Chapitre 25 :
La main qui tenait la sienne était douce et chaude.
Octavia ouvrit les yeux et découvrit où elle se trouvait... dans une des chambres du château de Polis.
Elle était revenue au palais et l'homme à son chevet n'était autre que son frère Bellamy qui la regardait avec inquiétude.
Octavia déglutit et attendit.
— Pourquoi es-tu partie ? Demanda-t-il brusquement.
Elle fuit son regard et remarqua qu'il se rapprochait.
— Je n'ai plus que toi O'... Il ne reste personne d'autre, ne comprends-tu donc pas que nous devons nous serrer les coudes ? Rester unis ? J'ai besoin de toi ! Ne me refais plus une peur pareil...
La princesse ne répondit pas. Elle n'appréciait pas que son frère soit si près d'elle, sa gorge s'assécha et elle croassa :
— J'ai soif...
La plainte avait dû paraître suffisamment crédible car il hocha la tête et s'éloigna, marchant en direction d'une petite table soutenant un pichet d'eau et quelques verres.
Elle se dépêcha de sortir du lit où elle était vulnérable, réalisant qu'elle avait été changée et lavée, se demandant depuis combien de temps elle était revenue en tentant de s'écarter du matelas qui donnerait peut-être « inconsciemment » des idées à son frère. Elle exécuta deux, trois pas avant que sa tête se mette à tourner dangereusement.
Le prince lâcha ce qu'il faisait et se précipita vers elle pour la rattraper. Il la maintint dans ses bras en expliquant :
— Il faut que tu te reposes, tu as été malade pendant plus d'un jour. Tu as même manqué la cérémonie...
Le mot cérémonie voyagea dans son cerveau, saisissant ce que cela signifiait, elle leva les yeux vers lui.
— Tu es roi ? Souffla-t-elle.
Il resserra son étreinte et elle frissonna en distinguant les mains du nouveau roi descendre vers le bas de son dos d'une manière possessive, alors qu'il reprenait dans son cou :
— Oui, n'est-ce pas merveilleux ? Et je sais que cela te ravie autant que moi, O'...
Une main puissante se glissa sous sa tenue de nuit et s'accrocha à ses fesses presque désespérément, l'autre emprisonnant ses propres poignets les plaquant sur son torse. Il chercha son regard, tout sourire :
— Je suis certain que comme tout bon sujet, tu veux satisfaire ton roi...
— Bell', non, je t'en supplie...
Octavia sentait la nausée la gagner, les forces lui manquer pour le rejeter physiquement. Malheureusement sa poigne se resserra, emprisonnant plus fermement ses avant-bras, son autre main libérant son postérieur caressant sa hanche, ses doigts descendant avec une lenteur calculée vers son entrejambe.
Elle tenta de reculer, échouant lamentablement, le roi se collant un peu plus à elle, un sourire de vainqueur sur le visage.
— J'adore quand tu me résistes, O'...
Les yeux de la princesse s'agrandirent de terreur. Sentant l'air lui manquer, ses forces décliner encore plus.
Elle ferma les yeux de dégoût et de rage de n'être pas en état de riposter, se demandant quelle drogue coulait encore dans ses veines, réalisant qu'il reprenait avec un entrain redoublé ses gestes précédents et qu'elle ne pouvait rien faire.
Son cauchemar était sur le point de se réaliser.
Les coups à la porte les firent sursauter. Il cria de les laisser tranquille, mais la personne derrière la porte n'en prit pas compte et entra.
Lorelei Tsing s'avança et s'arrêta devant la scène sous ses yeux. Octavia expira de soulagement faisant fi de la lueur d'envie dans les yeux de la prêtresse. À cet instant elle s'en fichait, vu ce qu'elle avait interrompu, elle était sincèrement heureuse de la voir.
Précédant l'insulte du roi en colère qui n'allait pas tarder, Lorelei s'empressa de parler :
— La porteuse veut vous voir avant son départ, Majesté.
