- L'ours Bleu, Partie I :

« Tu es sûre ?

- Oui ! »

L'apercevant sautiller discrètement sur ses petits pieds, je comprenais bien vite que de toute façon, je n'avais pas trop d'options : son choix était déjà fait.

« Combien pour l'ours bleu s'il vous plaît ? »

Le vendeur se tournait dans un réflexe de jeune non-expérimenté happé par l'appât de sa première vente et me lançait un énorme sourire. Il lui fallait bien une minute pour comprendre que je souhaitais acheter la peluche se situant derrière son dos, tout en haut de l'étagère aux ours.

Des noirs, des blancs, des jaunes... même des multicolores trop mignons, mais non, c'était bien le plus compliqué à attraper qu'elle voulait. J'avais toujours su qu'elle me donnerait du fil à retordre mais pour le coup, ça, c'était simplement énervant et imprévue. Je ne l'avais même pas remarquée cette peluche bleue.

« Euh... dit le garçon, fronçant les sourcils. Attendez, je vais regarder. »

Je hochais simplement la tête, comprenant qu'il allait tenter de l'atteindre pour découvrir son prix, et au passage sûrement l'attraper.

Du coin de l'oeil, je la voyais, souriante à s'en décrocher la mâchoire et le regard plaqué sur cette chose bleue bien trop mignonne pour le commun des mortels. La petite attendait patiemment d'enfin recevoir son cadeau d'anniversaire. Je crois bien que c'était à cet instant précis que je vouais une haine sans nom à ma mémoire. Retenir un numéro de téléphone à la première écoute, retenir une leçon à la première lecture ne me posait jamais de grands soucis, cependant, retenir les dates de naissances, que ce soit la mienne ou une autre, cela semblait hors de ma portée...

Tout autant hors de portée que l'était cet ours bleu.

Gardant encré sur son visage un sourire légèrement gêné, le garçon plaquait son pied droit sur le bout de l'étagère, il augmentait ainsi sa taille de quelques centimètres. Ceux-ci étaient bien suffisant pour lui permettre de récupérer l'ourson sans accrochage. Son sourire de vainqueur m'arrachait un fin haussement de sourcil. Vu par un spectateur débile, on aurait pu parier qu'il venait tout juste de vaincre Goliath... Mais non, il avait juste posé son pied sur un meuble pour récupérer un ourson bleu trop mignon à en vomir, m'enfin bon.

Chacun son but dans la vie.

« Il est à vingt euros. »

La pulsion qui s'emparait de mon corps me surprenait moi-même... C'était incroyable de voir comment une simple phrase pouvait vous donner envie d'éclater le visage triomphant d'un gamin en pleine puberté rongé par des plaques d'acnés dans une étagère emplit d'ours.

Mon porte-feuille semblait tout autant vouloir lui défoncer la gueule.

La petite main de la gamine manquait de me provoquer un AVC. Qu'est-ce qu'il m'avait prit de l'avoir amenée avec moi déjà ?

Ah.

Oui.

Ma foutue mémoire...

Fait chier.

« Je vais le prendre... le gamin se sentait alors obligé d'approuver mon choix dans un énième sourire à cracher des glaires par terre.

- Ouiiii ! Elle s'accrochait brusquement à ma jambe droite. Merci tata, t'es la meilleure ! »

Y'a intérêt que je sois la meilleure, parce que les pâtes bas de gamme c'est pour moi pendant au moins un mois...

Sortant du magasin la gosse s'empressait, à l'aide de petits bonds joyeux, de venir me tenir la main. L'ours bleu continuait de me narguer, de ses yeux claires comme de l'eau. Il me faisait soudainement flipper, contrairement à la gamine qui se stoppait d'un nouveau bond emplit d'entrain en plein milieu du chemin.

« Qu'est-ce qu'il se passe ma puce ? »

Elle relâchait la mince pression qu'elle exerçait sur ma main pour me demander, dans un signe de tête, de m'accroupir à sa hauteur. Je ne sais pas vraiment pourquoi je lui avais obéit ce jour-là. C'était idiot, nous étions en pleine rue piétonne et je ne pense pas que les passants avaient envie de nous tomber dessus. Je m'en fichais royalement, c'était bien étrange. Ça ne m'arrivais jamais ce genre de chose. Pas grave, me soufflait alors discrètement mon cerveau, tu ne veux rien louper imbécile.

