Hello tout le monde.

Cela m'aura pris plus de temps que prévu (en vrai j'ai pratiquement réécrit tout le premier passage), voici le second et dernier chapitre de cette fic.

Ecrire sur ce fandom et tous ses personnages m'a beaucoup plu et je pense que je réitérerai l'expérience. Bientôt. Vraiment bientôt en fait ^^

En tout cas, un grand merci à Haru, Nin et Leo pour leurs reviews et à tous ceux qui se sont arrêtés pour me lire.

J'ai longuement hésité sur comment terminer cette histoire, j'espère que mon choix vous conviendra.

Bonne lecture.


Comme il avait dû rentrer à Namimori, encore une fois pour écouter Sawada Tsunayoshi débiter des idioties, Hibari décida de passer la nuit dans sa propriété aux abords du temple de sa ville. Cet endroit était son sanctuaire, l'avait toujours été d'aussi loin qu'il s'en souvienne et il le gardait aussi séparé du monde de la mafia que possible.

C'était cette volonté, ainsi que le fait qu'il tenait à la tranquillité du lieu, qui l'avait poussé à refuser de le relier à la base souterraine des Vongolas pendant des années. Il avait beau se souvenir du futur, et d'à quel point le passage entre les deux les avait aidé, il n'avait pas voulu voir sa maison envahie d'idiots bruyants et sans gêne. À l'époque, il avait déjà bien assez de Cavallone et de ses visites impromptues. Hibari supposait que, maintenant, il n'avait plus rien à craindre de ce côté et il refusait tout simplement d'entretenir l'idée que ça puisse lui poser un quelconque problème. Comme il l'avait dit à l'herbivore : bon débarra.

Alors qu'il parcourait les couloirs blafards, il ne put qu'avouer que ce passage avait quand même quelques avantages. Déjà, il rendait le trajet entre le QG des Vongolas et sa maison beaucoup plus rapide, mais en plus, il n'y avait ici aucun souvenir prêt à lui sauter au visage. Depuis le temps qu'il parcourait les rues de Namimori, Dino collé à ses basques, la ville était pleine de magasins, restaurant, parcs qui étaient autant de pièges mortels pour son contrôle.

Beaucoup trop de choses lui rappelaient Cavallone et ses propres réactions l'irritaient au plus haut point. Alors qu'auparavant, il ne ressentait que de l'ennui et une légère colère quand le Don envahissait ses pensées, il devait désormais supporter la manière dont sa poitrine se serrait et dont son souffle se coupait. Non vraiment, c'était un heureux coup du sort que les travaux d'aménagements se soient terminés quelques semaines auparavant, lui évitant ainsi de traverser Namimori pour rentrer.

Il arriva enfin à la porte qui donnait sur son domaine et, à peine le passage franchi, ses épaules se détendirent. L'odeur de tatami et de bois, ainsi que celle de l'herbe fraîchement coupée, envahirent ses narines. Rien ne sentait comme cet endroit et Hibari constata qu'un peu de sa sérénité habituelle reprenait déjà ses droit.

Il fit quelques pas et s'arrêta net, le regard fixé sur une estampe de l'autre côté du couloir. L'alouette représentée dessus était posée sur une branche, prête à reprendre son envol, une plume de la couleur des blés dans son bec.

« Je l'ai fait faire spécialement pour toi, Kyōya. J'ai pensé que tu pourrais l'installer dans le couloir qui passe le long du jardin nord. »

Chaque détail avait son importance et le fait que de tous les oiseaux, Dino ait choisi celui dont il portait le nom, n'était pas anodin.

« Qu'est-ce qu'il fait avec cette plume. »

« Je ne sais pas, Peut-être qu'il en a besoin pour faire son nid. Tu vois de quoi je parle ? Cet endroit où l'on retourne toujours et où l'on se sent bien ? »

« Je sais ce que c'est qu'un nid, je ne suis pas idiot. »

La couleur de la plume, si proche de celle des cheveux de Cavallone, avait également un sens caché.

« Cette couleur est bien trop claire, elle va attirer tous les prédateurs. Pourquoi l'a-t-il choisie ? Est-il comme toi, sans aucun instinct de conservation ?»

« Peut-être parce qu'il a tout simplement envie de l'avoir près de lui lorsqu'il se repose. Peut-être parce que personne n'est assez bête pour attaquer cet oiseau en particulier. C'est une alouette spéciale, tu sais, elle est connue pour mordre à mort les animaux qui s'approchent un peu trop. »

« Les alouettes n'ont pas de dents. »

« Et elles semblent ne pas comprendre le second degré. »

Sauf que Hibari, du haut de ses dix-huit ans à l'époque, avait tout à fait compris ce que voulait Cavallone. Une place auprès de lui, dans sa maison. Et alors que leur relation avait pris une tournure beaucoup plus intime depuis quelques semaines, il l'avait laissé faire et avait accroché l'estampe exactement à l'endroit proposé.

Secouant la tête pour en chasser le souvenir, Kyōya reprit son avancée et détacha calmement le cadre du mur. Il se dirigea vers le bureau de Kusakabe et glissa la porte sans s'annoncer. Tetsu se leva immédiatement, abandonnant ce qu'il était en train de faire. Hibari posa la peinture au sol et lui ordonna :

« Débarrasse-toi de ça. »

« Bien sûr. Yamamoto m'a appelé pour m'annoncer que votre réunion était terminée. J'ai pris la liberté de préparer un bain. Et ton kimono habituel est accroché au dos de la porte. »

Kyōya répondit d'un simple hochement de tête et sortit sans tirer le panneau qui fermait la pièce. S'immerger dans de l'eau chaude devrait éliminer la tension qui persistait à l'intérieur de chacun de ses muscles.

