Chapitre 15

Alors là, il en était hors de question. Je préférais un combat franc, même à quatre contre un -je doutais que Lucy y participe même si elle semblait vraiment ressembler à mon récent ange gardien- que de laisser Gwendolyn. Je n'avais plus vraiment le choix. Je sortais le pistolet que j'avais glissé sous ma redingote.

- … Il me semble que le dialogue sera plus facile avec elle. Elle n'a pas encore subi tout ce lavage de cerveau… Oh merde

Je venais de pointer mon arme sur Lucy.

- Gwendolyn et moi, nous allons tranquillement quitter la maison, annonçai-je. Lucy va nous raccompagner à la porte.

- Tu es vraiment une…crapule, lança Paul à voix basse.

Ça lui allait bien de dire ça, alors que Frank jouait avec son propre pistolet depuis le début de notre conversation. Mon oncle s'était relevé, portant un regard indécis sur ses compères.

- Assieds-toi, ordonnai-je d'un ton glacial.

Je raffermissais ma prise autour de Gwendolyn. J'aurai voulu la protéger totalement mais c'était compliqué en menaçant sa cousine.

- Et vous, Millhouse, asseyez-vous aussi. Il vous reste encore quantité de sandwichs.

J'interceptai le regard de Paul sur la porte derrière nous.

- Un seul mot à Franck et je tire, menaçai-je.

J'espérai être suffisamment convaincant car je n'avais pas la moindre intention de tirer sur Lucy. Du moins pas tant que nous avions une autre échappatoire. Je me demandai un instant si la jeune femme l'avait compris car elle n'avait pas l'air effrayé du tout. Mais elle ne disait rien, et Paul, lui me considéra avec plus de sérieux.

- Fais ce qu'il dit, ordonna-t-il à Millhouse.

Celui-ci quitta son poste, libérant le seuil, et alla s'asseoir en me jetant un regard noir.

- Tu l'as déjà rencontré, n'est-ce pas ? me demanda Lucy en me regardant dans les yeux. Tu as déjà rencontré le Comte de Saint-Germain.

La deuxième fois ressemblait plus à une affirmation qu'à une question, j'acquiesçai.

- Trois fois. Et il est parfaitement au courant de vos intentions. Demi-tour !

Je posai directement le canon sur le crâne de Lucy, priant pour que personne ne bouge et que je ne fasse une erreur tragique.

- En avant ! ordonnai-je en camouflant les tremblements de ma voix par un ton glacial.

- Princesse…s'inquiéta mon oncle.

- C'est bon, Paul.

S'il y avait une chose qu'on ne pouvait retirer à Lucy, c'était son courage.

- Ils lui ont donné une saleté d'automatique Smith&Wesson. Je pensais que c'était contraire aux douze règles d'or.

En fait, ils ne m'avaient rien donné puisqu'ils ne me croyaient pas. Mais je n'avais pas le temps pour un nouveau débat.

- Une fois dans la rue, nous la laisserons partir, les informai-je. Mais d'ici là, il vaudrait mieux que personne ne bouge d'ici, si vous ne voulez pas la voir mourir. Viens, Gwendolyn. Ils ne te prélèveront pas de sang aujourd'hui.

Je préférais m'accrocher à cette hypothèse que d'étudier les autres pour le moment.

- Peut-être ne veulent-ils vraiment que parler, hésita-t-elle.

Elle allait finir par m'achever. Mon cœur battait déjà à toute allure. Il allait finir par exploser sous la pression.

- Tu peux être sûre qu'ils ne veulent pas seulement parler, répliquai-je.

Je devais la convaincre le plus vite possible. Et aussi, ne pas me laisser convaincre.

- C'est inutile, dit Paul. Ils lui ont lavé le cerveau.

- C'est le Comte, renchérit Lucy. Il peut se montrer persuasif, comme tu le sais.

