Dans le carrosse, Henri s'était assis à côté de sa femme et elle pouvait sentir son regard sur elle. Il était silencieux mais il la regardait, elle le savait.
Et, après tout ce que lui avait dit sa cousine ce matin, elle sentait pleinement la tension silencieuse qui régnait dans cette voiture. La journée s'annonçait compliquée...Catherine tressauta lorsque la roue arrière du carrosse cogna contre un pavé. Elle hurla en italien :
-Bon sang, faites attention cocher!
Henri posa tranquillement sa main sur sa cuisse, comme pour lui dire que ce n'était pas bien grave. Elle sursauta à son contact.
Il retira alors rapidement sa main. Le geste lui était venu naturellement mais il aurait dû savoir que c'était une mauvaise idée. Cela faisait des années qu'il n'avait plus de gestes tendres envers elle...en ajoutant à cela tous les douloureux souvenirs traumatiques qui étaient revenus hanter Catherine ces derniers jours...Il était normal qu'elle n'ait pas envie qu'il pose sa main sur sa cuisse comme cela.
-Excusez-moi, je devrais éviter ce genre de touches en ce moment.
-C'est bon, Henri. Vous pouvez mettre votre main partout où vous le voulez, je ne suis pas une petite fleur fragile.
Une expression taquine traversa le visage d'Henri «partout où je veux? la proposition est alléchante... »
Catherine roula des yeux. Elle aurait dû choisir d'autres mots...
-Vous m'avez compris.
-Oui, parfaitement...vous vouliez dire que je pouvais mettre ma main sur votre jambe.
Catherine sourit, l'œil taquin «Je ne serais pas offensée si vous essayiez...cela ne veut pas dire que je vous laisserais faire mon cher... »
Henri haussa un sourcil. Vraiment? Il était prêt à tenter sa chance alors... lentement, il aventura sa main de plus en plus prêt de sa cuisse gauche mais, alors qu'il était sur le point d'effleurer sa jambe, la main rapide de Catherine déposa une petite claque vive et rapide sur ses doigts.
Henri explosa de rire. C'était la même petite tape que celle qu'elle donnait aux mains des enfants lorsqu'ils essayait de voler dans le plat avant que tout le monde soit à table.
Il se sourit intérieurement à lui-même, la journée allait être amusante.
En arrivant chez l'artiste que les Médicis avaient chargé de leurs tenues, ils rencontrèrent un petit homme brun et squelettique.
-Vos majestés, c'est un grand honneur. Luca Stotazzi.
Il parlait étonnement bien français. Et, si son étrange moustache et sa tenue originale le faisaient paraître un peu extravagant, le son aigu et chantant de sa voix confirmèrent que cet homme était tout à fait singulier.
-Ravie de faire votre connaissance. On vante votre talent à travers toute l'Europe , de mes cousines Médicis à l'impératrice de Russie.
Il posa la main sur son torse et inclina la tête en remerciement.
-Je vous remercie mais, si cela convient à ses majestés, je demande à tous mes clients de m'appeler simplement Luca.
Henri haussa les épaules :
-Très bien. Alors allons-y Luca, nous n'avons que quelques heures pour prouver à cette ville que les souverains de France sont encore ceux qui mènent la mode en Europe.
Un petit sourire se dessina sur le visage du styliste. Cela sonnait comme un doux défi à ses oreilles.
Le roi et la reine se positionnèrent sur une petite estrade tandis que Luca et ses employées remplissaient la pièce de tissus. Soie, dentelle, tulle et satin volaient dans la pièce dans un joyeux mélange de couleurs.
Le styliste porta sa bague à sa bouche tandis qu'il réfléchissait, observant minutieusement Catherine et Henri, plantés sur leur estrade.
Il réfléchissait à voix haute «Hhm, aucune contrainte ne me saute aux yeux.. » il fit le tour de la petite estrade, les scrutant «Sa majesté le roi a des épaules carrées, c'est parfait...quant à la reine, elle est petite mais ce n'est pas un problème, on prévoira des talons...et elle a de la poitrine mais une taille marquée donc c'est très bien aussi... »
Henri et Catherine se regardèrent, sourire en coin...cette situation était étrange mais amusante. On parlait presque d'eux comme s'ils n'étaient pas là.
Quand, enfin, Luca sortit de sa transe d'observation, il s'exclama :
-Parfait, j'ai quelques idées. Y-a-t-il une couleur en particulier que ses majestés souhaitent porter?
Avant que Catherine n'ai eu le temps de réfléchir, Henri s'exclama : «Rouge ! »
Puis réalisant qu'il avait quasiment hurlé comme s'il jouait sa vie, il ajouta plus calmement : «Ma femme a toujours l'air incroyable en rouge... »
Rouge, c'était désormais la couleur des pommettes de Catherine. Même s'il elle devait avouer qu'elle s'aimait bien en rouge, elle aussi.
