Rey prit une grande inspiration, alors que Rose tressait ses cheveux.
- Ça va aller Madame, dit la jeune servante, ne vous inquiétez pas.
Rey ne répondit pas.
Le mariage ne s'était pas mal passé, selon son impression. Elle n'avait pas beaucoup d'expérience des mariages… mais il n'avait été troublé par aucun incident, ni bagarre, ni déclaration d'hostilité, la messe fut solennelle et le dîner somptueux.
Ce n'était pas donné d'avance. Leurs deux territoires étaient rivaux depuis des temps immémoriaux. Plus d'un siècle de batailles et de conflits qui avaient décimé les populations, appauvri les terres et affaibli leurs forces face à de nouveaux ennemis, déferlants d'Empires lointains aux rêves de grandeur. La bordure extérieure était sous le joug du Premier Ordre, dirigé par la famille Soloren ; une société au fonctionnement féodal et aux armées puissantes. Depuis toujours, ils tentaient de s'emparer des terres arides de la Fédération des Sables, qui s'était enrichie grâce à l'exploitation de son sol et l'efficacité de ses commerçants nomades déployés dans l'ensemble du monde connu.
Irène, dite « Rey » était une fille des Sables, désignée héritière des Barons alliés Plutt, Hutt, Watto et Tanaka.
Son union à Kylopold Benoît Soloren du Premier Ordre, de dix ans son aîné, devait sceller la paix entre les deux puissances et permettre la mise en place d'une armée en mesure de tenir tête aux nouvelles invasions barbares.
Rey appréhendait la rencontre avec le puissant Seigneur à qui elle allait offrir son âme, son corps et son royaume, sacrifiant sa vie et sa liberté au nom d'un idéal de paix pour les générations futures. Elle avait reçu un portrait de lui lorsque le mariage avait été négocié ; mais avec le recul, le tableau ne lui faisait pas honneur. Il avait bien entendu la même stature, les mêmes épaules, le même nez et le même front, mais son regard était différent. Rey avait été surprise de lui trouver les yeux doux, quand tous les témoignages s'accordaient à dire qu'il s'agissait d'un homme violent et impulsif.
Était-ce la solennité de la cérémonie qui l'avait transformé? Un rôle qu'il se serait donné en public pour faire bonne figure le jour de ses noces? Toujours était-il qu'en sa présence, il s'était montré courtois, délicat presque, retenant son bras lorsqu'elle avait trébuché sur sa robe.
A présent, le mariage devait être consommé pour sceller l'union entre leurs deux royaumes. Rey ignorait ce que cela impliquait. Elle savait qu'il aurait tous les droits sur son corps.
Mais comment? On lui avait expliqué qu'elle serait nue, qu'elle ne devrait rien lui refuser, se soumettre à toutes ses exigences, surtout ne pas pleurer ni montrer de désagrément et enfin, elle devait impérativement saigner et tacher les draps.
Allait-il la battre? La mutiler?
Elle ne devait pas pleurer, et pourtant elle sentait monter l'angoisse au creux de son ventre, son souffle s'affoler.
Rose lui prit doucement la main :
- Madame, peut-être allez vous avoir mal, mais ça va passer. Ne craignez rien. Cela finira par vous plaire, je vous le promets.
Saigner, avoir mal… lui plaire?!
La jeune servante acheva de la préparer. Rey portait une robe de nuit, une longue chemise de coton et dentelle blanche, nouée au cou et aux poignets, par dessus une culotte fendue serrée aux chevilles. Ses cheveux avaient été brossés longuement et la tresse, dans laquelle Rose avait inséré un ruban blanc, retombait lourdement sur ses reins. Elle avait été démaquillée avec soin, libérée de l'épaisse couche de fard requise pour ce genre de cérémonie, et poudrée légèrement, une ombre sur les paupières et un peu de rouge sur les lèvres.
- Vous êtes prête, Madame, sourit Rose pour la rassurer. Ils vous attendent.
Ils.
Rey n'y pensait plus. Il y aurait des gens pour observer l'acte, attester de sa virginité et s'assurer que le mariage était dûment consommé.
Consommer quoi? Consommer qui?
