Bonjour tout le monde.
Toutes les bonnes choses ont une fin (les mauvaises aussi, donc quoi que vous pensiez de cette fic, le dicton se tient) et me voilà pour vous apporter le dernier chapitre de cette fiction. La suite est en cours d'écriture, parce qu'il n'était pas envisageable de la laisser ainsi. J'ai longuement hésité à faire une seule histoire au lieu de deux, mais j'avais peur de perdre le fil, de vous lasser.
Du coup, ça sera une série de deux (voire trois) histoire liées les unes aux autres. Ça rendra les choses plus rythmées je pense.
Comme toujours, j'envoie des tonnes de remerciements à Nalou pour sa beta. Et aussi à vous, tous ceux qui ont lu , fav ou reviewé cette histoire. Et pour ceux qui le feront dans le futur.
Je suppose que vous en avez marre de m'entendre, alors je vais vous laisser découvrir ce qui est arrivé à Ed.
Bonne lecture.
Roy dut passer les jours qui suivirent enfermé dans une chambre d'hôpital. Sa blessure avait heureusement couvert la raison de sa sévère anémie et même s'il avait insisté, ses médecins avaient refusé de le décharger. Il avait fini par céder après que Riza l'ait fixé silencieusement pendant une longue minute, les bras croisés sur sa poitrine et un sourcil relevé d'une demi-centimètre.
Personne n'avait revu ou entendu Edward. Roy rongeait son frein, attendant de pouvoir enfin sortir de cette prison et se mettre lui-même à sa recherche, et seules ses fréquentes visites à Alphonse, installé de l'autre côté de l'hôpital, lui permettait encore de patienter.
Il avait tu la nature d'Edward, ainsi que leur altercation avec les homonculi de Père et le fait que son frère avait de nouveau disparu – Ed le tuerait s'il savait qu'il avait volontairement inquiété son cadet - mais il n'avait fallu que quelques secondes à Alphonse pour se rendre compte qu'il était anxieux et encore moins de temps pour découvrir quelle en était la cause principale.
Et malheureusement pour lui, elle n'était pas la seule. Après leur assaut raté sur la propriété de Père, Riza avait réussi à cacher leurs armes les moins conventionnelles ainsi qu'à convaincre leurs supérieurs que ce n'était qu'une tentative d'arrestation qui avait mal tourné. Cet échec allait peser lourd dans leurs dossiers et Roy savait qu'il devrait rendre des comptes à la seconde où il serait jugé en état de faire face à une entrevue avec ses supérieurs.
Roy avait tout de même, grâce à Fuery et Breda, un dossier financier assez solide pour plaider sa cause et faire tomber quelques têtes, en premier lieu desquelles celle de Bradley Wrath. Même s'il savait que le vampire derrière le nom s'était certainement enfui, son image publique serait écornée, les entreprises qu'il dirigeait seraient perquisitionnées et certainement fermées. Riza lui avait appris plus tôt le matin qu'une grande quantité d'argent avait disparu des comptes de Bradley en même temps que l'homme lui-même mais ils avaient désormais bloqué une partie des avoirs et donc des ressources de Père.
Il était peu probable qu'un seul des vampires ne réapparaisse à Amestris et encore moins à Central, mais ce fait ne permettait pas à Roy de mieux dormir. D'autres Maria allaient mourir, d'autres Ed allaient vivre avec le poids de leurs crimes, tout ça parce qu'il avait été incapable d'arrêter ces monstres.
Et au lieu de participer à l'enquête, une blessure idiote l'avait rendu complètement inutile, placé à nouveau sur le banc de touche, pendant que d'autres faisaient son travail, pendant que Ed était introuvable, peut-être déjà mort. Aucun des techniciens de la police scientifique n'avaient trouvé la moindre trace d'Envy dans la bibliothèque. Les cendres que Roy et Riza avaient dispersées après l'avoir vaincu étaient composés uniquement de carbone et d'oxygène, rendant sa provenance complètement intraçable. Si Edward avait subi le même sort, ils n'en sauraient jamais rien. Et si Père avait réussi à le capturer et à l'emmener avec lui, dieu seul savait ce que le jeune homme était en train de subir.
Roy n'arrivait pas à se sortir de ces idées noires. Il avait eu tort, encore une fois. Jamais il n'aurait dû permettre à Edward de participer à cet assaut et il en allait de même pour ses coéquipiers. Il avait fait une nouvelle erreur et d'autres en avaient payé le prix.
