Chapitre cinq


Arthur :

Lorsque j'émerge enfin de mon sommeil, la première chose que je constate, c'est que je ne suis pas dans mon lit. Ensuite, je ressens la présence à côté de moi, sous la couverture, et là, PAF, tout me revient en mémoire.

Je me redresse, le cœur battant et pose le regard sur la personne allongée près de moi. C'est Samuel, qui dort encore comme un bienheureux. Il peut bien après ce qu'on a… Oh non ! Merde !

Je réalise soudain que lui est moi on a bel et bien encore une fois franchi le cap, en attestent les préservatifs usagés jeté à côté du lit (ok, c'est un canapé lit, mais c'est pareil). Et c'était en toute honnêteté vachement bien. Enfin, sur le moment, parce qu'après je me suis mis à pleurer comme une madeleine.

Non sérieux (je me plaque une main sur le visage, honteux), mais qu'est-ce qui m'a pris. J'étais super en colère hier après l'appel de Ben, du coup j'ai foncé tête baissée dans ce rendez-vous avec Samuel, décidé à en profiter et à aller bien.

Alors, le verre, la pizza, la promenade dans le parc en parlant d'Hamilton (il connait bien, mais j'ai peur qu'il se soit documenté seulement pour m'impressionner) et d'autres comédies musicales, notre petit duo de « Defying gravity » de la comédie Wicked, tout ça s'était vraiment super.

Ensuite, il m'a embrassé et c'était juste waw. Comme ça m'a bien chauffé, ça plus sa main baladeuse, je ne sais pas trop ce qui m'a pris mais c'est moi qui lui ai demandé si on pouvait aller chez lui. Bien sûr, il a accepté sans sourciller.

Et on l'a fait. On s'est jeté l'un sur l'autre comme des fous. J'avoue que je ne l'avais jamais fait de cette manière un peu plus… bestiale et j'avoue que c'était agréable. J'ai vraiment passé un bon moment. Je ne sais pas exactement quelle expérience Samuel avait au préalable, mais je crois qu'on pourrait dire que c'est un bon coup.

Et ensuite, une fois qu'on a eu fini, bein ouais, je me suis mis à pleurer à chaudes larmes. Parce qu'une fois la tentation et le désir retombé, j'ai réalisé ce que je venais réellement de faire. Parce que si la dernière fois je pouvais encore prétendre que c'était un petit dérapage, un moment de faiblesse pardonnable, cette fois-ci je n'avais aucune excuse parce que c'était moi qui avais initié cette situation.

Ça a surpris Samuel, qui forcément s'attendait à tout sauf à ça et qui ne savait pas trop comment prendre la chose. Je ne sais pas ce qu'il a dû penser de moi sur le moment, mais en tout cas j'ai de la chance car il a décidé de se montrer un peu ironique pour tenter de désamorcer ma crise de sanglots et de ne pas me blâmer.

J'étais totalement prostré dans un coin, planqué à moitié sous la couverture en me cachant le visage, honteux, alors il m'a pris dans ses bras – ce que je ne m'attendais pas, et m'a caressé doucement la tête en me disant que ça allait aller, que ce n'était pas grave, et que s'il avait fait un truc mal, il était réellement désolé, qu'il ne voulait pas me blesser.

Après un moment pour réussir à me reprendre un minimum, mais toujours en me cachant le visage, je me suis senti obligé de tout lui raconter. Parce qu'il est gentil comme tout, très doux, et qu'il méritait au moins une explication. Pour qu'il comprenne que le problème c'était moi, pas lui.

Donc voilà, je me suis retrouvé à raconter à mon… amant (on va appeler ça comme ça parce que c'est le seul mot que je trouve) comment j'étais en fait encore en plein deuil de ma précédente – et première – relation. Dire le mot « deuil » m'a semblé à moi aussi un peu fort et peu exact, mais je pense qu'inconsciemment s'était ce que je ressentais sur le moment.

Je lui ai aussi expliqué que du coup, je voulais absolument passer à autre chose, que je désirais réellement aller de l'avant et que cette soirée était très bien, et qu'il avait fait très bien, mais apparemment, je n'étais pas encore totalement prêt à ça. Ou du moins, ça rendait la rupture avec mon ex réelle. Et c'était ça qui était douloureux.

