Résumé : Tal' a un don qui lui pourrit la vie. Mais cette année, il pourrait bien en sauver d'autres !

Note de l'auteur : Coucou les chatons cornus ! Bienvenue dans ma vision très conceptuelle de la nouvelle génération ! Je vous invite dans un étrange voyage des sens aux côtés d'un garçon spécial et perturbé, mais très attachant et promis à une grande aventure :) Merci infiniment à Charlie Eriksen - Laukaz, magnifique auteure, qui a eu la gentillesse d'accepter d'être ma beta-lectrice . Bonne lecture !

… … ...

Je vais vous poser une question qui me taraude depuis trop longtemps : que connaît-on vraiment du monde qui nous entoure ? De ce qui est vrai, et ce qui ne l'est pas ? Parce que je crois, naïvement peut-être, qu'on ne peut pas être sûr de la véracité d'un truc si on ne l'a pas éprouvé. Mais qu'on ne peut pas non plus en être sûr quand on est le seul à l'éprouver ! Alors qu'est-ce qui fait que quelque chose est vrai ? C'est là tout le problème de ma vie.

On m'appelle Tal. En vrai, mon nom c'est Talisman Whimsy. Je le vis bien, y'a des noms plus bizarres ! Et puis c'est sincèrement le dernier de mes soucis. Si je devais faire un top 3 de mes emmerdes actuelles je dirais en trois que je suis un sorcier déplorable, faisant la honte de mes professeurs, de mes parents et surtout de ma Maison, en deux que ma vie sociale est quasi inexistante, et en un... Je suis très probablement fou.

" Tu n'as pas dormi depuis combien de temps ? "

J'adore Fabulius, et pas seulement parce qu'il a clairement un nom pire que le mien ! Il va toujours droit au but, on peut dire qu'il n'a aucun tact. C'est une qualité, pour mon meilleur ami.

" J'ai arrêté de compter... " Je marmonne en touillant mon porridge tiède.

" T'as pas pu te reposer pendant les vacances ? Je croyais que tes parents t'avaient payé une cure pour soigner tes migraines, ça a pas marché ? C'était où déjà ? "

" A Brocéliande. Disons que ça ne valait pas le coup de traverser la Manche pour ça. "

" Ah... En tout cas t'as une tête affreuse. " Conclut-il en reprenant son petit déjeuner.

Je décoche un vague sourire en le regardant s'empiffrer. Il a ce genre de visage adorable qui fait qu'on lui pardonne tout, même ces remarques blessantes. Une bouille d'ange, avec des fossettes, des jolies pommettes roses et des bouclettes blondes qui lui caressent les tempes. Un peu tout le contraire de moi. Fab' dit que je ne suis pas objectif, parce qu'il est très clair que je me déteste, mais ce n'est pas sur moi que les filles se retournent en gloussant dans les couloirs. Ce chérubin accepte sans poser de questions toutes mes bizarreries depuis notre deuxième année d'études, cinq ans donc, mais il n'a aucune idée de ce qui se cache vraiment derrière mes insomnies et mes " migraines " . Comme, par exemple, le monstre immonde qui fait les cent pas dans la Grande Salle en remuant ses bourrelets suintants de graisse.

Non non, ne cherchez pas ce qui cloche, vous avez bien compris ! Un monstre se balade dans la Grande Salle de Poudlard, grand et large de plusieurs mètres, la gueule béante, la langue pendante, les yeux exorbités, et personne à part moi ne lui prête la moindre attention ! Et vous savez pourquoi ? Parce que je suis le seul à pouvoir le voir, bien entendu ! Et par Dumbledore, que c'est horripilant...

Lui, je l'appelle Le Goinfre. Ce n'est pas très original, mais quand on côtoie ce type d'apparitions à longueur de temps depuis sa naissance on ne s'embête plus à les identifier ou à les rendre cool. Pour en revenir à celui-là, imaginez que c'est un condensé de sensations : la gourmandise, le dégoût, le plaisir et le déplaisir de manger, l'odeur de thé, de jus de citrouille, de bacon et de pain grillé, le goût de façon générale, présent dans chaque bouche de chaque personne dans cette pièce, se manifestant sous une forme physique, variable suivant l'expérience sensorielle globale. Compliqué, même pour moi. Hélas. Les autres élèves ne connaissent d'étrange ici que des fantômes, des armures vivantes et des tableaux parlants, mais moi je vis un véritable enfer. On n'échappe pas à nos sens, ils nous suivent partout ! Donc, les échos en font autant.