Havoc avait subi des lésions neurologiques et avait perdu une partie de la motricité de ses jambes. Il devait maintenant marcher avec une cane et les médecins ignoraient s'il serait un jour capable de s'en passer. Maes avait été plongé dans un comas artificiel afin d'éviter que son traumatisme crânien ne fasse des dégâts irréversibles sur son cerveau. Il avait été réveillé la veille et semblait avoir récupéré toutes ses capacités, mais seul le temps leur dirait si certains dommages étaient irréversibles.
Le prix à payer pour déloger un cercle de vampires et n'en avoir détruit qu'un seul était bien trop élevé. Il aurait dû prévenir sa hiérarchie, demander des renforts et tant pis si ses actes avaient dévoilé l'existence des vampires. Il aurait trouvé un moyen de cacher Edward, de cacher ce qu'il était.
Toutes ces idées noires, son inquiétude et sa culpabilité avaient infecté l'atmosphère de sa chambre et Roy se trouva incapable d'y rester plus longtemps. Il quitta la pièce et se dirigea vers le service des maladies rares.
Quand il entra dans la chambre d'Alphonse, il s'arrêta net sur le pas de la porte.
Elle était complètement vide. Plus une seule trace des livres et des dossiers qui avaient envahi chaque centimètre carré de surface plane, le lit était fait, les draps propres et tirés. Les plantes posées sur le seuil de la fenêtre avaient également disparues.
Il crut pendant quelques secondes qu'il s'était trompé de pièce – n'importe quelle autre raison était impossible, Alphonse allait bien quand il l'avait quitté la veille - et il recula jusqu'à voir le numéro affiché sur la porte. 27. Il était bien au bon endroit.
Le cœur au bord des lèvres, il se dirigea le bureau des infirmières. Il devait apprendre ce qu'il s'était passé. Le corps du cadet Elric était en train de lâcher petit à petit, mais ses médecins lui avaient assuré qu'il lui restait plusieurs semaines. Al s'était accroché à cette idée de toutes ses forces, persuadé que ce délai permettrait à son frère de terminer ce qui le tenait éloigné et qu'ils seraient réunis lorsque le moment serait venu.
Qu'est-ce qui avait pu se passer pour que tout tourne si mal en si peu de temps ? Qu'allait-il dire à Edward s'il le retrouvait ?
Il entra dans le bureau des infirmières et les deux jeunes femmes présentes lui sourirent. Il était déjà passé plusieurs fois depuis qu'il était hospitalisé, quand Al était trop fatigué pour discuter et que Roy ne supportait plus les quatre murs de sa propre chambre.
« Agent Mustang, contente de vous voir ici. Que nous vaut le plaisir de votre visite ? »
Mais le sourire des jeunes femmes disparut lorsqu'elle virent son expression. Il ne réussit à prononcer qu'une seule syllabe, tant sa gorge était serrée. Pourquoi est-ce que la vie s'acharnait ainsi sur les deux Elric ?
« Al ? »
La plus jeune, Elsa, se leva et se dirigea vers lui. Elle lui parla d'une voix douce, un ton qu'il reconnaissait parfaitement, parce qu'il l'utilisait lorsqu'il avaient de mauvaises nouvelles à annoncer à des proches de victimes. Roy sentit une profonde tristesse l'envahir, il avait appris à réellement apprécier Alphonse Elric ces derniers jours et il n'osait imaginer à quel point la nouvelle allait ébranler Edward.
« Je ne devrais pas vous le dire, une enquête est en cours, mais vous avez l'air de vraiment vous inquiéter pour Alphonse. » Sa voix se réduit à un murmure et elle jeta un coup d'œil dans le couloir avant de reprendre. « Il a disparu la nuit dernière. »
« Comment ça disparu ? »
« C'est justement pour ça qu'il y a une enquête. On ne sait pas. Il était dans sa chambre à une heure du matin quand ma collègue est venue vérifier ses perfusions. Et lorsque je suis passée faire de même à cinq heures en prenant mon service, il n'était plus là. »
Son âme d'agent du FBI se réveilla :
« Ils ont trouvé des indices ? Quelqu'un de nouveau lui a rendu visite dernièrement ? »
« Non, juste vous. »
« Et vous avez vu des gens qui n'avaient rien à faire dans les couloirs ? Des inconnus ? La vidéosurveillance a donné des informations utiles ? »
La voix de la jeune femme baissa à nouveau de volume et elle parla sur le ton de la conspiration :
« C'est ça le plus étrange. J'ai entendu deux policiers discuter ce matin, il n'y a rien dessus, enfin rien qui sorte de l'ordinaire. Ils n'ont trouvé aucune trace de lutte non plus. C'est comme si il s'était volatilisé dans l'air. »
Volatilisé.