À cette annonce, Bellamy ravala ce qu'il comptait dire. La porteuse voulait le voir. Il ne valait mieux pas désobéir. Il jeta un coup d'œil à sa sœur toujours dans ses bras et murmura :
— Je ne serai pas long...
Il hocha la tête à Lorelei, poussa sa sœur vers le lit qui s'étala dessus, trop faible pour se rattraper et ordonna :
— Enfermez-la et postez un garde devant sa porte.
Octavia en profita pour balayer des yeux la chambre, réalisant que les meurtrières ne lui permettraient aucune tentative de fuite et remarqua son frère sortir de la pièce accompagnée de la prêtresse.
Le désespoir s'empara d'elle. C'était fini.
Son œil se posa sur le verre où l'eau stagnait. À travers les larmes, une petite voix lui précisa qu'un verre cassé pouvait très bien servir d'arme contre un garde...
Elle se leva, tituba jusqu'à la table, un regain d'espoir lui donnant une nouvelle force.
La pièce tournait autour d'elle, le verre brisé à la main, elle marcha jusqu'à la porte, se répétant comme un mantra qu'elle n'abandonnerait pas et préférait mourir que de satisfaire son roi.
.
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Elrach, un jour plus tôt...
La reine du royaume du feu était morte.
Dante ferma les yeux à cette annonce. Le couronnement aurait lieu le lendemain. Comme pour le royaume de l'eau, les choses se précipitaient à une vitesse désagréable.
Bellamy ne valait pas mieux que Roan, mais au moins son fils Cage était là pour le guider, le prince prenait un mauvais tournant et le prêtre du feu devrait y remédier. Dante avait confiance en son fils, cependant, il se dit qu'il lui parlerait pendant son séjour à Polis.
Rassuré par cette pensée, il se dématérialisa et atterrit tout en haut de la tour d'Elrach, observant la chaîne de montagnes encerclant la cité magique. Il distingua la fumée du volcan et se demanda ce que leur réservait l'avenir, puis soupira.
Moins d'un mois après leur départ, la porteuse et la gardienne allaient se jeter dans la gueule du loup...
Il leva les yeux vers le ciel, le contempla pendant quelques minutes et disparut en un nuage d'étincelles.
.
Raven assise sur un des fauteuils de la salle de réunion de Xas, entourée de la reine, la chamane, Clarke et John, s'exclama à la nouvelle apportée par Dante :
— Je suis la seule à penser que c'est un piège ?
Toutes les têtes se retournèrent vers elle.
— Quoi ? C'est le royaume du feu, dont est originaire Becca, et on va devoir aller au couronnement d'un roi assez vicieux, je ne vais pas vous faire un dessin quand même ?
Anya la regarda d'un œil déçu.
— Bien sûr qu'on y a tous pensé, tu nous prends pour qui ? Lâcha-t-elle.
— Tu ne m'aides pas vraiment là, répondit Raven.
Abby s'adressa au grand prêtre :
— Qu'est-ce qu'on va faire ?
— Ce qu'on a fait pour Azgueda, y aller et remplir notre rôle, dit-il simplement.
La reine ne parut pas convaincu.
— Vous avez dit que la cérémonie aurait lieu demain, commença Clarke.
— Chouette, il me reste plus qu'un jour à vivre sur terre ! Ironisa Raven.
Encore une fois toutes les têtes se tournèrent vers elle.
— Ça craint d'être l'héroïne de l'histoire, marmonna-t-elle.
— Vous ne serez pas seules, la consola Anya, Dante sera là et Max viendra aussi avec vous, ainsi à travers son esprit je pourrai surveiller ce qui se passe.
Raven plissa les yeux prête à commenter et Anya gronda :
— Si tu te moques de Max... ou de mes pouvoirs...
La gardienne se renfrogna, mais garda le silence.
— Comment va se dérouler le couronnement ?
— De la même manière qu'à Azgueda, excepté que cette fois, nous arriverons juste avant la cérémonie et repartirons peu de temps après... Je ne l'ai pas précisé au prêtre du feu, préférant avoir cet atout dans notre manche, expliqua Dante.
