Yo ! Du coup, c'est un OS écrit pour la Nuit du FoF, sur le thème Toxique. Ce recueil est un recueil des 5 Sens, j'en ai plein d'autres ouverts en ce moment (c'est genre mon onzième recueil sur ce principe), et du coup il contiendra cinq One-shots, liés ou non, et chacun des textes se concentrera sur un des 5 Sens.

Bonne lecture !

5 Sens : l'ouïe

Do you feel me now ?

Katsuki n'allait pas dans ce genre de bar. D'abord, parce qu'il ne s'y plaisait pas, et ensuite parce que de plus en plus, les gens tendaient à le reconnaître. Il s'était battu pour ça, être un héros qui monte jusqu'au plus haut de la gloire, être le meilleur parmi les meilleurs. Il n'y était pas encore, mais il s'en approchait. Il ne pensait pas que ce serait si agaçant.

Le poids des responsabilités, il l'avait prévu. Il avait les épaules pour ça, les épaules pour ça et pour rien d'autre. Quelques amis qui se comptaient sur les doigts d'une main, pas de relation romantique, presque pas de relations sexuelles. Le minimum pour rester en vie.

Cela pour dire, il n'aurait jamais mis les pieds ici, si ce n'était pas Kirishima qui l'y avait traîné. Il faisait sombre, et cela au moins était un bon point. On ne pourrait pas le reconnaître. Le rouquin avait trouvé le bar sur internet, sur un site qui le décrivait comme 'calme et décadent'. Jusque là, Katsuki appréciait le calme. L'endroit sentait le vieux cigare, le genre d'odeur qui reste incrustée dans la moquette pourtant soigneusement lavée, l'alcool cher et le café.

Katsuki se demandait ce qui pouvait bien plaire à Kirishima dans cet endroit. Ce n'était clairement pas son genre, ni le calme, ni la décadence. Il était plus susceptible d'aller se perdre dans un endroit où on ne distingue plus la musique des voix – mais tant mieux. Katsuki préférait la lumière tamisée d'un bar jazz, même si le terme décadent ne lui inspirait pas confiance. Ceci dit, s'il pouvait passer une bonne soirée et au passage démanteler un réseau de drogues, il gagnerait en crédibilité.

« Les mercredis, y a un mec qui vient chanter ici, un vrai de vrai. »

Katsuki haussa les épaules comme Kirishima prenait place sur une banquette rouge face à la scène. Les projecteurs en étaient éteints, c'était comme un trou noir au fond de la pièce. On pouvait vaguement distinguer un piano, mais il était presque entièrement masqué par une lourde silhouette.

« Il est super mystérieux ! J'ai rien trouvé sur lui en ligne, même sur le site du bar, il y a rien, à part son nom, mais je pense pas que ça soit le vrai. Personne appellerait son enfant Deku. »

Katsuki sentit ses oreilles siffler au nom trop familier et pourtant si lointain. Il plia la bouche, tentant de masquer sa réaction aux yeux de tous, aux siens propres. Il feignit un ton désintéressé.

« Et son nom de famille ?

— Oh ! Ça va commencer ! »

Katsuki se demanda ce qui avait valu cette intuition à son ami quand un claquement de doigts résonna à ses oreilles. Trop proche. Il sursauta et se retourna. La salle soudain était d'un silence absolu, ponctué seulement des claquements. Le froissement des vêtements de Katsuki fit un bruit monstrueux quand il tourna la tête. Des yeux verts le regardaient, une bouche souriait. Clac.

« Baby can't you see ? I'm calling. A guy like you should wear a warning. »

Forcément, il connaissait cette chanson. Mais il ne l'avait jamais entendu aussi lente. Ni aussi grave. Le claquement de doigts – oui, il aurait dû le remarquer plus tôt – était assourdi par des gants noirs et fins, profonds comme des abîmes.

« It's dangerous. I'm falling. »

Le sourire se détourna de lui. Il ne voulait pas croire à ce qu'il voyait. Parce que c'était trop similaire et trop différent à la fois. La démarche avec laquelle le chanteur s'éloigna était souple et féline, ça ne ressemblait pas du tout à son Deku. Les doigts claquèrent au bout des bras écartés.

« There's no escape. »

Un tapement de pied. Bam. Le rythme était beaucoup trop lent. Personne n'osait bouger. Les cigarettes se consumaient au bout des doigts sans être fumées, les cafés refroidissaient et les glaçons des whiskies fondaient. Tout était si tranquille que Katsuki avait l'impression de pouvoir entendre le sourire du chanteur. Comme s'il prenait plaisir à dire ces mots en particulier, à cet instant précis. Comme s'il prenait son pied. Ce chant grave résonnait comme un rire incontrôlé. Non, il n'y a pas d'échappatoire.

« I can't wait. I need a hit, Baby give me it, you're dangerous. »

Clac. Le chanteur se retourna.

« I'm oh loving it. »

Il regardait Katsuki, il en était certain. Il avait la peau plus pâle que les souvenirs de Deku – bien sûr que ce n'était pas lui – et les mêmes tâches de rousseur – parce que Katsuki les connaissait par cœur, les reconnaîtrait entre mille. Il saurait les cartographier les yeux fermés. Une note à la trompette qui prend son temps dans un glissendo presque agonique, des cymbales.

« Too high, can't come down, loosing my head spinning round and round. »

Un instant en suspens, comme juste avant une chute. De l'aigu aussitôt la voix passa au rauque presque crié.

