Titre : La façon dont ça brûle
Genres : ... Romance ? Mais la version avec des lemons et pas tant que ça de sentiments. Un peu d'angst, UA.
Rating : M
Personnages/Pairings : Dabi/Hawks (ou Hawks/Dabi)
Disclaimer : Les personnages et l'univers de My Hero Academia appartiennent à Kohei Horikoshi.

Résumé : Dabi était dangereux - ça, Hawks l'avait compris au premier regard. Avant même le premier baiser qu'ils avaient échangé. Et pourtant, toutes les nuits qu'il avait passées entre ses bras n'avaient pas été foutues de lui apprendre à quel point il aimait vraiment jouer avec le feu...

Note de l'auteur : Oui, c'est à cause de ce truc que je suis en retard dans tout ce que j'avais promis de poster ces derniers temps. XD Pour la petite histoire, cette fic est née de l'initiative de Zofra, à l'origine, qui m'a demandé d'écrire un OS sur ce couple dans mon recueil Tendancieuses tentatives (parce que oui je prends toujours les requêtes et tout x3). Seulement, j'ai de la peine à les imaginer en couple dans le canon, donc j'ai décidé de faire un UA... et comme je ne sais pas faire court beeeen... voilà.

C'est marrant, mais perso je suis plutôt fan de Hawks/Endeavor en fait /bam/ Ceci dit, j'ai eu beaucoup de plaisir à écrire ce ship, alors j'espère que vous aimerez ma façon de le rendre ! ;w; (non je dis pas ça parce que j'ai galéré... pas du tout) Il y aura une partie 2, qui devrait arriver incessamment sous peu, et peut-être même une partie 3 s'il me faut vraiment trop de pages pour boucler l'histoire. En tout cas, merci d'y avoir jeté un oeil ! x3

Comme toujours, il y a des gens sans qui cette fic n'existerait pas : Jerem, Puppy, toute la team du serveur. Vous êtes des chous x3 Et évidemment, plein de coucous à Zofra, j'espère que tu ne seras pas déçue ! (pitié dis-moi que j'ai pas massacré ton ship /bam/)

ATTENTION : C'est assez évident en voyant les personnages, mais même si c'est un UA, certains persos et leurs caractères constituent des spoilers ! Et y'a du lemon aussi. Donc passez peut-être votre chemin si vous faites partie des plus jeunes et/ou que ce n'est pas votre tasse de thé x3


La façon dont ça brûle
Partie 1

Quel jeu dangereux que celui auquel ils jouaient là.

C'est la pensée qui traversa l'esprit de Hawks, en tout cas, sitôt que son dos rencontra le mur – quelque part dans son appartement, le salon peut-être, l'entrée peut-être, il n'en savait rien et peu importe – et qu'une main se plaqua contre sa gorge et qu'il releva la tête. Qu'il plongea les yeux, les paupières à peine ouvertes, la langue brûlant de passer sur ses lèvres, les doigts tremblant d'une excitation qu'il ne se connaissait pas, dans ceux de l'autre homme – et qu'il les trouva intenses et captivants et bleus, profondément.

Ses yeux. La première chose qui avait attiré son attention, le jour où ils s'étaient rencontrés, plus encore que ses cheveux noirs en bataille ou les ombres sur sa peau ou le sourire au coin de ses lèvres. Leur couleur inhabituelle, leur brillance, comme s'ils n'existaient que pour transpercer la nuit et les cœurs jusqu'aux âmes ; au point qu'on aurait pu le prendre pour un mirage. Mais il n'était pas un mirage, il aurait fallu être naïf pour le croire-
Et Hawks n'était pas naïf, loin de là. Non, dès la première seconde, dès les premiers mots, il avait remarqué la lueur de folie qui scintillait dans le bleu pur, entendu l'anomalie dans le ton détaché, et compris que cet homme-là n'était pas du genre de ceux à qui on peut faire confiance. Et pourtant…

« On peut savoir à quoi tu penses, blondinet ? demanda-t-il d'un seul coup, tout en pressant son front contre celui de Hawks, et les doigts autour de son cou remontèrent sa trachée jusqu'à appuyer contre sa mâchoire. Pas à un autre homme, j'espère… »

