chose.

Un coup d'œil à sa montre lui apprit qu'il était dix-neuf heures trente. Il pourrait se préparer à manger. Manque de chance, il ne possédait plus d'appareil digestif opérationnel.

En quête d'inspiration, il fit un tour sur lui-même et son regard tomba sur l'écran de son ordinateur. Oh, voilà exactement ce qu'il lui fallait. Il appuya prestement sur le bouton power de la tour et, dès que le pc se fut lancé, il cliqua sur le logo Internet Explorer 6 (1).

Draco était un consommateur moyen de contenu pornographique. Deux à trois fois par semaine, il tapait dans la barre de recherche des mots-clefs qui feraient frémir sa mère, s'accordait une séance de masturbation expéditive, puis il retournait sur le web normal pour lire des articles très sérieux écrits par des personnes très sérieuses (2).

Il n'avait pas prévu de se branler ce soir-là, mais il allait quand même le faire, car après le souvenir des mikados, quelque chose devait absolument sortir de son corps, et il préférait que ce soit du sperme plutôt que du vomi.

Il se rendit sur sa galerie de photographies préférée et entra les mots suivants dans la barre de recherche du site : « jeune gay bronzé desi sexy poilu ». Quelques instants plus tard, des dizaines de miniatures apparurent sur la page.

Draco cliqua sur plusieurs icônes prometteuses mais aucune photo ne trouva grâce à ses yeux. Les modèles avaient beau être jeunes et bronzés, posséder des torses couverts de boucles brunes et des parties génitales plus que correctes, ils laissaient Draco de marbre. Ce qui était fâcheux, car Draco avait besoin, vitalement besoin, d'un support visuel pour se masturber, éjaculer, et passer à autre chose.

Il allait fermer la fenêtre d'un clic de souris rageur quand son regard se posa sur une miniature ensorcelante. Doux Merlin, c'était exactement ce qu'il recherchait... du moins, ça en avait l'air. Le cœur battant et le souffle court, Draco cliqua dessus.

Comme pour le narguer, l'image, pourtant de basse qualité, se chargea tronçon après tronçon, révélant son contenu avec une lenteur insoutenable...

Mais quel contenu !

On ne voyait pas le visage de l'homme sur la photo, mais rien n'était plus anecdotique. Son corps à lui seul était la preuve que Merlin avait entendu les prières de Draco et qu'il lui avait envoyé un ange.

L'homme sur la photo était un fantasme ayant temporairement pris forme humaine. Il était un rêve qui s'était solidifié, il était un astre qui avait changé de nature. Il était un cosmos dans une enveloppe de chair, il était un trou noir dans lequel Draco se jetterait sans y penser à deux fois.

Il était tout ce à quoi Draco avait aspiré quand il avait lancé sa recherche, mais il était aussi infiniment plus.

On ne voyait pas son visage mais son corps criait la jeunesse. Ses bras étaient longs et lâches, son bassin étroit, ses coudes pointus, en somme, il possédait la gaucherie charmante de ceux qui n'ont pas encore vingt-cinq ans.

Toutefois, malgré son corps gracile, il n'était ni maigre ni imberbe. Des muscles saillants se dessinaient sous sa peau brune et, sur son torse, des poils bouclés et brillants invitaient Draco à entrer dans l'écran de l'ordinateur pour faire plus ample connaissance.

Puis Draco s'aperçut qu'on voyait le gland du modèle et tout son sang se précipita immédiatement dans son pénis.

La photo était prise de face, et l'homme sans visage avait la main droite glissée dans son slip blanc. Mais comme il s'agissait d'un slip avec une ouverture sur le côté, son gland rouge pointait légèrement en dehors...

[ILLUSTRATION]

Oh Merlin, Draco allait gicler sur son clavier.

Il n'avait pourtant jamais trouvé les slips à poche séduisants. Bien au contraire, le jour où il avait découvert cette invention moldue – un sous-vêtement à poche ! Pour pisser plus vite ! – il avait ri à n'en plus finir.

Et ce n'était pas comme si la photo était sexy en elle-même. En effet, si Draco l'étudiait avec objectivité, ce qu'il ne serait sûrement capable de faire qu'après avoir joui quatre fois en l'espace d'une minute, il s'apercevrait que c'était la photographie la moins érotique qu'il ait jamais vue sur un site pornographique.

Le modèle s'était contenté de fourrer sa main dans un slip kangourou ridicule et de prendre une photo. Il n'avait réfléchi ni à la lumière ni à l'angle, encore moins à sa pose. Il avait simplement enroulé sa main autour de sa bite et appuyé sur le déclencheur.

Le problème était que c'était déjà beaucoup trop. Si l'inconnu avait pris la photo en contre-plongée, en faisant la mise au point sur son pénis moulé dans le tissu, Draco serait probablement mort sur place, foudroyé. Mais l'homme sans visage n'avait pas fait cela. L'homme sans visage n'avait pas eu besoin de faire ça, car son corps ressemblait à celui de Harry Potter.

Quelques secondes plus tard, Draco éjacula sur son uniforme de travail.