« Kyōya, cette baignoire est bien assez grande pour deux. »

« Sors d'ici, Cavallone. »

« Mais euh, tu n'es pas gentil. Il fait froid, je ne veux pas attendre. Et puis d'abord, n'est-ce pas la coutume de partager la baignoire quand on fait partie de la même famille ? »

« Tu ne fais pas partie de ma famille. »

« Ouch ! C'était méchant, Kyōya ! Pourquoi est-ce que tu es toujours aussi méchant ? »

« Pourquoi est-ce que tu imposes toujours ta présence sans t'assurer avant qu'elle soit désirée? »

Du coin de l'oeil, Hibari vit le sourire de Dino changer, de faussement outré, il devint espiègle.

« Es-tu certain qu'elle n'est pas désirée ? Vraiment ? »

Cavallone avait l'air ridicule, avec une serviette blanche trop petite autour de taille, frissonnant sur le pas de la porte de la salle de bain. Mais même comme ça, Hibari ne put s'empêcher d'apprécier les kilomètres de peau bronzée, constellée de tatouage et de cicatrices.

« Kyōya, s'il te plaît. Je vais finir par tomber malade. »

« Tu dois passer sous la douche et te laver avant. Et ferme cette porte ! »

Avec un sourire qui aurait pu éclipser le soleil, Dino s'était empressé d'obéir, le rejoignant dans la baignoire en un temps record. Comme d'habitude, il lui avait fallu plusieurs minutes pour trouver une position confortable et plus d'une fois Kyōya s'était levé, prêt à sortir avant d'être retenu par une main sur le poignet et un sourire plein d'espoir.

Sauf que cette fois, alors qu'il quittait la baignoire - l'eau chaude étant inutile contre la colère glaciale qui le parcourait - personne ne le retint. Personne ne le retiendrait plus jamais. Il se sécha rapidement et enfila un kimono.

Hibari garda les yeux fixés droit devant lui pendant qu'il rejoignait la grande pièce dans laquelle il prenait habituellement son thé. Il commençait à se rendre compte que sa propre maison contenait autant de souvenirs de Dino que les rues de Namimori. Il serra les dents. Il ne se ferait pas chasser de chez lui par cet idiot. Il était mort, il n'avait aucun droit de lui dicter sa conduite.

Après s'être installé devant le plateau que Tetsu avait préparé pour lui, Kyōya commença à se servir du thé. Il laissa l'habitude guider tous ses gestes et peu à peu il se détendit. Les jambes repliées sous lui et le dos droit, il porta la coupe en céramique à ses lèvres et prit une gorgée du Genmaicha Yama, parfaitement infusé. Il ferma les yeux.

« Kyōya, on pourrait aller se balader tout à l'heure, le temps est magnifique. »

« Non. »

« Et si on allait rendre visite à Tsuna ? »

« Non. »

« Je mangerai bien chez le père de Yamamoto ce soir, tu m'accompagnes ? »

« Non. »

« Hey Kyōya, qu'est-ce qu'il y de si génial à demeurer sans bouger durant si longtemps ? »

« Tu le saurais si tu parvenais à rester immobile plus de cinq minutes. »

« C'est pas ma faute, être assis en seiza n'est vraiment pas confortable. »

« C'est parce que tu es faible et sans aucun contrôle. »

Une main glissa le long de sa mâchoire, aussi légère qu'un courant d'air. Hibari ouvrit les yeux qu'il avait fermé un peu plus tôt dans l'espoir d'ignorer la présence du Don dans son sanctuaire. Dino était à quelques centimètres de lui, penché au dessus du plateau et du thé qui fumait encore. Quand leurs regards se croisèrent, Cavallone murmura :

« En effet, aucun contrôle, mais qui pourrait m'en vouloir ? »

« Moi. »

« C'est parce que tu ne te vois pas. Si c'était le cas, même toi serais obligé de me pardonner. »

Dino repoussa le plateau et s'approcha à nouveau, déposant un baiser sur ses lèvres et utilisant tout son corps pour forcer Kyōya à s'allonger sur dos, à même les tatamis.

« Je crois que je t'en pardonne déjà assez. »

Cette scène datait de deux ans, une des rares fois où ils s'étaient retrouvés tous deux au Japon au même moment. Et après que Dino se soit endormi au sol, un bras autour de la taille d'Hibari, s'assurant ainsi qu'il ne pourrait pas s'éloigner sans le réveiller, Kyōyas'était demandé s'il existait quelque chose qu'il pourrait un jour ne pas pardonner à l'autre homme.

Il avait fini par trouver : mourir. Mourir était ce qu'il était incapable de lui pardonner.

Malgré lui, ses poings se serrèrent et son bras traversa le shoji à sa droite. Il ne voulait pas penser à Dino. Plus jamais, et encore moins ici. Il avait permis à cet idiot de prendre trop d'importance. Hibari s'était laissé enchaîner, les liens qui les unissaient l'empêchant d'aller et venir librement comme le nuage représenté sur son anneau. Il allait récupérer le contrôle de son corps et de sa vie. Et ça commencerait ici, maintenant.

Après un effort délibéré de sa part afin de réguler sa respiration, Kyōya se resservit du thé. Il observa son jardin intérieur à travers le panneau ouvert et laissa le calme ambiant pénétrer son esprit. Il garda les yeux fixés sur l'étendue d'herbe, refusant de conjurer de nouveaux souvenirs, mais le vide en face de lui n'accepta pas d'être ignoré.

Il pouvait presque entendre Cavallone respirer et bouger légèrement, à une courte distance. S'il se concentrait vraiment, Hibari parvenait aussi à sentir les doigts de Dino glisser sur sa peau, suivis de ses lèvres.

Il rouvrit les yeux, surpris de les trouver fermés, et chercha du regard la seule personne qu'il n'ait jamais autorisé à approcher. Mais il ne rencontra que le vide. Le vide et le souvenir amer que plus jamais il ne pourrait prendre le thé ou boire un verre de saké avec lui.

Le plateau vola contre le mur sans qu'Hibari ne puisse se retenir. Le fracas de la céramique et de la porcelaine au sol fit arriver Kusakabe au pas de course.