" Le yoga. " reprend Fab' sur un ton d'évidence.

" C'est de la magie noire ? "

Je préfère demander, on ne sait jamais avec lui.

" C'est un sport de relaxation, les moldus en raffolent tu sais ? Ma mère en fait avec un coach particulier tous les matins depuis six mois ! Je l'ai jamais vu aussi détendue ! Tu devrais essayer. "

" Oh, pauvre enfant... Six mois que tu as un nouveau beau-père, et tu ne l'a toujours pas réalisé tout seul. "

Fabulius me foudroie de ses yeux verts courroucés, mais je perçois que le doute qui s'y est immiscé, malgré tout. Je ricane, en réponse de quoi il m'envoie une tranche de pain à la figure.

" Je sais pas pourquoi j'essaie de t'aider. " Grommelle-t-il.

Je ri et le laisse ronchonner. Quelques secondes plus tard je sens la fille assise à côté de moi se lever et quitter la table des Serdaigles, et je m'attarde plus que je ne devrais sur cette sensation fugace du frottement du tissu de nos robes au moment où nous nous frôlons. Ça me donne des frissons, qui eux-mêmes font apparaître du givre sur le bord de mon bol de porridge. Je chéris ces échos là, doux, discrets, mignons, si éloignés de l'autre chose écœurante qui m'empêche de manger en paix.

" Taaal' ! Regarde, regarde, j'ai mon emploi du temps ! Mon premier emploi du temps, regarde ! " S'écrie avec enthousiasme ma petite sœur en prenant sans attendre la place laissée vacante par ma camarade de classe.

" Ton emploi du temps ? C'est génial,Yuyu, montre-moi ! " Je répond sur le même ton.

Lyudmila vient de faire sa première rentrée à Poudlard, alors forcément elle est un peu surexcitée, mais quand on la connaît bien on apprend à apprécier sa capacité extraordinaire à s'émerveiller de tout. Yuyu, c'est le plus beau cadeau d'anniversaire que j'ai jamais eu. Peut-être que des tas de gens détesteraient partager leur anniversaire avec leur petite sœur mais pas moi, car dès que j'ai croisé le regard de cette boule d'amour, mon monde ne m'a plus paru aussi effrayant. Je l'ai toujours vu parée d'étincelles de joies, littéralement, ce qui flatte assez sa peau sombre et ses cheveux noirs et épais. Elle a comme tous les membres de notre famille une petite tendance à l'embonpoint mais je dirais que c'est ce qui fait notre charme.

" Oh, tu commences avec Sortilèges ? Tu verras, le prof est très sympa. " Je l'encourage en renouant sa cravate jaune qui se fait la malle. " Tu me montreras ce que tu as appris ? "

Elle ignore totalement ma question et salue plutôt mon ami.

" Bonjour Fabulius ! "

" Ah, salut Lou... You... Liyou...hem... Mila ? "

En voyant mon regard noir, il tente de se rattraper.

" J'ai tout de suite reconnu ton œuvre, hier ! "

" Ah ? Tu aimes bien ? Tu voudrais que je te coiffe aussi ? "

" Jamais de la vie, mais merci d'avoir demandé ! " Se moque-t-il gentiment.

Quoi ? Je suis rentré d'une cure aux dolmens d'un mois, j'avais mes affaires de cours à préparer, les cheveux trop longs à mon goût, j'ai peut-être juste manqué de discernement en faisant appel à une enfant de onze ans pour régler le problème... Tandis qu'elle retourne en courant rejoindre les Poufsouffles, je passe une main distraite dans les mèches inégales qui encadrent tant bien que mal ma mâchoire.

" Tu vas me redire que c'est une artiste incomprise ? " S'amuse le blond en ramassant son sac, prêt à partir.

" Elle grandit trop vite... " Je regrette en prenant aussi mes affaires.

Le repas se terminant, le Goinfre a comme dégonflé. Il s'est assis dans un coin de la pièce, se léchant les babines en dévorant des yeux les élèves qui s'en vont en cours, l'air satisfait. Il va réduire, petit à petit, jusqu'à disparaître. Mais je sais qu'il réapparaîtra bien assez tôt, à la première sensation de faim, et Merlin sait que les adolescents ne manquent pas d'appétit.