Ils tentaient encore de nous retourner contre le Comte, même sous la menace. C'était leur seul moyen de s'en sortir après tout. Mais, une part de moi voulait connaître leur version.

- Nous nous reverrons ! dis-je

Nous arrivions sur le palier.

- Serait-ce une menace ? s'écria Paul. Nous nous reverrons, ça c'est certain !

- Il faut à tout prix empêcher que le Cercle se ferme, insista Lucy. Et ne cherchez jamais à revoir le Comte dans le passé. Gwendolyn ne doit surtout pas le rencontrer !

Il y avait une vraie peur dans la voix de Lucy. Une véritable inquiétude. Mais était-ce une crainte pour Gwendolyn ou pour leur plan, à Paul et elle ?

- Ne l'écoute pas, dictai-je à Gwendolyn.

Nous étions enfin à la porte d'entrée. Je fus obligé de lâcher Gwendolyn pour l'ouvrir. Je jetai rapidement un coup d'œil à l'extérieur. Il n'y avait personne et notre fiacre avait disparu. Cela je m'y attendais.

- Je l'ai déjà rencontré, annonça Gwendolyn. Hier…

- Oh, non ! s'écria Lucy en pâlissant à vue d'œil.

Elle n'était pas aussi inquiète face à canon de l'automatique sur son front.

- Et il connaît ta magie ?

- Quelle magie ? interrogea Gwen.

- La magie du Corbeau.

- La magie du Corbeau n'est qu'un mythe, lançai-je.

Il n'y avait aucune rationalité dans une quelconque magie n'appartenant qu'au Rubis. Mais cela semblait avoir autant d'importance pour Lucy et Paul que pour le Comte de Saint-Germain. J'attrapai Gwendolyn par le bras pour la faire descendre dans la rue.

- Ce n'est pas vrai. Et le Comte le sait aussi, assura Lucy en se mettant à pleurer.

Je la menaçai toujours de mon arme mais fus obligé de lever les yeux. L'avant-toit nous protéger encore, cependant, au premier étage, derrière une fenêtre donnant sur la rue se trouvait Frank, armé lui aussi.

- Attends, m'interpela Gwendolyn. Pourquoi es-tu si sûr qu'ils ne disent pas la vérité, Gideon ? me demanda-t-elle doucement en dévisageant sa cousine.

Il était certain qu'elle paraissait toute innocente avec ces grands yeux bleus larmoyants. Et je n'avais aucune réponse convaincante à donner à Gwendolyn pour la simple raison qu'ils avaient réussi à me faire douter. Je la fixai donc, cherchant une réponse, n'importe laquelle.

- J'en suis sûr, c'est tout, lui chuchotai-je.

- On ne le dirait pas à t'entendre, dit Lucy. Vous pouvez nous faire confiance.

Je l'observai. J'avais de plus en plus envie de connaître leur version. Peut-être que si j'entrainais Lucy un peu plus loin. Elle n'aurait plus d'autres choix que de nous parler. Elle…

- Attention, hurla Gwendolyn.

Millhouse se jeta sur moi et je n'eu que le temps de me virevolter pour éviter son énorme poing. Heureusement, j'avais déjà baissé mon arme.

- Millhouse, non ! s'écria la voix de Paul dans l'escalier.

- Cours ! criai-je à Gwendolyn.

Pour une fois, elle obéit dans le millième de seconde qui suivit et je l'en remerciais. J'évitai un nouvel assaut de Millhouse.

- Parle à Grand Père, cria Lucy à Gwendolyn. Interroge-le sur le cavalier vert !

Un nouveau coup de poing me frôla. Millhouse était fort, mais il n'avait aucune véritable technique. Je lui envoyais mon propre poing sur le nez. J'entendis déjà les pas de Paul dans les escaliers. Je profitai de la confusion provoquée par mon coup pour m'échapper également.

Je ne rattrapai Gwendolyn qu'au coin de la rue.