« Kyō-san ! Qu'est-ce que - »

Ce qu'il allait dire mourut dans sa gorge quand il enregistra la scène devant lui. Ce n'était pas une attaque comme il l'avait certainement pensé et Hibari ne voulait pas voir la réaction de son subalterne à son manque inhabituel de contrôle. Il se leva, quittant facilement sa position au sol, et annonça qu'il se retirait dans ses quartiers pour la nuit et que toute personne qui oserait le déranger serait mordu à mort. L'instinct de conservation de Tetsu le poussa à rester silencieux et il se contenta d'hocher de la tête et de le laisser passer.

Kyōya traversa le jardin intérieur puis plusieurs couloirs jusqu'à arriver à l'enfilade de pièces qui lui servaient de quartiers personnels. Il ne recevait presque personne ici, ses rendez-vous professionnels se tenaient tous dans son bureau à l'avant de la maison. Et les quelques visites qu'il recevait à titre privé avaient lieu dans la salle qu'il venait de quitter.

Il s'avança vers son armoire et ôta le kimono qu'il avait passé suite à son bain. Ses costumes étaient utiles lorsqu'il travaillait, mais des tenues plus traditionnelles avaient toujours eu sa préférence. Surtout ici, dans son domaine. Hibari laissa la soie noire glisser de ses épaules et s'étaler au sol avant d'ouvrir la porte de son armoire. Il se figea devant ce qu'il trouva, au milieu de ses propres vêtements.

« Ça serait définitivement plus pratique que de demander à Romario de me déposer des habits propres le matin. »

« Tu pourrais aussi rentrer chez toi, rien ne t'oblige à passer la nuit ici. »

« Et rater l'occasion de te voir à la seconde où je me réveille ? Impossible. »

« Je suis toujours debout avant toi. »

La moue de Dino aurait plus eu sa place sur les lèvres d'un enfant que sur celles d'un Don de la mafia.

« C'est pas juste d'ailleurs, pourquoi est-ce que tu ne restes pas jusqu 'à ce que je me réveille ? »

« Tu bouges trop. Tu prends toutes les couvertures. Tu parles dans ton sommeil. »

« Tu dis ça comme si dormir avec moi était une torture. »

« Ça l'est. »

« Kyōyaaaaa! Pourquoi est-ce que tu es aussi cruel? »

« Je dis juste la vérité, c'est ton problème si elle te blesse. »

« Et bien, ta vérité est cruelle.»

Hibari avait oublié qu'il avait autorisé Dino à garder un de ses costumes ici. Après moult plaintes et tentatives de la part du Don, Kyōya avait fini par céder et accepter sa promesse que ce n'était ni le signe qu'il envahissait sa vie, ni un arrangement permanent. Cavallone avait eu raison en quelque sorte, le costume était là depuis moins de trois mois et il n'avait servi qu'une fois.

Sans vraiment regarder lequel il choisissait, Hibari sortit un de ses yukatas. Il attrapa par la même occasion le costume et s'éloigna. La manière dont son cœur battait douloureusement dans sa poitrine à la simple vue de la veste et du pantalon en tissu sombre l'irritait au plus au point. Il traversa sa chambre, la petite pièce attenante qui lui servait principalement de zone de stockage, sa bibliothèque personnelle pour enfin arriver à son bureau. Il jeta sans cérémonie le costume dans la poubelle et fit demi-tour sans se retourner.

Voilà qui devrait faire taire la voix qui lui martelait le crâne. Il savait pertinemment que plus jamais il ne pourrait regarder les lignes parfaites du corps de Dino donner vie à ses vêtements. Il n'avait pas besoin qu'on lui rappelle sans cesse ce fait. Tout comme il n'avait pas besoin qu'on égraine la longue liste de choses qu'il ne pourrait plus jamais faire en sa compagnie : ni se battre, ni boire, ni manger, ni discuter, ni dormir, ni prendre de bain. Plus rien du tout.

Il enfila son yukata sur le chemin du retour, nouant le obi autour de sa taille alors qu'il entrait de nouveau dans sa chambre. Le soleil était encore haut dans le ciel, mais ça n'empêcha pas Kyōya de se glisser entre ses draps et d'attraper le livre posé sur la petite table de chevet.

Il réussit à se plonger dans les textes d'Ueda Akinari sans difficulté. Les histoires fantastiques qui composaient Ugetsumonogatari étaient des récits dont il ne se lassait pas, quelque soit le nombre de fois où il les avait déjà lus.

Alors qu'il terminait Buppôsô et allait entamer l'histoire suivante, un papier tomba d'entre les pages. Légèrement surpris et fortement irrité à l'idée que quelqu'un ait oser entrer dans sa chambre et toucher à ses affaires, il attrapa la feuille et la déplia.

L'écriture lui était familière et sa respiration se bloqua dans sa gorge. Cavallone.

Je crois que ta manière d'éduquer les gens en les mordant à mort porte ses fruits. Plus jamais je ne laisserai le moindre petit trait de crayon sur les marges de tes livres. Tout mon corps a été douloureux pendant des jours la première (et je t'assure que ce sera la dernière) fois que j'ai essayé.

Te connaissant, je suppose que tu trouveras quand même à redire à cette nouvelle méthode. Enfin, avec un peu de chance, je serai loin lorsque tu trouveras ces mots et j'éviterai tes tonfas. Mais sache que, où que je sois quand tu liras ces lignes, je n'aurai qu'une envie : être ici, près de toi.

Sa vision se brouilla et sa main se mit à trembler. Il ferma le poing, emprisonnant la fragile feuille entre ses doigts serrés. Pas encore ! Furieux d'être à nouveau dérangé alors qu'il avait enfin retrouvé un semblant de contrôle, Hibari repoussa les draps et se releva. Il se dirigea ensuite vers la petite table qui délimitait le pied de son futon. Il y attrapa les allumettes dont il se servait habituellement pour l'encens placé là. Il gratta le fin morceau de bois et approcha la flamme du papier, mais avant que ce dernier ne puisse s'embraser, il l'écarta.

