La chose était un fait presque automatique, pitoyablement prévisible comme le disait à chaque fois son meilleur ami : À chacun des débuts de ses différentes relations amoureusement jusqu'ici exclusivement hétérosexuelles, Clyde se sentait toujours gagné par un regain d'euphorie romantique. Une bouffée d'enthousiasme sincère qui ne passait pas inaperçu, surtout que le très heureux concerné était prompt à faire savoir son bonheur en détail même si celui-ci n'était plus vraiment un secret pour ses amis les plus proches.

Aujourd'hui, en cette si douce matinée, c'était Kyle, Jason, Kevin et Token qui avaient l'immense privilège de constater en première loge de la joie rayonnante de leur ami venant ensoleiller leur entraînement quotidien de basket. Comme toute réponse à ses amis et leurs questions pas encore posées mais à néanmoins se douter du dénouement central, Clyde leur avait simplement brandi son téléphone portable. Ce fantastique petit appareil qui prenait parfaitement la pose sur son dernier statut Facebook l'affichant comme étant tout récemment en couple.

Sa bonne humeur éclatante s'expliquait comme une évidence à présent. Aussi simplement que ces quelques mots changeant du tout au tout la situation amoureuse du propriétaire de ce compte Facebook ne restant malgré tout pas longtemps célibataire la plupart du temps... Bien que cette fois il avait pris son temps avant de se recaser et que ça ne pouvait être que bénéfique, comme le lui faisait remarquer très justement Kyle. Kevin illustrait la chose en citant un passage d'un des films Star Wars prônant la sagesse face aux émotions. Jason ajoutait sa pierre à l'édifice en pariant que cette nouvelle heureuse élue était probablement une jolie blonde (S'il savait...). Token renchérissait en espérant que cette fois ça serait peut-être la bonne, une fille sincère à ne pas profiter de lui ou le laisser tomber trop vite pour une raison peu valable.

Et Clyde acquiesçait gaiement aux belles paroles de ses amis, s'en voulait brièvement de ne pas leur faire part de son récent bonheur depuis que son amitié avec Craig venait de prendre un tournant agréablement gay, mais s'était repris à temps en se disant qu'il devait d'abord avoir cette importante conversation avec son meilleur ami (et petit ami) pour savoir qui devait être oui ou non mis au courant de leur couple et si la chose pouvait s'afficher sur Facebook ou en public.

Pour le moment, seul Cartman était dans la confidence (sans que Craig le sache...). Mais, bien sûr, quand la discussion aurait lieu dans un endroit sûr comme ce charmant petit endroit romantique alias la base secrète de Craig Tucker qui ferait un décor rêvé pour un endroit du film gay imaginé par son super pote (et petit ami parfait) Clyde Donovan, la prudence devait être de mise. Ne certainement pas avouer que ce gros lard égoïste en savait beaucoup (trop), et plutôt lister un par un les petits chanceux à pouvoir être dans le secret. Également demander si des adultes comme leurs parents devaient savoir la vérité aussi. Car le gamin devinait qu'il aurait bien du mal à cacher trop longtemps cette si belle nouvelle à son père, lui aussi récemment heureux en couple visiblement. Ce détail pourrait peut-être le rendre un brin plus compréhensif...

La suite de son entraînement s'était donc retrouvée ponctuée par une foule de noms à ajouter ou non dans la fameuse liste des élus assez ouverts d'esprit ou proche du couple. Et des souvenirs divers et variés concernant son meilleur pote, les plus détaillés et plaisants étant ceux de la journée passée, suivi de près par le déroulement autant semé d'embûches que d'émotion de leur mise en couple. Un glorieux désordre englobant bien sûr principalement le fervent défenseur de cochons d'Inde. Mais également leurs amis communs, leurs parents, les professeurs anciens ou actuels, la sœur de Craig qui avait déjà peut-être quelques doutes grâce à la maladresse d'une certaine personne...!

Maladroit jusqu'au bout, à louper cette passe décisive à la fin de ce mini match amical bon à égayer leur entraînement, et bien sûr se faire gentiment huer par ses coéquipiers lui chantonnant qu'il était complètement amoureux et pensait trop à une certaine jeune fille.