Parce que ouais, je crois que dans ce moment précis, une part de moi à resonger à tout ce qui se passait depuis deux ans avec Ben, et que je réalisais que c'était trop dur et que je devais lâcher prise. Réellement.

En racontant tout cela, j'avais un peu peur que Samuel s'énerve et me mette à la porte, mais il m'a écouté avec une certaine bienveillance en me passant des mouchoirs. Quand j'ai eu terminé en m'excusant platement et en lui disant encore une fois que lui il était vraiment bien et que j'avais réellement apprécié cette soirée, il s'est levé, m'a regardé avec un sourire, et m'a dit que ce n'était pas grave.

Il a réfléchi un instant en se grattant la tête, puis a expliqué que lui aussi comprenait cette situation car il avait aussi eu une rupture compliquée en début d'année scolaire. A cause de la distance. Qu'il lui avait fallu un certain temps avant de se remettre en selle et accepter de rencontrer de nouvelle personne. Il ne m'en voulait pas, ce qui me rassurait.

Comme s'était tard et que j'étais encore un peu secoué et fatigué par ce qui venait de se passer, il m'a proposé de rester dormir ici. Au moment de se coucher, il m'a murmuré que lui aussi il avait passé une très bonne soirée et qu'il m'appréciait beaucoup.

Il m'a avoué qu'il avait en tête à la base d'essayer d'avoir plus que simplement cette soirée, voir ce qui pouvait arriver si on se fréquentait davantage, mais si j'avais besoin de plus de temps, que je ne me sentais pas encore prêt à essayer, il ne m'en voudrait pas.

Un mec bien, en somme.

Du coup, en repensant à cette discussion, assis là, dans le lit à côté de son corps suffisamment dénudé pour que je puisse en profiter visuellement, je me pose mille questions, mais la panique du réveil s'apaise.

Je l'observe attentivement, détaille son visage, son corps un peu musclé mais pas trop (plus que Ben ou moi en tout cas), et m'interroge profondément sur ce que je vais faire ou ce que je voudrais véritablement.

Ce que j'aimerais, c'est Ben, il n'y a pas photo.

Oui, mais seulement voilà, Ben n'est pas ici. Il est loin, très loin. Et objectivement notre histoire, aussi intense fut-elle, n'a duré qu'un peu plus d'un mois. Est-ce suffisant pour se fixer de l'attendre toute ma vie ?

En plus, il y a l'éloignement qui est en train de se créer entre nous. Il peut dire ce qu'il veut, mais je le vois, je le ressens. Et je le subis, me faisant saigner le cœur lorsque je constate qu'il articule ses projets d'avenir sans m'y inclure, ou qu'il me retire de ses récits.

Alors la question, au vu de cela, ne serait-elle pas non pas de savoir ce que j'aimerais, mais de réfléchir plus concrètement à ce que je veux ?

Qu'est-ce que je veux ?

Si seulement je le savais.

Je soupire d''agacement envers moi-même. Ce n'est pas vrai, je contourne la question, là ! Bon ok, je respire un grand coup et je me repose mon interrogation, posément, sans me chercher de faux prétextes.

Arthur, qu'est-ce que tu veux, maintenant, en dépit de ton avenir fantasmé ?

Ne pas être seul toute ma vie, profitez de ma jeunesse !

Voilà ! C'est dit.

Bien qu'attristé par cette décision, je décide donc de cesser d'attendre ou de compter sur un miracle. La vie n'est pas une de mes comédies musicales à la « The Greatest Showman » où tout le monde et beau et gentils et où les gens qui s'aiment vraiment finissent toujours ensemble envers et contre tout parce que l'univers veux que ce soit ainsi.

Sauf que dans ces films, l'univers s'appelle un scénariste, qui écrit avec son cœur et ses émotions et pose ses propres fantasmes de happy end. Alors que dans la vraie vie, et j'ai l'impression de tomber des nues en m'en rendant de plus en plus compte, l'univers n'a ni plan, ni influence sur nos existences.