« Do you feel me now ? »

Non. Katsuki voulait répondre non. Il voulait répondre, comme si la question lui était posée. Mais elle ne l'était pas. Il n'y avait pas d'adresse précise, bien sûr. C'était un concert, un spectacle. Pas une conversation. Et sûrement pas une conversation avec Deku – parce que Deku était mort et que l'alter de Katsuki ne lui avait jamais permis de voir des fantômes comme certains l'affirmaient. Un nouveau temps de latence s'étira, avant qu'un violon ne vienne crisser de concert avec la trompette. Étrange assortiment.

« With the taste of your lips I'm on a ride. You're toxic, I'm … slipping under the taste of your poison … paradise. I'm addicted to you, don't you know that you're toxic ? »

La peau qui transparaissait dans le col de la chemise ouverte était presque aussi blanche que le tissu. Ce n'était pas le teint de Deku, de son Deku. Ça pourrait être le teint de son Deku si son Deku n'avait pas vu le soleil pendant des années. En tout cas, le soleil de Katsuki ne s'était pas levé sur Deku depuis près de dix ans. C'était impossible. C'était impossible et ça arrivait sous les yeux de Katsuki. Un mort revenu à la vie. Un cadavre debout. Un cadavre qui chante. D'aucuns auraient trouvé l'idée drôle. Katsuki était paralysé par les yeux verts qui semblaient luire dans la pénombre, comme ceux d'une panthère, ou de ces poissons des fonds marins qui attirent leurs proie avec une loupiote bleuâtre. Katsuki n'était jamais dans une position de proie. Il ne la connaissait pas, la peur qui montait en lui.

« Boy I love what you do, don't you know that you're toxic ? »

Et le sourire de cette bouche qui semblaient vouloir le manger. Les yeux ne souriaient pas, en tout cas pas à lui. S'ils souriaient ils souriaient seuls, pour eux-mêmes, enfoncés dans leur plaisir personnel. Katsuki était gelé sur place.

« It's getting late to give you up. »

Katsuki cherchait un sens dans des mots qui ne devraient pas en avoir. Ce n'était pas comme si c Deku – qui en aucun cas n'était son Deku – avait écrit ces paroles. Il ne devait pas non plus y chercher d'écho en lui. Il avait abandonné Deku. Il avait abandonné sa culpabilité, sa faiblesse et sa rancœur. Sa tristesse. Il avait tout abandonné, même si ça avait pris du temps, c'étaient des sentiments morts et enterrés, morts et enterrés comme Deku.

« I took a sip from my devil's cup. Slowly … »

Les yeux le libérèrent un instant, et Katsuki les vit distinctement se poser sur l'homme au premier rang, celui à l'impressionnante silhouette.

« It's taking over me. »

Comme dans un souffle. Un dernier souffle. Et pourtant il reprit. Il reprit le pont et le refrain, et encore le refrain et l'outro.

« C'est quoi ce bordel ? »

Défait de l'emprise du regard Katsuki pouvait chuchoter. Kirishima regardait la scène d'un air satisfait.

« C'est trop viril, avoue ! Et ce type, c'est un de tes fans. »

Katsuki sentit son estomac tomber au fond de son ventre, et soudain, le sentiment qu'il n'était pas là par hasard. Que tout cela était joué d'avance. Katsuki ne croyait pas au destin. Mais il croyait aux sales coups.

« Intoxicate me now, with your loving now I think I'm ready now. »

La pensée lui donnait vivement envie de vomir et il devait partir d'ici à tout prix, pendant que les gens applaudiraient, il laisserait Kirishima se démerder avec l'addition, ce n'était pas comme s'il avait des problèmes à ce niveau. Clac. Clac. Bam. Et Clap. Katsuki se leva. Quitta cet enfer à grands pas bruyant. Il voulait retrouver son appartement et son silence. Son silence de mort – le silence de la mort de Deku et de la fin de ses marmonnements, voilà, ça, c'était normal, habituel, compréhensible. Katsuki ne croyait pas en ce qu'il ne comprenait pas, puisqu'il comprenait tout ce qu'il y avait à comprendre dans ce monde.

« Tu lui as parlé ? À ce Deku ?

— Ah ? Oui. La dernière fois que je suis venu, il m'a reconnu ! Il m'a dit qu'il adorerait te rencontré, c'était moyen poli de te barrer au milieu. Ça te plaisait pas ?

— Et qu'est-ce qu'il t'a dit d'autre ?

— D'autre ? Rien, pourquoi ? Tu le connais ? C'est un ami ? »

Katsuki ne prit pas la peine de répondre. Il retrouva son précieux silence, enfin, et il le garda pour lui, serré contre sa poitrine pendant quatre jours. Et puis, un numéro inconnu. Un message sur sa boîte vocale.

« Salut ! C'est Deku ! Dis, tu savais qu'en Anglais, intoxicated ne veut pas seulement dire intoxiqué dans le sens péjoratif mais aussi ivre ? Enivre-moi de ton amour. Traduit comme ça c'est plutôt joli non ? Ensuite, il faudrait savoir si ça colle avec le reste de la chanson et je ne pense pas que ce soit aussi doux que ça peut en avoir l'air coupé du reste, mais je trouvais que c'était une jolie pensée. Alors je voulais la partager avec Kacchan. Do you feel me now ? »

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Voilà ?

C'est, hm … Une tentative de Villain!Deku AU ? Je ne sais pas encore si la suite de ce recueil se passera dans cet UA ou si ce sera totalement distinct, canon ou encore d'autres UAs. Mais j'adore quand Deku est du côté obscur. Je le trouve déraisonnablement chou.

En tout cas, j'espère que vous avez pris plaisir à lire ! Je serais heureuse de savoir ce que vous en avez pensé !