Salut ! Me revoilà avec une nouvelle fic, que je suis vraiment contente d'écrire je vous avoue !

C'est un AU avec une ambiance "d'espionnage", enfin vous verrez bien. L'influence de certains jeux vidéos est très très présente. Elle comptera 7 chapitres, pas trop longs j'espère.

Merci à Sherma83 pour cette belle illu de fic et surtout pour toutes ses idées géniales

Je vous souhaite une bonne lecture !


— Kuro, on a un problème.

Ces quelques mots, prononcés pourtant avec une profonde nonchalance, suffire à interrompre l'avancée de Kuroo. Il s'arrêta à l'angle d'un vieil édifice, s'assura de n'avoir été repéré par personne dans la pénombre environnante, puis porta son attention sur l'objectif.

Le bâtiment se trouvait au bout de la rue.

Par habitude, il posa une main contre son oreillette avant de s'enquérir de ce qui pouvait tant contrarier les plans de Kenma. S'il prenait la peine de l'en informer, c'était qu'il n'avait pas pu contourner la difficulté dans la seconde, chose extrêmement rare.

— Qu'est-ce qu'il se passe ? On arrive trop tard ?

Un soupir retentit au creux de son oreille. Mauvais signe.

— Il y a déjà plusieurs fourgons autour du bâtiment. Quatre. Et ils ont l'air blindés.

— Ils viennent juste d'arriver ?

— Oui, mais ils ne vont sûrement pas tarder à faire le transfert. T'auras pas beaucoup de temps pour récupérer la chimère, si c'est pas déjà trop tard.

Kuroo ne put s'empêcher de sourire. L'uniforme qu'il portait le démangeait beaucoup, leur organisation était déjà compromise, et l'opération qu'ils avaient mise au point pendant des mois était peut-être sur le point d'échouer lamentablement, mais il n'était pas contrarié. Pas encore. Il voyait plutôt cette difficulté supplémentaire comme un défi de plus à relever. Et puis, s'il se fiait au ton de Kenma, à mi-chemin entre l'indifférence et l'agacement, nul doute que celui-ci étudiait d'ores et déjà toutes les options possibles.

— T'inquiète, lui assura-t-il en avançant à nouveau, je me dépêche. Ils n'ont pas encore remis le courant de toute façon, si ?

— Non… Mais s'ils embarquent la chimère malgré ça…

Kuroo était tout de même impressionné par tous les moyens de sécurité mis en œuvre : utiliser quatre camions pour une seule sculpture, aussi inestimable fût-elle, relevait presque de la paranoïa. Leur cible prenait beaucoup trop de précautions pour brouiller les pistes.

Dans tous les cas, si le pire venait à se produire, Kenma pouvait toujours les suivre avec la voiture.

Restait à savoir quel fourgon abriterait l'artefact…

— Je vais m'en occuper. Tu me connais, ils vont rien voir venir.

— C'est ça, ouais.

— Tes encouragements me touchent beaucoup, Kenma.

— De rien.

Il ne put s'empêcher de rire à cette dernière remarque sarcastique, devinant sans mal l'ombre d'un sourire sur les lèvres de son ami. Le bâtiment n'était plus qu'à quelques mètres à présent. Seules les lumières de quelques enseignes éclairaient encore la rue étroite de ce quartier excentré, mais Kuroo le distinguait parfaitement. L'endroit était vétuste et semblait presque à l'abandon : les grandes portes de l'entrepôt se trouvaient de l'autre côté, là où les fourgons auraient la place de charger la marchandise. Mais si Kuroo voulait s'y introduire, il lui fallait passer par l'entrée officielle, plus discrète : en l'occurrence, une modeste porte bleue gardée par…

— Putain, c'est pas vrai…

Kuroo s'était arrêté à la seconde où il remarqua l'homme qui se tenait entre lui et sa mission. Il remercia l'obscurité alentour de le dissimuler, lui accordant de précieuses secondes supplémentaires pour s'assurer que ses yeux ne le trompaient pas.

— Qu'est-ce qu'il y a ? Tu vois quelque chose ?

— Ouais… apparemment, ces enfoirés ont fait appel à Tsubaki pour s'occuper de la sécurité.

Il y eut un silence d'une demi-seconde, ce qui laissa suffisamment de temps à Kenma pour tirer ses propres conclusions :

— Le type de Milan ?