— Woauh quel effet de surprise !
Dante ne s'embarrassa pas à tourner la tête au ton aigre de la gardienne. Tout le monde savait qu'elle avait peur. Ils craignaient tous que les deux jeunes femmes retournent à Polis même pour quelques heures. Ils avaient espéré se préparer un peu mieux le temps que le mois de visite arrive et voilà que la mort d'Aurora leur coupait l'herbe sous le pied.
— Pourquoi es-tu si nerveuse, Raven ? Demanda John en observant la jeune femme.
— Parce que Becca est une métamorphe bien plus puissante que moi...
— Vraiment ?
La gardienne fixa son ancien professeur avec suspicion.
— Dois-je te rappeler ce qui s'est passé la dernière fois qu'elle était près de moi ?
John sourit avec gentillesse.
— Tu veux dire quand la magie venait à peine de se manifester en toi, que tu ignorais que tu étais une métamorphe capable de maîtriser tous les éléments et de te matérialiser où bon te semble dans notre monde ?
— …
— Raven, dit-il avec sérieux. Tu es une des magiciennes les plus puissantes que je connaisse, bien que, comme Wick, tu sois incapable de trouver la solution aux équations entières...
La jeune femme leva les yeux au ciel.
— Mais je crois en toi, Raven, bien plus que tu ne le penses, et je sais que, si tu devais affronter Becca, tu pourrais y arriver et même la battre...
Raven émue, détourna les yeux et s'adressa à la chamane :
— Il est vachement plus doué que toi pour me motiver...
— John dit juste tout haut ce que nous pensons tous, répondit elle sincère. Personne ne doute de toi, nous doutons simplement de nous-même...
Le rire de Clarke surprit tout le monde et elle mit la main devant sa bouche pour s'excuser de cette étonnante réaction, Raven souriant discrètement à ses côtés.
Anya souffla et croisa le regarde de la princesse.
— Dis-nous ce qu'a pensé la gardienne, ordonna-t-elle à la porteuse.
Clarke jeta un coup d'œil à Raven qui acquiesça et expliqua :
— Elle a trouvé ta phrase très profonde...
Anya secoua la tête et tout le monde sourit, la tension descendant un peu dans la salle de réunion.
Abby se leva et vint se placer devant la gardienne :
— Tu es ma fille, Raven et je sais que tu y arriveras.
Raven les yeux baissés ne savait pas quoi répondre. Elle hocha la tête et murmura un vague merci.
Le reste de la réunion exposa le déroulement de la cérémonie, les rôles de la porteuse et la gardienne. En fin de journée, chacun savait ce qu'il devait faire.
Raven et Clarke partirent se préparer pour le lendemain, Abby et Anya restèrent dans la salle.
Anya, assise, restait songeuse. Abby s'approcha de la chaise et posa les mains sur les épaules de la chamane.
— Tout va bien ?
— Je n'aime l'idée de te laisser seule ici.
Abby sourit.
— Nous n'avons pas le choix, il faut que tu ailles au royaume du feu, tu ne peux pas entrer dans l'esprit de Max si tu n'es pas sur le même territoire et je crois que cela rassure Clarke et Raven que tu y sois aussi.
— Je serai à plusieurs centaines de miles d'elles, juste à la frontière... et ne pourrai pas les rejoindre en cas de soucis.
Abby pressa les épaules de la chamane et répondit d'une voix douce :
— Aie la foi, les Dieux savent ce qu'ils font...
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Polis, royaume du feu, le lendemain.
L'air sentait la cendre et la suie, remarqua Raven, une chose qui n'avait pas changé depuis sa dernière visite dix ans plus tôt.
Dans la grande pièce qui les accueillait, les différentes cheminées ne permettaient pas de réchauffer l'air toujours aussi froid.
Azgueda lui avait paru glacial, mais à Polis quelque chose d'autre flottait autour d'eux, une sorte de pourriture humide qui s'insinuait en vous et la femme habillée de rouge devant eux ne lui inspirait aucune confiance.
— Soyez les bienvenus, dit-elle en s'inclinant légèrement devant le groupe qu'ils formaient.