Ce mot fit hurler toute une série d'alarmes dans sa tête. Les gens normaux ne se volatilisaient pas. Les seuls êtres capables de cet exploit étaient les vampires. Si Alphonse avait été enlevé par ces montres à cause de l'échec de Roy, il ne se le pardonnerait jamais. Edward, s'il était toujours vivant, ne se le pardonnerait encore moins.
Il devait absolument le retrouver avant qu'il ne soit trop tard. Il savait des choses que l'inspecteur en charge de l'enquête ne pouvait pas connaître, lui seul était capable de relier des détails apparemment anodins, mais pour ça, il avait besoin de plus d'informations.
« Où sont ses affaires ? Ses livres ? Ses habits ? »
« Envolés aussi. Il ne restait plus rien dans la chambre quand j'y suis entrée ce matin. »
Une rare vague d'optimisme allégea le poids qui pesait sur ses épaules. Des vampires n'auraient pas tout emmené, ils auraient embarqué Alphonse, certainement pour punir Ed, mais ils ne seraient pas embêté avec ses livres et ses dossiers. Que feraient des êtres immortels avec des recherches au sujet du remède sur une maladie rare ?
Ça ne pouvait être qu'Edward. Il avait enfin trouvé un traitement pour son frère et il l'avait emmené afin de lui administrer. Mais cette pensée souffla la petite lueur d'espoir née quelques secondes plus tôt. Si c'était le cas, il l'aurait soigné ici, jamais il n'aurait pris le risque de déplacer Alphonse, pas avec son état qui s'était empiré depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus.
Il devait contacter Riza, la tenir au courant au plus vite. L'esprit de Roy, celui qui lui permettait habituellement de faire le tri dans toutes les informations, tous les détails était actuellement embrouillé par les drogues qu'il prenait pour calmer la douleur provoquée par sa blessure. Son inquiétude ne l'aidait pas non plus à avoir les idées claires. Mais il avait une équipe d'enquêteurs chevronnés, ils pourraient faire des recherches et trouver des indices qui avaient pu lui échapper.
Il sortit du bureau des infirmières après un salut rapide et retourna dans sa chambre où il attrapa son téléphone et appela son amie et lieutenant. Elle décrocha dès la première sonnerie.
« Hawkeye. »
Il ne perdit pas de temps en amabilités.
« C'est moi. Alphonse a disparu la nuit dernière, il faut le retrouver. »
Le court silence au bout de la ligne lui indiqua que la jeune femme était désarçonnée par son annonce. Mais elle était avant tout une professionnelle et elle reprit rapidement contenance.
« Dites m'en plus. »
« Il a disparu entre une heure du matin et cinq heures, ainsi que tous ses livres et ses dossiers. Aucune trace de lui nulle part et à priori, aucun témoin. J'ai appris, mais cette information sera à vérifier, que les bandes vidéo ne montrent rien d'utile. »
« Vous pensez que ce sont nos suspects ? »
« Je le crains. Qui d'autre aurait pu l'enlever au nez et à la barbe du personnel hospitalier ? »
« Et notre ami commun ? »
Riza avait suivi le même raisonnement que lui et il s'en voulait de briser son espoir dans l'œuf.
« Je ne vois pas pour quelle raison il l'aurait poussé à quitter son lit, pas dans son état. »
Riza se tut quelques secondes, puis elle reprit d'une voix assurée.
« Je mets immédiatement Fuery sur le coup, il trouvera peut-être quelque chose via les caméras aux alentours. Je vais lui demander de pirater également la vidéosurveillance de l'hôpital, afin de mener les vérifications nécessaires. Je me met en route tout de suite après pour vous rejoindre. »
« Je t'attends. »
Roy passa les vingt minutes suivantes à faire les cent pas dans sa chambre, incapable de s'asseoir. Lorsque Riza entra, sa blessure au ventre le faisait souffrir et il était recouvert d'une fine couche de transpiration. Il tenta de cacher son état, mais à la vue du regard réprobateur de son amie, il n'avait pas réussi. Elle le poussa sans ménagement vers son lit :
« Doucement. »
« Je ne veux pas vous entendre vous plaindre. C'est vous qui vous êtes mis dans cet état. »
Elle lui tendit les pilules qu'une infirmière avait déposé un peu plus tôt.