- Merci d'avoir crié, haletai-je, c'était déjà la deuxième fois qu'elle me sauvait.

Je rangeai le pistolet

- Si je l'avais perdu, on aurait été mal. Allez, par là !

Elle se retourna avant de demander.

- Ils nous poursuivent ?

- Je ne crois pas. Mais au cas où, il vaudrait mieux se dépêcher.

- D'où ce Millhouse a-t-il pu surgir si brusquement ? Je n'avais pas quitté l'escalier des yeux.

- Il doit y avoir un autre escalier dans la maison, expliquai-je. Je n'y avais pas pensé.

- Où est passé le Veilleur avec le fiacre ? Il devait nous attendre.

- Qu'est-ce que j'en sais ?

Je n'étais pas médium. Et puis, il y avait une chance pour que Paul ait payé le Veilleur comme il avait convaincu Wilbour de nous mener à Hyde Park. Du moins, si c'était bien de son fait, ce dont je doutais de plus en plus.

- Qui est le cavalier vert ? demanda-t-elle encore, hors d'haleine.

- Aucune idée, répondis-je tout aussi essoufflé.

Les gens nous regardaient passer, une fille en robe d'été et un homme en costume trois pièces, courant à perdre haleine dans les rues de Londres. Nous commencions à être habitués à nous donner en spectacle en tenue d'époque.

Je reconnus la rue, tournai dans une ruelle et m'arrêtai devant le portail de l'église Holy Trinity.

- Qu'est-ce qu'on fait ici ? haleta Gwen.

- On se confesse, déclarai-je.

Je jetai un œil aux alentours, pour être certain que personne ne nous avait suivi, puis ouvrit la grande porte avant de la pousser à l'intérieur. Il faisait beaucoup plus frais dans le bâtiment. Le bruit de la rue était quasiment complétement assourdi. Je parcourais la nef latérale sous les lumières colorées des vitraux, mes pas résonnant dans l'atmosphère solennel de l'édifice. Je m'arrêtai devant un vieux confessionnal, ouvris le rideau et désigna la place à Gwendolyn.

- Tu n'y penses pas sérieusement ? chuchota-t-elle.

- Mais si. Moi, je vais m'asseoir de l'autre côté et nous attendrons ici notre retour dans le présent.

Elle me lança un regard perplexe avant de se laisser tomber sur la banquette. C'était la deuxième fois qu'elle obéissait sans objection, ou presque. Content, je refermai le rideau devant son nez, m'installai de l'autre côté et fit coulisser le portillon de la petite fenêtre entre nous.

- Confortable ? lui demandai-je.

Elle ne répondit pas. Je renfilai donc mon costume de clown auquel elle ne semblait jamais résister bien longtemps. Je pris mon air le plus grave.

- Eh bien, ma fille ! Remercions le Seigneur pour la protection de sa maison !

- Comment peux-tu de nouveau avoir la tête à plaisanter ? s'insurgea-t-elle.

C'était un lamentable échec. Gêné, je haussai les épaules.

- Tu vois quelque chose de mieux à faire ?

- Oui ! Nous pourrions, par exemple, chercher à comprendre ce qui vient de se passer ! Pourquoi Lucy et Paul ont-ils dit qu'on t'a lavé le cerveau ?

Je n'en avais pas la moindre idée. Enfin, si, justement, j'en avais une à laquelle je ne voulais pas penser. Depuis ma plus tendre enfance on m'avait répété que le chronographe contenait un remède pour l'Humanité. Que la loge du Comte de Saint Germain regroupait les plus grandes têtes pensantes pour améliorer la vie de chacun. Que le Comte était un grand sage, un génie. Mais la vérité, c'était que depuis que je voyageais dans le temps, je commençais à voir les choses différemment. Et c'était un plus grand bouleversement encore depuis que Gwendolyn était à mes côtés. Elle avait une vision si nouvelle, si naïve.