« Merci Clarkie. »

Je lui souriais doucement et dans un geste que je n'avais pas réussi à intercepter, elle venait me déposer un bisou baveux sur ma joue droite. Habituellement, j'allais directement la chatouiller. Elle savait que je haissais ce genre d'affection... baveuse. Mais là, alors que les visages mornes, énervés, des passants me fixait de travers, je ne faisais que sourire.

Mon porte monnaie se frappait le front – enfin si il en avait un. Mon cerveau fondait tout comme mon fichu coeur de victime. Elle ricanait de son rire d'enfant avant de reprendre sa marche, l'ours bleu planté dans ses fins bras, il me fixait aussi, au-dessus de son épaule.

Il parlait.

Un ours en peluche bleu ne parlait pas.

Et pourtant lui, si.

Accroupis, je ne discernais pas tout, malheureusement.

Un sac à main d'une passante retardataire manquait d'ailleurs de me fendre le crâne en deux. Mais je tenais. Toujours accroupis, un genoux à terre. Les gens parlait toujours plus fort, toujours plus intense près de mes tympans.

Mais j'arrivais à le discerner d'ici, même si ses joues dodues de pelage se creusaient, même si celles-ci se mortifiaient, même si leur muscles semblaient tenter de les fuir. Je pouvais l'entendre, à travers les coulées de sang qui dégoulinaient sur l'épaule trop fébrile de ma petite. L'ours se déchirait les joues, les brisant, les arrachant pour tenter d'articuler des paroles correctes. Ma petite continuait de sautiller, enfantinement. Le grognement plutôt que la parole me parvenait enfin distinctement. Ce gargouillement venu de je ne sais où, semblait me haper, me broyer :

« Crève. »

Mon corps se redressait dans un sursaut craquant de brutalité alors que mes pupilles osaient, avec peine, affronter les lumières jaunâtres, presque dorées, qui se faufilaient à travers la fenêtre. Je dominais auparavant ce lieu. J'en crevais de fêlures à présent. Je fermais mes paupières, mes coudes remontant, frigorifiés, mes flancs. Mon visage ne devait pas être d'une beauté mordante. La sueur le transcendait sans soucis. Il n'y avait bien que ma respiration pour me rendre vivante, elle retentissait lourdement dans chaque murs, dans chaque parcelles de mon épiderme. Je sentais qu'il y avait quelque-chose de dangereux, d'étrange dans mes expirations et mes inspirations. Je ne voulais juste pas y croire, pas maintenant du moins.

Je ne souhaitais rien trouver, pourtant je le savais. Je n'espérais rien trouver, pas ce matin.

La seule chose que je pouvais trouver et sentir, c'était les gouttes de sueurs chaudes qui perlaient le long de mon front, brisant leurs chemins sur l'arrête de mon nez, sur mon arcade ou bien sur mes tempes. Elles me transcendaient d'un mince espoir d'une guérison vaine.

Putain.

Reposant mon dos sur le matelas, je tentais de retrouver une respiration quelque peu équilibrée, simple, naturelle peut-être bien. Ça me brûlait, j'avais soif. Ma gorge prenait feu, me réclamant un calmant sain. Ma langue raclait indéniablement mon palais en quête d'une ressource que je ne connaissais pas. Je ne voulais pas la connaître. La seule solution qui me vint, était d'avaler bruyamment ma salive dans une déglutition presque immonde à l'écoute. C'était douloureux au départ. J'avais l'impression d'avaler de mince pic à glace qui, finalement, se transformait en rivières. Ça avait finit par adoucir mes plaintes gutturales.

La lumière, fracturée par les planches de bois, du soleil me ramenait complètement à la réalité. Ce n'était qu'un mauvais rêve, un horrible cauchemar irréaliste et cassant de souvenirs à vomir. Mon coeur acquiesçait à cette pensée, battant d'un rythme que je n'assimilais pas suffisamment. Je n'avais qu'une seule idée en tête : le calmer.

Élevant ma main gauche, je l'approchais dans de minces tremblements de ma poitrine. Mon passage me présentait le nombres de terreurs nocturnes que je complétais. Je découvrais l'étendue de mes sueurs froides, tièdes et bouillantes. Je ne l'avais jamais imaginé de cette manière, auparavant.

Une de mes côtes semblait ressortir négativement alors que mes respirations la propulsait le plus loin possible de ma poitrine. Elle n'en avait pourtant pas le droit, elle ne pouvait fuir ainsi. Enfin. Ma main venait draper mon coeur, doucement. Je l'avais déposée de manière à ce qu'elle ne le traverse pas, j'en avais bien trop peur. Le concerné ralentissait à vue d'oeil ses excitations folles et se reposait à son tour au sein de mon système malade d'envie.