« Elles m'empêchent de réfléchir, Al - »
« Vous ne l'aiderez pas si votre blessure s'ouvre à nouveau ou si la douleur sape toute votre énergie. »
« Je vais très bien. »
Riza appuya légèrement sur sa hanche, juste au dessous de sa brûlure et Roy serra les dents pour tenter de bloquer son grognement de douleur. Le regard de son amie lui apprit qu'il serait mal avisé de sa part de ne pas suivre avec la plus grande attention ses directives.
« C'est bien ce que je pensais. Maintenant vous restez ici et vous vous reposez. Je reviens dès que j'ai trouvé quelque chose. »
Roy n'était pas assez fou pour tenter de lui désobéir et il resta dans son lit, même après que Riza soit sortie de sa chambre. Mais ça ne l'empêcha pas de réfléchir. Il envisagea toutes les possibilités, des plus probables - que Edward soit venu le chercher ou que Père ait envoyé quelqu'un le faire - au plus loufoques – Alphonse serait sorti de lui-même.
Il intégra dans ses réflexions les maigres informations que Riza lui avait amené dès qu'elle était arrivée, mais il n'était pas plus près de trouver une solution que lorsqu'il avait appris la disparition du jeune Elric.
Son lieutenant et amie lui avait promis, quand elle l'avait quitté, qu'elle et toute l'équipe étaient sur le coup et qu'ils feraient tout leur possible afin de retrouver Alphonse au plus vite, mais ce n'était pas suffisant. Roy devrait être avec eux, en train d'enquêter, et pas enfermé dans cette saloperie de chambre d'hôpital ! Alphonse était toute la vie d'Edward et sa mort le détruirait là où le reste avait échoué.
Roy refusait d'être témoin de cette lente descente aux enfers et il ferait tout son possible pour l'empêcher. Et si le jeune vampire était déjà mort, il était hors de question que ces monstres fauchent une seconde vie, il arriverait à sauver au moins un des frères Elric.
Et pour ça, il devait partir d'ici. Il était prêt à braver la colère de Riza et à désobéir, il y avait des choses contre lesquelles même sa peur du lieutenant ne pouvait rien. Et la culpabilité avait toujours eu le don de pousser Roy à faire les pires des conneries. Il attendrait minuit et s'il n'avait aucune nouvelles encourageante à ce moment là, il quitterait l'hôpital, en cachette s'il le fallait.
Il resta dans sa chambre à observer le soleil se coucher. L'obscurité envahit peu à peu le monde, permettant à tous les monstres qui la peuplaient de sortir sous son couvert, qu'ils soient des êtres humains aux traits de monstres ou des monstres au visage humain.
Comment est-ce que cette découverte allait changer sa façon d'aborder son métier ? D'aborder sa vie ? Edward avait tout chamboulé, tout simplement parce qu'il était lui, mais aussi parce qu'il lui avait ouvert les yeux sur l'existence d'une espèce immortelle qui se repaissait de sang et laissait des victimes aux quatre coins du monde. Roy savait que désormais, lors de chaque enquête, il se demanderait si le criminel qu'il recherchait était humain ou pas.
Et ce n'était pas les seules questions auxquelles il faisait face, sa propre mortalité le regardait désormais droit dans les yeux. Il n'avait jamais eu peur de la mort, c'était pour lui une composante essentielle de la vie, un passage obligé pour tous, que rien ni personne ne pouvait empêcher indéfiniment. Sauf que ce n'était plus totalement vrai. Certains pouvaient y échapper, certains y avaient déjà échappé, et au prix de vies innocentes.
Et si, dans l'hypothèse folle qu'Edward soit vivant et en bonne santé, dans celle encore plus improbable que cette chose qui se passait entre eux, cette connexion qu'il avait ressentie dès qu'il avait posé les yeux sur le jeune homme, devienne quelque chose de plus permanent, Roy continuerait à vieillir alors qu'Ed resterait toujours jeune. Ses cheveux passeraient au gris, puis au blanc, son corps perdrait de sa fermeté, l'arthrose attaquerait ses articulations, rendrait chaque mouvement douloureux. Et pendant tout ce temps, Edward resterait le même. Ses cheveux garderaient cette magnifique teinte blonde, il continuerait à se battre et à bouger avec cette grâce qui attirait à chaque fois les regards de toutes les personnes dans la pièce.
En un mot, la lumière de Roy diminuerait alors que celle d'Edward continuerait à briller, à briller, toujours plus fort.
