Bonjour, bonsoir, bonjoir ! Voici un projet sur lequel je travaille (hum-hum procrastine) depuis deux ans et demi : l'histoire de Sebastian Moran et Jim Moriarty. Je suis donc très heureuse de publier enfin cette fanfic. Il s'agit d'une série d'OS se suivant : chaque chapitre est une histoire indépendante, un épisode de la vie de Jim et Sebastian, mais l'ensemble suit l'évolution de leur relation. Il y aura des feels, du fluff, de l'humour (j'essaie), du character development, des retournements de situation, et des feels. Beaucoup de feels.

Je tiens à remercier mes deux bêta-lectrices, Anso et Louise, pour leurs retours sur mon histoire, leurs corrections, et les baffes verbales que j'ai franchement bien méritées. Remerciements spéciaux à Anso pour ses magnifiques dessins (je pleure toujours). Et également un grand merci à Arsène, qui m'a aidé à me dépêtrer de certains points de scénario complexes, m'a donné quelques très bonnes idées, et m'a soutenu tout au long de ce projet.

Warnings : cette fic parle de deux criminels, qui ont tous les deux des backstories pas très joyeuses. De manière générale, c'est à peu près les mêmes warnings que dans la série Sherlock, mais je vais quand même les préciser à chaque chapitre, en essayant de spoiler le moins possible. Si vous avez un trigger spécifique qui n'est pas marqué, n'hésitez pas à m'envoyer un MP et je vous dirais si oui ou non il apparait dans la fic.

Warnings récurrents (présents dans tous les chapitres ou presque) : violence physique, menaces de mort, armes blanche et à feu, meurtres et crimes divers et variés.

Je posterais un chapitre par semaine, mais il est à noter que les chapitres ne font pas tous la même taille.

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Chapitre 1 - Péquenaud

Les rues de Londres semblent ne jamais changer. Tous les jours la même routine, les voitures qui klaxonnent, les passants qui se pressent, tête baissée, le tout sous un ciel de plomb déversant un fin crachin en continu. Barbant. Pourtant Sebastian n'a rien d'autre de plus intéressant à faire que de regarder la rue par la fenêtre de son appartement, à déplorer la malchance que la vie semble faire pleuvoir sur lui, comme s'il n'était lui-même qu'une vulgaire rue londonienne.

D'abord, la guerre. Sebastian s'était engagé dans l'armée pour servir la nation, certes, mais aussi pour le frisson d'aventure et de danger que cela apportait à son existence. Il s'était vite rendu compte qu'ôter la vie de quelqu'un ne le gênait pas, si cela pouvait permettre que lui-même, ainsi que les personnes auxquelles il tenait, restent en vie. Tout avait cessé un peu plus d'un an auparavant lorsqu'il avait été blessé au bras. Cela n'aurait pas été tellement gênant s'il n'était qu'un simple fantassin, mais il était sniper, et sans le contrôle total de ses membres il risquait de faire des erreurs fatales. Il avait donc été rapatrié à Londres le temps de se remettre de sa blessure mais il ne se faisait pas d'illusions sur ses chances de retourner au front : l'armée favoriserait de plus jeunes recrues.

Il avait fallu qu'il vive de la pension de l'armée et de quelques jobs miteux avant qu'on ne lui propose un véritable emploi, à la hauteur de ce qu'il savait être ses capacités. Il avait profité de cette position au salaire confortable pour refaire partiellement sa vie, se trouvant un appart' sympa, quelques habitudes auxquelles il pouvait retourner les rares moments où il ne travaillait pas, bref quelque chose qui lui appartienne réellement. Sebastian appréciait la solitude et le fait de n'être dépendant de personne – à part bien sûr son employeur, qui lui versait son salaire chaque mois, plus une prime pour chaque opération effectuée avec succès. Il aimait son job, qui changeait tout le temps et ne risquait pas de sombrer dans une routine ennuyante, et le frisson de danger qu'il apportait et qui lui avait manqué depuis son retour d'Afghanistan.