Luca tourna sa moustache autour de son doigt «Très bon choix, rouge...je verrais bien votre femme avec une robe sang, quant à vous, plutôt du gris avec quelques touches de rouge pour vous assortir à votre épouse... »
Il ajouta, en regardant ses servantes :
-Voici la clé pour assortir un couple : de légers rappels de couleur, sans tomber dans l'excès, et donc, dans le ridicule !
Les apprentis hochèrent la tête tandis que Luca déclara «commençons par la reine » puis tendit à Catherine une robe blanche près du corps, par dessus laquelle il pourrait tenter des superposition de tissus et de formes pour créer une robe digne de ce nom.
Il ferma ensuite un petit rideau devant l'estrade pour qu'elle se change sans spectateurs, sauf Henri, évidemment, qui était toujours de ce côté du rideau, un petit sourire satisfait ornant son visage.
Elle chuchota «Fermez les yeux Henri ! » mais celui-ci haussa un sourcil et chuchota le plus doucement possible à son tour «êtes-vous sérieuse? Je suis marié avec vous depuis vos quatorze ans... »
Catherine s'approcha un peu et parla dans un murmure, priant pour que le son de sa voix soit assez bas pour empêcher Luca et ses employées d'entendre :
-Je m'en fiche. Vous me verrez quand je déciderai de vous inviter dans mon lit, pas avant.
- « Quand » ? pas « si » ?
Les lèvres d'Henri s'étaient rejointes en un sourire malicieux. Il était si ravi des plans de Catherine pour le futur qu'il décida d'obéir docilement et de se tourner.
Catherine roula des yeux et se changea alors, le plus rapidement possible car Henri n'était pas vraiment célèbre pour sa patience. Quand il se retourna, il souriait toujours. Cet homme a vraiment une facilité étonnante pour interpréter la moindre de mes paroles...- pensa Catherine.
Il baissa les yeux sur sa femme, moulée dans sa robe / sous-vêtement blanche.
Alors il parla à nouveau à son oreille «Vous savez, si vous ne m'aviez pas raconté que ce Luca a passé la nuit dans le lit de Lorenzo, je ne vous laisserai sûrement pas ouvrir ce rideau... »
Catherine frappa l'épaule d'Henri, priant pour que Luca n'ait pas entendu.
Alors, Henri, se penchant, balaya d'un coup de langue le coude son épouse, de sa clavicule au creux sensible derrière son oreille qu'il mordilla tout en s'exclamant «C'est bon, Luca, vous pouvez ouvrir », laissant une Catherine rougissante et presque essoufflée apparaître devant le styliste et ses servantes.
Pendant plusieurs heures, ils superposèrent les tissus, de la soie vermillon au satin bordeaux. Ils choisirent finalement un rouge profond, couleur sang. Alors, Luca travailla sur la forme, la longueur, le décolleté, les manches...
Luca plaça une ultime épingle puis déclara :
-Je pense que l'on est bon.
«Je le pense aussi » marmonna Henri. Debout, sur cette estrade, Catherine semblait somptueuse. Malgré les épingles et les bouts du tissu qui étaient encore en train d'être arrangés, le roi avait devant ses yeux l'une des plus belles robes qu'il n'avait jamais vu. Il fallait aussi avouer que Catherine et sa beauté rendaient bien hommage au travail de Luca.
Catherine descendit de l'estrade et marcha sur quelques mètres pour voir le rendu du vêtement lorsqu'elle marchait.
-Vous avez fait un merveilleux travail Luca. Vraiment !
Henri ne pouvait qu'être d'accord. La traîne de la robe était si longue que Catherine semblait glisser sur une marre de sang, cela lui correspondait plutôt bien...
Les manches en satin qui couvraient l'épaule de Catherine jusqu'à son poignet mettaient en valeur ses bras fins, tandis que, le rouge profond du décolleté rond de la robe tranchait avec le haut de ses seins couleur ivoire. C'était divin.
Henri nota mentalement de garder Catherine près de lui ce soir quand il observa la manière dont le tissu rouge ondulait entre le creux de sa taille et la pente de sa hanche. Dieu...
-Qu'en pensez-vous Henri? C'est bien, non ?
Il ouvrit la bouche pour répondre à la question de sa femme puis se ravisa. Il sourit simplement en disant «Je ne peux pas mettre cela en mots...vous êtes incroyable. »
Les joues de Catherine rougirent, pour la énième fois de la journée.
Luca proposa «Passons à la tenue de sa majesté le roi, pendant que mes employées finissent d'enlever les dernières épingles.