Résolu, je regarde encore Samuel, puis me recouche à ses côtés. Je veux essayer cette piste car je suis bien avec lui, il est gentil et drôle. Et par conséquent, je veux être là à son réveil, pour donner une suite à la soirée. Pour qu'il sache que je ne veux pas que ça s'arrête là, que je veux bien tenter d'aller vers l'avenir en l'incluant à mon équation.

Ou est-ce pour m'empêcher moi-même de revenir sur ma décision ?

oooOooOoOooOooo

Ben

Quelques jours plus tard

Retenant mon souffle, je fais glisser la bille du stylo sur le papier. Je ressens le grattement tandis que l'encre coule pour former les lettres de ma signature. Je prends mon temps, m'applique. Il ne faudrait surtout pas gâcher ce moment précieux. Lorsque je reviens au-dessus du J pour mettre le point, mon cœur bat fort dans ma poitrine.

Voilà, c'est fait. Je pose le stylo à côté sur la table et observe une fois encore les deux exemplaires du contrat d'édition qui s'étalent sur le bureau devant moi, tous deux estampillés de mon nom. Lentement, comme dans un ralenti de filme, je redresse le visage vers Cassandra Summers, assise en face de moi.

Elle me regarde avec quelque chose d'étrangement doux dans le visage et sourit respectueusement. Après un instant, elle tend la main et tire à elle les deux dossiers, les relit rapidement à son tour, puis appose sur chaque page sa propre signature, puis pose à son tour le stylo.

- Eh bien voilà, fait-elle en glissant l'un des exemplaires dans une pochette cartonnée avant de me le tendre. Heureuse de vous compter parmi nos auteurs, Ben.

En disant cela elle s'est levée et me tend la main, que je serre volontiers. Elle me fait ensuite signe de nous déplacer vers le petit canapé et la table basse où attendent une bouteille de champagne et deux flûtes sur un petit plateau d'argent.

J'avoue que je n'en reviens pas de la taille des locaux de cette maison d'édition. Quand on m'avait dit « petite, à taille humaine », j'avoue que j'avais en tête quelque chose de moins démesuré.

Or, les locaux sont immenses. Ils prennent plusieurs étage d'un immeuble d'affaire et la déco, bien que chaleureuse avec de la moquette, du bois, des plantes vertes partout et des tableaux, pue le dispendieux.

Le bureau de Cassandre et immense, on dirait presque un petit appartement à la déco épurée. Petit canapé en cuir, table-basse en verre sortie tout droit de chez un designer d'exception, plusieurs arbustes en pots presque aussi grands que moi, bureau de créateur en bois noble.

Elle débouche la bouteille en déclarant avec un clin d'œil :

- Je sais que vous n'avez pas encore l'âge, mais ça restera entre nous. Après tout, un premier roman publié, ça se fête.

Je ne la contredis pas et accepte très volontiers la flûte pleine qu'elle me tend.

- Tchin, dit-elle en faisant tinter les verres l'un contre l'autre.

Je trempe mes lèvres dans le mousseux et apprécie. Première fois que je bois du champagne et probablement que dernière fois que j'aurais l'occasion d'en gouter un si cher. Légèrement tracassé par quelque chose, je me permets de demander :

- Je m'excuse de vous ennuyer avec cette question, mais pour l'avance ?

Elle repose sa coupe et me regarde toujours en souriant, imperturbable.

- Il y a deux possibilités : Soit nous vous faisons un versement sur un compte donné, soi nous vous faisons un chèque que vous pouvez déposer à la banque. C'est à votre préférence.

J'avoue que j'aurais préféré qu'elle m'annonce que c'était possible de la recevoir en cash, mais je ne m'attendais pas non plus à des miracles. N'ayant pas encore de compte privé – mes parents en avaient créé un à mon nom, mais il est destiné à l'argents pour mes études –, je réponds :

- Plutôt un chèque.

- Bien, je vais téléphoner à la comptabilité pour qu'il le prépare, répond Cassandra en se levant pour rejoindre son bureau. Vous pourrez le prendre à l'accueil en repartant.

- Merci.

Elle décroche son combiné et téléphone en interne pour faire la demande pendant que je termine ma coupe de champagne. Il me faudra donc demander à mes parents de déposer l'argent sur leur compte, puis de retirer pour me le donner ne liquide. Je leur en laisserais une part, mais j'ai besoin de pouvoir utiliser librement ce montant sans passer sans cesse par eux.