À part sur le sujet du profil de la personne tendrement aimée, Clyde ne pouvait que rire avec eux et leur donner raison. Si depuis toujours la présence de son ami d'enfance avait eu un impact positif sur sa personne, le nouveau rôle de celui qui restait son meilleur ami apportait la petite touche troublante à cette présence devenue pire qu'importante. Tellement importante que le gamin s'imaginait déjà le rejoindre pour le convier très romantiquement à un nouveau rendez-vous amoureux. Un des premiers d'une longue série. Au cours duquel il pourrait demander à Craig si c'était normal de ne plus se sentir très à l'aise en se déshabillant au milieu de ses congénères masculins, d'éviter de les regarder pendant qu'ils se douchaient tranquillement, puis volontairement se sécher et se rhabiller en vitesse pour espérer éloigner le plus loin et longtemps possible cette drôle de sensation.

Une sensation très nouvelle et certainement contractée en présence de son compère depuis qu'ils s'étaient très intimement rapprochés. Depuis que le corps parsemé de taches de rousseur, agréablement chaud, et surtout complètement nu de son cher ami s'était collé au sien pour lui faire ressentir toute sorte de choses troublantes. Des choses auxquelles l'éternel soupirant de Bebe Stevens préférait repenser en étant seul, confortablement installé dans sa chambre, sans les gentilles petites railleries de ses amis devinant que s'il s'en allait si vite c'était pour voir sa nouvelle petite amie. Et surtout, sans que la nouvelle petite amie en question l'attende justement devant chez lui !

Pourtant, ce matin même, Clyde lui avait envoyé un SMS le prévenant qu'il allait comme d'habitude à cet entraînement hebdomadaire. Tout en terminant son message d'un petit paragraphe mignon disant qu'il allait beaucoup penser à lui, songer à peut-être quémander d'autres films comme celui qu'il avait regardé en sa compagnie aussi, et le conclure en y ajoutant un smiley envoyant un baiser. Alors pourquoi son petit ami lui donnait l'impression d'avoir fait le pied de grue depuis bien trop longtemps en sachant pourtant très bien où était sa chère et tendre moitié...

Et pour quelle obscure raison Craig lui envoyait un tel regard furieux, à l'en faire frissonner de surprise et d'incompréhension blessée, avant que le fervent défenseur de cochons d'Inde décide de détourner les yeux puis l'attraper par le bras sans ménagement pour le faire prestement entrer dans la maison. Hélas, pas dans l'idée de lui coller un baiser fiévreux d'envie et d'émotions, qui aurait merveilleusement bien fait ressentir à tel point sa précieuse présence avait manqué à son meilleur ami depuis ces quelques heures.

Avec une poigne trahissant son impatience pas franchement enjouée, Craig l'avait entraîné jusqu'à l'escalier, en manquant de plusieurs fois le faire tomber, ajoutée à une obstination l'empêchant d'écouter les protestations qu'aurait émises Clyde si ce dernier ne s'était pas retrouvé muet de stupéfaction. Choqué par ce revirement soudain empli de brutalité, alors que son complice avait été très doux et sincèrement amoureux si peu de temps avant. Le plus grand admirateur de Bebe Stevens savait que son ami d'enfance pouvait être parfois froid et brutal, mais jamais il aurait pensé que ce même ami tant admiré (et récemment aimé un peu plus que simplement amicalement) le traîne ainsi sans prendre de gants jusqu'à sa chambre. Pour ensuite le relâcher enfin en arrivant à destination, avec une once d'hésitation qui ne lui avait pas tout de suite sauté aux yeux, Clyde était trop occupé à se frotter le bras en se disant qu'il allait très certainement avoir un bleu. Une bien étrange marque d'amour donnée par celui censé tant l'aimer, qui venait de très calmement fermer la porte en lui tournant le dos, renforçant cette hésitation peut-être bien pas complètement opposée à cet étrange état de colère.

Heureusement, le gamin au bonnet péruvien ne lui avait pas laissé le temps de trop se torturer mentalement à coup de stéréotypes et de théories pour savoir si ce genre de comportement était typiquement gay, en lui faisant finalement face il lui avait rapidement fait savoir la raison de ce mécontentement.

Avant d'être agressé émotionnellement parlant par cette première et atypique dispute de couple, Clyde avait noté que son ami tremblait légèrement et que ses yeux brillaient de façon très équivoque. Craig n'était quand même pas accablé de jalousie parce que son petit ami très beau et très cool avait passé la matinée entouré de gars... Si ?

- Pourquoi tu as annoncé à tout le monde qu'on est en couple ?