Rose ouvrit la double porte qui menait de la chambre de Madame à la chambre de Monsieur.
La jeune fille, déjà fébrile, pâlit en découvrant la foule venue assister au rituel de dépucelage. Les parents et tuteurs de Kylopold Soloren, Lady Organa et L'Archevêque Snoke ; des officiers, des religieux, des secrétaires et des notaires, tous en grande conversation les uns avec les autres comme s'ils étaient au spectacle. Elle aperçut aussi ses propres représentants, l'obèse Unkar Plutt en tête, accompagné de Maz Tanaka et du constable Zuvio.
Kylo - comme elle se mit à le surnommer pour dédramatiser la situation, se tenait debout de l'autre côté d'un massif lit à baldaquin tendu de rideaux blancs.
Rey prit une grande inspiration, redressa la tête, et se dirigea fièrement vers le lit. Elle croisa le regard de son époux mais n'y lut aucune tendresse, aucun encouragement. Il avait l'air prêt à effectuer son devoir, comme le bon soldat qu'il était. Le cœur de Rey se serra.
Lady Organa lui tendit la main et l'aida à s'installer sur le lit, allongée sur le dos. Kylo vint prendre place à son tour. Il portait une chemise longue lui aussi, toute noire, ainsi que des chausses nouées sous les genoux.
On tira les rideaux, mais pas entièrement, laissant une vingtaine de centimètres de jour de chaque côté, dans lesquels les visages se bousculèrent pour assister au cérémonial.
La jeune épousée demeura allongée sur le dos, ignorant ce qu'on attendait d'elle. "Ne pas pleurer, ne pas montrer de déplaisir, le laisser faire ce qu'il voulait de son corps."
- Levez les jambes, fit une voix traînante en dehors du rideau, et Rey ne comprit pas tout de suite qu'on s'adressait à elle.
Son mari lui fit un signe du menton, l'encourageant à obéir. Rey plia les genoux, perplexe.
Elle eut un frisson de dégoût en voyant s'approcher d'elle, écartant le rideau, le visage fripé de l'archevêque.
- Écartez les cuisses, ordonna-t-il. Je vais vérifier votre virginité.
Rey chercha son époux du regard, inquiète. Il lui prit la main.
- Faites ce qu'il dit, il ne vous touchera pas, dit-il doucement.
Alors elle obéit. Elle sentit quelque chose de froid sur sa cuisse, (le sceptre du religieux?) et ferma les yeux.
Une larme roula sur sa joue alors que le bâton de métal glacé poussait sur ses jambes. Elle sursauta lorsqu'elle le sentit toucher sa vulve, un endroit que personne au monde n'avait jamais touché, pas même elle.
Kylopold se redressa.
- Ça suffit, ordonna-t-il. Vous en avez vu assez. Donnez votre verdict.
La princesse est vierge, annonça alors l'Archevêque. Ce que Monsieur devra confirmer ensuite sans quoi l'union sera déclarée nulle. Allez-y.
La tige métallique s'éloigna des jambes de Rey, qui retrouva son souffle. Le rideau fut tiré de nouveau. On s'agitait derrière, on parlait à voix haute.
Une main douce essuya la larme sur sa joue. Rey ouvrit les yeux, et découvrit le visage de son mari, tout près du sien. Il lui caressait doucement les cheveux.
- Madame, chuchota-t-il d'une voix assez basse pour ne pas être entendu des notables réunis dans la pièce, je ne veux pas vous faire mal. Mais il arrive souvent que le depucelage soit douloureux. Respirez, laissez moi faire. Plus vite ce sera terminé, plus vite ils partiront.
Elle hocha la tête, la voix brisée au fond de la gorge.
- Nous aurons d'autres nuits, continua le jeune Seigneur. Je vous enseignerai. Mais celle ci ne nous appartient pas.
- Je sais, dit-elle. Je suis prête.
La main de son époux caressa sa joue, dessina la ligne de sa mâchoire, et un doigt posé sur son menton orienta son visage dans sa direction. Elle se laissa faire.
Il l'observait, ses yeux noirs paraissant découvrir chacun de ses traits, les paillettes dorées sur ses pommettes, le frémissement effrayé de ses lèvres. Doucement, il approcha les siennes et l'embrassa.
