- Hellevator, Partie I :
Son pas pressé ne semblait intriguer que les oiseaux qui lui bloquaient le passage. Un pas lourd et ils s'envolaient, battements d'ailes précipités et jugement de valeur en masse. Ils appréciaient cette rue, habituellement, elle était calme et sans grands passage, un véritable plaisir pour de petites bêtes à la recherche d'un habitat potentiel. Le boulanger leurs jetaient toujours ces miettes de pain pour combler leur heureuse trouvaille. Malheureusement pour eux, cette ruelle raccourcissait le trajet d'au moins cinq minutes, laissant un moyen sournois aux enquiquineurs de venir les déranger. L'un de ces enquiquineurs était en vérité une enquiquineuse nommée Lexa Woods, celle-ci s'en fichait d'ailleurs pas mal de ce que pouvait penser ces piafs de son allure, elle était bien trop en retard pour cela.
Portant à bout de bras une mallette aux contours légèrement abîmés, la jeune femme possédait une démarche déterminée et semblait grogner des mots inintelligibles dans sa barbe imaginaire. Ses lunettes lui glissaient déjà du nez et ses cheveux ne formaient qu'un épais tas d'épis humides. Ses yeux étaient tachetés de fins vaisseaux rouges, éclatés, broyés par la fatigue. Elle ne s'en formalisait jamais, et puis, de toute façon jamais personne n'y prêtait de grande attention.
Le sol grouillait d'une pluie fine et glissante, l'homme qu'elle avait suivi en sortant de chez elle avait faillit lui en témoigner l'effet.
Lexa détestait ce genre de temps, mi-brumeux, mi-pluvieux. Elle ne savait pas à quoi s'en tenir, devait-elle prendre son parapluie sous peine d'être encombrée mais protégée, ou devait-elle l'abandonner dans son appartement tout en prenant le risque d'arriver trempée au bureau ?
Bien souvent, c'était ses retards qui prenaient les décisions, sans forcément lui donner le droit de parole, la bousculant juste en dehors de son appart.
Légèrement essoufflée, la jeune femme finit par se retrouver nez-à-nez avec le bâtiment tant attendu.
La première fois qu'elle était venu, elle avait eu la bonté de ne pas s'insurger face à l'allure '' bloc de béton '' de la façade. Critiquer son futur lieu de travail n'était pas dans ses habitudes, superstitieuse, diront certains, respectueuse diront d'autre. Son choix était vite fait.
Traversant avec précaution la route qui la séparait de son salaire, elle se passa une main dans ses cheveux, provoquant la chute de dizaines de petites gouttelettes. Elles s'éparpillèrent sans encombres sur le haut de sa veste noire avant de se tracer un vague chemin sur le col de sa chemise blanche. Lexa passa quelques doigts sur sa cravate, et tenta médiocrement de desserrer le nœud. Celui-ci avait été précipité, sa chemise mal repassée et aussi fripée qu'une grand-mère, sa veste difficilement enfilée. Heureusement pour elle, aucunes réunions n'étaient prévues dans la journée et poussant la porte d'entrée, elle espéra aussi secrètement ne pas avoir besoin de croiser son patron.
Ses chaussures vinrent rapidement frotter le tapis noir de l'entrée principale. Ce tapis miteux tranchait sans encombres avec le blanc écarlate qui composait les murs de la pièce. C'était moderne, bien loin de l'image maussade de la façade. La jeune femme appréciait particulièrement le sentiment de sérénité qui l'envahissait à chaque fois qu'elle passait ces portes. Oh, elle n'aimait pas spécialement son job, mais l'ambiance paisible qui se dégageait des lieux avait le don de la motiver un minimum.
Se raclant discrètement la gorge afin de déblayer les restes de fatigues qui l'encombrait, elle reprit sa marche lassante, tenant d'une main ferme sa mallette.
Peut-être avait-elle peur de la perdre, en tout cas c'était l'hypothèse qui trottait dans l'esprit de la secrétaire qui l'apercevait presque tout les matins, depuis quatre ans, avec la même démarche. Elle s'amusait souvent à parier avec ses collègues sur la tenue de la femme. Elle gagnait toujours – ou presque – un café.
Aujourd'hui n'était pas son jour de chance, elle avait oubliée les lunettes...
« Bonjour », lui lança la retardataire, laissant un fin sourire l'accompagner dans ses paroles.
Elle lui fit un simple petit signe de main avant de reprendre ses occupations, comptant au passage mentalement les pièces qui lui restait dans son porte monnaie.
Lexa avait bien compris son petit jeu mais elle n'y faisait plus attention et continuait simplement son chemin, suivant les pas fatigués de ses collègues. L'ascenseur qui la mènerait jusqu'à son bureau était son seul but. Au quatrième étages. Pas le plus haut, certes, mais c'était l'un des plus confortables et puis, la nouvelle machine à café n'était pas encore tombée en panne.
Habituellement, elle ne croisait jamais personnes, ou alors elle avait l'occasion d'intercepter les conversations passionnantes de ses collègues du cinquième en retard. Elle les trouvait débile à comparer leur cravate aux couleurs bien trop frappante pour être acceptées dans cet endroit. Mais elle ne disait rien et souriait bêtement à leur échange, prenant plaisir à se moquer d'eux mentalement. Elle regrettait souvent cela, mais c'était quelque chose d'humain sûrement. Et puis, elle ne les aimait pas, sincèrement. Pourquoi s'en cacher...
Seulement, aujourd'hui, tout lui paraissait différent. À commencé par cette chemise noire.
Personne, ici, ne portait de chemise noire. C'était un lieu de travail, le patron tenait à ce qu'une ambiance '' bonne enfant '' puisse stagnait dans les pupilles des salariés. C'était trop morose, morne, désagréable à la vue... enfin, c'était ce qu'elle avait toujours pensé.