Très probablement protégé par l'esprit de sa mère, Clyde s'était repris à temps avant de soupirer de soulagement en pensant injustement que les gays pouvaient être maladivement jaloux à ce point si extrême. Heureusement, ce n'était pas le cas. Ou alors Craig était vraiment une précieuse exception !

Toutefois, la prétendue exception en question ne semblait pas du tout apprécier l'obscène détachement de son petit ami face à une question aussi importante. Au passage, une question sonnant plutôt comme un reproche. Clyde n'était peut-être pas le gars le plus futé du monde, il savait néanmoins faire ce genre de distinction un brin subtile. Et de son côté, Craig n'était pas vraiment patient.

Voilà pourquoi ce grand amateur de tacos venait d'opter pour la réponse la plus parlante qui soit. C'est-à-dire présenter son portable à son petit ami, un portable prenant toujours parfaitement la pose sur la page Facebook de son glorieux propriétaire fraîchement en couple. Un statut rendu encore plus socialement important via ce réseau social, qui, toutefois, ne poussait pas le vice jusqu'à dévoiler l'identité de l'heureuse élue.

Rectification, de l'heureux élu qui écarquillait grandement les yeux devant cette déclaration électronique d'une banalité extrême de prime abord. À seulement afficher que Clyde Donovan était en couple depuis la date spécifiée par ce dernier. Romantique jusqu'au bout, son meilleur ami notait officiellement leur premier vrai rendez-vous en tant que couple comme la future date d'anniversaire à se souvenir tous les ans. Ajoutant également, en bonus, celle de la soirée abritant les souvenirs de leur premier baiser. Une marque de romantisme rondement menée, que Craig devait apprécier et approuver en plus de constater une fois de plus du succès de son meilleur ami sur ce réseau.

En effet, en quelques heures seulement, un grand nombre de like étaient déjà visibles. Cela s'expliquait par le fait que Clyde Donovan était ce qu'on pouvait appeler un gars populaire sur Facebook. Le genre de spécimen à poster très régulièrement des photos et des statuts aussi inutiles que vitaux. Ajouté au fait d'avoir beaucoup d'amis réels et strictement virtuels dans sa précieuse liste affichée fièrement sur son profil.

Voilà pourquoi le gamin au bonnet péruvien ne reconnaissait pas toutes les personnes à avoir commenté et aimé son fameux statut annonçant cette mise en couple.

Par contre, Craig aurait reconnu entre milles le style très fleuri et littéraire de cet utilisateur prodiguant un étrange conseil disant de bien dominer cette sale pute assoiffée de fric et ne pas hésiter à lui serrer la vis (Butters avait aimé ce commentaire en plus...). D'ordinaire, la vie d'amoureuse de Clyde Donovan n'intéressait guère le trop important Eric Cartman qui jugeait avoir bien mieux à faire que s'occuper des romances pathétiques de ce loser. D'où la légitimé à juger que cet intérêt soudain était plutôt louche. Très louche...

Mais, au lieu de relever cette bizarrerie pas totalement infondée, celui à se faire d'ores et déjà insulter, calomnier même, avait préféré sortir son propre portable avec un agacement non dissimulé. Sous le regard affolé de son complice, voyant d'ici le fan de cochons d'Inde incendier Cartman et que sous le coup de l'hilarité ce gros lard lui annonce qu'il savait bien que c'était lui la pute vénale en question puisque lui-même avait le grand honneur d'être le confident en titre de ce cher Clyde. Clyde, qui, fatalement, à l'issu de cette joute verbale à coup d'insultes et de révélations on ne peut plus importantes aurait sûrement tout perdu. Son meilleur ami-petit ami et son confident qui ne faisait pas toujours un mauvais ami. C'est vrai après tout, c'était grâce à Cartman si ce pauvre petit bébé pleurnichard avait pris son courage à deux mains pour rendre possible le couple qu'ils formaient à présent avec son compère.

Heureusement, pour cette fois, Craig avait décidé de ne pas attaquer Cartman de front. Il avait simplement répondu froidement, avec lui aussi une finesse très vicieuse, de se la fermer et retourner jouer avec ses peluches ridicules. Quelques minutes après, son message avait d'ailleurs été approuvé par Stan et Kyle. L'intervention silencieuse de ces deux-là soulignait au passage, et certainement sans le vouloir, que cette réponse expéditive rentrait dans les principes d'un meilleur ami digne de ce nom à vouloir donc à tout prix défendre les arrières de son meilleur pote fraîchement casé.