C'était la première fois qu'on l'embrassait. Elle trouva le contact agréable, il avait les lèvres épaisses, et douces, c'était tendre contre sa bouche. Elle rendit son baiser.
Il recommença, et on entendit un brouhaha s'élever derrière le rideau. Quelqu'un commentait visiblement l'action pour ceux du fond qui ne voyaient rien.
Rey ferma les yeux, se laissant aller à ce second baiser, plus profond. Elle eut un mouvement de surprise en sentant la pointe d'une langue glisser sur sa bouche, et entrouvrit les lèvres par réflexe. Son corps se détendit contre celui, chaud et doux, de son mari. Leurs bouches se scellèrent. Elle soupira d'aise alors que répondant à une impulsion, elle avançait la langue à la rencontre de celle qui cherchait un passage. C'était une expérience inédite, un baiser comme elle n'en avait jamais donné ni reçu.
Elle savait qu'elle aurait dû rester immobile mais ne put s'empêcher de chercher son corps de ses mains, caresser ses épaules, glisser les doigts dans les mèches brunes et drues.
Il gémit à ce contact et d'un mouvement du bassin, de hissa sur elle.
Il était lourd, mais se maintint sur un coude pour ne pas l'écraser de son poids. Rey ne savait que faire de ses mains, de ses jambes. Elle se concentra sur le baiser, pour ne pas s'inquiéter de ce qu'il adviendrait du reste de son corps.
La main gauche de Kylo descendit contre son ventre, retroussa sa chemise de nuit, chercha quelque chose entre ses cuisses.
Le mouvement la contraignit à écarter les genoux et il prit place à l'intérieur, la main toujours au bas de son ventre. Il avait trouvé la fente de la culotte de coton, passé sa main dedans. Rey sursauta lorsqu'elle sentit ses doigts sur son sexe.
Elle ouvrit les yeux, affolée, chercha une explication dans son regard.
Il appuya son front contre le sien, comme pour la rassurer.
- Je… commença-t-il. Vous êtes très jolie.
Devait elle répondre? Remercier? Quel était le protocole? Elle entrouvrit la bouche, figée de stupeur alors qu'un doigt fouillait entre ses plis.
Elle se crispa, paniquée.
- Détendez-vous, souffla-t-il. Sinon vous risquez d'avoir mal. Respirez, et faites moi confiance.
Elle se mordit la lèvre. Se détendre?!
Rien ne l'avait préparée à une intrusion à cet endroit du corps. Elle savait qu'il en sortait de l'urine, et du sang, régulièrement. Mais personne ne touchait et surtout, on n'y introduisait jamais rien. Or, Kylopold venait d'y glisser un doigt, et Rey fronça les sourcils.
Ce n'était pas douloureux, c'était simplement… inconfortable. Ça frottait et c'était désagréable.
- Que faites-vous? Souffla-t-elle, perplexe.
- Je vous prépare, dit-il.
Il retira son doigt et elle soupira de soulagement. Est-ce que c'était terminé? Ce n'était pas si terrible, elle survivrait à ce genre de cérémonie s'il le fallait vraiment.
Mais Kylo lécha son doigt, et le remit immédiatement en place, dégoulinant de salive. Ça glissait, elle sentit le doigt entrer en elle plus facilement, et lui en fut reconnaissante. C'était moins douloureux ainsi.
Il bougea en elle et elle rougit, s'agrippant à ses épaules, les yeux dans les siens. Elle posait mille questions silencieuses, mais pour toute réponse, il l'embrassa de nouveau.
Autour d'eux, l'audience retenait son souffle.
Il n'y avait plus de conversations, uniquement des respirations saccadées. Combien de temps cela devrait-il durer?
Kylo retira son doigt, et Rey sentit qu'il faisait des mouvements dans son vêtement, contre ses cuisses.
Elle sentit bientôt quelque chose contre elle. C'était chaud, dur et mou à la fois. Elle tordit le cou pour voir et devina qu'il devait s'agir du pénis de son mari. Elle avait déjà vu un pénis, une fois. Un palefrenier qui urinait dans la cour. Mais c'était une sorte de cornichon mou et fripé, ça n'avait pas du tout ni la taille, ni la texture veloutée qu'elle sentait contre sa jambe.