Maintenant, la vraie question que je me pose, c'est celle du délai. Dans combien de temps pourrais-je mettre la main sur mon avoir ? Quelques jours j'imagine, le temps que les transactions se fassent de banque à banque. J'espère le plus vite possible car je bouillonne d'impatience.

Pendant que Cassandra donne les infos nécessaires au téléphone, je sors mon propre portable et ouvre la photo que nous avions prise avec Arthur le jour de son départ devant l'office de poste où nous nous étions rencontrés. Voir son visage me fait toujours cet effet à la fois agréable et désagréable dans la poitrine.

Je suis d'autant plus tendu aujourd'hui qu'il ne m'a plus répondu du tout depuis notre « dispute » de vendredi soir. J'ai pourtant essayé deux fois et je lui ai envoyé un message, mais il m'a tout simplement ignoré. Il faut croire qu'il est réellement en rogne. Ce qui renforce encre plus ma conviction que le plan proposé par Samantha est le bon à suivre.

Je dois me rendre à sa fac et le surprendre.

J'imagine la scène. Moi l'attendant à la sortie de ses cours, près de la fontaine plantée en face de l'entrée (j'ai déjà fait du repérage entre les photos qu'il m'avait envoyées et Google Earth), un bouquet de fleurs dans les mains. Lui me voyant, s'immobilisant de stupeur, se plaquant une main sur la bouche, près à pleurer comme toujours.

Alors je m'avancerai vers lui en souriant, et je l'embrasserai devant tout le monde, il y aurait surement des cons pour huer, mais je compte sur les filles cool pour applaudir.

Ensuite, je lui glisserais le bouquet entre les mains et je lui dirai à quel point je l'aime encore, que non, je ne passe sûrement pas à autre chose sans lui. Que je pense encore à lui comme un fou, que je ne veux plus qu'on soit juste des amis à distance.

Il essayera de me raisonner en me disant que ce serait trop dur, qu'en plus nous n'avions aucune certitude sur notre avenir. Qui nous disait que lui serait amener à retourne à New York, où moi près de lui ? Nous allions nous faire souffrir non ?

Je l'embrasserai à nouveau pour le faire taire, et je lui dirai en souriant que la seule certitude que j'ai dans ma vie, c'est de l'aimer. Je ne pourrai pas lui promettre quoi que ce soit, mais seulement que ça, c'était la vérité, la seule qui vaille la peine de s'interroger.

Il fondrait probablement en larmes à ce moment et se jettera dans mes bras. Puis nous irions à sa chambre et là…

- Ben, tout va bien ?

La voix de Cassandra me ramène subitement à la réalité et je sursaute presque en réalisant qu'elle est revenue s'installer en face de moi.

- Perdu dans vos pensées, me demande-t-elle poliment.

- Oui, excusez-moi.

Elle sourit en me désignant mon portable, que je tiens encore en main et qui affiche encore la photo.

- Votre petit ami ? Vous lui avez annoncé ?

Elle le dit avec tant de décontraction, et une once de bienveillance dans le regard que je suis rassurer de constater qu'elle a compris mon orientation et ne le prend pas avec répulsion. Heureusement, ça me faisait un peu peur.

- Compliqué, je réponds en rangeant l'appareil, un peu gêné.

- Je ne me fais pas plus indiscrète, éclate-t-elle de rire en reprenant la bouteille.

Elle me ressert. Nous poursuivons notre échange encore un moment, elle aborde le sujet délicat des corrections tandis que les bulles me montent déjà un peu à la tête. J'ai très envie de lui dire qu'elle aille se faire voir sur les changements de noms, que personne ne touchera à une lettre ou un cheveu de mon roi Arturo mais je m'en abstiens, me contentant de rire stupidement à certaine de ses blagues.

Une fois la bouteille terminée – j'ai chaud et j'ai le sentiment que je ne suis plus très net – Cassandra me raccompagne à l'accueil et, devinant sans doute mon état, me propose d'appeler un taxi, mais je refuse car j'ai un autre projet que de rentrer tout de suite.