Clyde avait failli remarquer tout haut que Cartman avait donc raison, les gays n'aimaient pas être affichés trop publiquement. Bien que Craig avait toutes les raisons du monde de préférer cette stricte discrétion, si c'était pour commencer à recevoir un flot d'insultes en tout genre.

Mais peut-être que l'une d'elle n'allait pas beaucoup plaire au concerné qui lui était toujours très fier et heureux d'être en couple. Ce grand amateur de tacos osait même penser furtivement, et surtout très secrètement, que c'était un grand honneur d'être en couple avec un gars comme Craig. Son meilleur ami admiré sincèrement et en qui il avait toujours placé sa confiance. Mais, visiblement, lui-même n'était pas assez bien pour Craig Tucker préférant peut-être les gars plus musclés et outrageusement riches.

- … Tu as honte d'être en couple avec moi ?

Ouais, vu la tête que faisait Craig, c'était bien une honte hautement honteuse. Ou bien une question fortement stupide. Une réponse qui n'allait pas tarder à se faire savoir.

- T'es con ou tu le fait exprès...? C'est avec toi que j'ai toujours voulu être en couple !

Touché. Et, troublé cette réponse plus qu'explicite, le tristement célèbre soupirant de Bebe Stevens avait piqué un fard. N'osant plus ouvrir la bouche au risque de se prendre encore une phrase aussi merveilleusement déstabilisante. Avant, il devait déjà encaisser, analyser, et savourer celle que son petit ami venait de lui balancer en pleine face et en plein cœur.

D'ailleurs, en parlant d'émotions fortes, assommé par ce glorieux tour de force amicalement amoureux, cette déclaration aussi brutale qu'inattendue, ou sentant toutes ces émotions beaucoup trop fortes redescendre d'un coup, le gamin au bonnet péruvien s'était laissé tomber sur le lit.

Sur le lit encore défait de celui qui était maintenant son petit ami mais qui ne l'avait jamais laissé indifférent (même maintenant il le rendait encore complètement dingue...).

Le lit, un des complices compatissant du petit crime commis la veille. Un crime bien trop passionné pour être simplement amical, un crime qu'ils voudraient sûrement réitérer encore et encore de bien des façons différentes, un crime lui donnant à présent le droit d'enfouir son visage dans l'oreiller imprégné de l'odeur et la présence de son petit ami (qui restait son meilleur ami). Une odeur aussi entêtante que rassurante, l'élément jouant sur ses émotions les plus sensibles pour l'encourager à livrer une vraie peur. Une véritable peur encore plus angoissante et saisissante que le dentiste ou une interrogation surprise.

Une crainte à avoir été tellement cachée et mise de côté, en vain, qu'elle lui faisait éviter le regard de son meilleur ami alors qu'il venait de se redresser pour passer à de nouveaux aveux. Hélas, des aveux beaucoup moins romantiquement plaisants que les précédents, mais qui devaient quand même être entendus.

- Depuis des années je fais parfois ce rêve. Mais toujours d'une manière différente. Mon père apprend la vérité et... je me réveille quand il est prêt à me frapper.

Pour une raison qui le regardait, Craig n'avait spécifié que ces songes angoissants étaient apparus depuis les prédictions inquiétantes de Wilzy-X, l'orque lunaire, lui affirmant que son père viendrait la nuit dans sa chambre pour le frapper. Sans néanmoins daigner lui en expliquer la raison précise, mais le gamin au bonnet péruvien n'avait pas eu beaucoup de mal à le deviner. Ni pour admettre une fois encore que son ami d'enfance était bien naïf (mais toujours terriblement adorable).

- Peut-être qu'en nous voyant heureux ensemble, ton père va changer d'avis !

Adorablement naïf. Tellement naïf que Craig n'avait même pas la force d'esquisser un pauvre sourire triste pour lui donner le droit d'espérer un miracle. Au final, devant l'implacable réalité, son meilleur ami si dangereusement crédule s'en retrouverait complètement brisé.

- Je n'aime pas dire ça, mais je pense que mon père est ouvertement homophobe. Une fois il avait dit qu'en voyant deux gars s'embrasser au cinéma il avait dû se retenir de les frapper. Et... que ça le dégoûtait d'imaginer deux hommes se tenir la main ou coucher ensemble. Que ce n'était pas... normal.