Mon crâne se relaxait toujours contre la tête d'oreiller tiraillée de jaune. Il fallait se débarbouiller, j'en ressentais le désir, je me sentais tellement sale.

Mes paupières, habituées au noir jaunis, s'ouvraient.

Je n'avais aucunes conscience de l'heure qu'il était, mais je pouvais tenter d'en donner une approximation stupide : bientôt six heures du matin. Il était encore bien tôt mais j'avais perdu le sommeil. J'en avais besoin pourtant, c'était trop mort pour ce matin.

Fait chier.

En me tournant, le drap se froissait sur ma peau pâlit. Il ne me recouvrait qu'à moitié, me protégeant d'une chaleur chimérique. J'avais bien trop transpirer pour frissonner aujourd'hui. Mon bras endoloris de sommeil creux partait déjà en direction de la table de chevet bancale. Mes mouvements n'impressionnaient personne, mes forces s'étaient bien trop tôt évaporée. Ma montre grise manquait de peu de terminer sa course sur le sol boiteux, cependant, par chance, je la rattrapais dans un réflexe.

Elle était argentée avant. Maintenant elle était grisâtre.

« Sept heures huit… »

J'avais peut-être une heure de retard.

Mon marmonnement manquait de conviction et se perdait s'en soucis dans l'espace vide. Je faisais de mon mieux pour exprimer mon approche subtile de ma défaite sur le temps.

L'objet glissait contre ma peau, me rafraîchissant vainement. Le '' clip '' si habituel parvint à me faire sourire quelques secondes. Une nouvelle journée à crever, comme dirait l'autre. Mais c'était qui l'autre ? J'en n'avais aucune idée, mais j'aimais bien me dire qu'il y avait encore un '' autre '' près de moi, peut-être ressentait-il la même peine que moi ? J'en doutais fort, mais qui ne pense rien ne… enfin ne pense rien en fait.

Fermant une dernière fois les paupières, je tentais de me motiver.

Tout avais sûrement changer dehors, ce n'était pas possible, ça avait forcément changé voyons, imbécile. Il ne suffisait que d'une nuit pour tout remettre à zéro, tout devait revenir à zéro pour l'amour de Dieu.

Dieu est mort.

Relevant mon buste dans un effort moins douloureux que la première fois, je détachais le drap qui grâce ou à cause de ma transpiration avait fini par s'harponner à mes jambes. Ça me dégoûtait toujours autant bordel. L'une de mes mains, je ne saurais dire laquelle en vérité, avait frottée maniaquement mes yeux, les forçant à affronter le jour. Elle voulait les réveiller, les porter à l'extérieur. Même eux n'en voulait pas de l'extérieur.

Une voir plusieurs minutes étaient donc passées, mes paupières papillonnante comme pour me dire d'arrêter, que cela ne servait encore à rien.

Cette main presque étrangère avait finit par se reposer sur le bord du lit. Il grinçait.

Mon esprit avait dû mal à tout assimiler : le décor rustique du lieu, les battements de mon coeur perpétuellement trop emballés, ma sueur dégoulinante, le froid mordant de nouveau ma peau, le drap se décollant avec peine, le planché crachant ses écailles à chacun de mes pas… ce n'était pas ma véritable chambre, juste un abri peut-être provisoire, je ne le savais pas encore. Je continuais d'avancer, je pouvais plus doucement sentir le soleil d'hiver fondre sur mon épiderme dorsale. Il s'avérait plus doux qu'autre chose, je l'aimais toujours autant lui, même si parfois, comme ce matin, il me brûlait les pupilles au réveil.

Il était tout aussi joueur que dans mes souvenirs. C'était sûrement pour cela que je l'appréciais autant.

Je devais leur ressemblait. Mes bras pendaient mollement sur mes flancs. Ma peau vaquait entre le gris sourd et le jaune délavé. Mes pieds se traînaient du mieux possible, raclant par instant séparés le sol. Pourquoi j'avais recommencée…

Devant moi, la seule fenêtre de la pièce. Elle me faisait face, comme servi sur un plateau d'argent, elle représentait ce qu'il me restait. Une fichue fenêtre sur le monde, j'aurai pu rêver mieux actuellement. Elle était aussi la seule source potable de lumière des lieux, comme révélatrice du désastre qu'elle pourrait à tout moment engendrer.