- Respirez profondément, lui dit Kylo, et elle obéit.
Ses poumons s'emplirent et soudain, il appuya son truc contre elle. C'était bien plus gros que son doigt! Ça ne pourrait pas rentrer!
Mais il forçait.
Les poumons de Rey se vidèrent. Ses ongles griffèrent la chemise de son mari.
Elle ouvrit la bouche dans une expression de douleur, tentant de se dégager de son étreinte, mais il pesa soudain de tout son poids sur son corps, la bloquant contre le matelas, et effectua une nouvelle poussée, plus violente que les précédentes. Elle sentit quelque chose rompre, comme son sexe se déchirer.
« Ne pas pleurer. »
Les yeux de Rey s'emplirent de larmes. Elle ouvrit grand la bouche comme pour crier, mais ne laissa aucun son en sortir.
Il s'enfonçait en elle, encore, et encore, il l'empalait, meurtrissait sa chair, et la sensation était insupportable.
Elle se débattit mais il la maîtrisa. Il était infiniment plus fort qu'elle.
- Laissez-vous faire, insista-t-il. Plus vous résistez et plus ce sera douloureux. Relâchez vous.
Un gémissement remonta de la gorge de Rey. Elle avait promis de ne pas se plaindre, mais elle avait si mal! Il avait enfoncé son machin profondément dans son ventre et son corps protestait contre l'intrusion, rejetait le corps étranger.
Il recula, et elle soupira de soulagement, mais il revint en elle d'un coup de rein, et elle cria de douleur. Elle serra les dents et les paupières, pleurant à chaudes larmes. Avant, arrière, avant, arrière, il frottait contre sa chair, dans son ventre, et ça lui faisait mal, ça tirait sur sa peau et son sexe, tout son corps protestait.
Kylo pesait lourd sur sa poitrine. Il avait cessé de l'embrasser et glissé la tête contre son cou. Il respirait fort, les mains serrant ses poignets comme pour l'empêcher de se débattre, et il accélérait le rythme des coups qu'il lui portait.
On entendait autour du lit des murmures d'approbation.
Rey ne sut pas combien de temps avait duré le supplice. Elle avait fermé les yeux, pincé la bouche, et attendu que ça passe.
Avant, arrière, avant, arrière.
Rose avait promis que ça serait agréable. Elle lui avait menti.
Puis quelque chose changea dans le mouvement de Kylo. Il se hissa au dessus d'elle, bras tendus, et fermant les yeux, il ouvrit la bouche pour pousser un long râle.
S'était-il fait mal lui aussi?
- Est-ce que ça va? Demanda la jeune fille, inquiète.
Entre ses cuisses, il donna encore quelques coups de bassin, et elle sentit que ça glissait soudain tout seul. Son ventre était plein de quelque chose de chaud et poisseux.
Elle rougit. Qu'est-ce que c'était? Est-ce que c'était normal? Avait-elle fait quelque chose de travers?
Mais Kylo se retira enfin, et Rey poussa un profond soupir de soulagement. Elle se recroquevilla sur le matelas, sentant couler le liquide épais contre ses cuisses.
Kylo rangea son sexe mou dans ses chausses et roula sur le dos. Il avait transpiré et ses cheveux collaient sur ses tempes. Rey avait pleuré et ses joues étaient collantes de sel.
Les rideaux s'ouvrirent sur la silhouette hideuse de l'archevêque. Il y avait un peu de sang sur la toile immaculée du lit.
Rey ressentit un profond soulagement. Elle avait saigné, comme promis. Elle avait été à la hauteur.
On applaudit, on commenta, et la pièce se vida d'un coup. En quelques instants, tout le monde était sorti.
Kylo se tourna vers elle.
- Venez, dit-il.
Elle s'approcha et il la serra dans ses bras. Un geste tendre, comme pour consoler un enfant après un bobo. Elle le laissa faire.
- Avez vous sommeil? Demanda-t-il.
Pas vraiment.
Elle avait surtout des questions sans réponses, mais elle n'était pas certaine qu'il soit approprié de les poser.