Je marche les yeux baissés, ce qui donne paraît-il l'impression que je suis introverti. Le brouhaha constant de l'école me fait voir sur les murs un troupeau de plusieurs centaines de rhinocéros gris, chacun à peine plus grands que ma main, marteler, enfoncer, gratter les pierres de ce vieux château, et c'est très anxiogène, alors je préfère ne pas lever les yeux sur eux et suivre plutôt du regard les talonnettes de mon ami pour me repérer. Comme si ça ne suffisait pas, un visage cauchemardesque sort même du plafond pour rire de moi ! Ah, non, ça c'est Peeves, l'esprit frappeur de l'école... Je m'accroupis à temps pour éviter un coup de canne et le maudit intérieurement de rendre mes jours ici encore plus désagréables. Son caquètement sinistre nous suit dans les couloirs. Et on s'étonne que j'ai la migraine...

Je sais que nous sommes arrivés à destination lorsque j'entends la voix dégoulinante de mépris de ma préfète nous accueillir à l'entrée de la salle de Métamorphose.

" Ah, Whimsy et Park ! Je vous attendais. On va devoir mettre les choses au point cette année. " nous prévient Héléna en nous toisant, les bras croisés et son petit nez pointu dressé au garde à vous.

" La reine des glaces va parler, oyez oyez ! " Déclame Fabulius.

" Fab', s'il te plaît... "

Je ne me sens pas du tout prêt à subir leurs engueulades de si bon matin.

" On t'écoute, Redwing, désolé pour l'interruption. "

Elle fait une petite moue contrariée mais m'accorde un signe de tête pour me remercier de ne pas en rajouter. Ce n'est pas une fille très engageante, Redwing, alors il vaut mieux la prendre avec des pincettes. Elle a le look d'une cheerleader, l'intellect d'un génie des potions et le caractère d'un hippogriffe. Mais je comprends, ce n'est pas de sa faute. Elle est naturellement très stressée. Je le sais parce que là où ma sœur brille de joie, Héléna a des épines qui lui sortent des bras et du dos presque constamment. D'avantage quand elle pose le regard sur mon pote et moi.

" Soyons sincères, je ne sais pas comment tu as fait pour réussir tes BUSEs, Whimsy, mais puisque c'est le cas, tu dois avoir des compétences. Elles sont juste... très bien cachées. " Grimace-t-elle.

" Tu me flattes... "

J'ai du mal à cacher un bâillement, ce qui l'énerve encore plus et la fait ressembler à un oursin.

" Tu ruines systématiquement nos efforts pour gagner la Coupe des Quatre Maisons, alors excuses-moi de ne pas avoir de compliments sincères à te faire ! Nous travaillons tous très dur, nous avons une réputation à tenir ! La Maison de la connaissance, de l'intelligence, de l'ambition, du dur labeur… ! "

" On est la Maison de la sagesse et de la curiosité, en fait. " La coupe Fab'. " La Maison de l'ambition, c'est Serpentard. Mais je t'en prie, continue... "

" Toi, le nabot frisé, tu ferais mieux de ne pas la ramener ! C'est à cause de toi que Whimsy ne parvient pas à se concentrer en classe, et j'en ai assez que tu l'embrigades dans tous tes coups fourrés ! Combien de fois j'ai dû intervenir l'an dernier ? Dix fois au moins ! Vous avez passé plus de trois mois en retenue ! Les pires abrutis de Gryffondor n'en ont jamais fait autant ! Et pourquoi aller les provoquer à tout bout de champ d'ailleurs, vous y gagnez quoi à la fin ?! "

Elle prend une profonde inspiration pour apaiser sa colère avant de reprendre.

" Non, c'est finit, plus de bêtises cette année. Je compte sur vous pour mûrir, et pour ça je vais devoir vous séparer. "

" Quoi ?! " S'écrie-t-on en chœur.

