Auteur : Nat, pour vous servir… sur un plateau des textes que personne n'avait envie de lire. Si vous n'avez besoin de rien, je suis là pour vous !

Disclaimer : Les elfes ne m'appartiennent pas. Oui, je sais, c'est un scoop. Prévenez les médias.

Warnings : A priori, y'aurait rien de choquant dans ce texte, c'est juste un truc bizarre sans être drôle, pour une fois. Et je crois pas que ça soit triste non plus. Au pire, vous me direz ce que vous en pensez. Donc voilà : Attention, euh… truc bizarre en approche.

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Liset

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La salle commune de l'auberge résonnait des bonjours joyeux que se lançaient les voyageurs d'un bout à l'autre de la pièce. L'averse torrentielle s'était changée en une petite pluie fine pendant la nuit, avait constaté Liset avec satisfaction lorsqu'elle avait ouvert les volets, et la plupart de leurs hôtes matinaux se préparaient déjà à partir pour la foire. La Petite avait ramené du séchoir les manteaux, capes, pèlerines et autres houppelandes que les gamins fraîchement débarqués de la ferme voisine aidaient maintenant à distribuer à leurs propriétaires respectifs. Réfugiée dans la cuisine pour échapper à l'effervescence générale, la vieille Mère grillait le lard à tours de bras, quand elle ne malaxait pas des livres de gruau pour sustenter tout ce beau monde. Zigzagant entre les tablées bruyantes, le Mari déployait des trésors d'adresse pour empiler les bûches dans l'âtre en prévision de la prochaine flambée sans assommer l'un ou l'autre des consommateurs en manipulant ses encombrantes brassées de bois sec. Quant au Petit, juché sur l'un des hauts tabourets accolés au comptoir, il mastiquait sa bouillie d'avoine au miel tout en faisant savamment l'éducation d'un des deux enfants Elfes attablé près de lui : la leçon du moment portait sur la prononciation des mots « du pain », que le gosse s'acharnait à articuler « dû pin ».

Tout en torchonnant énergiquement la surface lisse du comptoir, Liset surveillait à la fois le bouillonnement désordonné de l'assemblée et les deux garçonnets qui déjeunaient face à elle. Le petiot aux oreilles pointues présentait une fâcheuse propension à l'agitation, avec un supplément maladresse non négligeable : il avait déjà heurté le vaisselier en négociant mal son virage après avoir dévalé l'escalier quatre à quatre. La brave aubergiste devait reconnaître n'être pas experte en culture elfique, mais elle se doutait fort bien que ses parents n'apprécieraient guère de le voir chuter de toute la hauteur de son siège. Ceux-ci s'étaient installés avec leurs gens à la table la plus proche et, même s'ils semblaient concentrés sur les affaires qu'ils discutaient dans leur langue étrange, Liset n'avait pas tardé à remarquer qu'au moins un des adultes gardait toujours un œil attentif sur le petit garçon. L'autre gamin fée, qui possédait apparemment une vivacité inversement proportionnelle à celle de son frère, était sagement assis entre le géant roux aux cicatrices et l'Elfe aux cheveux noirs et aux robes élégantes. Après avoir picoré sans conviction dans son bol d'avoine, le gosse avait finalement préféré le bouder pour frotter mollement une poupée de tissu devant ses yeux mi-clos. Le gigantesque rouquin lui adressait de temps à autre un regard où, s'il n'avait pas eu la figure si sévère, la tenancière de l'établissement aurait juré voir scintiller quelque chose qui s'approchait de l'amusement. L'autre parent se pencha sur son enfant ensommeillé, caressant d'une main les mèches brunes qui tombaient sur les épaules étroites, et lui parla doucement.

« Sen daw le avglinno i elin, Elrond, psalmodiait la belle voix mélodieuse. Lostho i sun, tinunín, si. »

Ses accents chantants parvinrent jusqu'à Liset malgré le brouhaha ambiant, lui causant un ravissement qu'elle s'expliquait d'autant moins qu'elle ne comprenait pas un mot de ce dialecte exotique. La réponse du gamin, certainement tout aussi inintelligible, ne lui parvint pas, mais le grand balafré repoussa le bol de bouillie d'avoine pour permettre au petiot de poser sa poupée à la place sur la table, avec de toute évidence la ferme intention de s'en servir comme oreiller. S'il parvenait à s'endormir avec un tel vacarme, Liset lui tirerait son chapeau.