- Comment veux-tu que je le sache ? lui répondis-je.

Je me passais une main dans les cheveux. Elle tremblait encore d'avoir tenue ce Smith&Wesson sur le front de Lucy.

- Ils veulent te déstabiliser. Et moi avec, ajoutai-je.

- Lucy m'a dit d'interroger mon grand-père. Elle ne sait sans doute pas qu'il est mort, continua Gwen. La pauvre ! Ce doit être terrible de ne plus jamais pouvoir revoir sa famille dans le futur.

Je ne répondis pas. C'était leur décision, à Paul et elle, de s'enfuir dans le passé. Je repensais à l'émotion de Lucy. Etait-ce de revoir un membre de sa famille qui avait teinté ses yeux d'émerveillement ? Je repensais à mon frère, à ma mère. Je les voyais très rarement, ils me manquaient parfois mais que ressentirais-je si j'étais condamné à ne jamais les revoir ? Est-ce que le trésor des Veilleurs valait vraiment cet exile ?

- Tu fais entièrement confiance au Comte de Saint-Germain ? demanda soudain Gwendolyn.

Je pris une grande inspiration. J'avais l'impression que cette question tournait en boucle dans ma tête depuis hier.

- C'est un génie. Il a découvert des choses que personne avant lui… Oui, j'ai confiance en lui. Quoi qu'en pensent Lucy et Paul… ils se trompent.

Ils devaient forcément se tromper, soupirai-je.

- Et tout cas, j'en aurais encore mis ma main au feu, il y a peu. Tout paraissait si logique.

- Et maintenant, ça ne l'est plus ?

Elle avait le don pour appuyer là où il fallait.

- Tout ce que je sais, c'est que je maîtrisais parfaitement la situation avant ton arrivée ! affirmai-je.

- Voudrais-tu me rendre responsable de ce que, pour la première fois de ta vie, tout le monde ne fait pas tes quatre volontés ? railla-t-elle en levant les sourcils.

- Non ! m'écriai-je.

Ce n'était absolument pas ce que je voulais dire. Elle était la clé de tout, c'était évident. Depuis son arrivée, les voyages dans le temps n'avaient plus rien à voir avec les discussions autour d'un thé chez nos aïeules. C'était plus dangereux, comme si le complot qui avait mis des décennies, voir des siècles à se monter était sur le point d'éclater au grand jour. Mais c'était tellement plus trépidant aussi, plus excitant.

Je secouai la tête et poussai un soupir.

- Gwendolyn ! Pourquoi est-ce que tout est toujours plus compliqué avec toi qu'avec Charlotte ?

Je repensais à ma discussion avec le Comte de Saint-Germain et sa théorie sur le fait qu'une femme amoureuse était toujours bien plus facile à manipuler. Je me penchais vers elle, plongeant mon regard dans ses magnifiques yeux bleus.

- Ah. Vous en avez parlé aujourd'hui dans la cour de l'école ? demanda-t-elle, froissée.

- Jalouse ? enchainai-je aussitôt avec un large sourire moqueur.

Au moins n'étais-je pas le seul à avoir des réactions exagérées, c'était rassurant.

- Pas du tout ! se défendit-elle, pas convaincante pour un sou.

- Charlotte a toujours fait ce que je lui ai dit. Pas comme toi. Ce qui est usant…

Je savais que Charlotte était amoureuse de moi depuis pratiquement notre rencontre. Etait-ce pour cela qu'elle était si docile avec moi ? Est-ce que cela fonctionnerait également sur sa cousine ? Je ne savais pas si j'avais réellement envie que Gwendolyn devienne cet agneau obéissant. En fait, je savais parfaitement que je ne le voulais pas.

-… Mais amusant aussi en quelques sortes… et charmant.