— Le bel enfoiré de Milan, ouais.

Ce constat lui arracha un soupir maintenant qu'il détaillait avec attention celui qui gardait la porte avec un sérieux implacable. Une posture droite, vigilante, suffisamment relâchée pour ne pas élever de soupçons, mais assez alerte pour être en mesure d'agir au moindre signal. Si à première vue il ne tenait aucune arme dans ses mains, il ne fallait pas le sous-estimer pour autant : Tsubaki n'était pas un groupe de mercenaires à prendre à la légère. C'était une erreur que Kuroo ne souhaitait pas commettre à nouveau.

Il s'intéressa aussi à son air fatigué, qui ne ternissait pourtant en rien l'élégance de son visage. Mais là n'était pas le plus important.

Le bruit de touches de clavier frénétiquement malmenées parvint jusqu'à son oreillette, le tirant un instant de sa contemplation silencieuse.

— Y'a une autre entrée à l'est, fit Kenma, elle est sûrement gardée aussi, mais c'est plus sûr…

— Si je fais le tour, on peut dire au revoir à la chimère. On n'a pas le temps.

— Il va te reconnaître.

— Ça va le faire, t'inquiète.

— Kuro, il t'a fallu deux secondes pour voir que c'était lui.

— Ouais, mais c'est parce qu'il est… comment dire… reconnaissable. Si ça se trouve, il ne se souvient même pas de moi.

— C'est pas le moment de faire le malin, répliqua Kenma. La dernière fois, ça a mal fini.

— De toute façon, on n'a plus vraiment le choix. Il nous faut la chimère.

— Kuro…

Ignorant l'avertissement réprobateur de son partenaire, il resserra son emprise sur la lourde caisse à outils qu'il transportait et sortit enfin de l'ombre. Il avança d'un pas assuré jusqu'au bout de la rue et se planta devant le mercenaire.

Celui-ci lui adressa un regard interrogateur, mais Kuroo ne lui laissa ni le temps de poser des questions, ni de l'inspecter plus avant :

— Sakazaki Yuuya, annonça-t-il en lui présentant un insigne attestant de son identité. On m'a appelé pour un problème d'électricité dans le bâtiment.

L'aplomb de Kuroo ne faiblit pas, pas même lorsque des yeux d'un bleu aussi sombre que dans ses souvenirs l'observèrent avec attention. Le regard de l'homme alterna entre le badge falsifié, la caisse à outils, et le visage impassible du prétendu électricien dans l'attente d'une réponse.

— On ne m'a pas averti de votre venue, déclara finalement le garde de Tsubaki.

— Ah, ça, faut voir avec vos supérieurs. J'ai fait aussi vite que possible, ça avait l'air d'être urgent.

Le silence qui suivit mit les nerfs de Kuroo à rude épreuve ; il tint bon, ne cilla presque pas, et pria pour ne pas être reconnu. L'air intense qui le dévisageait ne l'aida guère dans sa manœuvre.

Toutefois, lorsque son interlocuteur hocha la tête et décrocha le talkie-walkie attaché à sa ceinture, il se permit enfin de respirer à nouveau.

— … Un instant, s'il vous plaît.

Le mercenaire s'éloigna de quelques pas, et maintenant qu'il lui tournait le dos, Kuroo en profita pour l'inspecter plus sérieusement : il compta deux holsters, l'un à l'épaule, l'autre à peine visible autour de sa cuisse, aisément dissimulés par son uniforme noir. S'il était certes plus petit que lui, sa silhouette laissait deviner un entraînement rigoureux ainsi qu'une excellente forme physique.

Cette fois-ci, il ferait mieux d'en tenir compte.

Il revint enfin vers lui, le visage d'albâtre toujours aussi indéchiffrable, tandis que Kuroo élaborait mentalement des dizaines de scénarios de fuite et de combat.

— Allez-y, déclara-t-il alors. Vous pouvez entrer. Mais je dois vérifier le contenu de cette boîte.

Kuroo s'exécuta et la lui présenta sans broncher : elle ne contenait rien de plus que de simples outils, sans aucun double fond. Son utilité, en plus d'apporter davantage de crédibilité à son rôle d'électricien, était avant tout de pouvoir transporter la chimère discrètement.

L'inspection parut satisfaire le mercenaire, qui hocha une nouvelle fois la tête avant d'ouvrir la porte.