Ravalant sa salive et une réponse rassurante inexistante qui aurait de toute façon sonné faux, Clyde se sentait un peu coupable : Il avait parfois pensé ou dit tout haut à son ami (sur le ton de la plaisanterie, bien sûr) que tel comportement, parole, ou réaction de sa part n'étaient pas normaux et fortement bizarres. Le soupirant de Bebe Stevens comprenait mieux pourquoi Craig lui avait semblé blessé et contrarié par ces simples petits commentaires à première vue pas bien méchants. Même s'il paraissait totalement assumer son homosexualité, son complice se sentait sûrement toujours un peu rongé par cette crainte d'être vraiment anormal. Négativement différent. Pour finir par être rejeté de tous, sa famille et ses amis.

Au lieu de platement s'excuser pour ces petites maladresses causées par sa naïve spontanéité, Clyde avait décidé de rejoindre son petit ami sur le lit pour le serrer dans ses bras. Pas un câlin sensuel attestant de leur nouveau statut officiellement confirmé par Facebook, mais plutôt un rassurant câlin de réconfort comme le faisait si bien le maître en la matière. En le serrant doucement contre lui, avec tout de même assez d'émotions pour montrer à l'aide de cette étreinte que Craig pouvait lui faire confiance. Ce grand amateur de tacos savait qu'il pouvait parfois se faire trop facilement manipuler, qu'il n'était pas toujours très doué avec les mots ni avec les choses pour le moment bien trop gays face à ses dernières hésitations, il commençait tout juste à assumer sa bisexualité et sa confiance en lui devenait une véritable girouette. Mais Clyde ne perdait pas le nord pour autant, sa loyauté et sa sincère affection envers son ami d'enfance étaient inébranlables. Tout comme il était maintenant complètement sûr et certain de beaucoup aimer ce même ami. L'aimer bien plus que gentiment amicalement. L'aimer au point de naturellement savoir le réconforter de la plus romantiquement parfaite des façons. Une façon qui plairait toujours forcément à Craig, c'était certain.

Dans le but d'aider son ami à se détendre avec un style subtilement adapté au nouveau tournant de leur relation, le plus grand fan de Bebe Stevens avait doucement passé sa main sous son bonnet. Un geste qu'il n'aurait jamais osé faire en tant que simple ami de Craig Tucker (de peur que son cher ami lui brise tous les os de la main à l'instant...), mais qu'il avait déjà tenté sans trop réfléchir lors du dénouement de la première partie de l'affaire Brenda Love. Et qu'il faisait maintenant, fort du statut de petit ami officiel, et accessoirement un petit ami parfait. À parfaitement savoir que son ami appréciait cette douce caresse apaisante sur sa tête. Sans bêtement lui ébouriffer les cheveux, Clyde préférait tendrement caresser sa tête. Et, de sa main libre, il gardait étroitement, possessivement, son petit ami contre lui en l'étreignant d'un geste pareillement rassurant.

D'ailleurs, le fervent défenseur de cochons d'Inde semblait beaucoup apprécier ces chaleureux traitements pleins d'amour pareillement naïf mais terrassant par leur si belle sincérité. Craig avait beau garder son visage contre son épaule, son meilleur ami l'avait entendu renifler plusieurs fois. Soit son petit ami était au comble de la joie d'être enfin en couple avec un gars qui sentait si bon et avait un goût certain pour choisir ses parfums (Même si Craig lui avait toujours répété que c'était ridicule de s'acheter tous ces parfums et déodorants Playboy, ou d'autres marques censées renforcer son image continuellement fortement cool et virile...), soit il laissait ses émotions parler pour lui. En faisant savoir d'une façon toute autant touchante de romantisme combien son soutien et cette attention lui faisait plaisir. Que Craig Tucker acceptait quand même le soutien d'un gars qu'il avait pourtant toujours dû protéger et rarement l'inverse...