Henri prit alors joyeusement place sur l'estrade, à côté de sa femme.
-Je vais vous faire apporter des sous-vêtements, votre majesté, puis nous commencerons.
Henri sourit «Ce n'est vraiment pas nécessaire, je ne suis pas pudique ! »
Il fit alors tomber ses chaussures, sa chemise, son pourpoint, son pantalon...
Entre Luca, Catherine et les servantes, il était difficile de déterminer qui était le plus affecté par la vue, mais, en tout cas, le corps dénudé d'Henri avait fait taire toute la salle.
«Et bien, allons-y » marmonna Luca, «nous n'avons plus beaucoup de temps devant nous. »
Catherine se retint de rouler des yeux, s'il y avait bien une chose dont son mari raffolait, c'était de la mettre mal à l'aise en public.
La confection de la tenue du roi fut moins longue, quoique pas vraiment rapide car Luca était très pointilleux sur la façon dont le pourpoint devait suivre le contour de ses épaules pour les mettre en valeur, sans être trop serré évidemment.
Lorsque la tenue d'Henri sembla pratiquement terminée, Catherine s'enquit :
-Où est la touche de couleur qui est censée assortir nos tenue? Je ne vois pas de rouge...
-Un instant, votre Majesté, vous allez voir...
En disant cela, il s'approcha de la fenêtre, l'ouvrit et coupa une rose rouge de l'immense rosier qui fleurissait là.
L'épinglant sur le cœur d'Henri, il regarda la reine:
-Une robe rouge pour la femme, une rose rouge pour l'homme. Cela vous convient-il ?
Catherine sourit. «Parfait»
Luca leur fit signe de remonter sur l'estrade tous les deux, qu'il puisse observer le rendu final. Henri tendit la main à sa femme qui grimpa en souriant.
Le styliste les observait, une lueur de satisfaction dans le regard.
-Si vous restiez quelques mois de plus à Florence, tous les peintres et sculpteurs de la ville feraient la queue devant votre porte pour que vous-deux devenaient leurs muses.
Catherine haussa un sourcil «Ah oui? Et pourquoi cela? »
Luca sembla ne pas trop savoir quoi répondre, il balbutia :
-Je ne sais pas si...si je suis censé dire cela à des souverains mais vous êtes...d'une grande beauté et..je ne saurais pas l'expliquer mais, j'ai l'impression que même si vous n'étiez pas roi et reine, les gens se retourneraient sur vous dans les rues pour vous regarder...vous avez une énergie, un aura...je ne sais pas...
Catherine et Henri se regardèrent, un léger sourire étonné sur leurs visages. C'était bon à entendre, mais inattendu.
-Peu importe, je suis satisfait de mon travail. Vous allez illuminer la fête ce soir !
-Je l'espère bien, si une seule femme à une robe plus belle que la mienne, je vous cloue au pilori, sachez-le.
«La robe sera peut-être plus belle mais elle ne sera jamais aussi bien portée, ma chère» intervint Henri, sentant que la plaisanterie de Catherine avait légèrement effrayé Luca.
-Monsieur, il est temps de vous quitter, nous sommes attendus à cette fameuse soirée. La France entendra parler de votre talent, soyez-en certain !
Catherine sourit et se laissa baiser la main, puis, il partirent. En route pour cette maudite soirée.
Dans le carrosse Henri soupirait :
-Sommes-nous vraiment obligés d'aller à cette soirée ?
-Evidemment, nous avons passé la journée à nous habiller pour !
Les lèvres d'Henri se joignirent en une petite moue «on pourrait tout autant se déshabiller... » Catherine ne put s'empêcher d'émettre un petit rire moqueur :
-Vous savez Henri, quand je vous ai dit de ne pas me traiter comme une petite chose fragile qui avait besoin de distance et de protection, je ne vous demandais pas de me proposer de coucher avec vous toutes les 5 minutes !
-Nettoyer votre esprit chérie, quand j'ai parlé de se déshabiller, cela ne signifiait pas forcément le faire ensemble...
Catherine savait pertinemment que c'était exactement ce que cela signifiait.
« Peu importe, nous allons aller à cette soirée. » Henri souffla de mécontentement mais elle continua « et, tenez-vous bien avec mes compatriotes. Pas de bagarre, pas d'ivresse...et par pitié, ne me mettez pas mal à l'aise...»
-Je ferai de mon mieux.
Les gars, je suis désolé de publier si peu souvent mais je suis étudiante et, à l'approche des examens, j'ai une montagne de choses à réviser!
Je ferai de mon mieux pour republier un chapitre rapidement, promis. En attendant, merci à vous de me lire et de commenter!