Il avait dit ça sur le ton mi-sérieux, mi-taquin qu'il employait souvent dans ces moments-là ; quand il cherchait à lui faire croire (et il avait réussi, les premières fois) que ses paumes tièdes sur sa taille étroite ne l'affectaient pas le moins du monde et que ce n'était pas le désir irrépressible qui lui arrachait un grognement de frustration. Le faisait glisser un genou impatient entre les jambes de Hawks, et s'incliner jusqu'à ce que leurs lèvres se rencontrent sans douceur, que les siennes dévorent avec envie le gémissement qui échappait alors à son amant – celui-ci avait fini par remarquer qu'il fermait systématiquement les yeux, cependant. Que les traits de son visage se détendaient toujours, l'espace d'une seconde, le temps qu'il se laisse aller à savourer le plaisir que lui offrait leur échange, jusqu'à ce que les paupières de Hawks se soulèvent à nouveau et que leur regard se retrouve.

« Sinon quoi ? souffla le jeune homme, tout aussi amusé, les lèvres étirées en un sourire qu'il savait que l'autre homme détestait et désirait en parts égales. Tu vas le tuer ? » Puis il haussa un sourcil narquois. « Ahah, j'ai toujours trouvé que t'avais l'air d'un serial killer.
– Et toi, tu couches avec ce serial killer, murmura aussitôt son vis-à-vis, avant de lui voler un nouveau baiser, de presser à nouveau sa langue contre la sienne, de serrer un peu plus fort les doigts contre sa gorge. Tu parles d'un gentil garçon.
– Qu'est-ce que tu veux… C'est la perspective de- Ah ! »

Coupé dans son élan par le frisson de plaisir qui remonta soudain sa colonne vertébrale, Hawks ne comprit qu'il avait jeté la tête contre le mur que lorsqu'il sentit la douleur sourde se répandre à l'arrière de son crâne, et que le mouvement de la cuisse de l'autre homme entre les siennes s'était fait plus franc que lorsque la chaleur à son entrejambe commença à le submerger. Bon sang, encore quelques minutes comme ça, et il ne tiendrait plus ; il sentait déjà son sang bouillonner dans ses veines et ses hanches répondre sans son accord à celles de son partenaire, à vrai dire.
Mais ça ne pouvait pas se terminer comme ça, pas si vite, pas alors qu'il n'était que deux heures du matin et qu'ils avaient encore tellement de temps devant eux – alors le jeune homme profita encore de quelques baisers langoureux, durant lesquels ses mains remontèrent en douceur le torse de son amant, et d'un seul coup il empêcha l'autre homme de l'embrasser à nouveau d'un index en travers de ses lèvres sèches.

« O-Okay, temps mort, l'animal », haleta-t-il, tandis que l'intéressé haussait un sourcil méfiant et reculait un peu.

Mais il n'avait pas l'intention de lui flanquer un couteau à la gorge sans crier gare, encore moins de le planter là et de partir se réchauffer un plat de pâtes, peu importe à quel point sa réaction aurait pu être marrante, non ; il avait bien trop envie de lui pour ça. Leur dernière rencontre remontait à trois jours, au moins, peut-être quatre, et plus d'une fois Hawks avait senti ses pensées lui échapper dans l'intervalle – au travail par exemple, lorsqu'il attendait que vienne son tour, ou bien sous la douche, lorsque l'eau bouillante dévalait ses épaules comme le tracé d'une caresse du bout des ongles, à l'entre-deux du douloureux et de l'agréable. Il suffisait d'un moment de battement, en fait, de quelques secondes d'inattention, pour que le bleu électrique revienne hanter son esprit et que le jeune homme se remémore ses caresses, ses soupirs, les mouvements de son bassin-
Rien qu'à cette idée, il se retint de tressaillir. D'un geste fluide, il se débarrassa de son t-shirt ample, ne gardant sur le torse que les quelques colliers et pendentifs qui y scintillaient presque en permanence – mais lorsqu'il voulut inviter son amant à venir lui retirer le reste de ses vêtements il se perdit dans le tracé des blessures qui couvraient la partie inférieure de son visage, la faim dans ses yeux rivés sur lui et sur lui seul, et il sentit ses paupières s'alourdir tandis qu'un nouveau frémissement le parcourait, que l'autre homme le pressait contre le mur à nouveau.