C'est vrai que si on grattait un peu tout ce vernis de romantisme à illuminer cette scène, la situation pouvait faire sourire : Depuis le tout début de leur amitié, au jardin d'enfants, c'était Craig qui se chargeait continuellement de protéger son nouvel ami, futur meilleur ami et petit ami idéal à en devenir. Si jamais un vilain garnement avait eu le malheur d'insulter Clyde, usait d'un geste plus ou moins brusque, lui volait sa nourriture ou un jouet, Craig se chargeait de régler le problème à sa façon puis partageait ses jouets et ses gâteaux avec celui qui deviendra son ami le plus fidèle. En plus de toujours lui avoir gardé une place dans le bus, accompagné ses moments de jeux, tenu compagnie durant les pauses scolaires, surveillé la porte à chaque fois qu'il allait aux toilettes ou bien servir de cobaye la fois où Clyde voulait profiter des nombreux bains qu'ils prenaient ensemble étant petits pour vérifier si son corps était totalement normal comparé à celui de ses congénères.

Et, justement, le moment n'était peut-être pas le mieux choisi pour profiter du sujet un peu trop précis et glissant de cette anecdote et se remettre très clairement en mémoire le moment beaucoup plus récent où le gamin avait revu son ami complètement nu. Terriblement attirant. Et définitivement gay.

C'est vrai, seul un gay pouvait être aussi subtilement rusé et rodé pour savoir qu'il troublerait assez son congénère en profitant de cette position (initialement formée sans aucune arrière-pensée) pour lui déposer un bref petit baiser plein de sensualité dans le cou. Pour le cas de Clyde, un baiser à beaucoup troubler le pauvre gamin hétéro qu'il était encore le mois dernier. Et qui n'avait pas retrouvé assez vite ses esprits ou sa contenance pour laisser sa curiosité le gagner en voyant que son ami avait les yeux légèrement rougis en ayant peut-être fait preuve de beaucoup de sensibilité en se laissant ainsi consoler... En tout cas, bien que l'envie ne lui en manquait pas, le soupirant de Bebe Stevens n'avait pas osé offrir à son petit ami un vrai baiser romantique pour conclure en beauté, avec toute son âme amoureuse, ce moment de réconfort. Ils étaient pourtant à présent un couple complètement officiel (reconnu par Facebook en personne !), en plus d'avoir eu l'occasion d'échanger quelques baisers plus romantiques les uns que les autres, mais jamais de façon si... directe. Naturelle mais jugée comme bien trop impressionnante à l'heure actuelle !

La chose, aussi belle soit-elle, avait eu lieu en pleine nuit, dans la pénombre, ou bien dans le feu de l'action, jamais de front en se faisant si impunément face. En plein jour, sous cette lumière aussi intimidante que leurs regards hésitants, c'était une toute autre histoire. Comme si tous les deux savaient ce qu'ils étaient censés faire, en mourraient d'envie de retrouver cette si agréable petite habitude issue de l'art romantique strictement buccal (et légèrement dégoulinant), mais n'osaient pas. Pour une raison certainement aussi stupide que fatalement compliquée, et Clyde n'avait pas eu le temps de se lancer à nouveau dans de confuses réflexions en voyant son meilleur ami finalement s'allumer une cigarette.

Voilà, ce n'était plus le moment de se perdre dans de belles embrassades passionnées bonnes à faire pâlir les couples cultes du cinéma. Le moment n'était pas non plus propice à décortiquer chaque théorie pour essayer de comprendre la raison de cet étrange blocage aussi pour vite ressentir à nouveau combien Craig excellait dans l'art de donner des baisers parfaits. En fait, Clyde avait une bien meilleure idée en tête. Celle qui le ferait passer, une fois de plus, pour le petit ami exemplaire. Celui qui avait instantanément l'idée de génie si par malheur un petit quiproquo apparaissait dans le couple et qu'une légère vague de tristesse gagnait les principaux protagonistes.

D'ailleurs, avant même d'avoir eu connaissance de la fameuse idée, Craig l'approuvait de la manière la plus adéquate possible (pour ne pas dire parfaitement romantique) : Il avait beau éviter le regard de son complice, sa main s'était délibérément posée sur la sienne. Pour ensuite doucement l'étreindre, la serrer d'une façon mille fois plus parlante que n'importe quelle déclaration. Ce à quoi Clyde avait répondu avec la même poigne remplie d'émotions, souriant d'un air sûrement un peu niais à leurs deux mains enlacées, se confirmant que Craig Tucker était vraiment un meilleur ami/petit ami merveilleux, et que lui-même (le petit ami parfait et super cool dudit Craig Tucker) avait trouvé l'idée parfaite pour une de leur première petite sortie en amoureux visant à apporter quelques notes plus gaies à cette journée.