Jusqu'à ce qu'à nouveau, la malchance s'abatte sur lui. Son employeur et sa logeuse semblaient s'être donné le mot pour faire baisser son salaire et augmenter le prix du loyer en même temps. Sebastian n'avait jamais roulé sur l'or, et aujourd'hui moins que toujours. Comme il était hors de question qu'il déménage, il n'avait qu'une solution : se trouver un colocataire.

Et voilà qu'il était là, accoudé à la fenêtre de son appartement, à fixer la rue en attendant le parfait inconnu qui, d'après les sites de colocation, deviendrait bientôt son meilleur ami. Sebastian en doutait fortement. Il ne pouvait pas dire qu'il n'avait jamais eu d'amis qu'il s'agisse de copains d'enfance ou de camarades à l'armée, il lui était arrivé de former des liens forts avec des gens mais ayant vécu dans un milieu où n'importe qui pouvait mourir n'importe quand, il avait appris à ne pas trop s'attacher. Et il voyait mal comment un péquenaud londonien en manque de fric pourrait s'attirer son amitié, à lui... autre péquenaud londonien en manque de fric, à vrai dire. Sebastian soupira. Parfois, il s'exaspérait lui-même. Sa condition actuelle n'était pas brillante, mais il se savait au-dessus de la classe populaire britannique. Ce n'était pas de la vanité de sa part, c'était seulement, de son point de vue du moins, un fait. Il était un vétéran de la guerre d'Afghanistan il avait un travail que le commun des mortels ne faisait que s'imaginer à partir des illusions que leur déversait le cinéma hollywoodien; il n'était pas n'importe qui. Et pourtant, aux yeux du public il se devait de maintenait cette image de monsieur tout-le-monde, s'il ne voulait pas perdre son travail, être mis en prison, ou pire : tué.

...Aurait-on oublié de préciser ? Sebastian Moran était un sniper au service du plus dangereux criminel de Londres, homme qu'il n'avait d'ailleurs jamais rencontré, mais dont l'ombre planait au-dessus de son réseau comme celle d'une gigantesque araignée prête à anéantir la moindre mouche faisant un faux pas dans sa toile.

Parmi tous les passants qui se pressaient sur le trottoir, un jeune homme s'arrêta sur le pas de porte de la maison. Il traînait une valise, et portait un gros carton sous son bras libre. Sous les yeux de Sebastian, il posa la caisse sur le sol humide de la rue et sortit de sa poche un bout de papier qu'il consulta, avant de jeter un coup d'œil à la porte. A ce stade, Sebastian devrait déjà être en train de se diriger vers l'entrée pour aller accueillir son « futur meilleur ami » (mon cul, oui), mais il se contenta de lâcher un long soupir désespéré. Le jeune homme sonna à la porte le son aigrelet de la clochette résonna jusque dans l'appartement. Sebastian ne bougea pas d'un poil, laissant la logeuse aller ouvrir la porte.

« Pas mon problème... » marmonna-t-il finalement en s'allumant une cigarette. S'il devait vivre en compagnie de quelqu'un d'autre, c'était sûrement la dernière qu'il fumait chez lui. Sebastian se fichait de la santé de ses poumons vu le métier qu'il exerçait, il était quasiment certain qu'il se ferait tuer avant que le cancer ait le temps de pointer le bout de son nez.

Il entendait vaguement le nouvel arrivant parler avec la logeuse au rez-de-chaussée, et il se dirigea lentement vers la porte, avant de s'adosser au mur de l'entrée. Il avait à peine remit un peu d'ordre dans l'appartement comparé à la veille, c'était plutôt bien rangé d'un point de vue extérieur, c'était un foutoir indescriptible.

Trois coups retentirent à la porte. Sebastian se redressa et passa une main dans ses cheveux courts – plus par habitude que par réelle nécessité d'y remettre de l'ordre – puis il ouvrit la porte.

