Chapitre 7

Rin n'y croyait pas.

Elle était seule.

Seule avec lui, l'être qui peuplait ses jours et hantait ses nuits.

Seule, sans Jaken, sans Ah-Un, sans rien pour la déranger, avec en plus la mission, la permission formelle et publique, de le faire manger, de le laver…

…de le toucher.

Enfin elle pourrait suivre la ligne de sa mâchoire du bout de l'index, apposer ses petites mains sur son torse puissant et sentir sa poitrine se soulever au rythme de son souffle, sentir battre ce cœur qu'elle désirait sous ses doigts et crisper sa main dans un geste de désir frustré.

Sesshoumaru ouvrirait les yeux à ce moment, et la fixerait de ses yeux d'or, ces deux soleils sombres auxquels elle n'avait jamais rien su cacher. Son regard la transpercerait de part en part, son nez inspirerait profondément l'air ambiant, et ses lèvres prendraient un pli vaniteux et satisfait, un presque sourire un brin macho.

Rin cligna des yeux. Mais à quoi pensait-elle donc? Sesshoumaru était là à quelques mètres, assis contre la paroi rocheuse, respirant lentement, le front couvert d'une fine sueur, immobile, paralysé, souffrant. Il avait besoin d'une aide efficace, pas d'une jeune écervelée qui fantasmait les yeux ouverts.

Se réprimandant mentalement, elle se mit à l'ouvrage.

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Sesshoumaru ouvrit les yeux. Son corps était lourd comme de la pierre et il avait l'impression d'être livré aux flammes d'un bûcher. Sa vision s'ajusta peu à peu, ses sens lui revinrent, et il sentit une compresse froide sur son front, puis dans son cou et sur ses épaules…

Quelqu'un le lavait. Et cette personne avait la main tremblante et douce, légère et féminine.

-Rin, dit-il d'une voix pâteuse.

Elle sursauta, retirant prestement sa main comme si on l'avait surpris à commettre un péché grave.

-Gomen-nasai, Sesshoumaru-sama, je t'ai réveillé. Je suis désolée…je voulais juste…

-Continue.

Rin trempa de nouveau son linge et avança timidement sa main vers lui. D'abord le cou…et la nuque…puis son visage en faisant bien attention. Retremper le tissu, le tordre, et descendre sur ses épaules en glissant sa main sous ses vêtements…dériver vers les clavicules, remonter, dévier vers l'avant, sur le haut de sa poitrine, en grands gestes lents et circulaires.

-Est-ce que tu as mal? demanda-elle d'une voix inquiète.

-Rin, ce Sesshoumaru est paralysé, pas mourrant.

Elle hocha la tête, et s'appliqua plus attentivement sur sa tâche.

Sesshoumaru appréciait le moment. La main de Rin sous la compresse était mieux qu'une caresse, une caresse fraîche sur son corps bouillant, relaxant sur son passage ses muscles fatigués.

-Sesshoumaru-sama? …Est-ce…est-ce que tu veux…est-ce je peux?...

Rin désignait le haut du yukata blanc de Sesshoumaru, qui l'empêchait de le rafraîchir correctement. Un rouge tout à fait délicieux lui avait monté aux joues.

Elle voulait le lui enlever?...

-Oui, laissa-t-il tomber d'un ton indifférent.

Rin enleva d'abord la ceinture jaune, puis dessangla l'imposante armure. Elle parut hésiter un moment devant la dernière étape, puis sembla rassembler son courage et lui retira le haut de son vêtement.

L'air s'emplit aussitôt d'une odeur épicée. Jamais ne l'avait-elle vue d'aussi près auparavant, jamais de cette façon, et cette vue la troublait. Son souffle devint un peu plus court, son cœur accéléra, elle se sentait moite.

Rin se gifla intérieurement pour chasser ses pensées. D'un geste décidé, elle trempa la lingette, bien décidée à le laver comme si de rien n'était.

Et là, tandis que Rin découvrait du bout des doigts le haut du corps d'un homme adulte, tandis qu'elle sentait distinctement les abdominaux de Sesshoumaru sous la lingette mouillée, tandis qu'elle détournait la tête, trop embarrassée pour oser regarder ou ses yeux ou ce qu'elle touchait, Sesshoumaru sourit, du sourire du vainqueur satisfait.

Rin essayait sans grand succès de lui dissimuler son trouble, mais son corps la trahissait, comme s'il avait une volonté propre. Il percevait son trouble et son désir confus de lui aussi nettement que les contours d'une brique. L'odeur était caractéristique et remplissait ses poumons comme de l'opium.

Les gestes de Rin devinrent plus sensuels, et Sesshoumaru se surprit à ronronner presque inaudiblement, mais Rin tout à l'écoute sentit la vibration, et cette réponse positive l'enhardit. Elle tourna lentement sa tête vers lui, et « par accident » laissa tomber la lingette au sol, avant de continuer avec le plat de sa main.

S'il n'avait été paralysé, probablement que Sesshoumaru aurait arrêté ses doigts mutins. Il y avait une différence entre la rendre folle de lui et la laisser se conduire aussi indécemment.

Indécemment, mais pour qui? Qui était là pour les voir? Personne…n'était-ce pas lui qui voulait qu'elle reste pour toujours à ses côtés, et qui y travaillait depuis trois ans? Satisfaire sa curiosité et cultiver son désir n'était donc qu'une suite logique du processus…non?