Il parvenait presque à entendre la voix de Dino dans ce message d'outre-tombe, avec son sourire idiot et ses yeux plein d'affection. Puis Kyōya se rappela que ce satané Cavallone ne lui manquait pas et que ces quelques mots, cachés là où il les trouverait forcément, n'avaient aucune espèce d'importance. D'une main qu'il força à rester stable, il enflamma le coin de la feuille et la laissa se consumer sur le support à encens.

Une fois débarrassé d'un nouveau souvenir inutile, Hibari retourna se coucher et reprit son livre. Après quatre lectures du même passage - toutes les quatre complètement infructueuses - il le referma sèchement et le reposa à sa place. Le décalage horaire devait être en train de le rattraper et jouait sur sa concentration, il était inutile d'insister. Il pourrait reprendre lorsqu'il reviendrait, quand Don Riccio serait mort sous ses coups et que lui-même aurait retrouvé le calme qui était habituellement le sien.

Il éteignit la lumière, se tourna sur le flanc et ferma les yeux. Mais le sommeil refusa de l'emporter. La moitié du futon qu'il avait laissé vide derrière lui semblait s'agrandir, jusqu'à former une fosse si profonde que Kyōya crut pendant quelques instants qu'elle allait l'engloutir à jamais. Irrité par ses propres pensées, il se mit sur le dos, en plein milieu du futon et fixa le plafond. C'était son lit et il y dormait seul plus souvent qu'accompagné. Il était hors de question que même absent, Dino l'en chasse. Il l'avait fait assez souvent lorsqu'il était présent.

Mais malgré toute sa volonté, deux heures plus tard, il ne dormait toujours pas. Son irritation s'était peu à peu transformée en colère, contre Cavallone qui l'obligeait à ressentir toutes ces choses, contre ceux qui lui avaient arraché, contre les Vongolas incapables de protéger leurs alliés et encore plus que tout, contre lui-même pour avoir laissé quelqu'un le mettre dans cette situation.

Il rejeta les couvertures d'un geste brusque et se leva. Il était inutile de rester ici. Hibari savait que plus vite il trouverait Don Riccio et plus vite il pourrait retrouver sa tranquillité. Il retourna devant son armoire, fraîchement libérée des habits qui n'étaient pas les siens, et en sortit un costume.

Alors qu'il rangeait le yukata gris clair dans lequel il dormait parfois aux côtés des autres et se préparait à enfiler un de ses costumes sombres, le souvenir de la dernière nuit que Cavallone avait passé ici lui revint en mémoire.

« Je crois que je vais t'offrir un costume de cette couleur pour ton anniversaire, elle fait tellement mieux ressortir tes yeux que le noir. »

« Inutile. Je ne le mettrai pas. Trop salissant. Même Kusakabe serait incapable d'en faire disparaître les tâches de sang. »

Dino haussa des épaules.

« Tu pourrais le mettre un jour où tu n'as pas à te battre. »

« Il y a toujours au moins un herbivore à discipliner. »

« Peut-être que tu pourrais faire un effort ? Le mettre un soir, pour m'accompagner au restaurant. »

« Pour quoi faire ? »

« Me faire plaisir ? »

« Pour quoi faire ? »

« Je ne sais même pas pourquoi j'essaie encore. Tu es vraiment incorrigible, Kyōya. »

Malgré son ton légèrement blessé, Dino s'était approché et l'avait guidé vers le futon, au milieu de la chambre. Il avait ensuite détaché le obi, avant de lentement faire glisser le tissu des épaules d'Hibari, découvrant peu à peu son corps.

Son anniversaire était dans un mois et il ne saurait jamais si Dino s'était entêté ou s'il avait choisi autre chose. Il se répéta, encore une fois, que ça n'avait aucune espèce d'importance, mais sa main se posa quand même sur le coton du yukata. Malgré ses dénégations, il aurait mis ce satané costume. Parce qu'il semblait incapable de refuser quoi que ce soit à Don Cavallone pendant bien longtemps.

Il finit de s'habiller et quitta sa chambre sans jeter un seul coup d'œil en arrière. L'univers entier semblait se liguer contre lui et Hibari refusait de prendre le risque de se faire piéger dans un nouveau souvenir. Si le monde voulait la guerre, il allait lui apporter. En commençant par Don Rccio et le reste de sa famiglia. Il aviserait ensuite, les raisons de se battre ne manquaient pas et il y avait toujours quelqu'un qui avait besoin de se faire mordre à mort.

Il s'arrêta brièvement dans la chambre de Kusakabe, lui annonçant qu'il partait et que ce dernier ne devait donner sa prochaine destination à personne, et en aucun cas aux Vongolas. Kyōya vit l'inquiétude et l'hésitation dans les yeux de son subalterne mais décida de les ignorer. Il parvenait à faire abstraction de ses propres émotions, il n'allait pas s'arrêter pour prendre en compte celle des autres. Il avait fait cette erreur une fois, avec une seule personne, et il était actuellement en train d'en payer le prix.

ooOoo

Hibari finit par coincer Don Riccio dans une propriété cachée aux pieds des alpes italiennes. Kyōya s'était assuré que sa proie n'avait plus d'autre endroit où se retirer en détruisant chaque potentielle voie de retrait. Les alliés de la famiglia Riccio s'étaient désengagés les uns après les autres, peu enclin à être détruits à leur tour à cause de leur association avec un ennemi des Vongolas.

Et pourtant, il restait encore des hommes pour protéger le Don. Les fidèles des fidèles, assez fous pour se dresser entre Hibari et sa cible. Comme s'ils avaient la moindre chance de l'arrêter.

Il traversa les jardins de la propriété en quelques minutes. Il n'avait même pas besoin de sortir Roll, ni aucune de ses autres boites pour éliminer toute forme de résistance. Lorsqu'il entra dans le bâtiment principal, il se dirigea immédiatement vers le toit où il détruisit l'hélicoptère qui s'y trouvait. Désormais, Don Riccio ne pourrait plus lui échapper.