- Nous recommencerons, dit-il doucement en lui caressant les cheveux. Seuls, cette fois. Nous prendrons notre temps. Ça ira mieux, vous verrez... Et bientôt, vous aurez des enfants.
Elle ferma les yeux. Son sexe brûlait doucement, une irritation a cause du frottement à sec. Elle avait besoin d'eau fraîche, de lait peut-être, pour faire un cataplasme et soulager la douleur. Mais elle n'osa pas demander.
Alors elle pria pour que le sommeil arrive vite et la libère de la sensation.
Ils recommenceraient, et elle aurait des enfants. Il y avait là un lien qu'on ne lui avait pas expliqué.
Elle s'habituerait à l'acte, avait promis Rose.
Mais Rey n'en était pas si sûre. Son corps avait été meurtri, souillé, et elle n'était pas certaine de pouvoir regarder son mari en face, lui qui s'était prêté à cet exercice avec tant de naturel.
Lorsque vint le sommeil, ce fut une délivrance.
Kylopold Benoît Soloren, Seigneur du Premier Ordre, regardait dormir sa nouvelle épousée.
Quel âge pouvait-elle avoir? Moins de vingt ans… son corps était déjà formé, mais sa peau était laiteuse comme celle d'un enfant.
Ses joues étaient encore marquées des sillons de ses larmes.
Il en était désolé.
Il aurait aimé prendre son temps, lui donner envie, faire monter son désir, mais cette première nuit était celle qui scellait leur union et il devait impérativement la déflorer pour remplir sa part du contrat et chasser enfin les intrus de leur chambre. C'était la règle. Quel enfer pour une jeune fille que d'être contrainte de perdre ainsi sa virginité, en public et sans plaisir!
Il avait vu la surprise, et la souffrance, dans ses yeux. Il avait deviné qu'on ne lui avait rien expliqué. Elle était arrivée entre ses bras comme un mouton chez le boucher, candide et vulnérable, dans l'ignorance absolue de l'acte auquel elle serait soumise. Elle était étroite, crispée, le sexe sec et contracté pour prévenir l'intrusion. Il aurait été préférable pour tout le monde qu'elle se détende et soit lubrifiée, mais il était difficile de lui reprocher. Il ne pouvait qu'imaginer son état d'épouvante.
La guerre entre leurs deux royaumes durait depuis une éternité et ce mariage avait été arrangé pour permettre la constitution d'une armée commune face aux nouveaux envahisseurs. Les soldats du Premier Ordre, les artisans et minerais des Sables. Kylopold savait, depuis sa prime enfance, qu'il ne choisirait pas son épouse. Il avait imaginé toutes sortes de scénarios : une vieille impératrice fripée qui se prendrait pour sa mère ; une harpie capricieuse insupportable ; une gamine prépubère sans talents ni conversation…
Lorsqu'il avait reçu le portrait d'Irène des Sables de Jakku, dite « Rey », il avait été subjugué. Le peintre avait certainement exagéré la beauté de la jeune fille pour flatter son mécène. Elle serait odieuse, ou boiteuse, ou stérile? Il y avait forcément un piège!
Et pourtant.
Il avait eu toutes les peines du monde à détacher son regard d'elle lors des cérémonies. Dans la cathédrale, où l'office dura des heures, elle portait une robe rouge brodée de fils d'or et un voile sur le visage. Il devinait la pointe de son nez et l'or de ses yeux sous les reflets de la soie fine comme de la toile d'araignée qui dissimulait son visage.
Elle se tenait droite, elle était menue. Il songea qu'il risquerait de la casser en lui faisant l'amour, il faudrait qu'il réfrène ses ardeurs. Ses hanches semblaient étroites ; pourrait-elle porter des enfants? Il était urgent qu'elle tombe enceinte pour donner un héritier légitime, et commun, à l'union fragile de leurs deux royaumes.
Lorsqu'ils furent enfin mariés devant l'Eglise et le peuple, après l'échange des vœux, la bénédiction, les onctions, les prières, les rituels, et mille autres cérémonies, il avait enfin relevé son voile. Les yeux de la jeune fille brillaient un peu trop. Elle avait peur. Que savait-elle de lui? Quelle réputation lui avait-on faite?