— Merci, fit Kuroo en s'inclinant légèrement.

Cependant, lorsqu'il s'engouffra dans le bâtiment englouti par la pénombre, Kuroo perdit son assurance. Il scruta les lieux, en vain, à la recherche de la moindre présence, la moindre indication.

Et lorsqu'il entendit la porte se refermer derrière lui, et que le garde l'aveugla avec le faisceau d'une lampe torche, il comprit que récupérer la chimère serait loin d'être sa priorité, et ce malgré toute l'importance de la mission.

Cette situation le fit grimacer. Il posa la caisse et leva les mains en l'air en signe de reddition, les yeux plissés pour se protéger de cette agression lumineuse.

— On pourrait peut-être aller jusqu'au générateur avant de jouer avec la lumière ? proposa-t-il.

— Et si tu me donnais ton vrai nom d'abord ?

Kuroo se contenta d'un léger rire. Il avait certes sous-estimé la perspicacité de cet homme et compromis la mission, mais s'il était capable d'une chose, c'était bien de gagner du temps. Si sa mémoire ne lui faisait pas défaut, son adversaire était relativement facile à agacer, il n'avait qu'à partir de là.

Et puis, l'air sérieux qui le toisait ne pouvait que l'encourager dans cette démarche.

— Écoutez, je suis très flatté, et je serais ravi de faire plus ample connaissance, mais occupons-nous d'abord de l'électricité, d'accord ?

— Toujours aussi marrant, répliqua le garde en secouant la tête. Je pensais que l'Italie t'avait fait passer le goût de ce genre de plans bancals.

— J'adore les défis, répondit Kuroo avec un sourire insolent.

Le mercenaire s'avança, l'obligeant à reculer jusqu'au mur. Avec le peu d'informations qu'il assimilait, l'exiguïté de la pièce et la nouvelle source lumineuse, il devinait être dans un couloir. L'entrepôt devait se trouver au bout.

— Ton nom ? répéta-t-il, un soupçon de menace dans la voix.

— Secret défense, désolé. Mais tu peux m'appeler chéri, c'est plus simple.

Le coup qu'il reçut dans l'estomac lui fit presque regretter son impertinence. Presque.

Au moins, la lumière, tombée à terre dans un grand bruit, ne lui brûlait plus les yeux ; après quelques secondes d'adaptation, il put constater le regard assombri du mercenaire, qui le rappela vite à l'ordre. Sa main était dangereusement serrée autour de sa gorge.

— Je n'aime pas me répéter.

— Je te le dirai que si tu me donnes le tien.

Le clin d'œil qu'il ajouta ne fut que très peu apprécié, la pression exercée contre son cou fit bien passer le message.

— Je peux aussi appeler des renforts, reprit le garde. On verra si tu tiens le même discours.

— Si vous me tuez, on enverra quelqu'un d'autre à ma place.

— C'est la chimère qui t'intéresse à ce point ?

Kuroo, pour une fois, préféra garder le silence. Cela sembla contrarier plus encore son adversaire.

— Je te laisse cinq secondes pour partir d'ici et dire à ton employeur de garder ses distances avec Tsubaki, ou il le regrettera. Compris ?

— Ta compassion me fait chaud au cœur, vraiment. Tu le vis bien de bosser pour les pires ordures du monde ?

Le mercenaire fit claquer sa langue contre son palais.

— Je t'aurai prévenu.

Il leva son poing, mais Kuroo fut plus rapide : il se dégagea du bras qui lui compressait la gorge en le tordant brusquement. Le mercenaire étouffa une exclamation de douleur alors qu'il était maintenu immobile, l'avant-bras plaqué derrière son dos, légèrement courbé par la main qui lui agrippait à présent l'épaule.

— On va surtout se calmer, t'en penses quoi ?

Pour toute réponse, son adversaire se débattit avec force. Kuroo eut du mal à conserver cette emprise bien longtemps, et lorsque ses jambes furent la cible de violents assauts, il n'eut d'autres choix que de le lâcher.

— Kuro, fit soudain la voix de Kenma dans son oreillette. Les camions sont sur le point de partir. J'ai rapproché la voiture, on va pouvoir les suivre, mais il faut que tu te bouges. Passe par les entrepôts, maintenant.

— Deux secondes, répondit-il en avisant l'air furieux du mercenaire. Tu sais lequel est le bon ?

— J'ai piraté une des caméras de surveillance.