Hibari en avait plus qu'assez de lui courir après. Il avait fait de cette vengeance une affaire personnelle et avait refusé toute aide des membres de sa fondation. Il avait mené chaque raid, chaque interrogatoire, seul. Jamais il ne permettrait à son corps de flancher, il avait plus de discipline que ça, et pourtant, il devait bien avouer que même lui approchait de ses limites.

Mais son objectif était à portée et il était hors de question de laisser quelque chose d'aussi insignifiant que de la fatigue gâcher ce moment. Il allait bientôt pouvoir écraser le crâne du responsable de la mort de Cavallone et retrouver, par la même occasion, le contrôle de ses actes et de ses pensées.

Une fois la maison enfin vidée de toute résistance, Hibari se mit à la recherche de Don Riccio. Il le trouva, grâce aux enregistrements de surveillance de la salle de sécurité, dans une panic-room installée au sous-sol. Ce ne fut qu'une fois arrivé devant l'épaisse porte de métal qu'il sentit approcher trois des gardiens de Vongola. Gokudera Hayato, Sasagawa Ryohei et Yamamoto Takeshi.

Il avait le temps d'en finir ici avant que ces idiots n'arrivent, mais une partie de lui avait l'intention de prendre son temps. Tuer l'instigateur de l'assassinat de Dino ne lui suffisait pas, Hibari voulait le faire souffrir avant de porter le coup fatal. De toute façon, sa proie était piégée dans cette boite qu'il pensait impénétrable.

Kyōya décida d'attendre les trois hommes. Quand ils apparurent en bas des escaliers, les visages fermés et les regards sombres, Hibari devina instantanément ce qu'ils étaient venus faire.

« Alors comme ça, l'herbivore est capable de montrer les crocs. »

Yamamoto, malgré son aura de tueur, était celui qui se chargeait toujours d'apaiser les conflits. Il s'avança le premier, des explications inutiles quittant déjà ses lèvres :

« Tu ne lui as pas laissé le choix. Mais il te donne une dernière chance. Rentre avec nous, nous allons gérer la fin de cette affaire. »

« Je n'ai pas besoin de son autorisation. Tout comme je me moque de ses états d'âmes. »

Sans surprise, le gardien de la tempête sortit de ses gonds :

« Il est ton boss ! Montre lui le respect qu'il mérite. »

« Je le laisse en vie. La majorité des gens que je croise n'ont pas cette chance. C'est bien assez de respect pour un herbivore de son espèce. »

Gokudera se plaça aussitôt en position de combat, une flamme rouge apparaissant à son doigt. Hibari ne prit même pas la peine de bouger. L'autoproclamé bras droit de Vongola était un bon combattant, mais il n'avait aucune chance de le battre en combat singulier.

Kyōya en avait fini avec cette conversation inutile et il tourna le dos aux trois hommes. Il avait assez attendu, il était temps d'en finir. Il s'approcha de l'entrée de la panic-room sous les protestations de Gokudera et posa une main sur la lourde porte en acier. Vu les gonds, elle devait faire plusieurs centimètres d'épaisseur mais même ça n'arrêterait pas Roll.

Alors qu'il venait de sortir la boite du petit hérisson de sa poche intérieure, une main bandée entoura son poignet. Il leva le regard et croisa celui de Sasagawa.

« Lâche moi. »

La menace était claire dans sa voix et le boxeur obtempéra avant de reculer d'un pas et de se placer devant la porte.

« Nous ne pouvons pas te laisser continuer, Hibari. Sois raisonnable. Tu l'as attrapé et il ne peut aller nulle part . C'est aux Cavallones de décider ce qu'ils feront de lui. »

« Écarte-toi, Sasagawa Ryohei, ou je m'occupe de toi en premier. »

Son coup de tonfa - initialement dirigé vers la mâchoire du boxeur - fut bloqué par l'épée de Yamamoto. Gokudera était resté à sa place, de l'autre côté de la pièce, mais son Système CIA était déployé autour de lui. Ryohei se plaça lui-même derrière l'épéiste et sortit ses propres boites, prêt à s'en servir.

Ils étaient décidés à se battre contre lui en fin de compte. Et l'herbivore avait vraiment donné l'ordre de le stopper, quel qu'en soit le prix.

Hibari esquissa un sourire. Ce n'était pas tous les jours qu'il avait en face de lui des opposants capables de lui tenir tête, encore moins des adversaires susceptibles de le battre. Mais ensemble, les trois gardiens Vongola le pouvaient. Ses chances de gagner étaient même faibles si leurs menaces étaient sérieuses et qu'ils avaient vraiment la volonté de l'arrêter.

À cette idée, une joie profonde parcourut tout son corps. Qu'il gagne ou perde, ce combat allait être fabuleux. Son sang chantait déjà dans ses veines, le libérant de toutes ces pensées parasites qui lui encombraient l'esprit depuis la mort de Dino. Dans ces quelques secondes avant que la bataille ne débute, il retrouva même une forme de sérénité dans le fait que, s'il perdait, il n'aurait pas besoin de vivre dans un monde où Cavallone n'était plus. Mourir lui permettrait enfin de faire taire cette foutue voix à laquelle il devait constamment rappeler que l'idiot n'avait aucune importance et qu'il ne lui manquait pas.

Hibari se mit à son tour en position. Mais avant de commencer, il devait s'assurer que Don Riccio serait puni pour ses crimes. Il se tourna vers Yamamoto :

« Je me moque de ce que voudront les Cavallones, cet homme doit payer de sa vie l'assassinat de leur Don. »

« Ne me demande pas ça, Hibari. »

« Je pensais que les coutumes de ta famille permettait à tes victimes d'effectuer un dernier souhait. Si jamais je tombe aujourd'hui, c'est le mien. »

Yamamoto grimaça. Malgré son rôle auprès de Vongola, il était toujours aussi gentil et peu enclin à donner la mort. Comment il parvenait à rester ainsi avec la vie qu'il menait était un mystère pour Hibari.