Je comprenais mieux ce qui m'entourait, je comprenais davantage mon métabolisme qui poussait ma main droit à traîner sur le bois pourri de la première planche. Je jouais avec, comme prisonnière. Mes mouvements était faiblards et très disgracieux, mes doigts longeaient la plaque, se mouvant dans des gestes de danseuses bourrées lors d'une première capitale. Cette planche ou cette scène boiteuse devait me cacher, me protéger contre toute atteinte à mon humanité mordue jusqu'au sang. J'avais de gros doutes sur l'efficacité de celle-ci, mais tout le monde devait y croire alors tant pis, mes doutes ne valaient plus rien.

Je croisais par instant la consistance glaciale d'une pointe. Elles étaient trois de chaque côtés. Elles étaient les derniers remparts de cette forteresse boisée moins sophistiquée qu'un château de carte.

Papillonnant une dernière fois, mon œil droit s'attirait inlassablement d'un espace lumineux coincé entre deux planches verdit par le temps.

De là où je me situais tout semblait lointain. On aurait dit une cinématique de jeu vidéo nous présentant une simple ruelle nauséabonde emplit de PNJ beugués qui à chaque mouvements manquaient de chuter ou de se briser un bras. Mais non. Ces silhouettes qui se traînaient étaient les maîtres des lieux, ils étaient les nouveaux habitants de quelques élégantes et anciennes demeures se promenant dans la rue luxueusement décorée. Des fois, ils se heurtaient les uns les autres et parfois, ils levaient leurs visages blêmes vers le ciel nuageux pour laisser échapper des grondements et glapissements primitifs, mais la plupart du temps, quand j'osais jeter un œil à leurs occupations, ils avaient simplement l'air chez eux dans cette vaste ruelle abandonnée.

Quotidiennement ce genre de spectacle miniature m'assénait une claque. Il suffisait d'observer cette chose chuter en arrière pour comprendre. C'était affreusement pitoyable comme plan journalier… le pire c'était d'apercevoir le chapelet d'intestin violacé se rependre sur le sol goudronné vert d'eau. J'aurais pu comparer ce chapelet à une guirlande de Noël luisante. Les autres ne le remarquait même pas et manquait de se prendre les pieds dedans.

Je pouvais déjà sentir une dose de bile remonter mon œsophage pour venir s'enterrer contre mes papilles. Elle s'y terrait constamment.

Je n'avais le droit que de la retenir, habituée bien trop vite à ce qui était devenu un quotidien.

Soupirant sans comprendre je retournais, dans une démarche ressemblant à ces choses, vers mon matelas. Il n'y avait que lui de normal aujourd'hui. Je ne savais pas trop comment apprécier cette information. Il s'affaissait d'ailleurs en me retenant, porteur d'un quelconque fardeau.

Ma montre cognait le bois fragile de la table de nuit, elle penchait. Je devais l'avoir rangée dans le tiroir. Ma pensée s'accompagnait d'un geste flou, peut-être trop tremblant pour me convaincre que je ne recommençais pas. Je frôlais du bout des doigts un crayon oublié et mon esprit masqué par ce petit changement me poussait encore plus loin. Cela me prodiguait une difficulté rageante. C'était chiant, putain.

Mon reniflement énervé résonnait un peu trop fort autour de moi.

J'avais aussi cru entendre des pas non discret frapper le parquet du couloir. C'était juste mon esprit, tentais-je. Mais peut-être que les gars était déjà debout, même à cette heure. De toute manière je n'aurais pas pu leur demander. Voilà bientôt trois jours que je n'avais parlée à personne. J'avais même pas eu l'envie de le faire en vérité. Je pensais que c'était une bonne chose de garder le silence pendant un temps. Les mots ne pouvaient pas toujours tout exprimer de toute façon, ils ne pouvaient pas toujours exprimer les sentiments d'une personne.

Les mots étaient inutiles.

J'essayais alors de me convaincre qu'ils n'étaient pas levés et que ces sons impromptues n'étaient que le résultat d'une action stupide de mon crâne embaumé du manque. Et c'est ainsi que je finissais pas l'attraper avec la pulpe de mes doigts.

Elle ne m'avait pas abandonnée.

Frôlant la fiole une demi-seconde de plus, je la sortais dans un geste flou et incompréhensible. Je ne savais pas réellement si j'en avais vraiment besoin ou si je souhaitais juste en posséder encore un peu, juste un peu. Cela n'avais pas calmer mes cauchemars, mais cela m'empêchait de trop dormir, ça me suffisais grandement.