L'avertissement de ma mère me revint une fois encore. J'étais moins bien mièvre que cela. Nous pouvions bien flirter un peu sans que l'un de nous deux tombent amoureux, non ? Gwendolyn connaissait beaucoup d'autres garçons. Elle avait d'autres amis. Pas comme Charlotte et moi. J'eu soudain un pincement au cœur qui se transforma rapidement un soubresaut lorsque la jeune femme replaça une mèche de ses cheveux. Sa coiffure ne ressemblait plus à grand-chose après notre folle course. Alors pourquoi la trouvais-je soudain si belle avec ses rougissements ?

- Pourquoi ne retournons-pas à Temple ? demanda-t-elle me coupant de ma rêverie.

- On est bien ici, non ? Si nous y retournons, nous allons encore avoir droit à une de ces discussions interminables. Et à vrai dire, je n'ai pas franchement envie de me faire encore commander par oncle Falk.

Non, pas aujourd'hui. Je voulais profiter encore un peu de cette nouvelle insouciance que je connaissais avec Gwendolyn. Pas de règles, pas de pression, juste nous. Et puis, les propos de Lucy et Paul m'avaient vraiment perturbé. Je n'étais pas prêt pour une nouvelle confrontation.

- Ça ne doit pas être très agréable, n'est-ce pas ? interrogea-t-elle avec un sourire en coin.

Elle devait faire référence au petit violoneux arrogant qui lui dictait sans arrêt sa conduite. Je secouai la tête.

- Non, vraiment pas, répondis-je sincèrement.

Un bruit se fit entendre dans la nef. Sûrement un paroissien venu se recueillir.

- Et si l'on sautait maintenant dans le présent ? Je n'ai pas envie d'atterrir sur les genoux d'un…hmm…communiant… Et je pense que le curé se demanderait aussi ce qui lui arrive.

Je ne pus m'empêcher de rire en me représentant l'image. Nous deux, apparaissant soudain sur les genoux du pasteur et de son confessant.

- Pas de souci. A notre époque, ce confessionnal n'est jamais occupé. Il nous est pour ainsi dire réservé. Le pasteur Jakops l'appelle l'ascenseur pour l'Autre Monde. Il fait naturellement partie des Veilleurs.

- Et on va sauter bientôt ? continua-t-elle.

Je regardai ma montre. Il nous restait encore quelques minutes avant le saut de retour.

- Il nous reste encore du temps, lui appris-je.

- Alors, il faudrait en faire quelque chose, répondit-elle en riant. Tu ne voudrais pas te confesser, mon fils ?

Je rêvais où elle flirtait avec moi avec mes propres méthodes ?

- D'accord, mais seulement si tu me révèles aussi tes péchés !

- Ça te plairait, hein ?

Elle n'avait pas idée à quel point. J'allais répliquer quand elle me coupa encore une fois.

- En tout cas, tu avais raison de penser à un piège. Mais comment Lucy et Paul savaient-ils que nous serions justement là aujourd'hui ?

Elle venait de faire marche arrière. Un peu déçu, je répondis quand même honnêtement.

- Je n'en ai pas la moindre idée.

Je n'avais pas envie de me prendre la tête avec cette histoire. Pas dans ce petit confessionnal où l'odeur de vanille de Gwendolyn envahissait tout l'espace. Je me penchai plus encore vers elle. A tel point que nos nez se touchèrent presque. Je pouvais examiner le grain de sa peau blanche même dans la pénombre.

- Mais peut-être que tu le sais, toi ? insinuai-je.

Elle cligna plusieurs fois des yeux, totalement déroutée. C'était bien la réaction à laquelle je m'attendais.

- Moi ?

- Tu pourrais être celle qui a révélé notre rendez-vous à Lucy et Paul.

- Quoi ? s'écria-t-elle, complètement ahurie. Ça ne va pas, non ?! Je ne sais même pas où se trouve le chronographe. Et je ne tolérerai jamais que…

Elle s'arrêta là. Peut-être de peur de dévoiler quelque chose de plus. En tout cas, son ahurissement paraissait sincère. Les rougeurs sur sa peau pâle qui m'appelaient sans cesse étaient plus que réelles.