Dante afficha un sourire poli.
— Lorelei Tsing, quel plaisir de vous revoir, dit-il en lui prenant les mains. Le prêtre du feu, Cage, n'est pas présent à Polis ?
La jeune prêtresse parut embarrassée et expliqua :
— La princesse Octavia a été enlevée... Et le prêtre est à sa recherche.
La surprise se peint sur le visage des invités et Lorelei précisa :
— Vous n'êtes pas sans savoir que notre royaume subit quelques rebellions... Une région en particulier pose des problèmes et pour montrer leur désaccord au couronnement du prince a décidé de s'en prendre à sa sœur en l'enlevant et en exerçant un chantage ignoble sur lui. La liberté de sa sœur contre son renoncement au titre de roi.
— Pourquoi ne pas m'en avoir parlé ? Demanda Dante, nous aurions pu invoquer le conclave et...
— Le prince a pensé que le prêtre du feu serait gérer la situation, le coupa-t-elle. Cage est un grand diplomate et nous avons toute confiance en lui. Si, néanmoins, les choses n'étaient pas réglées d'ici la fin de la semaine, nous ferons évidemment appel au conclave...
Dante comprit le message et hocha la tête.
— Y-a-t-il quelque chose que je puisse faire... ?
— Oui. Le couronnement du prince ne doit pas être reculé, c'est ce qu'ils veulent. Ces rebelles n'ont toujours pas compris que l'intimidation ne marche pas sur la famille Blake. Octavia sera libérée et les traîtres exécutés...
Un silence pesant suivit les paroles de la jeune prêtresse.
— Ma sœur est prisonnière de moins que rien... La mort est un châtiment bien doux pour eux...
L'affirmation avait été prononcée avec une haine palpable par le prince qui entrait dans la pièce.
Raven détailla Bellamy qu'elle n'avait pas revu depuis plus de quatre ans. Le prince n'était jamais venu voir sa sœur à Elrach, guerroyant dans son royaume depuis son propre retour à Polis.
Il avait vieilli et... embelli. Il se dégageait toujours de lui cette fourberie déplaisante, mais une certaine aura de pouvoir le rendait étonnamment séduisant. Son assurance avait également quelque chose d'assez troublant.
Ce jugement, moins dur que lors de son séjour à Elrach, chuta lorsque le prince posa les yeux sur la porteuse.
Raven retrouva dans son regard ce qu'il contenait déjà à l'époque et un sentiment de haine pour le futur roi la traversa.
La gardienne capta le prêtresse en train de l'observer avec mystère et elle se racla la gorge.
— Vous vous demandez certainement pourquoi un oiseau m'accompagne ? Biaisa-t-elle.
— Pas vraiment... Votre animal de compagnie n'a rien de très original. J'ai moi-même apprivoisé un loup qui reste à mes côtés lors de mes visites dans les baronnies de Polis...
Raven chercha une réponse adéquate mais n'en trouva pas.
— Votre Majesté, commença Dante, brisant le silence. Nous sommes sincèrement désolés pour votre sœur et je sais que vous préféreriez que la cérémonie se maintienne, mais au vu des circonstances...
Bellamy leva la main.
— Octavia a été ramenée par le prêtre Cage, il y a quelques minutes à peine... C'est la raison de mon retard, pour lequel je vous dois des excuses...
Dante sourit avec compréhension.
— Cela n'a pas d'importance, Majesté. Si vous saviez à quel point je suis heureux que votre sœur soit seine et sauve. Sa présence à la cérémonie m'enchante et...
— Elle n'y assistera pas.
Dante fronça les sourcils et Bellamy leva le menton, croisant son regard.
— Elle a été droguée et nous essayons de savoir si d'autres sévices ne lui ont...
Il s'arrêta, serrant le poing et les mâchoires.
— Elle a besoin de repos, finit-il.
— Je comprends... Puis-je la voir ?
Bellamy plissa les yeux, ne remarquant pas ce qui n'avait pas échappé à Raven et Clarke, la modulation différente de la voix de Dante.