Le jeune homme qui se tenait sur le palier avait l'air légèrement essoufflé : malgré l'aide proposé par la logeuse, il semblait avoir insisté pour monter la valise et le carton à l'étage lui-même. Ses cheveux noirs étaient plaqués en arrière mais légèrement décoiffés, et il avait de petits yeux fatigués qui laissait l'impression étrange qu'il regardait à travers vous. Il était petit, comparé au vétéran, et ses vêtements un peu trop grand ajoutaient à cette impression de fragilité.

« Péquenaud » songea Sebastian.

Le péquenaud tendit la main.

-Salut, je suis James, ton nouveau coloc', fit-il d'une voix assurée. Tu dois être Sebastian ?

-Mon colocataire s'appelle Richard Brook, répondit Sebastian, en fixant d'un air sceptique la main tendue.

-Richard James Brook, mais on m'appelle James, précisa le jeune homme.

Qui donc se faisait appeler par son deuxième prénom ? Sebastian se résigna à serrer la main de James. Elle était froide, on aurait presque dit un cadavre. A la réflexion, c'était aussi l'impression que donnaient ses yeux – des yeux morts, sans expression, tandis que le reste de son visage souriait.

-Entre, lança Sebastian en s'écartant de la porte pour laisser passer James.

Ce dernier pénétra dans l'appartement en traînant sa valise derrière lui, laissant la caisse sur le palier pour le moment. En un instant il fit des yeux le tour de la pièce à vivre, son regard semblant noter chaque petit détail. Il y abandonna sa valise avant de faire rapidement un petit tour de l'appartement, ce qui ne lui prit pas beaucoup de temps, sous le regard vigilant de Sebastian. Il se déplaçait comme s'il connaissait déjà les lieux par cœur, d'un air de propriétaire.

-Il y a deux chambres, remarqua-t-il. Tu vis seul d'habitude, non ?

-Ce n'est pas moi l'architecte, répliqua Sebastian. Ça te gêne qu'il y en ait deux ?

James se tourna vers lui.

-Non, c'est juste que je m'attendais à devoir dormir sur le canapé.

Il ressorti sur le palier pour chercher son carton, qu'il traîna dans la chambre vide ainsi que sa valise. Tout l'appartement reflétait les goûts et les habitudes de Sebastian des affiches et des factures punaisées aux murs, une veste balancée par-dessus l'accoudoir du canapé, un mug de café posé sur la table basse, des babioles abandonnées sur les étagères, un journal laissé à même le sol; seule la deuxième chambre avait été convenablement nettoyée et vidée pour l'arrivée du nouvel habitant. Sebastian retourna à la fenêtre pour finir sa cigarette (le nouveau venu n'avait pas fait de remarque au fumeur, mais il avait bien remarqué son air de désapprobation en voyant le mégot), tandis que James déballait ses affaires. Le ciel dehors était toujours aussi gris, et le manège incessant des passants dans la rue toujours aussi barbant, mais il préférait laisser vagabonder son esprit que devoir participer à des interactions sociales.

-On n'a pas eu l'occasion de se présenter convenablement, sur le site, lança James depuis la pièce d'à côté. Tu travailles où ?

Sebastian grogna. Autant pour la solitude. Heureusement que son employeur lui avait fourni tous les documents et informations nécessaires pour pouvoir paraître crédible quand il prétendait exercer un autre métier.

-Je bosse dans la sécurité, répondit-il. Tu vois les mecs baraqués à l'entrée des magasins ? C'est moi. Enfin, ça dépend des fois... de temps en temps on m'embauche comme garde du corps.

Un sifflement retentit depuis la chambre.

-Eh ben ! Garde du corps ? Ça ne doit pas être facile tous les jours !

-Et toi ?

-Moi ? Je travaille à l'hôpital Saint Bartholomew, dans le département IT.

-Pourquoi tu as besoin d'un coloc' ? D'habitude, l'informatique ça rapporte beaucoup... ?

James émit un petit rire aigre.

-Que tu crois ! Je suis juste assistant, je touche à peine plus qu'un SMIC. Au moins j'ai ma troupe de théâtre pour arrondir les fins de mois.