- Gwendolyn, tu n'as aucune idée de tout ce que tu vas faire dans le futur, chuchotai-je.

- Ça pourrait tout aussi bien être toi, répliqua-t-elle.

- Exact.

Je me reculai, un grand sourire aux lèvres. Elle était si vive d'esprit. Même dans une situation inconfortable, elle arrivait à me remettre à ma place. C'était grisant.

- Je crois que ça va devenir passionnant entre nous, ces temps prochains, avouai-je.

J'avais hâte de savoir jusqu'à quel point. Elle avait réussi à chambouler mon monde en seulement deux jours, qu'en serait-il en une semaine ? Un mois ? Un an ? J'avais l'impression de ne m'être jamais autant amusé. Elle me donnait l'impression d'être libre, malgré notre attache forcée au chronographe. Cette fille était une étincelle dans ma sombre vie.

- Dans la calèche, quand nous avons parlé de la magie du Corbeau… tu t'en souviens ?

Une partie de moi espérait que ce n'était pas le cas. Elle avait eu l'air si en colère contre moi à ce moment-là.

- Tu as dit que je ne pourrais jamais posséder cette magie, parce que je ne suis qu'une fille tout à fait banale.

Evidemment, c'était mal la connaître.

- Une fille comme tu en connais tant d'autres. Qui ne vont toujours qu'en groupe aux toilettes et se moquent des autres, et…

Je penchai vers elle et posai ma main sur ses lèvres.

- Je sais ce que j'ai dit.

Tout ça, je l'avais dit et pensé la veille. Mais j'avais l'impression que cela remontait à bien plus longtemps. Je la considérais encore comme un boulet de plus qu'on aurait attaché à ma cheville. Une fille ignorante de tout, sans intelligence ni grâce, que je me devais de trimballer et de protéger. Alors qu'elle était tout l'inverse.

- Et je le regrette, ajoutai-je.

Elle se figea subitement. Est-ce que je lui avais fait peur ? Je voulu retirer ma main mais j'en fus soudain incapable. A la place, mes doigts frôlèrent prudemment ses lèvres douces, caressèrent son menton avant de remonter lentement le long de sa joue jusqu'à sa tempe où se trouvait une tâche de naissance en forme de croissant de lune. Ils se glissèrent ensuite jusqu'à ses cheveux qui m'avaient obsédé jusque dans mes rêves.

- Tu n'es pas banale Gwendolyn, chuchotai-je. Tu es très inhabituelle. Tu n'as pas besoin de la magie du Corbeau pour représenter pour moi quelqu'un de tout à fait particulier.

Je me rapprochai encore. Ses yeux s'étaient assombris m'attirant plus près encore. Maintenant que nous étions si proches, je ne pouvais plus me résoudre à reculer. Elle ne bougeait plus, elle ne respirait même plus. Au contraire, mon cœur lui s'emballait comme pour un marathon. Ne pouvant enfin plus me retenir, je pris possession de ses lèvres.

« Les garçons tombent plus vite, les filles tombent plus fort »


Fin !

J'espère que l'histoire vous a plu et que vous aimez toujours Gideon. La Trilogie des Gemmes fait partie de mes séries préférées et j'aime vraiment énormément M. De Villiers. C'est pour cela que j'ai souhaité écrire l'histoire de son point de vue (en plus du fait que c'est un des livres préférés de ma meilleure amie et que je voulais lui faire un cadeau original).

Je vous avoue que cela m'a demandé beaucoup de travail et de temps. Je ne voulais absolument pas dénaturer l'oeuvre de Kerstin Gier mais j'y ai forcément mis un peu de moi. Je me pencherais peut-être un jour sur la suite de la trilogie si je retrouve le temps et si cela vous intéresse, je la publierai.

Merci de votre lecture.

A bientôt