Le prince inclina la tête et murmura :
— Bien sûr, grand prêtre. Je vais vous y emmener sur le champ. Il reprit d'un ton autoritaire. Tsing, montrez à la porteuse et la gardienne la salle de cérémonie...
Dante lança un coup d'œil à Raven qui le rassura d'un signe discret et emboîta le pas à Bellamy.
— Qu'est-ce que ça voulait dire ? Demanda Clarke.
La porteuse n'ayant pas touché la jeune prêtresse qui leur montrait le chemin, elle savait qu'elle ne pouvait l'entendre. Raven signa discrètement dans le dos de Lorelei.
— Que je ne sens pas la présence de Becca...
— Dans Polis ?
— Oui.
Clarke resta songeuse à cette confession. Peut-être que la cérémonie se passerait bien finalement et que la métamorphe ne viendrait pas.
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La cérémonie aurait lieu, non pas dans la grande salle du palais, comme lors de celle de la Flamme, mais dans la chapelle du château qu'elles ne connaissait pas.
Au royaume du feu, la cathédrale aurait dû remplir ce rôle, or, elle avait brûlé sept ans plus tôt lors du grand incendie de Polis et était toujours en construction.
Un incendie qui avait eu du mal a être maîtrisé, un feu que l'on soupçonnait d'avoir été contrôlé par la magie.
Dante était venu enquêter sur les dégâts, malheureusement encore aujourd'hui, le coupable restait toujours introuvable.
Dans la petite chapelle, le nombre serait restreint. Un choix prévu par le roi qui ne voulait pas se servir de la salle où sa sœur avait été rejetée par la Flamme et dans laquelle Astra avait été choisie.
La porteuse et la gardienne attendait le grand prêtre qui franchit les portes de la chapelle et s'avança vers elles, le visage impassible. Quand il fut à côté d'elles, il chuchota :
— Il y a quelque chose qui cloche...
— N'avez-vous pas vu la princesse ?
— Si, et en effet, elle a été droguée... Elle va s'en sortir, apparemment elle n'a pas été violentée, mais ce qui m'inquiète est l'absence du prêtre du feu, Cage. Il est resté là-bas dans la région de Pasargades... Le prince est très évasif sur son absence ce soir et le fait que ce soit Lorelei qui le remplace... Bellamy me cache des choses et je crains que le prêtre n'ait été échangé contre la princesse...
Les deux jeunes femmes ouvrirent la bouche d'étonnement.
— Je connais Cage, c'est quelqu'un de prudent et il n'aurait pas manqué cette cérémonie de son plein gré... En tant que... Dante s'arrêta. Personne ne savait qu'il était son fils, même Luna l'avait oublié. Il savait qu'il n'aurait pas dû paniquer de la sorte, mais il sentait que Becca était derrière tout ça. Il inspira et reprit : en tant que grand prêtre, c'est mon devoir de savoir si les prêtres des quatre royaumes sont toujours... en vie.
— Vous pensez... qu'il est mort ?!
— Je pense qu'il lui est arrivé quelque chose, confirma Dante. Je partirai pour Pasargades juste après la cérémonie. Raven et toi assisterez au dînez puis vous en irez à la fin de celui-ci.
— Je croyais que l'on devait aussi partir après la cérémoniel ? Demanda Raven.
— C'est vrai, mais je devrais être de retour pour le dîner et vu que tu ne sens pas la présence de la métamorphe, je pense que vous pouvez prendre ce risque. Restez ensemble et au moindre doute, si tu as l'impression qu'elle est là, Raven disparaît immédiatement avec la porteuse. D'accord ?
— Mais je ne peux pas emporter quelqu'un avec moi ?! S'exclama Raven.
Dante la regarda sans comprendre.
— Bien sûr que si, dans la mesure où tu peux toi-même le faire, tu peux aussi prendre quelqu'un avec toi. Je pensais que tu le savais, chuchota-t-il.
