J'ai vu récemment la trilogie des nouveaux films adaptés des DC comics. On m'en avait dit tellement de mal que j'ai finalement été très heureusement surprise, surtout sur le traitement de la relation entre Clark et Lois. Mais évidemment il me manque des scènes romantiques - il me manque toujours des scènes romantiques. Alors comme d'habitude, je les ai écrites moi-même. On n'est jamais mieux servi...

Les chapitres ne sont pas chronologiques. Je préciserai à chaque début où cela se situe dans l'histoire. Il faut avoir vu les trois films, sinon vous ne comprendrez rien.

Ce premier chapitre à lieu entre Batman vs Superman et Justice League.


- Lois ?

Elle sursauta, tourna vivement la tête vers la voix étrangement douce de Lombard. Elle le découvrit, debout près de son bureau, qui la dévisageait avec inquiétude. Elle réalisa le silence de l'open space, jeta un rapide coup d'œil autour d'elle. Tout le personnel figé, tous les regards désolés braqués sur elle. Elle inspira profondément et demanda d'une voix qui, elle l'espérait, ne tremblait pas trop :

- Oui, qu'y a-t-il ?

- C'est Perry… Cela fait cinq bonnes minutes qu'il t'appelle… et…

Le hurlement du rédacteur en chef retentit à nouveau : « Lane ! Dans mon bureau ! »

- Ah, bredouilla-t-elle, je n'avais pas entendu, j'y vais, merci.

Elle n'a l'avait pas entendu. On entendait Perry White hurler même enfermés dans les toilettes du rez-de-chaussée. Mais elle ne l'avait pas entendu.

Elle se leva précipitamment et se précipita vers le bureau de Perry, davantage pour fuir la pitié de tous ces regards que pour obéir à l'appel de son patron.

Elle entra dans le bureau, ferma la porte de verre, se tourna vers Perry White. Il était debout, les bras croisés, et l'observait, sourcils froncés. Il demanda :

- Cet article, ça avance ?

Oh. L'article. Un article sur… Il voulait un article sur…

- Lois ?

- Euh… oui, oui, ça avance, je fais des recherches, mais…

Le regard de la journaliste fut attiré par un éclat sombre derrière l'immense baie vitrée. Sur un des immeubles adjacents, une grande bannière noire avait été déployée. Le S blanc ondulait au centre, au gré du vent.

- Lois.

L'étrange douceur dans la voix de Perry la sortit de sa transe. Elle ouvrit la bouche pour parler de l'article, inventer n'importe quoi. Il ne lui en laissa pas le temps.

- Lois, depuis quand n'avez-vous pas dormi ?

Son sens de la repartie reprit le dessus automatiquement :

- Et depuis quand posez-vous des questions personnelles ?

Le visage de Perry ne marqua pas la moindre marque d'irritation. Il répondit calmement :

- Depuis quand, Lois ?

Elle soupira, voulut évacuer le sujet d'un geste nerveux de la main :

- Ça va, je dors… pas… en continu, mais je dors…

- Mensonge manifeste. Et un vrai repas ? Depuis quand n'avez-vous pas pris un vrai repas ?

Elle se mordit la lèvre, elle sentait la colère monter avec l'émotion. Dehors la bannière noire claquait au vent.

- Je grignote. Sérieusement Perry, ça va. Je… Je ne suis pas la première à traverser cela. Ça va aller. Je dois me replonger dans le travail et…

- Je pense que si. Je pense que vous êtes la première à traverser cela, en fait.

Elle demeura immobile, interdite. Puis balbutia :

- Perry, j'ai… Mon fiancé est mort. Je… D'autres ont déjà…

Il la coupa en lui désignant le fauteuil à côté duquel elle se tenait. Elle obéit machinalement. L'épuisement l'empêchait de comprendre ce qui se passait. Perry ne s'assit pas face à elle, il vint s'appuyer contre son bureau, près de Lois, et se mit à parler.

- Lois. D'autres femmes ont perdu leur fiancé, leur mari. Mais le monde entier n'est pas là pour leur rappeler leur deuil, toujours, partout, pendant des semaines, des mois.

Il tourna la tête vers la banderole noire, puis reposa lentement son regard sur Lois. Pour le coup, elle garda les yeux fixés sur Perry, ces yeux cernés et agrandis par la stupéfaction. Elle secoua vivement la tête :

- Perry, je ne comprends pas ce que vous dites, je ne vois pas le rapport, je…

Il soupira profondément :

- Lois Lane. On ne devient pas rédacteur en chef du Daily Planet en étant un parfait imbécile. Accordez-moi au moins ce crédit.

Elle ouvrit la bouche pour nier, pour s'offusquer. Elle renonça car elle lut dans le regard sombre de Perry que c'était inutile. Il savait. C'était soudain une évidence. Elle acquiesça doucement, et murmura :

- Comment ?

- Jenny, Lombard et moi vous avons vus vous embrasser, vous et Superman, à la fin de l'attaque de Zod sur Metropolis.

Elle releva le menton :

- Mais… Cela ne veut rien dire… Superman embrasse peut-être toutes les filles qu'il sauve, et…

- Lois, coupa Perry avec un sourire triste. Je ne connaissais pas Superman. Mais je vous connais un peu, vous. Pas le genre à se jeter dans les bras du premier venu, même avec une cape.