— T'es vraiment le meilleur, tu sais ?

Kuroo évita de justesse un coup de pied relativement bien placé. Il l'intercepta de peu, mais ne put contrer la main qui s'écrasa contre le haut de son épaule. La douleur le fit grincer des dents : il repoussa le garde avec violence.

— Dépêche-toi, rétorqua Kenma en coupant la ligne.

— Si tu crois que je vais te laisser t'en tirer comme ça…

— Loin de moi l'idée de te fausser compagnie, commença Kuroo en reculant, mais je dois vraiment y aller.

Cependant, lorsqu'il vit le mercenaire se saisir d'une de ses armes, il réévalua bien vite ses plans. Non seulement le bruit allait alerter le reste du bâtiment, mais ses chances de survie, seul dans un couloir, sans pouvoir se mettre à couvert, étaient presque nulles.

Il s'élança donc vers son adversaire pour lui arracher le pistolet des mains. Il n'y parvint que difficilement, au prix d'une longue lutte acharnée. Le mercenaire lâcha finalement son arme après s'être reçu un violent coup de coude en plein visage. La force de l'impact fit même grimacer Kuroo, plus encore lorsqu'il vit son ennemi s'effondrer au sol en se couvrant l'œil.

— Ouh, ça va laisser une belle marque ça.

Un léger grognement lui répondit.

— Allez, à plus, c'était un plaisir.

Le mercenaire commença à se relever, mais Kuroo ne l'attendit pas pour s'enfuir à toute allure vers les entrepôts. Il ouvrit la porte métallique et la referma en toute hâte, sursautant lorsque le premier coup de feu détona juste derrière lui.

L'homme de Tsubaki était vraiment en colère, et Kuroo ne comptait pas rester ici suffisamment longtemps pour en connaître toute l'étendue. Il avait certainement averti les gardes.

Le hangar dans lequel il entra était complètement vide : l'échange avait eu lieu. Les grandes portes étaient ouvertes et laissaient entendre le vrombissement des moteurs qui déchirait la nuit. La majorité des mercenaires avaient dû accompagner le convoi, quant aux autres…

Mieux valait ne pas s'attarder. Des bruits de pas résonnaient déjà contre les murs.

Kuroo piqua un sprint hors de l'entrepôt, cherchant du regard la voiture de Kenma : il la vit quelques mètres plus loin, phares éteints, le moteur toujours en marche, prêt à partir dans la seconde.

— Quel timing, s'exclama-t-il à bout de souffle en s'installant sur le siège passager.

Il n'avait pas encore refermé la portière que Kenma appuya brusquement sur l'accélérateur et s'élança à la poursuite des fourgons. Depuis le rétroviseur, Kuroo pouvait voir les hommes à sa poursuite sortir du bâtiment : il les observa disparaître progressivement avec une profonde satisfaction.

Un silence réprobateur enveloppa le véhicule tandis que Kenma malmenait la boîte de vitesse avec une rapidité alarmante.

— Heureusement que t'es là, continua Kuroo en attachant sa ceinture. T'as pu voir la plaque d'immatriculation ?

— Les images sont à l'arrière.

— Parfait, soupira-t-il.

Kenma ne répondit pas. Son emprise sur le volant témoignait de son humeur.

— Je suis désolé, Kenma. Je pensais vraiment pouvoir me débrouiller contre ce type. Mais on s'en est pas trop mal sorti grâce à toi.

— On n'a pas la chimère, déclara-t-il simplement.

Il quitta un instant des yeux la route pour aviser Kuroo.

— Et il t'a pas raté, poursuivit-il, visiblement contrarié.

— Oh ça va, il m'a presque rien fait. Tu devrais le voir lui, je crois qu'il est pas prêt de m'oublier.

Un haussement de sourcil perplexe lui répondit.

— N'aie pas l'air aussi fier, on va être en retard sur nos délais. On ne sait même pas quand on aura une nouvelle opportunité.

— On va déjà les suivre, on verra après. Quelle galère... maugréa-t-il après un moment. Je serais pas contre un peu d'aide sur le terrain.

— Compte pas sur moi. J'en ai fait plus qu'assez.

— Je sais, et tu as ma dévotion éternelle. Je ne serais rien sans toi.

Kenma secoua la tête, ignorant à dessein l'air admiratif que Kuroo lui offrait. Un sourire menaçait pourtant de le trahir.