Raven resta silencieuse devant cette nouvelle et Dante reprit tout en sachant qu'elles feraient ce qu'il avait demandé :
— Très bien, allons-y, le prince ne va pas tarder...
À l'arrivé de Bellamy, la cérémonie commença. Le prince jura sur le sang de sa famille qu'il obéirait aux Dieux, qu'il protégerait son peuple, reçu la bénédiction de la porteuse, et celle du grand prêtre puis ressortit de la chapelle sous les vivas en tant que nouveau roi du royaume du feu.
Dante disparut peu de temps après lui et Clarke, Raven furent invitées au dîner. Max était resté dans la chambre, « l'animal de compagnie » de la gardienne était toléré à Polis, mais pas au repas ou à la cérémonie. Cela avait été prévue et Anya via l'esprit du chouca, prévenue pour le dîner, planait au-dessus de la capital à la recherche du moindre danger.
Peu de temps avant la fin du dîner, le roi Bellamy s'excusa auprès d'elles. Sa sœur venait de se réveiller et il devait la voir. Il les remercia et se montra très agréable, leur souhaitant un bon retour et la joie qu'il avait de les revoir dans environ trois mois.
Les deux jeunes femmes s'éclipsèrent et regagnèrent leur chambre afin de reprendre leurs affaires pour leur départ.
Max les attendait.
— Alors ? Lui demanda Raven
— Rien... où est Dante ? Répondit Anya dans leur tête.
— Il a dû partir pour Pasargades en urgence. Nous n'avons pas besoin de l'attendre et...
La porteuse se figea.
— Clarke tout va bien ? S'inquiéta Raven.
— La princesse Octavia est en danger... Elle appelle au secours...
Raven croisa le regard du chouca puis revint vers Clarke la tête baissée et remarqua enfin les iris noirs, comprenant qu'une des anciennes porteuses avait pris possession de l'actuelle :
— Non, souffla-t-elle.
— Si, ma sœur est en danger, répondit la voix caverneuse, et je ne partirai pas sans elle...
Elles entendirent Anya jurer et menacer la porteuse.
— Astra, tu n'as pas le droit... libère Clarke, si les Dieux...
— C'est déjà arrivé et les Dieux m'ont laissé faire... Libérez ma sœur et je vous jure qu'il n'arrivera rien à Clarke.
Raven lança un regard désespéré à l'oiseau.
— Gardienne, sens-tu la présence de Becca ?
— Non, avoua-t-elle après avoir un instant fermé les yeux, mais...
— Il n'y a pas de mais... Octavia a besoin de nous !
— Tu n'es pas objective, argua Anya.
— Tu as raison chamane, et si vous voulez récupérer Clarke, vous n'allez pas l'être non plus. Raven transforme-toi en oiseau, vole jusqu'à Octavia, emmène-la loin d'ici et viens récupérer Clarke. Il faut que ce soit fait ce soir, ainsi tout le monde croira qu'elle a à nouveau été enlevée...
— Je vois que tu as pensé à tout, se moqua Raven.
— Tu es la gardienne, Clarke est ta sœur, tu comprends très bien ce que je traverse. J'ai perdu mes parents et mon frère, Octavia peut être sauvée. Je me fiche de tes sarcasmes et je ne suis pas l'ennemie ici, je cherche juste à sauver la dernière magicienne pure de la famille Blake...
Le ton était glaciale et Raven devait admettre qu'elle avait raison, pour Clarke, elle serait prête à faire n'importe quoi.
— En agissant de la sorte, si, tu es l'ennemie et je me fous de sauver ta sœur...
Astra n'écouta pas la chamane, fixant avec acharnement la gardienne à la place qui murmura :
— Je vais le faire...
— Raven ! Non ! S'écria la chamane.
La gardienne se tourna vers le chouca :
— Surveille-la quand je serai partie. Astra a raison, si elle est toujours là c'est que les Dieux le tolèrent, ça veux certainement dire quelque chose. Ce ne sera pas long et... je peux sentir que Clarke va bien, qu'elle est...
— En quelque sorte endormie, précisa Astra.
Raven hocha la tête et se dirigea vers la fenêtre.