Quand sa montre indiqua vingt heures, il se leva et nettoya la tache de sperme. Ensuite, il enfila son pyjama, se fit à manger, mangea ce qu'il s'était fait à manger, se brossa les dents et se mit au lit. Il fit tout cela dans un état second, la photographie brûlée sur sa rétine comme une vision envoyée par le diable.

L'homme sans visage avait fait disparaître le souvenir des mikados de l'esprit de Draco – et pour cela, Draco lui en était reconnaissant – mais il s'était installé à la place laissée vacante. Le mal qui rongeait Draco n'était pas vaincu, il avait simplement changé de nature.

Avant d'éteindre la lumière, Draco tenta de lire, de regarder la télévision et même de parlementer avec lui-même, en vain. Le mystérieux modèle ne voulait pas quitter ses pensées.

Pourtant, Draco avait conscience que l'inconnu ne ressemblait pas réellement à Harry. De une, il n'avait aucune idée de ce à quoi ressemblait Harry aujourd'hui et, de deux, il avait l'habitude de trouver des airs de Harry à n'importe qui, que ce soit à sa voisine du dessus ou à son chauffeur de bus.

Malheureusement pour lui, son imagination n'en avait rien à faire de ses démonstrations en trois parties et elle le réveilla une demi-douzaine de fois au cours de la nuit dans le seul but de lui montrer l'image de l'inconnu.

Aux alentours de quatre heures du matin, Draco craqua. Il se leva d'un bond, ralluma son ordinateur et retourna sur sa galerie pornographique préférée. Il se rendit dans la zone de commentaires sous la photographie qui l'empêchait de dormir et y tapa le message suivant :

Tipheret, il y a une seconde : Bonjour, quelqu'un connaîtrait le nom du modèle svp ?

Puis il retourna se coucher.

xXxxXxxXx

19 septembre 2004

Le lendemain, Draco rentra du travail beaucoup plus en forme que la veille. Comme tous les dimanches, le Spleen avait principalement accueilli des habitués, et il en résultait un service autrement plus agréable.

Après avoir dîné, Draco alluma son ordinateur pour trier sa boîte mail, chose qu'il faisait toutes les semaines. Il s'apprêtait à supprimer l'intégralité des courriers indésirables quand il remarqua le titre du dernier mail : « Dicklover a répondu à votre commentaire ».

Draco cligna des yeux, ébahi. Tout lui revint d'un coup : le souvenir des mikados, la photo ensorcelante, le commentaire posté au beau milieu de la nuit...

Et quelqu'un y avait répondu !

Draco n'avait jamais espéré...

Mais il était trop tôt pour se réjouir. Il s'agissait peut-être d'une fausse alerte... Oui, Dicklover avait sûrement écrit « tu veux voir ma bite ? ».

Fébrile malgré tout, Draco cliqua sur le lien dans le mail et fit défiler la page web jusqu'à la session de commentaires. Entre deux messages obscènes de iEATcum et horse-man26, il trouva la réponse de Dicklover.

Dicklover, 16h23 : slt tipheret. Son pseudo c'est justaguy, il a un blog où il poste des photos de lui etc. je pourrais manger son TROU. Je pourrais manger le tien aussi ;) xox

Un rire bref, entre hallucination et exaltation, franchit les lèvres de Draco.

Justaguy ? Le pseudonyme de l'homme sans visage était justaguy ? L'être surnaturel qui l'avait hanté toute la nuit jouait-il au faux modeste ou pensait-il sincèrement être « juste un gars » ?

Draco n'en savait rien. Il ne savait rien de cette personne aux airs de Harry Potter.

Mais ça pouvait changer très vite. Draco connaissait désormais son pseudo – justaguy, non mais vraiment, il ne s'en remettait pas – et grâce à cette information, il pouvait retrouver sa trace partout sur la toile. Les Moldus n'avaient pas la Magie, mais ils avaient Internet.

Avec un sourire dérangé, Draco ferma sa boîte mail yahoo, qu'il trierait une autre fois, tout compte fait, et tapa « justaguy blog porno » dans la barre de recherche google (4).


A Suivre...


Note (1) : Internet Explorer 6 (2001-2006) était le navigateur le plus utilisé au début des années 2000, malgré de nombreux bugs et problèmes de sécurité. Son concurrent, Firefox, naît en novembre 2004.

Note (2) : La navigation privée apparaît en 2005 avec Safari.

Note (3) : Les sites pornographiques 2.0 (avec des communautés et du partage de contenu par les utilisateurs) comme Pornhub, Youporn, Redtube sont nés très récemment, en 2006-2007, en même temps que les réseaux sociaux et youtube.

Note (4) : Google voit le jour en 1999-2000.

Prochain chapitre en ligne le 22 septembre : Draco découvre le blog de justaguy et développe une franche obsession pour lui.

J'espère vous revoir très bientôt ! Dans tous les cas, merci d'avoir lu ce début d'histoire. Si jamais, il y a le petit rectangle magique pour laisser une review :D N'hésitez pas à me dire ce que vous avez aimé dans ce premier chap, comment vous imaginez la suite etc.

N'oubliez pas de checker les illustrations sur Archive of Our Own ou instagram (maiathoustra) !