Il n'était pas un tendre sur le champ de bataille, mais ce n'était pas ce qu'on lui demandait.
Il était autoritaire avec la domesticité et le peuple, mais c'était son rôle en tant que souverain.
Il était fougueux avec les femmes, des servantes mises à sa disposition pour le déniaiser puis des prostituées à soldats, mais il était impossible qu'elle en ait entendu parler.
Soudain, en quittant l'église, Irène avait marché sur l'ourlet de sa robe et manqué de trébucher sur le parvis de la cathédrale. Une chute de la mariée devant le peuple et les ecclésiastiques aurait été un terrible présage, et sans réfléchir, il l'avait rattrapée. Elle avait resserré les doigts contre son gant et dans son regard il avait lu quelque chose de nouveau. De la gratitude?
Son cœur s'était mis à battre fort et il avait senti son sexe durcir dans ses chausses de brocard. Elle était lumineuse. Une fleur du désert.
Elle dépassait ses rêves les plus fous. Il était reconnaissant, et éberlué, de posséder une femme pareille. Il avait hâte de faire l'amour avec elle, de goûter sa peau, de posséder son corps.
Mais ça viendrait après.
La première nuit serait celle du depucelage rituel. Avec la pression et leurs parents et notables qui observaient, il lui serait impossible («interdit », même!) de lui faire du bien.
Il avait toujours considéré que c'était normal, c'était peu de choses, et que madame pourrait faire l'effort de serrer les dents. Mais en voyant les yeux d'Irène, les perles de ses dents, le frémissement de sa bouche, il avait été frappé par l'horreur de sa tâche.
Elle méritait autre chose, elle méritait mieux. Elle méritait d'être aimée et vénérée, de se pâmer de plaisir et de s'endormir avec le sourire aux lèvres.
Kylopold avait détourné le regard lorsqu'elle était apparue dans sa chambre, apprêtée comme une poupée dans une meringue de dentelles. Il eut de la peine pour elle et pour ce qu'elle s'apprêtait à subir, et n'osa pas croiser son regard de peur de ne plus arriver à faire ce qu'on attendait de lui.
Il aurait aimé qu'elle soit nue, contempler ses seins et ses cuisses, mais cette tenue rituelle, chargée comme une robe de baptême, ne laissait rien deviner. On ne voyait pas un centimètre de sa peau.
C'était peut-être pour le mieux. Imaginer le regard visqueux de l'Archevêque Snoke sur le corps de sa jeune épousée lui donnait des frissons de dégoût. Il avait vu la goutte de salive sur les lèvres gercées du vieillard alors que ce dernier écartait les cuisses d'Irène de son sceptre d'or massif pour « attester de sa virginité ». Il avait vu sa langue perverse pointer hors de sa bouche entrouverte.
C'en était trop et il l'avait chassé. Il savait qu'il devrait en rendre compte par la suite, mais ça n'avait pas d'importance. L'honneur de sa femme était en jeu.
Jamais jusqu'alors n'avait-il pris conscience de l'ampleur du désastre : ce rituel était une ignominie. Ah, ils riaient, les nobliaux et les soldats dans les casernes, se vantant de leurs prouesses lors de leur nuit de noce, clamant à la volée combien ils avaient fait crier leurs épouses et martelé leurs chairs, gagnant ainsi le respect craintifs de leurs pairs. Ha ha ha! Rires gras et claques dans le dos.
Il avait ri avec eux.
Mais ce soir… ce soir!
Elle tremblait sur le lit, le souffle court, les poings serrés, les cuisses ouvertes, et il avait réalisé qu'il n'y aurait qu'une seule première fois. Que cette première fois serait désastreuse pour elle, quels que soient les efforts qu'il déploierait pour l'apaiser. Que par la suite, elle aurait peur de lui, et le sexe en horreur. Cette tradition était une infamie.
Il avait tenté de la rassurer. De s'excuser par avance, de gagner sa confiance. Ils auraient de meilleurs nuits, c'était promis. Mais il devait la pénétrer, ici et maintenant, et Seigneur, pourvu qu'elle saigne.