Anya ne savait pas quoi faire. Elle bouillonnait de rage, mais était inutile. Il fallait qu'elle obéisse à la gardienne. Elle ne quitta pas Astra des yeux lorsque Raven se tourna vers Astra en déclarant :
— Si tu ne tiens pas ta promesse... Je te tuerai...
— Je suis déjà morte...
— Je trouverai un moyen de te faire disparaître du corps de Clarke.
— Sauve ma sœur et tu n'en auras pas besoin. Je suis prête à subir les conséquences pour mes actes s'il le faut...
Raven se changea en corbeau et s'envola. Elle tournoya autour du château puis fut attirée par une chambre éclairée qui donnait sur la capitale, y sentant la présence de la princesse. Elle se posa sur la rambarde de la terrasse en observant Octavia marcher jusqu'au balcon afin d'observer Polis d'un œil tranquille puis croiser les bras sur son peignoir en soie rouge qui laissait deviner les courbes de son corps.
La gardienne insulta mentalement Astra. Sa sœur ne semblait ni blessée ni apeurée. Elle s'apprêta à prendre son envole lorsque la princesse du feu se tourna vers elle et croisa son regard.
Le corbeau se pétrifia en voyant les iris entièrement rouge la fixer avec intensité et la voix d'Octavia susurrer :
— Raven, si tu savais depuis combien de temps j'attends ce moment...
Le sort la percuta de plein fouet et l'envoya violemment dans la pièce. Entraînée sur le sol jusqu'au lit, reprenant forme humaine malgré elle, la gardienne se cogna la tête contre le mur.
Raven tenta de se relever, mais le poids du loup noir au-dessus d'elle l'en empêcha.
Ses dents immenses la terrifiaient, il dut le sentir et reprit sa forme de départ.
Elle n'avait pas changé. La femme qui la maintenait sur le sol était celle qu'elle avait vu ce soir-là à la cérémonie de la Flamme.
— Raven, susurra-t-elle à nouveau, tu es à moi...
La gardienne ne savait pas quoi faire et entendit de très loin la voix d'Anya qui lui ordonna de se sauver quand Max arriva dans pièce et s'attaqua à la métamorphe. Becca hurla de douleur en portant les mains au visage suite à l'attaque de l'oiseau et des serres qui venait de la griffer, manquant de peu de crever son œil gauche.
Raven se releva en un éclair, vit Max s'enfuir par la fenêtre et manqua un temps d'arrêt en découvrant le cadavre sur le lit, puis se dématérialisa en un nuage de sable en hurlant de douleur au moment où les griffes s'enfonçaient dans sa cuisse et que résonnaient à ses oreilles le cri de rage de la métamorphe noire qui n'avait pas réussi à la retenir.
La gardienne atterrit dans la chambre à l'instant où Max revenait.
Clarke inerte sur le sol respirait profondément. Raven ne savait pas où était passé Astra, mais ce n'était son problème pour le moment.
Elle porta une main à sa cuisse en sang et ordonna à Max de venir se poser sur son épaule.
La gardienne tomba à genoux près de Clarke, lui attrapa le bras et quitta le royaume du feu en un nuage de sable.
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Abby anxieuse dans la salle de réunion de Xas, sursauta en voyant apparaître sa fille en sang à moins d'un mètre qui s'évanouit dans ses bras quand elle se précipita vers elle.
La reine remarqua Clarke ouvrir les yeux et cria :
— Que s'est-il passé ?!
La porteuse baissa la tête et murmura :
— Astra...
Clarke réalisa à cet instant que Raven était blessé et posa les mains sur sa cuisse, cherchant à refermer les plaies. Après plusieurs essais, elle s'écarta et souffla :
— Je n'y arrive pas...
— Veille sur elle, je vais faire venir de quoi la guérir sans la magie, dit-elle en marchant vers un des gardes près de la porte.
Clarke acquiesça puis regarda l'oiseau qui sautillait un peu plus loin, comprenant que l'esprit de la chamane ne l'habitait plus.