Sebastian finit par se décoller de la fenêtre et entreprit de remettre un peu d'ordre dans le séjour. Au premier abord, James semblait être un gars complètement lambda – un petit taf alimentaire, une passion, des difficultés financières... La vie du jeune homme semblait similaire au masque que portait le sniper, mais en réalité ils étaient à l'opposé l'un de l'autre. Un informaticien passionné de théâtre, et un assassin travaillant pour l'homme le plus dangereux de la ville ? Il serait difficile de nouer une réelle amitié tout en maintenant l'illusion d'une vie normale. Le 'péquenaud' semblait pourtant être un gars sympa, avec qui il pourrait s'entendre – sans nécessairement devenir les meilleurs amis du monde. Difficile de se trouver des ressemblances avec un homme du commun quand votre vie est jonchée de cadavres, mais Sebastian se surprit à se dire qu'il pourrait au moins faire l'effort d'essayer.

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Les rues de Londres semblent ne jamais changer. Tous les jours la même routine, les voitures qui klaxonnent, les passants qui se pressent, tête baissée, le tout sous un ciel de plomb déversant un fin crachin en continue. Barbant. Mais James Moriarty était au-dessus de tout ça à la fois littéralement (il se trouvait au dernier étage d'un immeuble et regardait la rue de plusieurs dizaines de mètres de haut) et métaphoriquement. Sauf que pour mener à bien ses plans, il allait falloir qu'il descende se fondre dans la masse des mortels.

Il abandonna la fenêtre pour se diriger vers l'ordinateur posé sur son bureau. Se fondre dans la masse le rendait lui-même mortel, vulnérable ce qui ne lui convenait pas du tout. Il lui fallait donc trouver quelqu'un de confiance à qui s'associer... sans pour autant se mettre en danger en révélant sa véritable identité. N'importe qui aurait été déprimé par le problème James, lui, était enthousiasmé à l'idée de se cacher derrière un masque et faire tourner en bourrique les gens autour de lui. Il aimait avoir toutes les cartes en main alors que les autres croyaient maîtriser la situation. Quels présomptueux ils étaient.

L'ensemble du plan pour se créer une fausse identité convenable était long. La plupart des gens pensaient qu'il suffisait de falsifier quelques papiers mais Moriarty, lui, ne faisait pas les choses à moitié : quitte à créer un personnage, il fallait lui donner une situation, des passions, des amis – il frissonna en pensant à cela – des anecdotes à raconter…

Il avait obtenu un emploi, auquel il devrait se plier un certain temps avant de pouvoir faire évoluer son personnage sans être trop suspect; mais plus qu'un emploi, il lui fallait également s'inventer une situation sociale. Il avait fallu qu'il se trouve un endroit où loger, et c'était là que l'homme de confiance entrait en ligne de compte. Habiter seul serait une mauvaise idée, il serait vulnérable alors qu'un colocataire pourrait facilement servir d'excuse dans de nombreuses situations. Il avait donc choisi un membre de son personnel : Sebastian Moran, sniper et ancien combattant de la guerre d'Afghanistan, lui avait paru un bon choix. L'homme vivait seul, mais il avait été facile de lui forcer la main : il avait baissé son salaire, et avait forcé (de manière pas franchement légale) sa logeuse à augmenter le prix du loyer. Les résultats ne s'étaient pas fait attendre : moins d'une semaine plus tard, Moran avait publié une annonce sur un site de recherche de colocation. Il ne restait à présent plus à James qu'à mettre en place les dernières pièces du puzzle qui lui servirait de masque. S'installant devant l'ordinateur, il entreprit de rédiger une courte réponse à l'annonce qu'il attendait depuis une semaine.

Richard James Brook, 29 ans, informaticien – cherche colocataire près de l'hôpital Saint Bartholomew

Il ajouta quelques informations sur lui (ou du moins sur Brook) avant d'envoyer le message à Moran. Il n'avait plus qu'à attendre sa réponse – en prenant bien sûr la précaution de hacker le site de manière à ce que Sebastian ne reçoive aucune autre proposition – et l'illusion de Richard James Brook, 29 ans, informaticien serait complète et prête à être utilisée.