— Non, reprit plus sérieusement Kuroo, je pensais plutôt à un vieil ami.

— Un ami ?

— Ouais… Je l'ai pas vu depuis un bail, mais je crois qu'il vit toujours à Tokyo. Il serait vraiment pas mal pour le job, et il est pas du genre à poser beaucoup de questions.

Cette description fut accueillie par un bref hochement de tête.

— Comment il s'appelle ?


Bokuto était heureux comme il l'avait rarement été.

Déjà, il avait une fois de plus brillé à l'entraînement. Le coach était ravi de ses récentes performances, et l'engouement de ses coéquipiers l'incitait plus que jamais à se donner au maximum. Il était extrêmement motivé pour le championnat d'Asie et d'Océanie de cette année, et il comptait bien mener le Japon à la victoire ; ils avaient toutes leurs chances.

Et puis, il avait admirablement bien réussi son katsudon, et il l'engloutissait à présent avec délice en regardant un vieux film. Akaashi lui avait dit de manger sans lui, car il enchaînait en ce moment les heures supplémentaires et rentrerait sans doute encore tard. Il l'attendait donc avec impatience, mais la seule idée de pouvoir enfin passer un week-end avec lui, pour la première fois depuis peut-être des semaines, le remplissait d'une douce allégresse.

S'il lui en fallait peu pour être d'humeur rayonnante, Bokuto se savait tout de même vraiment chanceux. Il vivait de sa passion en tant que joueur professionnel de volley, possédait un grand appartement dans l'un des plus beaux quartiers de Tokyo, et partageait la vie d'un homme merveilleux qu'il aimait plus que tout au monde. Akaashi était calme, intelligent et incroyablement attentionné, et aucun jour ne passait sans que Bokuto ne prenne la mesure de sa chance.

En clair, il menait une vie normale, plus que normale, parfaite, et il ne changerait ça pour aucune raison.

Bien entendu, son bonheur quotidien était parfois ponctué de quelques chagrins : défaites, blessures, déplacements à l'étranger… Ce dernier point l'attristait terriblement, à vrai dire. Ses nombreuses compétitions sportives l'obligeaient souvent à rester plusieurs semaines dans différents pays, et le travail d'Akaashi lui imposait lui aussi d'incessants séjours loin du Japon. Même s'ils s'assuraient de s'appeler régulièrement, l'humeur de Bokuto en souffrait toujours. Il avait appris à appréhender la distance, et il avait fini par s'y habituer, mais il ne pouvait empêcher une insidieuse solitude de refaire surface à chaque fois.

Voilà pourquoi tout était différent cette fois-ci. Aucun match important n'attendait Bokuto pour le mois à venir, et le travail d'Akaashi lui demandait pour une fois de rester à Tokyo. Ils pourraient enfin profiter d'un peu de repos, tous les deux, sans rien ni personne pour les déranger.

L'occasion était parfaite.

Les yeux de Bokuto quittèrent inconsciemment la télévision pour se poser sur son sac de sport, qu'il avait laissé près de l'entrée.

La bague s'y trouvait encore.

Il se leva à toute vitesse pour la récupérer, manquant au passage de renverser la moitié de son plat sur la table basse : si Akaashi rentrait et tombait dessus en ramassant ses affaires, ce serait une catastrophe.

Il trouva rapidement la petite boîte noire, coincée entre sa gourde et de nombreuses bandes adhésives. Soulagé après cette frayeur de quelques secondes, il la rangea dans la poche de sa veste et retourna s'affaler sur le canapé, sans pouvoir réprimer l'impatience qui accompagnait les battements de son cœur.

Ce week-end, il ferait sa demande. Il ferait comprendre à Akaashi à quel point il était important à ses yeux, et qu'il n'imaginait pas une seule seconde une vie sans lui à ses côtés.

Cette pensée dessina un sourire sur son visage alors qu'il reprenait joyeusement son bol et finissait son repas, enivré par cette perspective.

Lorsque la porte d'entrée s'ouvrit enfin, presque une heure après la fin du film, Bokuto se redressa aussitôt. Il entendit Akaashi poser ses affaires et se déchausser sans un bruit, mais fut toutefois surpris de le voir se diriger d'abord vers la cuisine. Sans doute avait-il faim.

— Keiji ?

Aucune réponse.