Et définitivement sa paume était mille fois mieux que la lingette…

Rin leva ses grands yeux bruns embrumés de désir vers son maître, n'essayant même plus à présent de cacher ce qu'elle ressentait. Sesshoumaru devait l'avoir détecté depuis le début, de tout manière, et s'il n'avait protesté, c'est donc que sa réaction lui plaisait, non?...

…ou l'indifférait…

Cette dernière pensée coupa court son humeur amoureuse et elle laissa tomber sa main.

-Gomen, Sesshoumaru-sama…tu dois avoir faim…

Sesshoumaru fronça les sourcils. Quoiqu'elle venait de penser, cela avait été assez puissant pour éteindre chez elle tout désir.Il devait deviner ce que c'était ou alors poser un geste qui balaierait toute réticence, problème inclus, peu importe ce qu'il était*.

À côté de lui Rin mit un peu de purée de fruit qu'elle avait concocté sur une languette de bois, et s'apprêtait à la porter à sa bouche.

-Rin. Assis-toi ici, ce sera plus facile, dit-il en regardant ses jambes.

Les yeux de Rin s'agrandirent tandis que son cœur battait la chamade…s'asseoir là…à califourchon sur lui?

-Tu…tu es sûr?

À son air « ai-je l'habitude de dire quelque chose sans en être sûr? » Rin su qu'elle ne rêvait pas. Elle ne laisserait pas passer une telle chance qui dépassait ses espoirs les plus fous. Promptement, elle se leva et s'installa sur lui, son bassin entre ses cuisses.

Sesshoumaru respira à fond tandis que Rin arrangeait les pans de son kimono, et fût satisfait. L'odeur épicée était de retour et ne cessait de croître de seconde en seconde.

Il y avait de quoi, avec une position aussi intime…Leurs regards ne se lâchèrent pas un instant tout le long qu'elle le nourrissait, tandis que leurs corps dansaient un étrange ballet chimique et charnel. Leurs peaux s'attiraient comme des aimants, appelant l'autre de toutes ses forces. Quand le bol de purée fût fini, Rin ne su plus comment soutenir la tension.

-Je vais te laisser…

-Pour?

-Euh…dormir…j'ai sommeil…

-Dors ici.

S'il y avait jamais eu de barrière entre leurs deux corps, elle s'effondra à cet instant. Telle une pièce de casse-tête, Rin se moula à Sesshoumaru, la tête et la poitrine pressées sur son torse nu,  et s'endormit au bruit des battements de son cœur.

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-Rin, réveille-toi. Vite.

Rin s'extirpa sur sommeil, et rougit violemment en se souvenant où elle était.

-Qu'y-a-t-il?

-Des hommes…un groupe d'hommes vient par ici. Cache-toi et quoiqu'il arrive, ne sors pas.

Rin se mit à paniquer. Sesshoumaru ne pouvait pas se défendre!

-Je ne te laisserai pas!

-Fais ce que je te dis!

S'il trouvaient Rin, il la violeraient ou la tueraient à une probabilité de 99,9%. Sesshoumaru n'était pas un crack de la psychologie masculine, mais il se doutait du sort réservé aux « femmes qui aiment le démon ».

Rin su qu'il valait mieux qu'elle obéisse. Elle rassembla ses maigres possessions et se cacha derrière un repli rocheux à quelques mètres.

Bientôt les hommes arrivèrent. C'étaient des jeunes chasseurs bien bâtis.

-T'as raison, Kenishii, ce sera super comme endroit pour dormir….AAAAHH!! s'écria le premier en entrant. YOUKAI!!

Aussitôt les hommes se précipitèrent et bandèrent leurs arcs ou brandirent leurs épées.

-Où ça, Toru?

-Là!!

-Il ne bouge pas beaucoup…tu crois qu'il est mort?

Kenishii, le chef, s'avança et inspecta Sesshoumaru, la pointe de son épée sur sa gorge.

-Il vit, il ne peut juste pas bouger. On va se reculer et le tuer à distance, au cas où il dégagerait du poison…

Rin crût que son cœur allait arrêter de battre. Non!

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-Rin…s'il arrivait quelque chose…je te laisse le Nintojo. Grâce à ce charme que j'ai collé dessus, même une simple humaine comme toi devrait pouvoir l'utiliser.

Jaken avait fermement saisi les deux mains de Rin avant de les refermer sur le Nintojo, un air grave sur le visage.

-N'oublie pas, Rin. Seul Sesshoumaru-sama compte.

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Tout se déroula très vite. Rin attrapa le bâton de Jaken, sortit de sa cachette en hurlant, courant pour se placer devant Sesshoumaru. Les hommes surpris n'eurent pas le temps de réagir. Rin planta le Nintojo devant elle et un grand jet de feu réduit les hommes en cendres.

Rin lâcha le Nintojo et regarda ses mains, épouvantée.

Morts. Ils étaient morts. Elle les avait tués.

Elle avait tué sa propre race pour un démon.

Rin se lança sur Sesshoumaru, l'étreignant de toutes ses forces, et se mit à pleurer.

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Chapitre 7-fin.

*À mon avis Sesshoumaru est un grand stratège à la logique sans faille, oui, mais pas un génie de l'amour. Le but est d'écraser l'ennemi, pas de savoir pourquoi il est votre ennemi.

Merci à : yami milie chan, Ikuko, nahi et The Drykan Mistress pour vos commentaires^_^ Rendez-vous au prochain chapitre!