Elle ne sourit pas. Il enchaîna :

- Mettons. Et quelques semaines plus tard, un CV apparait comme par magie sur mon bureau. Un CV et une lettre de motivation qui correspondent comme par miracle à tout ce que j'attends d'un journaliste. Une lettre qu'on aurait pu croire écrite par quelqu'un qui me connait parfaitement bien, qui sait exactement ce que je recherche chez un journaliste… quelqu'un comme un de mes très proches collaborateurs par exemple…

Elle se pencha par-dessus son épaule, respira profondément son parfum et pointa un paragraphe du doigt sur l'écran du portable.

- Non, ce n'est pas ça qu'il faut écrire. Si tu…

Clark tourna la tête vers elle avec un sourire amusé. Elle sentit son souffle sur la peau de son cou et frissonna, comme à chaque fois.

- Lois, c'est MA lettre de motivation.

- Mais c'est MON patron. Je connais Perry par cœur. Je sais exactement ce qu'il faut écrire pour qu'il t'appelle le lendemain matin et t'embauche l'après-midi.

Il secoua la tête et leva les mains du clavier en signe de défaite :

- D'accord, de toute façon j'ai compris qu'il est impossible de lutter, je me rends à vos ordres, Madame.

Elle sourit largement, déposa un baiser léger dans le cou de Clark et fit le tour du canapé. Elle s'assit, blottie contre Clark, qui glissa le portable vers elle en signe de reddition. Il pencha la tête sur le côté, amusé :

- J'aurai quand même le droit de relire MA lettre de motivation ?

- Si tu es sage, répondit Lois alors que déjà ses doigts couraient sur le clavier.

- Je suis toujours sage, murmura Clark en embrassant doucement l'épaule dénudée de la journaliste.

- Lois ?

La voix de Perry la rappela à la réalité, une fois de plus. Sans même y penser, elle faisait tourner la bague de fiançailles autour de son annulaire. Un sourire amer passa sur les lèvres sèches de Lois. Il continua avec douceur :

- Et là, en quelques semaines à peine, vous êtes manifestement en couple avec ce petit nouveau sorti de nulle part. Vous dont la vie privée était jusqu'alors soit un secret très bien gardé, soit inexistante. Lois, franchement…

Elle acquiesça machinalement et un sourire, un sourire triste mais un sourire, se dessina sur ses traits fatigués. Elle sembla réfléchir quelques secondes puis demanda :

- Alors… Tout le monde sait ?

- Je ne crois pas. Je n'en ai parlé à personne, jamais. Je pense que certains se sont posés des questions, bien sûr mais… c'est difficile d'admettre quelque chose d'aussi… stupéfiant que d'être un collègue de travail de Superman.

Là Lois sourit réellement et le cœur de Perry se gonfla d'orgueil d'avoir réussi cet exploit. Il enchaîna :

- Jenny, et peut-être Lombard, même si lui est un peu… lent parfois. Parce qu'ils étaient avec moi quand vous vous êtes embrassés, dans les décombres.

Elle hocha à nouveau la tête. Ils restèrent silencieux quelques longues secondes. Puis Perry reprit la parole :

- Alors non, Lois, ce que vous vivez, personne ne l'a vécu avant vous. Je sais bien que, dans un deuil, tout vous rappelle l'être que vous avez perdu. Mais je suis conscient que là c'est autre chose. Que le monde entier vous le rappelle nuit et jour. Que Superman…

Lois se redressa et le coupa :

- Non, Clark. C'est… C'était Clark. Avant tout. C'était Clark.

Perry acquiesça. Bien sûr que c'était Clark Kent. Ce jeune homme du Texas dont ils avaient suivi le cercueil en silence dans les champs de maïs. Pas le super-héros auquel les capitales du monde entier avaient rendu un hommage international.

- Lois, il faut que vous preniez du temps. Il faut que vous pensiez à vous. Que vous preniez du temps, tout le temps qu'il vous faudra. Nous serons toujours là, nous vous attendrons. Reposez-vous, rentrez chez vous…

Elle ferma les yeux et secoua fébrilement la tête. Perry fronça les sourcils. Un murmure terrifié passa les lèvres de Lois :

- Pas chez moi. Pas chez… chez nous. C'est pire. Pire que tout. Je vous en prie, laissez-moi travailler. Je… je vais tâcher de m'y remettre, réellement.

Perry acquiesça à nouveau. Il comprenait. L'appartement vide, hanté par des souvenirs. Il soupira :

- D'accord. D'accord. Il faut cependant que vous sachiez que… J'ai trouvé quelqu'un pour… pour reprendre le poste de Clark au Planet.

Elle accusa le coup.

- Je comprends.

- Lois…

- Non Perry. Vous avez raison. Et puis tout est mieux que cette chaise vide.

Ils demeurèrent silencieux quelques instants. Un silence légèrement apaisé. Puis le rédacteur en chef se redressa :

- Ce sera tout, Lane.

- Bien.

Elle se leva et gagna la porte en verre. Au moment où elle allait tourner la poignée, la voix de Perry retentit, teintée de mélancolie et d'amusement mêlés :

- Franchement, Lois… Des lunettes ? Juste… des lunettes ?

Elle sourit sans se retourner :

- Je sais. C'était son idée.

Elle sortit.