" Parfaitement ! Dorénavant, Whimsy, je serais assise à côté de toi à chaque cours que nous avons en commun, et je m'assurerais que tu prennes tes devoirs très au sérieux. J'ai d'ailleurs préparé un planning de révisions précis pour chaque semaine. Considère que je suis désormais ta coach personnelle en réussite scolaire. "

Cette annonce me provoque une telle montée d'angoisse que, moi aussi, je me retrouve couvert de ses épines. Sauf qu'à moi, elles font vraiment mal ! Cette garce est contagieuse !

" Oh c'est bon ! Ne fait pas cette tête, on dirait que je t'ai frappé ! " S'agace-t-elle. " Je fais ça pour ton bien ! "

" Tu fais ça pour gagner une stupide coupe ! "Je m'insurge.

" Et on va la gagner. " conclut-elle d'un ton menaçant en m'attrapant la main pour me traîner au premier rang de notre salle de classe.

Dire que le cours m'a semblé long est un euphémisme. J'ai eu envie de vomir tout du long. L'ambiance instaurée par Héléna n'a fait qu'accroître le nombre de sensations négatives de tout le monde. Ce satané stress, bien sûr, qui serpente en chacun de nous et nous pique de ses épines lorsque notre professeur mentionne ses ambitions pour nous aux ASPICs, mais aussi la somnolence et l'ennui, ce petit être de sable blanc qui prend forme et se décompose dans un chuintement entre les rangs de nos bureaux. Lorsque Fab' et moi sommes ensembles, les élèves ne somnolent pas. Maintenant qu'il est assis à côté d'un Gryffondor ayant pris le même module de Métamorphoses que nous, il se contente de prendre mornement son cours, la tête avachie sur son poing fermé. Et je le remarque à peine car une grosse main fantomatique gratte le bois des barreaux nos chaises au rythme des plumes sur les parchemins. Nous sommes dissipés, d'accord, nous attirons l'attention, surtout lui... Mais ensemble nous créons des sensations positives qui contrebalancent les négatives. Pour moi ça fait une grande différence, et si les autres voyaient ce que je vois, ils comprendraient. Voilà pourquoi je ne veux m'entourer que de personnages lumineux, extravertis et fantasques. Voilà pourquoi je déteste cette idée de séparation. Voilà pourquoi j'en veux à Redwing.

Comprenez-moi bien, j'ai conscience de mes lacunes scolaires, je les déplore très sincèrement et dans d'autres circonstances j'aurais été ravi d'avoir un peu d'aide et de soutien pour m'améliorer. Mais si j'ai ces difficultés, c'est à cause de mon... Don, ou de mes hallucinations, je ne sais toujours pas comment les appeler, qui me déconcentrent et me rendent nerveux. Et vous savez tous les efforts que je dois faire pour garder mes réactions pour moi et ne pas dévoiler que je vois toutes ces choses ? Alors la pression que ma préfète a décidé de mettre sur mes épaules ne fait qu'empirer le problème au lieu de le régler!

En sortant de la pièce, elle n'a pas l'air satisfaite. Pourtant j'ai vraiment fait de mon mieux pour répondre à ses exigences, espérant qu'elle change d'avis. Il faudra plus d'un cours pour cela. Elle me dépasse pour rejoindre notre prochaine destination, entourée de ses amis qui la plaignent, sûrement très sincèrement d'ailleurs, pour le " sacrifice " qu'elle a choisi de s'infliger pour le bien commun. Avoir le nom de la fille de notre Fondatrice ne suffit pas pour elle, il faut qu'elle passe pour notre messie maintenant...

Fab' me tapote l'épaule et m'assure qu'il se débrouillera pour lui damer le pion plus tard. Au fond, je pense que ma rentrée " ordinaire " est déjà bien foutue et j'aimerais retourner me coucher. Mais alors que je prends les escaliers pour monter à l'aile Est, je remarque en haut des marches ma Yuyu adorée, mon petit cupcake innocent, inconsciente des dangers de cette école, entrain de discuter avec deux élèves de Serpentard plus âgés. Elle a le rose aux joues et semble totalement captivée par eux, ce qui m'horrifie, mais ce qui manque de me faire avaler ma chique, c'est la silhouette légendaire qui se découpe derrière l'un d'entre eux. J'agrippe la manche de Fab' et enfonce mes ongles dans son bras, mes yeux noirs grands écarquillés, et c'est le son de ma voix qui me fait réaliser mon propre état de choc.

" M...m...monsieur Potter ?! "