Pour la première fois de son existence, l'idée de devoir mourir un jour lui sembla totalement injuste, non pas qu'il veuille vivre éternellement, il ne l'avait jamais désiré. Par contre, rien que de penser qu'il devrait un jour partir alors qu'Ed serait toujours là, l'idée que la mort le séparerait de lui, le révoltait profondément.
Et pour corser une situation déjà compliquée, il était tout à fait conscient qu'il n'avait aucun droit de ressentir tout ça. Pas après si peu de temps passé avec le jeune homme, pas alors que la mort était une composante normale et saine de la vie. Et c'était sans compter le fait qu'Ed en aurait certainement marre de lui bien avant qu'elle ne vienne réclamer son dû.
Perdu dans ses pensées, il n'aperçut pas tout de suite la silhouette pressée derrière sa fenêtre. Mais quand il le fit, son cœur s'arrêta de battre avant de repartir au triple galop.
Ed.
Ed était vivant.
Ed était vivant et derrière sa fenêtre.
Ed était vivant et derrière sa fenêtre et il lui faisait signe de lui ouvrir, les sourcils froncés.
Roy se leva précipitamment, réveillant la douleur contre son flanc. Il ouvrit la fenêtre et laissa le jeune homme entrer.
« C'est pas trop tôt. Tu crois que c'est facile de se tenir à une brique, agent de mes deux ? »
« Tu es vivant. »
« Techniquement non, plus depuis des mois. Mais si tu veux dire par là que je n'ai pas été réduit en poussière par Père, je suis en effet vivant. »
Le profond soulagement de le voir en bonne santé et toujours aussi acerbe poussa Roy à s'asseoir sur le lit et chassa complètement Alphonse de ses pensées. Ce n'était pas bon, vraiment pas bon, il ne pouvait laisser personne avoir autant d'effet sur lui. Et s'il doutait qu'il parviendrait un jour à totalement éradiquer cette mauvaise habitude, il devait faire le nécessaire pour que Edward ne s'en rende jamais compte.
« Mustang ? Tout va bien ? »
Au moins, Ed semblait s'intéresser à son état, peut-être que lui aussi s'était inquiété. Refusant de montrer plus de faiblesse qu'il ne l'avait déjà fait, Roy se redressa du mieux qu'il pu avant de répondre :
« Je suis à l'hôpital. À ton avis, pourquoi est-ce que l'on va à l'hôpital ? »
Ed leva les yeux au ciel.
« Arrête de te plaindre, tu es debout. C'est que ça ne devait pas être trop grave. »
Roy dut retenir son cri d'outrage. Il avait bien failli y passer dans cette vieille maison, c'était un miracle qu'il ait réussi à s'en sortir et c'était tout ce que Edward trouvait à dire ? Malgré ses blessures, il avait fait tout son possible pour retrouver le jeune homme alors que ce dernier allait visiblement parfaitement bien. Il ne se gêna pas pour lui faire remarquer :
« Ça aurait pu l'être ! Envy m'a planté une de ses griffes dans l'abdomen. J'ai dû cautériser la plaie avant d'en finir avec lui et de me mettre à ta recherche. C'était inutile à ce que je vois. Où étais-tu passé ? »
Ed le repoussa sur le lit sans ménagement et Roy tomba à la renverse. Avant même que la moindre protestation ne quitte ses lèvres, le vampire avait remonté le haut de son pyjama pour découvrir le bandage qui lui ceignait la taille. Roy tenta de se dégager et de se rhabiller, mais ses mains furent écartées sans aucune difficulté.
« Laisse moi voir. »
« Ça va je t'ai dit. Je m'en suis occupé. »
« Je sais que ça va, je sens à peine le sang. Si ta blessure était grave, son odeur aurait saturé l'air de ta chambre. Maintenant si tu as fini de te comporter comme un bébé, je pourrais vérifier de moi-même ce que ça donne. »
Il arrêta de se défendre et Ed souleva prudemment la bande jusqu'à voir la plaie qui se trouvait en dessous. Il grimaça et Roy se sentit obligé de s'expliquer :
« Ce n'est pas très joli et ça va laisser une cicatrice. Les médecins ont dit que ma petite opération sur le terrain avait causé plus de dégâts que la blessure initiale. Mais je n'avais pas le choix, je ne pouvais pas combattre comme ça et Riza arrivait au bout de ses grenades. »
Ed réinstalla la bande avec des gestes précis et sûrs. Puis il s'assit à côté de Roy, un pied sur le drap qui était resté blanc jusqu'à cet instant. Il semblait un peu moins désinvolte que lors de son arrivée.