Elles ne saignaient pas toutes, même vierges, et cette superstition absurde gâchait la vie de nombreuses jeunes femmes, enfermées dans des couvents. Pourvu qu'elle saigne! Il ne la connaissait que depuis quelques heures et tremblait à l'idée d'être séparé d'elle.
Il avait tenté de l'amener à le désirer, et avait été heureux qu'elle lui rende ses baisers. Mais sa vulve était sèche, et crispée. Elle subissait trop de pression pour se détendre. Il fallait la lubrifier sans quoi elle hurlerait de douleur et elle serait traumatisée pour les mois (années?) à venir. Il avait fait de son mieux, dans la mesure de ses moyens, avec toutes ces couches de vêtements et les dizaines de paires d'yeux rivées sur eux… De la salive, ses doigts, pour la préparer un peu - trop peu - à la pénétration.
Ça ne fut pas suffisant, mais il ne pouvait plus retarder l'échéance. On commentait sa performance. Il devait montrer qu'il maîtrisait la situation, et sa femme.
Elle était contractée et affolée, et il avait forcé le passage, pressant contre son hymen, malheureux de lire la détresse dans son regard, conscient d'avoir un sexe beaucoup trop volumineux pour cette première fois. Son doigt seul avait eut du mal à passer ; alors son pénis en érection?!
Pourtant il avait envie d'elle, à en crever, depuis l'instant où elle était apparue dans la cathédrale. Son érection était douloureuse. Ce serait un soulagement de la pénétrer enfin.
Lorsque le corps d'Irène céda, il retint un râle de délice. Elle était si étroite contre son sexe, c'était divin. Serrée, brûlante, moelleuse, il s'enfonça en elle en réfrénant le besoin de forcer, d'accélérer.
Il vit couler ses larmes et son coeur se brisa.
Lui était en train de bénir le ciel de lui offrir le corps de cette femme pour chacune de ses nuits jusqu'à sa mort ; elle, était certainement en train de maudire ce même ciel pour les nuits de souffrance à venir.
Elle se débattait contre lui, tentait de le faire ressortir à coups de genoux et de bassin, et il lui saisit les poignets pour la dominer, laissant son poids faire le reste. Il était infiniment plus lourd qu'elle. Elle expira longuement, et poussa un cri silencieux alors qu'il débutait un lent va-et-vient au creux de ses chairs.
Il la maintint en place et accéléra, la pénétrant plus profondément alors que son vagin s'habituait à l'intrusion, et tout à son ouvrage, entendit les murmures d'approbation de la foule derrière les rideaux du baldaquin.
Au moins, à ce niveau, il remplissait le contrat.
Il sentait monter son plaisir, une pression sous ses testicules, une chaleur circulant dans sa verge, en flux et reflux à chaque aller-retour, et enfouit son visage dans le cou de Rey, sa femme. Elle sentait bon et sa peau était douce.
Il découvrirait son corps demain, la prochaine nuit.
Cette nuit, il fallait terminer.
Il sentit monter son plaisir, un orgasme comme une libération, et se redressa sur les bras pour jouir en elle, tout au fond, en longues giclées qui lui arrachèrent un cri rauque.
L'inquiétude dans les yeux de Rey était touchante. Tout allait bien, si elle savait… Il resta quelques instant en elle, puis se retira et dissimula son organe déjà mou dans ses chausses. Un filet de sperme blanchâtre s'écoulait du sexe de son épouse.
Kylopold fit une grimace de dégoût en croisant le regard de l'Archevêque Snoke. L'ignoble vieillard venait probablement de souiller sa soutane.
Rey des Sables de Jakku avait saigné.
Tout s'était déroulé au mieux. Il l'avait déflorée, fécondée, et elle avait saigné. C'était parfait.
Lorsque la pièce fut enfin vide, il l'attira dans ses bras. Elle était tremblante de peur et de douleur. Il tenta de l'apaiser, soufflant des mots tendres et de doux baisers.
Le coeur de Kylopold Benoît Soloren battait la chamade. Un sentiment nouveau lui brûlait les joues : il était amoureux.
Et les prochaines nuits leur appartiendraient.