Je lui sers la main, me dirige vers l'ascenseur, mais fait demi-tour car elle me rappelle en riant que j'oublie mon chèque. Confus, je le récupère, m'excuse, puis m'en-vais, rouge et honteux. Bon dieu, c'était bien le moment de se prendre une cuite, tiens.

oo

De retour dans la rue, je tâche de respirer profondément pour désembuer mon esprit, mais je crois que le plus efficace pour cela reste encore de marcher. Bon, du coup je vais éviter de descendre m'enfermer dans le métro, surtout que l'endroit où je souhaite aller n'est pas si loin.

Au bout de tout de même trois quart d'heure de marche à travers les rues de New York, j'atteins enfin mon objectif second de la journée. Broadway. Cela fait depuis dimanche soir, lorsque j'y suis passé pour rejoindre une bande de potes de la fac pour boire un verre, que je trépigne d'y revenir, car j'y ai vu quelque chose de TRES intéressant, et qui, j'en suis sûr, me permettra de marquer des points dans ma réconciliation avec Arthur.

Je me dirige droit vers le bon théâtre, m'approche du guichet, et demande deux billets au premier rang pour la première de la nouvelle tournée de « Hamilton ». Voilà ce qui m'assurera le cœur de mon futur charmant ex-ex petit-copain.

Nous avions eu une occasion manquée (par ma faute) lorsqu'il était là, et je pense que c'est un bon moyen de lui dire que je suis désolé et que je VEUX qu'il revienne à New York. Et là, avec ça comme appât, il ne pourra que dire oui.

En plus, la première de cette nouvelle tournée sera fin juillet, donc pile quand il sera en période de vacances, et donc libre de me rejoindre pour cette occasion. J'imagine déjà sa tête, son regard débordant de joie lorsque je lui tendrai l'enveloppe avec les billets. J'ai hâte !

Par contre, en attendant, je manque de m'étouffer lorsqu'on m'annonce le prix. Heureusement que j'ai emmené avec moi toutes mes économies – faîtes à la sueur de mon front en bossant avec mon père durant les weekends l'an dernier – et que le chèque reremplira mes caisses parce que sinon je n'aurais vraiment plus un sou.

Quelle idée d'avoir des prix pareils ! En même temps c'est vrai que je ne fais pas non plus les choses à moitié. Notez que je ne vais pas trop me plaindre, parce que trouver encore des places libres, au premier rang, le soir de la première, c'est sûrement un coup de ce bon vieil univers qui me fait un clin d'œil.

Ou du moins c'est ce que j'ai décidé de croire. Parce que pour être honnête, j'ai beau être un mec très cartésien et un peu septique de nature, je crois que l'enthousiasme d'Arthur, sa foi inébranlable en l'univers, a fini par déteindre sur moi. Il faut dire que toute notre histoire pousse à croire à ces choses-là.

Comment ne pas vouloir succomber à de telles croyances lorsque tout a semblé avoir fait en sorte que nous nous rencontrions et nous aimions. Et nous aimons encore malgré la distance, j'en suis certain au plus profond de moi.

J'empoche précieusement les billets dans mon sac à dos, que j'ai emporté avec moi car je prévoyais de retourner en cours cet après-midi. Je crois que je vais courber cet après-midi, je suis trop distrait par mon imagination pour pouvoir me concentrer sur quoi que ce soit d'autre que mes retrouvailles avec mon futur-ex-ex-petit-copain.

Tout en sortant du théâtre, serrant le sac fort contre moi par peur d'un soudain et pas si improbable vol à l'arrachée, je lève les yeux vers le ciel et vois un avion passé. Là, je pense rapidement à combien pourrait me couter un vol aller-retour pour Middletown et estime qu'avec le cachet que je viens de recevoir, je devrais avoir assez.

Par contre, après cette expédition, je serais vraiment à sec. Mais ce n'est pas grave, car je sais que cela en vaut la peine.

Excité et impatient, je me dépêche de rejoindre mon père à son boulot. Je veux accélérer les choses en lui proposant de passer à la banque poser le chèque durant sa pause déjeuner. Je ne peux plus attendre car une seule pensée m'obsède depuis ce matin :

Je vais revoir Arthur ! Est cette fois, ce n'est pas une supposition.