« Je sais que Havoc et Hugues sont ici également. Qu'est-ce qui leur est arrivé ? »
« Jean a été blessé au dos, un choc qui a abîmé certaines terminaisons nerveuses. Il a perdu une partie du contrôle de ses jambes. Et Hughes a eu une méchante commotion cérébrale, il est réveillé et n'aura à priori pas de séquelles, mais il faudra un peu de temps pour en être certain. »
Le visage d'Edward était tourné vers le sol et, lorsque Roy se redressa et se rassit à côté de lui, il ne vit que son menton, le reste de son visage étant caché par ses cheveux. Roy attrapa une mèche entre ses doigts et la glissa derrière son oreille. Ce qui dérangeait le jeune homme était évident.
« Ils vont bien, ce qui est arrivé n'est pas de ta faute. »
« N'essaie pas de me mentir, Mustang ! Bien entendu que je suis responsable ! C'est moi qui vous ai mis sur leur piste, moi qui vous ai aidé à mettre en place votre plan. Je vous avais dit de me laisser faire, que je pouvais gérer tout seul et je n'aurai pas dû te permettre de me convaincre du contraire. »
« Tu n'aurais jamais réussi seul, Ed. »
Même s'il n'avait pas tourné ses mots comme un reproche, Edward serra encore plus la mâchoire et il refit tomber ses cheveux d'un mouvement brusque de la tête.
Roy reprit.
« Nous sommes tous des professionnels et nous savions à quoi nous faisions face. Ce n'était pas de ta faute. Rien de tout cela ne l'était. »
Edward ne répondit pas. Après quelques secondes de silence, Roy demanda :
« Qu'est-ce qui s'est passé dans la maison de Père ? »
Ed haussa des épaules.
« Ça changera quoi ? Ils sont partis, tous autant qu'ils sont. »
« Pas Envy. »
Ed leva les yeux vers lui en entendant ses mots. L'incertitude lui fit se mordre la lèvre inférieure et Roy fut pris d'une forte envie de remplacer la pointe de ses dents par sa langue. Comme toujours, son timing était affreux, il avait tellement plus urgent à faire. Déjà, il devait empêcher la culpabilité de ronger un peu plus le jeune homme et ensuite, il ne lui avait toujours pas annoncé la disparition de son frère. Ne sachant pas comment aborder ce dernier sujet, il préféra donner des détails sur la mort d'Envy :
« Riza et moi nous en sommes débarrassés. Nous avons éparpillé ce qu'il restait de lui dans toute la pièce. Je suppose que l'équipe de techniciens de la scientifique et les policiers qui ont traversé la salle ont fini le boulot. »
« Bien. C'est toujours un de moins. Même si ça ne va pas changer grand chose sur le long terme. Père peut en recréer autant qu'il veut. »
« Ça ne te ressemble pas d'être si défaitiste. Tout n'est pas encore perdu. Nous savons qui nous poursuivons et je peux lancer des avis de recherche. Tu sais vers où ils se dirigeaient ? »
« Vers le nord. J'ai perdu leur trace à trois cent kilomètre d'ici. Je n'ai pas la moindre idée de leur destination après ça. »
« Nous les retrouverons. »
Edward le regarda droit dans les yeux.
« Tu n'en sais rien. »
« Fais moi confiance, Ed. Nous leur mettrons la main dessus et nous les arrêterons. »
Il ignorait d'où lui venait cette certitude, mais il savait qu'il ne lâcherait jamais cette affaire, qu'il continuerait à chercher, jusqu'à la fin de sa vie s'il le fallait.
Cette fois Edward ne le contredit pas et Roy inspira profondément. Il n'avait rien de plus à ajouter et n'avait donc plus d'excuse pour reculer l'annonce d'une énième mauvaise nouvelle. Le calme du jeune homme ne pouvait signifier qu'une chose : il ignorait qu'Alphonse avait disparu. Ce qui voulait dire qu'il était venu directement ici et même si l'idée lui faisait extrêmement plaisir, ça le laissait avec la lourde tâche de gérer les effets qu'allait provoquer cette nouvelle information.
« Ed ? »
« Mmh ? »
Le jeune homme semblait perdu dans ses pensées et Roy lui attrapa le menton et le força à le regarder.
« Je crains d'avoir une autre mauvaise nouvelle à t'annoncer. »
L'inquiétude changea le regard du jeune homme. Roy savait qu'il n'y avait pas de bonne manière de lui annoncer la disparition d'Alphonse et il décida d'aller droit au but.