— Où est Anya ? Demanda-t-elle.
Abby se retourna et expliqua.
— Elle est partie à Elrach... Si les choses tournaient mal, elle devait se rendre à la cité magique avant de revenir à Xas...
La reine porta une main à la pierre de connexion qui l'avait avertie quelques minutes plus tôt que Raven était en danger, mais qui restait noire entre ses mains, la rassurant sur le sort de la chamane.
— Où est Dante ?
— À Pasargades... Il ne sait pas ce qui est arrivé...
— Il ne devait pas vous quitter ! S'énerva Abby.
— Il est allé voir si son fils était toujours en vie, annonça doucement Clarke. Le prêtre du feu Cage est son fils, les anciennes porteuses me l'ont dit.
Abby ouvrit la bouche à cette nouvelle et la referma alors que les servantes arrivaient et déposaient près de gardienne ce qui avait été demandé avant de disparaître rapidement sous son ordre.
Clarke déchira le pantalon pour accéder à la blessure et commença à désinfecter la plaie.
Raven gémit et ouvrit les yeux. Abby lui posa une main sur la torse en murmurant :
— Ne bouge pas, Raven, tu es blessée à la cuisse et tu perds beaucoup de sang, nous allons te soigner...
— Becca... elle...
— Chuut... Ne parle pas.
La jeune femme croisa le regard de sa mère et n'écouta pas son conseil.
— Elle a tué Bellamy, dit-elle difficilement.
La reine de l'air et la porteuse se jetèrent un coup d'œil guère rassuré et revinrent à Raven qui déglutissait et reprenait :
— Je sais quel est le secret des infidèles... Elle grimaça et murmura. En plus des animaux, ils peuvent prendre la forme de n'importe quel autre être humain...
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Lorelei Tsing sourit intérieurement en entendant le gémissement de plaisir de la femme dans le lit avec elle.
Elle s'arrêta et se concentra. Elle posa les yeux sur sa bague et recula.
Ontari s'appuya sur ses coudes et observa, étonnée la jeune femme qui avait reculé.
— Lorelei ? Tout va bien ?
La prêtresse sauta du lit, attrapa sa tenue sans lui répondre, l'enfila et disparut dans un nuage d'étincelles sous le regard d'incompréhension d'Ontari complètement nue dans le lit.
Lorelei se matérialisa dans la chambre et soupira de soulagement en voyant la femme seine et sauve.
— Que s'est-il passé ? Demanda-t-elle en remarquant les griffures sur le visage de la métamorphe.
— La chamane, grinça-t-elle pour toute réponse. Je l'avais, j'avais Raven et elle est apparue...
La rage suintait du corps et percutait désagréablement la prêtresse du feu.
— Laisse-moi m'occuper de tes blessures.
La métamorphe croisa son regard et hocha la tête en inspirant pour se calmer. Elle sentit les plaies se refermer et la remercia.
Lorelei sourit gentiment. Son regard tomba sur le cadavre sur le lit et elle demanda :
— Tu veux que je me débarrasse du corps de Bellamy ?
— S'il te plaît et j'ai besoin d'être seule, je dois réfléchir à la suite des événements, à l'évasion de Raven...
— Bien, comme tu voudras...
La prêtresse s'inclina, attrapa le poignet du roi mort et disparut de la pièce avec lui.
La femme portant toujours son peignoir rouge marcha jusqu'à la terrasse et posa les mains sur la rambarde en contemplant Polis.
Il était temps d'agir, pensa-t-elle.
Elle changea de forme. Un Bellamy aux iris rouges sourit au volcan au-delà de la capital et murmura :
— Oui, il est temps que la puissance du feu efface les autres éléments. Il est temps que Polis déclare la guerre aux autres royaumes...
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À suivre...
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N/A : Merci à tous ceux qui ont suivi cette histoire de près ou de loin, en laissant des reviews... ou non.
Un immense merci à Melicerte pour tous ses encouragements, ses commentaires réguliers et... ses tutoriels ;)
Le tome deux de cette histoire sera publiée à partir de début novembre.