« Tu peux encore arrêter tout ça. Nous ne sommes pas obligés d'en arriver là. Je sais que la mort de Dino t'a profondément affecté, mais il y a eu assez de victimes. Cette histoire commence à avoir des répercussions hors du monde de la mafia. Si tu continues, nous nous dirigeons droit vers une une guerre. »

Peut-être était-ce la fatigue ? Ou la sincérité qu'il entendait dans la voix du tueur ? Peut-être était-ce tout simplement le fait que si guerre il y avait, Namimori serait touchée et qu'il ferait tout pour garder sa ville en sécurité ? Peut-être était-ce rien de tout ça ? Ou un peu de tout ?

Quelle qu'en soit la raison, Kyōya baissa ses tonfas. Cavallone serait fier de lui.

Un rire amer quitta sa gorge. Ça allait être sa vie désormais ? Une suite sans fin de jours où les plus petites choses lui rappelleraient Dino. Où la majorité de ses pensées seraient pour lui. Hibari refusait de vivre comme ça. Mais il refusait tout autant de lâcher prise. Par contre, s'il perdait, s'il donnait le meilleur de lui-même et tombait sous les coups de ses adversaires, alors il n'aurait pas abandonné.

La logique derrière cette idée finit de le décider : il partirait en combattant. Il releva les bras. Et Yamamoto choisit cet instant pour abaisser sa dernière carte, la plus faible de toutes :

« Dino n'aurait pas voulu que ça se termine ainsi. Il aurait voulu que tu vives, Hibari. »

Kyōya ne pouvait répondre qu'une chose à une idée aussi absurde :

« Depuis quand est-ce que les souhaits de cet idiot m'intéressent ? Il est mort de toute façon, il n'a pas son mot à dire sur la manière dont je mène ma vie. Il ne l'a jamais eu. Nous allons nous battre et quelque soit l'issue de ce combat, l'herbivore qui se cache derrière cette porte mourra. De ma main ou de la tienne, c'est tout ce qui m'importe.»

« Il est vivant. »

Tous les regards se tournèrent vers la porte de la panic-room. Une lumière verte clignotait sur le haut-parleur accroché au dessus de la chambranle. Une voix mal assurée , rendue grésillante par le matériel de mauvaise qualité, leur parvint à nouveau avec les mêmes mots :

« Il est vivant. Laissez-moi sortir sans me tuer et je vous dis où le trouver. »

Gokudera, resté en retrait pendant que Sasagawa et Yamamoto essayaient d'arrêter Hibari, quitta son silence :

« Tu nous prends pour des idiots ? Comme si on allait tomber dans un piège aussi grossier. »

« Ce n'est pas un piège. Je vous jure qu'il est vivant. J'ai un espion chez les Cavallones et il me l'a confirmé ce matin. Le bras droit du Don l'a caché, seuls ses hommes les plus proches étaient dans la confidence. Il n'est toujours pas sorti du coma, mais il est vivant. »

Hibari en avait assez. Il allait en finir ici et maintenant et faire taire cet homme qui osait mentir pour sauver sa vie. Mentir et obliger Kyōya à ressentir de l'espoir. Comme s'il allait laisser un sentiment aussi inutile changer sa décision.

Il sortit Roll de sa boite et l'envoya détruire les murs de la panic-room. Il s'avança ensuite vers le couard, caché derrière ses deux derniers hommes, sans même s'inquiéter des armes automatiques pointées dans sa direction. Trente secondes plus tard, les gardes du corps étaient inconscients, ou mort, et Hibari put enfin s'approcher de Don Riccio. Ce dernier était tombé au sol et il reculait sur le dos comme une grotesque araignée, ou un insecte quelconque.

Il suffirait d'un coup de tonfa pour en finir, mais Kyōya voulait faire souffrir cet homme. Il allait le mordre à mort, aussi longtemps qu'il le pourrait, et seulement ensuite, il le tuerait.

Mais alors qu'il levait la main pour lui briser un os ou deux, la voix de Gokudera l'arrêta :

« Hibari, non. Je pense qu'il dit la vérité. »

« Je te croyais plus intelligent, gardien de la tempête. Il ne cherche qu'à sauver sa vie. »

« Bien entendu qu'il veut sauver sa vie. Je ne suis pas un crétin. Mais ça n'empêche que c'est peut-être la vérité. »

« Tu étais à l'hôpital. Tu as vu ce qu'il s'est passé. »

"Exactement ! Et tout ce que j'ai vu, c'est Romario nous demandant de sortir quand les médecins sont entrés. Il a pu se passer n'importe quoi ensuite. Et puis, tu ne t'es jamais demandé comment ils ont fait pour tendre cette embuscade à Cavallone ? Qui savait qu 'il se rendait chez toi sans escorte ? Et comment, Riccio l'a-t-il su ? Il n'y a pas beaucoup de réponses à ces questions et une seule qui a vraiment du sens : il a effectivement un espion infiltré dans les rangs de la famiglia. Et si l'histoire sur l'espion est vraie, le fait que Dino ait survécu l'est certainement aussi."

Gokudera marquait un point. Mais ça ne changeait rien.

« Vivant ou pas, je m'en moque. Cet herbivore a commandité cet assassinat. Il le paiera de sa vie. »

« En laissant Dino vulnérable avec un traître qui peut frapper n'importe quand ? Tu es certain que tu n'as pas plus urgent à faire ? »

Hibari se retourna, les yeux plissés par la colère. Il n'appréciait pas que l'on essaie de le manipuler. Il allait apprendre au gardien de la tempête ce qu'il en coûtait de jouer avec lui. Mais Don Riccio semblait croire qu'il tenait enfin un moyen de rester en vie :

« Je sais où il est. Je peux vous donner l'adresse et vous faire gagner du temps. Ça sera plus rapide que de le chercher, les Cavallones ont vraiment fait un bon boulot en le cachant. En échange de cette information, vous me laissez partir d'ici. »

L'attention de Hibari se porta à nouveau sur sa cible initiale.