« Al s'est volatilisé la nuit dernière. J'ai mis Riza et le reste de mon équipe sur le coup dès que je l'ai appris, ils vont le retrouver. »
Ed le regarda en clignant plusieurs fois des yeux, la bouche entrouverte. Pendant quelques secondes, Roy crut qu'il n'avait pas compris ce qu'il venait de lui dire, puis une idée affreuse naquit dans son esprit. Edward n'avait pas du tout l'air inquiet ou surpris, il avait plutôt toutes les caractéristiques de quelqu'un pris la main dans le sac et qui n'avait aucune excuse à donner.
La voix pleine de reproche, il ajouta :
« Tu le savais déjà. »
Ed détourna les yeux, un signe supplémentaire qu'il était coupable de quelque chose. Mais de quoi ?
« Qu'est-ce que tu as fait, Edward ? »
Le vampire se leva d'un bond et commença à marcher si vite que Roy avait de la peine à le suivre du regard.
« Ce que je devais faire. Il allait mourir, je devais gagner plus de temps. Je ne peux pas le perdre, Mustang. Il est tout ce qui me reste. Et ce n'est pas uniquement pour moi, il a tellement à offrir au monde. Il est si intelligent. Et gentil. Et attentif aux autres. Il les comprend tellement mieux que moi. Il arrive toujours à rester calme, alors que j'explose pour un rien. »
Ed continua à vanter les mérite de son petit frère pendant que Roy se levait et tentait de se placer sur son chemin, sans réussite.
« Ed ! »
Rien ne changea. En fait, le jeune homme semblait avoir encore accéléré.
« Ed ! Arrête toi. »
Edward continua à parler et à marcher, perdu dans ses pensées et complètement coupé du monde qui l'entourait. Si quelqu'un entrait dans la pièce et le voyait ainsi, son secret serait découvert.
« J'ai fait ce qu'il fallait. Il est en sécurité, il ne lui arrivera plus rien, maintenant. »
Ce mantra sortait de sa bouche sans discontinuer, comme s'il tentait de se convaincre lui-même de ce qu'il disait. Roy n'aimait pas du tout le voir si agité et nerveux.
« Ed ! Arrête toi ! De suite ! »
Edward se stoppa net au milieu de la chambre et Roy remercia sa longue expérience à diriger une équipe. Il n'avait pas eu besoin de lever la voix pour se faire obéir et avait ainsi évité d'ameuter le personnel de l'hôpital.
Ed le regarda droit dans les yeux, il paraissait complètement effondré et sa voix semblait lui demander de comprendre, de lui pardonner :
« Je n'avais pas le choix, Roy. Je te promets que si j'avais eu une autre solution, j'aurai tout fait pour ne pas en arriver à cette extrémité. Mais j'ai besoin de mon frère. Sans lui, je n'ai aucune chance de trouver un remède, ni pour lui, ni pour moi. Et il ne fera de mal à personne, je te le jure, je m'en suis assuré. »
Roy n'aimait pas du tout la tournure de cette conversation. Quoi qu'ait fait Edward, c'était assez horrible pour qu'il se sente obligé de s'expliquer alors qu'il ne s'était jamais embarrassé de ce genre de chose auparavant. Qu'est-ce qui avait amené ce changement ? Alors même qu'il fronçait les sourcils, soucieux de trouver la réponse à cette question, il comprit.
Il comprit pourquoi Al avait disparu, pourquoi Ed n'avait pas eu l'air inquiet de l'apprendre, pourquoi il était devenu si agité lorsque Roy avait parlé de lui.
Il s'approcha du jeune vampire et saisit sa main, il l'empêcha ensuite de détourner le regard :
« Ed, qu'as tu fait ? »
Il connaissait déjà la réponse mais l'entendre de la bouche d'Edward lui brisa le cœur.
« Je l'ai transformé. »
Ed avait l'air tellement effondré que la colère qui aurait pu naître en Roy à l'idée qu'un nouveau vampire parcourait la terre disparut avant même de vraiment prendre forme. Il attira le jeune homme contre lui et le serra dans ses bras. Edward tremblait, mais il n'ajouta rien et ne fit pas un mouvement, ni pour s'éloigner, ni pour se rapprocher. Roy sentait le froid qu'émettait son corps, son propre pyjama lui apportant peu de protection. Il refusa d'y prêter attention, il resterait aussi longtemps que nécessaire.