Fouillant encore un peu, je trouvais ce qui me manquait le plus : la seringue.

L'aiguille était toujours aussi propre, soigneusement désinfectée au briquet et à l'absinthe vieille de quelques années déjà. Si l'un des gars avait connaissance de cette utilisation, il m'aurait balancé la bouteille à la gueule avant de la fracasser sur l'un de ces crânes pourris.

Vengeur.

L'aube dérangeante qui s'émancipait à l'extérieur se répercutait aussi sur la seringue. Elle resplendissait d'un éclat qui me dégoûtait toujours autant. Avais-je réellement le choix ? Oui. Je n'en voulais pas. Il ne me restait plus énormément de temps avant qu'il ne vienne me déranger, une tasse de café en main, une fossette mal cachée. J'avais plus le choix, je ne voulais pas les foutre eux-aussi en l'air.

Je débouchais la fiole marron, plantait la seringue, récoltait le fameux nectar divin. La lumière était toujours aussi belle et dégueulasse à la fois. Ma salive se battait lourdement dans ma bouche. Une attente de plus que je devais résoudre.

La fiole était à présent à moitié pleine, ma seringue n'était qu'un tiers emplit. Pas plus pas moins. Il ne m'en fallait jamais plus, et il ne le faudrait jamais.

L'objet marron était parti retrouver sa place dans le tiroir, vadrouillant à ses occupations alors que de mon côté, malgré mes tremblements intempestifs, je ramenais mon pied droit sur le lit. Le plus possible de mon torse. Ce n'était pas réellement suffisant, mais je faisais avec. La souplesse n'avait jamais été mon fort.

Mon gros doigt de pied habitué s'espaçait suffisamment de son voisin afin de recueillir son dû. Ils étaient tout les deux fatigués mais j'en avais plus rien à foutre. Les traces ne me laissaient guère d'espace, cependant, je continuais mon avancer.

Le premier contact était jouissif au possible. Le métal s'infiltrait sous mon épiderme discrètement, presque soucieusement. Si je possédais un regard extérieur à mon propre âme, j'aurais compris immédiatement qu'au contraire, loin de la douceur imaginée, la scène n'était qu'un enchaînement précipité et vain. Mais je ne possédais pas ce regard, je profitais juste.

C'était putain de libérateur.

Je poussais légèrement plus la lame piquante de froid dans mon épiderme abîmée, provoquant un fin écoulement de sang non prévue, tant pis. Je n'aurais jamais cru posséder un sang aussi fade et blême.

Une goutte avait eut le courage de tâcher le drap moite alors que le produit se connectait à mon système sanguin ambitieux.

Déposant avec peine mon arme sur la table de nuit, je me rallongeais, hébétée et le regard galvanisé de nouveau du plus doux des poisons humain. Je la sentait s'enfuir dans mes veines, battre un marathon sous ma peau, améliorer les battements de mon coeur, pousser mes poumons à respirer un air plus délicieux qu'aucun autre. La lumière se transformait quand mon regard livide l'interceptait. Trop vive, bien trop vive. Elle perçait l'espace sans encombres, mordante d'une envie meurtrière de se nourrir de mes pupilles envieuses de tout.

« Merde » osais-je dire avant de me relever dans un sursaut cru.

Je n'y avais pas pensée. Bordel.

Mes pas paraissaient plus rapide même que mon esprit. Ils avaient l'air de me diriger, de me conduire en direction du placard vide. Je n'avais pas la présence d'âme de me dire, que, peut-être, je n'aurais pas le temps de l'atteindre.

J'avais eut le temps.

Dieu merci, j'avais eut le temps de l'atteindre avant de déverser mon restant de bile cramée sur le sol. Confiné dans le placard, mon rejet s'estimait fier d'avoir atterrit dans d'aussi mauvaises conditions. Ça ne m'était pas arrivée depuis longtemps ce genre d'effets.

Mon dos déchiré se plaquait contre l'une des portes fermées de l'antre assombris qui protégeait mon rejet. Ma tête tremblait dans sa cage, battante à en cracher du sang. Je m'abaissais rapidement avant de me fendre sur le sol. Il ne restait plus que ma respiration, mes yeux ébahis et mon coeur trottinant pour m'élever.

Je me détestais encore en sentant ma faiblesse grappiller des centimètres dans mon crâne d'imbécile, mais j'en avais rien à foutre. Je ressentais même le besoin de courir à m'en craqueler les poumons.

Et comme disait l'ourson bleu de ma petite, crève.