Ce silence le fit se lever ; Akaashi n'aimait pas qu'il crie dans l'appartement, et il était tard. Peut-être ne l'avait-il tout simplement pas entendu. Une fois arrivé au seuil de la cuisine, il se pencha contre l'encadrement de la porte et trouva son partenaire devant le frigo ouvert.

— J'ai préparé du katsudon, l'informa-t-il en s'avançant doucement derrière lui. Il est sur la table, faut juste le f-

Bokuto se figea lorsqu'Akaashi tourna enfin la tête dans sa direction. Son œil droit, taché de sang, était partiellement tuméfié, sa peau gonflée et colorée d'un pourpre inquiétant. Les contusions s'étalaient jusqu'à sa joue, juste en dessous de sa pommette.

— Keiji, qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Celui-ci détourna rapidement le regard, et le cœur de Bokuto se serra douloureusement devant ce spectacle alarmant. Les hypothèses qui affluaient dans son esprit ne l'aidèrent pas à garder son calme.

Akaashi pressa une de ses mains pour le rassurer.

— C'est rien, ne t'en fais pas.

Il prit une poche de gel réfrigérante, une de celles que Bokuto utilisait pour soulager ses muscles malmenés par des entraînements trop intensifs, puis referma le frigo et l'appliqua prestement contre son visage pour cacher l'important hématome.

— Je me suis fait renverser par un vélo en sortant du bureau, expliqua-t-il devant la mine effondrée de son partenaire. Je suis tombé et je crois que je me suis pris le guidon dans l'œil.

Bokuto resta silencieux quelques instants, dans un état de stupeur qu'il ne parvenait pas immédiatement à quitter. Akaashi n'avait pas l'air traumatisé : ses vêtements étaient certes froissés et sa cravate légèrement de travers, mais à part ça, il ne semblait souffrir d'aucune blessure visible.

Ce constat, corroborant les explications précédentes, soulagea grandement Bokuto. Il étreignit son partenaire avec force pour se rassurer et effacer les craintes qui empoisonnaient encore ses pensées. Puis, lorsqu'il comprit qu'enlacer quelqu'un qui tenait une poche de glace contre son visage n'était pas des plus facile, il recula d'un pas pour le laisser respirer.

— Tu as mal autre part ? Tu t'es rien cassé ? T'es sûr que ça va ?

Akaashi lui répondit d'un rapide baiser sur les lèvres.

— Ça va déjà beaucoup mieux, murmura-t-il doucement.

Après l'avoir rassuré d'un léger sourire, il partit en direction de la salle de bain, et Bokuto décida de lui servir un bol de katsudon en attendant. Il le posa sur la table basse et s'installa sur le canapé en expirant bruyamment. L'ascenseur émotionnel de ces dernières minutes avait mis à mal sa joie débordante, mais ce n'était pas grave. Akaashi allait bien, c'était le principal. Rien n'avait changé, les projets de Bokuto n'en étaient pas compromis.

Lorsqu'Akaashi revint dans le salon, la poche de gel couvrait toujours une partie de son visage.

— Tu vas bien ? demanda une fois de plus Bokuto.

C'était plus fort que lui. Voir Akaashi blessé, même en sachant les raisons de l'accident, le bouleversait.

— Je meurs de faim, avoua-t-il en s'asseyant à ses côtés, mais oui.

Bokuto lui tendit prestement le bol de nourriture.

— Attends, proposa-t-il ensuite, je vais te tenir ça pendant que tu manges.

Sa main vint doucement remplacer celle d'Akaashi sur la poche réfrigérante. Il n'osa pas trop appuyer, de peur de lui faire mal ; puis, inconsciemment, il l'éloigna de quelques centimètres, pour constater à nouveau l'étendue de la blessure. La vue de cette peau laiteuse défigurée par les vives couleurs de l'ecchymose lui serra encore le cœur.

Il ne put s'empêcher de grimacer.

— C'est rien, Kōtarō. C'est moins grave que ça en a l'air.

— Pour une fois que t'es pas en déplacement, se lamenta-t-il, il faut qu'un cycliste essaie de te tuer…

Akaashi secoua la tête, quelque peu amusé, et commença à manger.

— Et à part ça, reprit Bokuto, ta journée s'est bien passée quand même ?

— Plus ou moins, répondit-il en haussant les épaules. Notre nouvel associé est plutôt content de notre travail. Mais on a de la concurrence sur ce contrat, et ça va nous compliquer les choses. On ne sait même à qui on a affaire exactement. C'est très bon, ajouta-t-il entre deux bouchées.