Une troupe de Nains réclamant bruyamment du lard et du pain détourna son attention de la famille elfique. Laissant le gamin énergique aux bons soins du Petit, la maîtresse des lieux s'esquiva en cuisine chercher de quoi satisfaire les petites personnes barbues. Heureusement, la vieille Mère n'avait pas chômé : les dessertes regorgeaient de lard croustillant, de miches de pain chaudes et d'œufs pochés. Empoignant le plus proche plateau, Liset revint en salle servir ses clients. Les Nains plaisantaient dans leur parler guttural. Le Petit et son nouveau copain rigolaient pour une raison connue d'eux seuls, gigotant sur leurs tabourets. Le Mari cria qu'il sortait aux écuries. La Petite agitait une capeline au-dessus de sa tête, à la recherche d'un propriétaire perdu. L'enfant Elfe imitait quelque bête monstrueuse, grognant et montrant des griffes imaginaires à grand renfort de gestes amples, faisant le ravissement du Petit hilare… et perdant dans la foulée le peu d'équilibre qu'il possédait. Liset le vit basculer en arrière presque au ralenti, ses yeux gris soudain tout écarquillés de surprise.

« Hé là, p'tit gars ! Tombe pas ! Fit un Nain en rattrapant de justesse le gosse aux oreilles pointues. Ça serait dommage d'abîmer ta mignonne petite bouille, pas vrai ? »

Le garçonnet le regarda d'un air interloqué et vaguement inquiet tandis que le robuste Nain le rétablissait dans son assise. Il n'avait visiblement compris ni ce qui venait de lui arriver, ni les quelques paroles qui lui avaient été adressées. De la tablée voisine, l'Elfe aux robes bleues vola à son secours et passa des mains apaisantes autour des petites épaules, inclinant gracieusement la tête à l'adresse du sauveur de son fils.

« Je vous remercie, maître Nain, » sourit avec courtoisie la belle voix d'or.

Le concerné s'inclina avec une gravité que démentait son sourire avenant. Il se déclara gaiement au service de l'Elfe, ainsi qu'à celui de sa famille, avant d'empoigner le plateau d'œufs au lard pour le porter à ses compagnons. L'Elfe ajouta à l'adresse de l'enfant :

« Sedho Elros. Avdanno ned i ham, pînlim. Bado ceni gwanûnle a tôradar Maedhros, le thelo ? »

Le petiot hocha vigoureusement la tête, babillant un enthousiaste et incompréhensible charabia, et son élégant parent l'aida à descendre du tabouret. Ses petits pieds avaient à peine touché le sol que le gamin s'élançait déjà vers son jumeau somnolent. Le grand rouquin l'attrapa au passage et l'installa à son côté sans autre forme de procès. L'Elfe se tourna alors vers Liset sans se départir de son sourire affable.

« Puis-je vous demander combien vous devons-nous pour la nuit ? Mon frère souhaiterait que nous partions au plus vite, car notre route est encore longue. »

Liset glissa un regard méfiant vers l'Elfe roux, qui semblait écouter avec une grande attention le bavardage du petit garçon agité. Secouant la tête, elle additionna rapidement les sommes. Elle avait toujours été douée pour les calculs, lui répétait constamment la vieille Mère, et cela faisait leur fierté à toutes deux.

« A la saison, j'prends deux pièces d'argent par tête à la nuit, plus vingt-cinq d'cuivre par repas. Mais j'dois dire qu'vos gens ont pas vraiment dormi à l'auberge, voyez, et vos petiots ont pas pris grand place. J'compterai qu'une pièce d'argent pour eux, c'qui fait vingt-et-une pièces d'argent et cinquante d'cuivre. Après ça dépend d'votre devise, j'connais pas celles des vôtres, mais vous avez la valeur. »

L'Elfe sourit poliment et désigna son compagnon.