« Je peux aussi t'arracher la vérité avant de te tuer. Comment penses-tu que je t'ai trouvé ? Personne ne peut supporter la douleur bien longtemps. »

L'homme était toujours au sol, suant à grosses gouttes, mais il y avait de la détermination en plus de la peur dans son regard. Il jouait sa vie à cet instant et les herbivores, au lieu de compter sur leur propre force, avaient toujours tout un tas de subterfuge pour s'assurer de leur survie.

« Mais ça vous prendra du temps que vous n'avez peut-être pas. »

La menace était claire et le premier réflexe d'Hibari fut de mordre l'homme à mort, mais il retint son coup. S'il y avait une chance, la plus petite chance qu'il dise la vérité, Kyōya ne pouvait pas prendre le risque. Tout redeviendrait comme avant si Dino était vivant. Et puis rien ne l'empêchait de se remettre à la poursuite de Don Riccio s'il s'avérait qu'il avait menti.

Le regard toujours braqué sur sa proie, Hibari rangea ses armes et rappela Roll sans sa boite. Il passa ensuite au milieu des gardiens, leur annonçant :

« Je me met en route, envoyez-moi les coordonnées de l'emplacement de Cavallone dès qu'il vous les aura donné. Faites ce que vous voulez de lui ensuite. »

L'information arriva sur son portable alors que Kyōya venait tout juste de démarrer sa voiture de location. Dino était gardé dans une maison à moins d'un kilomètre de sa propre propriété. Un seul petit kilomètre et Hibari n'en avait rien su. Il serra le volant dans ses mains jusqu'à ce que ses phalanges deviennent blanches. Voilà encore une preuve qu'il avait laissé passer bien trop de choses dernièrement. Il allait réapprendre la discipline à tous les habitants de sa ville.

ooOoo

En fin de compte Don Riccio n'avait pas menti, Cavallone était toujours vivant et à l'endroit exact où il l'avait annoncé. Et maintenant que Hibari en avait la preuve devant les yeux, il n'avait qu'une hâte : que cet idiot se réveille pour pouvoir le mordre à mort.

Romario n'avait pas paru plus surpris que ça de le voir apparaître en fin d'après-midi et il l'avait tout de suite escorté jusqu'à la chambre où dormait son boss. Dino avait indubitablement meilleure mine que la dernière fois que Hibari l'avait vu et il était débarrassé de la majorité des tuyaux qui avaient tellement irrité Kyōya à l'hôpital.

« Il s'est réveillé quelques minutes tôt ce matin, nous avons bon espoir qu'il émerge à nouveau un peu plus tard dans la soirée. »

Le bras droit de Don Cavallone paraissait épuisé, mais le soulagement de voir enfin son boss sortir du coma était tout de même évident. Que ça soit dans la manière dont ses épaules s'affaissèrent quand ils entrèrent tous deux dans la pièce, ou dans le regard plein d'affection qu'il posa sur la forme alitée.

« Vous avez un espion dans vos rangs. »

Là encore, Romario ne sembla pas étonné de son annonce. Il avait juste l'air peiné que quelqu'un puisse en vouloir à Dino.

« Tu veux t'en occuper ? »

« Non. Je ne quitterai pas cette chambre. Histoire de m'assurer qu'il reste vivant, vu qu'aucun d'entre vous n'en est capable. »

Hibari ignora la peine que ses mots avaient fait naître dans les yeux de son interlocuteur, tout comme il ignora son propre sentiment de soulagement à l'idée que, peut-être, il n'aurait pas à vivre dans un monde sans Cavallone.

Le départ de Romario le laissa seul avec ses pensées et il dut bien avouer que la simple présence de Dino avait un effet bénéfique sur son contrôle. Il respirait plus facilement et la pression sur sa poitrine avait totalement disparu. La voix dans son crâne, celle qui n'avait fait que l'inonder d'idées futiles, s'était tue également. Il n'avait pas laissé ces désagréments avoir le moindre effet sur lui, mais leur absence lui donnait l'impression d'être plus léger. Malgré l'épuisement qui semblait décidé à le clouer sur place.

Il ne comprenait pas pourquoi la vie de Dino lui importait tant. Vraiment. Cavallone était bruyant, sans gêne et généralement pénible et Hibari ne tenait pas plus que ça à passer du temps en sa compagnie. Mais ces dernières semaines lui avaient appris que certains silences, certaines absences étaient pires que le désordre et le bruit. Pire qu'un lit envahi par un corps si chaud qu'il en devenait étouffant.

Entre deux maux, Kyōya avait son choix. Endurer la présence de Dino serait immensément préférable à revivre encore et encore les mêmes souvenirs, ainsi que supporter la perte de contrôle qui les accompagnait.

Et puis, peut-être que cette fois, Don Cavallone apprendrait sa leçon et ferait un peu plus attention à sa sécurité. Depuis le temps que Hibari lui disait qu'il ne pouvait pas se balader dans les rues sans escorte, même celles de Namimori.

Des bruits de pas dans le couloir lui firent quitter sa position contre le mur, au pied du lit de Dino. La porte s'ouvrit sur Sawada qui gratifia Kyōya d'un simple coup d'œil avant de s'approcher de la forme endormie de son ami. Il resta immobile et silencieux un long moment, visiblement soulagé de le voir vivant. Puis il se dirigea vers la sortie, ne s'arrêtant devant Hibari que pour lui glisser quelques mots :

« Je suis content qu'il soit en vie, et que tu aies préféré t'assurer qu'il le reste. »

À aucun moment, Don Vongola ne s'excusa d'avoir envoyé ses gardiens l'éliminer et pour ça, il gagna un peu plus de respect. Peut-être qu'un jour il deviendrait un opposant digne de se faire mordre à mort.