Ils restèrent ainsi de longues minutes, puis Ed se figea, devenant aussi dur qu'une statue de marbre. Quand il s'écarta, son visage était totalement fermé. L'estomac de Roy descendit directement dans ses talons. C'est avec la voix complètement vidée de la moindre émotion qu'Edward annonça :
« Merci pour tout ce que tu as fait, les risques que tu as pris et d'avoir gardé le secret, mais je peux gérer la suite. Je vais m'occuper de Père et l'arrêter, puis je trouverai un moyen de nous soigner. »
Ça ressemblait bien trop à des adieux pour Roy et, même s'il comprenait que le jeune vampire ait d'autres priorités, rien ne l'obligeait à complètement couper les ponts.
« Tu sais que tu peux mener tout ça sans pour autant disparaître ? »
Le masque d'Edward sembla vaciller quelques instants avant qu'il ne secoue la tête :
« C'est trop dangereux. Regarde où ça vous a amené la dernière fois que vous m'avez aidé. »
« Nous sommes tous vivants. »
« Ils t'ont attaqué à deux reprises. »
Roy savait que tenter de manipuler Edward en jouant sur ses sentiments était inutile, mais il pouvait faire appel à sa raison.
« Et tu crois que ton absence les empêchera de recommencer ? Je n'ai pas l'intention de me cacher ou de changer quoi que ce soit dans ma vie. Ils sauront très exactement où me trouver. »
Edward resta immobile, visiblement en train d'étudier ces nouvelles informations. Roy hésita à s'approcher, à se pencher et à l'embrasser. Il ignorait si leur connexion - ce début de quelque chose - permettrait de faire pencher la balance du bon côté. Est-ce qu'une éventuelle relation pousserait Ed à garder le contact ou est-ce qu'au contraire, elle le déciderait à se fondre dans la nuit et à le rayer de sa vie ?
Mais avant que Roy ne puisse arriver à une décision, Edward poussa un profond soupir et lui dit :
« Tu n'abandonnes jamais ? »
« Pas quand c'est important, non. »
Les lèvres du jeune homme s'étirèrent en un léger sourire et Roy s'avança d'un pas. Au diable la prudence et les secrets, autant jouer carte sur table :
« Et malgré ton caractère et tous tes défauts, tu es important, Ed. J'apprécierais grandement si tu me donnais des nouvelles ou si tu passais me voir, de temps en temps. Tu sais où me trouver. »
« Putain de merde, tu es sérieux. »
Roy fronça des sourcils devant la surprise évidente d'Edward.
« Bien entendu que je suis sérieux. Quelle part de mon comportement te fait croire que je ne le suis pas ? »
Il venait d'être plus honnête avec lui qu'avec n'importe qui d'autre et ce sale petit con se contenta de hausser les épaules, comme si c'était normal de dévoiler ses sentiments ainsi.
« Je ne sais pas, je pensais que ce n'était qu'un jeu pour toi. Ou un nouveau trophée, vu ta réputation. »
« Ma réputation ? »
« Te fous pas de moi, bâtard. Tu sais très bien toutes les rumeurs qui courent à ton sujet. »
Roy ne put s'empêcher de sourire.
« Tu as fait des recherches sur moi. »
Cette fois, ce fut Ed qui fronça des sourcils.
« Absolument pas ! »
« Si tu le dis. » Roy franchit la distance qui les séparait encore et plaça ses deux mains sur les hanches du jeune homme. « Mais tu sais, Alphonse a raison, tu es incapable de mentir, tu ne devrais même pas essayer. »
Il coupa la répartie cinglante qui n'allait pas manquer de quitter la gorge d'Edward en l'embrassant. Pendant quelques secondes, ce dernier hésita, puis il lui rendit son baiser, écartant légèrement ses lèvres et permettant à Roy de glisser sa langue contre la sienne. Ils restèrent ainsi de longues minutes, jusqu'à ce que le froid que dégageait Edward ait absorbé une grande partie de la chaleur corporelle de Roy et qu'il ne paraisse plus si glacial.
Puis, en un clin d'œil, le vampire quitta ses bras.
« Quelqu'un arrive. »
À l'instant même où la porte de la chambre s'ouvrit, il disparut. Abasourdi par la fuite éclair d'Edward et sans savoir s'il comptait revenir, Roy se tourna vers le nouvel arrivant, un chirurgien à l'air complètement épuisé.
« Mmmmh, agent Mustang ? »
« Oui. »
Le médecin montra un papier posé sur le pied du lit.
« Je pense que vous avez perdu quelque chose. »
Roy s'approcha, saisit la feuille pliée en deux et l'ouvrit. En plein milieu, avec une écriture à peine déchiffrable, était écrit :
À bientôt, agent de mes deux.