« Me permettrez-vous…? »

L'aubergiste le regarda s'éloigner, espérant secrètement qu'il n'allait pas envoyer son sinistre frère lui disputer le prix. Elle n'avait aucune envie d'interagir avec ce gaillard-là. Toutes ses cicatrices criaient assez bien son passif de guerrier, et les guerriers, elle s'en méfiait. L'avait déjà plus qu'assez de mercenaires par ici pour son goût. Trop instables, ces bougres-là, et toujours prêts à se quereller la dague au poing, infligeant ce faisant de sérieux dégâts collatéraux à son pauvre mobilier. Elle fut soulagée lorsque le grand rouquin se contenta de dénouer la bourse qu'il gardait à la ceinture et de faire ses comptes. L'Elfe brun revint bientôt déposer ses pièces sur le comptoir.

« Vingt-et-un en pièces de deux et de un pour l'argent, énonça-t-il de sa voix d'or, et cinquante de cuivre en pièces de dix. Cela vous convient-il ? »

Raflant les pièces d'une main habile, la tenancière de l'établissement observa du coin de l'œil les armes qui les frappaient. La plupart des blasons lui étaient parfaitement inconnus, mais quelques uns lui semblèrent bien familiers.

« Vous r'venez de la foire, non ? Demanda-t-elle à l'Elfe.

-Nous y sommes passés, confirma-t-il. Les enfants désiraient assister au spectacle des montreurs d'ours. Ils n'en avaient jamais vu auparavant.

-Ah, oui. Mon Petit aussi m'fait la vie avec ces ours tous les ans. Y s'en lasse pas, 'faut croire. Les vôtres d'vaient être contents. Y z'ont aimé ? »

L'Elfe sourit de nouveau, d'une façon bien plus naturelle que les premières fois, visiblement flatté qu'on s'intéresse à ses petits. Il semblerait qu'après tout, qu'ils aient les oreilles rondes, poilues ou pointues, des parents restaient des parents, constata Liset. Ils échangèrent quelques mots à propos des enfants. Puis l'Elfe rejoignit sa compagnie qui bouclait déjà les sacs de voyage et la brave femme, constatant une préoccupante pénurie de verres sous le comptoir, s'en fut en cuisine laver quelques chopes. Elle en revint après quelques minutes, armée d'une pleine brassée de pintes, demis et autres godets à essuyer.

Toute occupée qu'elle était à ranger les bolées et les cornes à bière sous le comptoir, Liset n'aurait pas remarqué le départ de la discrète troupe d'oreilles pointues si le Petit n'avait pas attiré son attention.

« Au revoir, Elrrross ! Clama le garçonnet en secouant les deux mains vers la lourde porte entrouverte. Au revoir Elrrronde !

-Navaer Tíbo, lui répondit l'un des enfants fées en agitant sa poupée avant de s'éclipser à l'extérieur.

-Au ravar ! » Lança l'autre d'une voix fluette, avec un accent à couper au couteau.

Avisant l'aubergiste qui le regardait, le gamin se fendit d'un large sourire et lui adressa un petit signe d'adieu. Liset hésita à lui répondre, les mains encombrées de chopines, mais déjà un adulte l'appelait au-dehors et le gosse disparut. La porte de chêne grinça de tous ses gonds en se refermant lentement sur la pluie dont les gouttes éparses pianotaient sur les pavés de la cour.

L'averse redoubla en début d'après-midi, noyant la terre sous des litres d'eau grasse. Si elle causa, au grand dam de Liset, l'élargissement irrémédiable des flaques de boue sur le pas de sa porte, elle eut au moins le bénéfice de rabattre vers l'auberge suffisamment de voyageurs détrempés pour y faire de nouveau salle comble. Dès le début de la soirée, toutes les chambres de la Tasse Vide avaient trouvé preneurs, les gamins s'activaient autant au service que les adultes aux fourneaux et elle était à mille lieues de penser à la moindre oreille pointue.

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…J'ai donc écrit cinq chapitres juste pour dire « Alors c'est Maedhros et Maglor qui dorment à l'hôtel avec les jumeaux. Parce qu'il pleut. Voilà, voilà. »

Après plus d'un an, cette histoire est enfin mise à jour. Parce que je suis quelqu'un qui sait tenir ses délais, je pense qu'on l'avait déjà tous remarqué. :D Blague à part, j'ai eu beaucoup de mal avec ce chapitre et je me suis vraiment acharnée dessus ces derniers jours. J'espère tout de même qu'il vous aura plu !