Suite à cette visite, le secret autour de la cachette de Cavallone vola en éclat. Kusakabe lui déposa de quoi se changer et plusieurs livres de sa bibliothèque. Yamamoto appela même pour lui annoncer qu'ils étaient sur le chemin du retour avec Riccio et que ce dernier verrait Tsuna plus tard le lendemain afin de trouver un accord sur la situation. À croire que la simple présence d'Hibari aux côtés de Dino assurait la survie de ce dernier, quelque soit les forces qui seraient envoyées après lui.

Il ne lui restait plus qu'à attendre.

Il lui parut assez rapidement évident que lire n'était pas une option. Son regard se relevait de la page chaque seconde afin de vérifier que l'homme allongé entre les draps respirait toujours. Son irritation à ce manque flagrant de contrôle avait atteint un tel niveau que ses mains se resserrèrent d'elles-mêmes sur ses tonfas et les battements de son cœur accélérèrent. Seule la vision de la poitrine de Dino se soulevant périodiquement lui permit de récupérer un rythme normal. La dernière fois qu'il avait examiné la respiration du Don avec autant d'attention était le jour où il avait cru le voir mourir.

Franchement. Il allait mordre à mort cet imbécile à la seconde où il sortirait de ce lit. Il n'avait pas le droit de lui faire perdre le contrôle ainsi. La maîtrise et la discipline étaient tout ce qui importait, quoi que puissent en dire tous les herbivores qu'il côtoyait, quoi qu'ait pu murmurer Dino à son oreille au plus profond de la nuit.

Malheureusement pour Hibari, il semblerait que la présence de Cavallone lui soit indispensable afin de garder son si cher contrôle. Et bien, il ferait le nécessaire pour que cet idiot reste vivant. Et s'il devait l'enfermer chez lui et supporter sa compagnie chaque jour pour y parvenir, il trouverait bien un moyen de subir la situation sans le tuer lui-même.

«Kyōya ? »

Son regard quitta la poitrine de Dino et remonta le long de son corps jusqu'à atteindre ses yeux. C'était la première fois que Hibari les voyait ouvert depuis longtemps et, même s'ils semblaient fiévreux, leur couleur brune était celle dont il se souvenait.

« Tu as failli mourir. »

Un rire rauque s'échappa des lèvres de Cavallone avant qu'il ne s'arrête et grimace. Il prit quelques secondes afin de reprendre son souffle et chercher une position plus confortable. Il referma ensuite les yeux, un sourire amusé aux lèvres.

« Tu as toujours eu le don d'enfoncer des portes ouvertes, Kyōya. »

« Tu as failli mourir en venant me voir. »

Hibari ne savait pas pourquoi il avait ajouté ce détail, mais Dino rouvrit les yeux immédiatement et les fixa sur lui.

« Ce n'était pas ta faute. »

« Je sais que ce n'était pas ma faute, c'est toi qui es trop faible et qui les as laissés t'avoir. »

Même si c'était le rôle de Kyōya de savoir tout ce qui se passait à Namimori. Même s'il aurait dû l'empêcher. Le sourire de Dino avait disparu et il tendit une main vers lui.

« Approche. »

« Pour quoi faire ? »

« Parce que je ne peux pas bouger de mon lit et que j'ai envie de t'avoir près de moi. »

Hibari croisa les bras sur sa poitrine et détourna la tête. Comme s'il allait obéir aussi facilement. Il était grand temps que son interlocuteur apprenne qui avait le contrôle ici.

« Kyōya, ne sois pas aussi obstiné, pas maintenant. S'il te plaît. »

Satané herbivore ! Pourquoi parvenait-il à briser sa volonté aussi aisément ? Sachant que la bataille était perdue à la seconde où le s'il te plait avait quitté les lèvres de Dino, Hibari lâcha ses tonfas dissimulés dans ses manches et s'approcha du lit. Il laissa Cavallone attraper sa main et la serrer faiblement entre ses doigts.

« Tes mains sont froides. »

Elles étaient toujours ainsi, mais l'idiot entreprit quand même de les réchauffer en les frottant entre les siennes. Hibari ne trouva pas de raison de l'arrêter et il resta silencieux, auprès du lit, à observa les mouvements du blessé ralentir avant de totalement s'immobiliser.

Au moment où il allait s'éloigner, persuadé qu'il s'était rendormi, Dino murmura :

« Tu sais ce que disent les français au sujet des gens qui ont les mains froides ? »

Kyōya ne portait aucun intérêt aux dictons de peuplades de l'autre côté de la planète, ce qui n'empêcha pas Cavallone de reprendre :

« ils disent que c'est parce qu'ils ont le cœur chaud. »

« Ne dis pas de bêtises. Je n'ai pas de cœur. »

« Tu crois ? »

Le ton de Dino indiquait qu'il n'était pas du tout convaincu, il y avait même une forme d'amusement dans sa voix. Mais avant qu'Hibari ne puisse lui demander ce qu'il entendait par là, il ajouta :

« Tu comptes rester ? »

C'était le cas, mais il était hors de question que cet idiot le sache. Il était bien assez insupportable avec les quelques miettes d'attention que Kyōya lui octroyait parfois.

« J'ai des choses à faire. »

« Qu'est-ce qui peut être plus important que t'assurer que je reste vivant ? »

« Ne sois pas vantard. »

« Bien, nomme m'en une seule et je te croirais. »

La voix de Dino devenait de plus en plus faible et ses yeux s'étaient refermés d'eux-même.

Hibari prit le temps de réfléchir à la question mais il dut se rendre à l'évidence : à cet instant, il n'avait rien de plus important à faire. Il craignait même que ça reste définitivement le cas. Heureusement, Dino s'était rendormi et il n'en saurait jamais rien. Leurs deux mains étaient toujours entrelacées et Hibari décida qu'ils pouvaient bien rester ainsi encore un peu.