— Merci ! Et tu devrais pas t'en faire pour la concurrence, elle ne fera sûrement pas le poids contre toi.

— J'espère… Il faudra quand même que je m'en occupe avant qu'ils essaient de nous doubler, soupira-t-il… Et toi ? Ton entraînement ?

— Génial ! L'équipe est vraiment au top cette saison, on sera prêt pour le championnat d'Asie, y'a aucun doute.

— Ravi de l'entendre.

Akaashi termina son katsudon en écoutant attentivement Bokuto décrire en détail les nouvelles stratégies mises au point par l'équipe pour pallier leurs faiblesses. Mais lorsqu'il commença à se lever pour débarrasser, non sans complimenter de nouveau son partenaire pour la cuisine, il fut immédiatement interrompu dans son élan :

— Non, je m'en occuperai après, t'inquiète. Repose-toi.

Après quelques instants d'hésitation, Akaashi obtempéra finalement. Il reprit la poche de gel, qu'il posa sur la jambe de Bokuto, et vint s'allonger contre lui. Celui-ci passa une main dans ses cheveux noir de jais, dont s'exhalait une douce odeur vanillée, puis caressa lentement la base de sa nuque.

— Hâte d'être ce week-end, avoua-t-il rêveusement.

— Plus qu'une journée.

— C'est beaucoup trop long !

Il devina l'amusement dans la voix d'Akaashi lorsqu'il murmura :

— Impatient.

— Je t'aime trop, c'est pour ça.

Sa déclaration fut accueillie par un sourire tendre, que Bokuto fut bien trop heureux de rendre.

— Je t'aime aussi, répondit Akaashi en fermant les yeux.

Bokuto reporta son attention sur le film à l'écran, une main massant distraitement la peau de son partenaire. Il ne fallut qu'une dizaine de minutes à Akaashi pour succomber à la fatigue et s'endormir contre lui.

Contempler son visage paisible lui rappela à quel point il était chanceux, et qu'il ne changerait sa vie pour rien au monde.

Bien plus tard dans la nuit, alors qu'il éteignait la télévision et songeait enfin à aller se coucher, son téléphone se mit à vibrer. Il se hâta de le sortir de sa poche, craignant que le bruit ne réveille Akaashi, et décrocha une seconde après avoir lu : « Numéro masqué » sur l'écran.

— Oui ? demanda-t-il à voix basse.

— Bokuto, comment ça va ?

L'interpellé ne reconnut pas immédiatement son interlocuteur malgré sa voix pourtant familière.

— Je… euh… ça va bien. Qui est à l'appareil ?

Un rire très caractéristique retentit à l'autre bout de la ligne. Bokuto comprit dans l'instant.

Ses yeux s'écarquillèrent et un sourire commença à fendre son visage.

— Allez, me dis pas que tu reconnais pas ton vieux pote… Tu m'as déjà oublié ?

— Kuroo ! Ça fait hyper longtemps ! Comment tu vas ?

— Ça va super, répondit-il rapidement. Dis, désolé de t'appeler aussi tard, mais je suis de passage à Tokyo pendant quelques jours, et j'ai pensé que ce serait cool qu'on se voie.

L'enthousiasme de Bokuto était à son paroxysme. Son meilleur ami, qu'il n'avait pas revu depuis des années, était en ville ? C'était parfait !

— Carrément ! Je suis dispo toute la journée si tu veux !

— Super. On dit demain à 10 heures ?

Bokuto acquiesça vivement avant de comprendre que Kuroo ne pouvait pas le voir.

— Pas de problème ! Mec, ça me fait super plaisir de t'entendre !

— Moi aussi je suis content. Hâte de te revoir. Je te rappelle demain pour qu'on organise ça un peu mieux, d'accord ? Allez, bonne nuit.

— Toi aussi, à demain !

Bokuto arborait un sourire radieux lorsqu'il raccrocha. Il frémissait d'excitation. Cette semaine était décidément parfaite, et son bonheur culminait à la perspective de retrouver son meilleur ami après tout ce temps.

Il voyait difficilement comment être plus heureux.


Vous sentez tous les quiproquo arriver ? Im living for that shit

Merci d'avoir lu, n'hésitez pas à donner votre avis :)