« La vache… » laissa-t-il échapper, incapable de détourner le regard de sa silhouette svelte, du pantalon qui tombait bas sur ses hanches, tandis que son corps se plaquait contre le sien ; que son visage se perdait un instant dans son cou ; que les doigts de Hawks se posaient sur l'avant-bras de son partenaire, que celui-ci commençait à palper son entrejambe d'une main experte. « Hmm, j'ai envie de toi… »

Oui, décidément, il le voulait.
Maintenant, tout de suite, en entier et sans retenue. Avec son corps contre le sien, comme c'était le cas, mais pas seulement – avec sa bouche avide sur chaque parcelle de son corps, aussi. Et puis ses doigts bouillants partout sur sa peau, et entre ses lèvres et entre ses jambes et à l'intérieur de lui. Ce mec avait une telle façon de-
Glisser une main dans ses cheveux, sans crier gare mais presque avec douceur – et attraper une poignée de mèches blondes pour les tirer en arrière et le forcer à le regarder, d'un seul coup.

« Dans ce cas, murmura-t-il alors, le bleu de ses yeux rivé dans ceux du jeune homme, l'éclat carnassier de son sourire évident même dans la pénombre, j'espère que tu es prêt à implorer mon nom toute la nuit… Hawks. »

Et il était prêt.
Oh, il était plus prêt que jamais, plus encore que toutes ces fois où il n'avait dû qu'à l'isolation hors de prix de son appartement du dernier étage que ses voisins n'apprennent pas par cœur le nom de cet homme, eux aussi – et cette nuit-là encore, il la passerait les poings serrés dans ses draps blancs, le corps de Dabi pressé contre le sien, les yeux mi-clos tandis que les hanches de Dabi s'unissaient aux siennes, et l'esprit vide tandis que le sexe de Dabi lui faisait voir des étoiles.

Dabi, Dabi, Dabi.


Il avait rencontré Dabi un peu plus de trois mois auparavant.

Les ténèbres, tout autour. Le vent qui bat le cuir de son blouson épais. L'humidité, en souvenir de l'orage qui a détrempé la route, un peu plus tôt dans la soirée.

Une nuit d'automne, il était presque quatre heures du matin et Hawks avait garé sa Yamaha devant la station service dont les lumières et les néons irradiaient dans la pénombre.
À cette heure-ci, il se doutait bien que les rares clients venaient plutôt chercher de l'essence ou de l'alcool ou les deux, mais ce n'était pas son cas – lorsqu'il était entré dans l'échoppe ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en fait, il n'avait en tête que le voyage qu'il avait entamé au crépuscule et qui pourrait bien le mener jusqu'à l'aube, et pas la moindre intention de penser à autre chose ou au lendemain. L'envie de s'en aller, non, le besoin de fuir qui le prenait parfois, dans les moments où les cent vingt mètres carrés de son appartement l'étouffaient et qu'une nuit blanche, seul sur la route avec ses pensées, lui était infiniment plus accueillante que la perspective de rester allongé dans son lit à fixer le plafond vide.

Dégageant d'une main les mèches qui étaient retombées sur son front lorsqu'il avait enlevé son casque, il avait attrapé une canette de soda dans le réfrigérateur. Quelques barres de céréales dans un rayon. Jeté un coup d'œil à son butin, songé à ce que sa manager dirait si elle savait, osé un sourire entre l'affligé et le forcé – puis s'était tourné en direction de la caisse et c'est alors qu'il l'avait aperçu.
Grand, mince, en uniforme trop court pour dissimuler les cicatrices qui criblaient sa peau de part en part, avec les mains nonchalamment glissées dans les poches et l'air de s'ennuyer mais ce regard.

Leurs yeux qui s'étaient croisés ; l'inconnu qui l'avait dévisagé, l'ébauche d'un sourire étrange aux lèvres, et lui-même qui n'avait pas tourné la tête avant d'arriver devant lui, de déposer ses achats sur le comptoir, de chercher d'une main son portefeuille dans la poche intérieure de son blouson.
Outre le bleu intense qui structurait son visage, il avait plusieurs anneaux de métal à l'oreille gauche, l'air à l'aise et un soupçon d'amusement ou de moquerie dans l'attitude ; et c'était ridicule, maintenant que Hawks y pensait, complètement stupide même, mais il lui semblait bien que c'était ce mélange d'inquiétant et de fascinant qui lui avait tout de suite plu.

« Salut », avait-il dit pour briser le silence, le ton neutre, si loin de celui qu'il employait d'habitude en public.

Mais l'employé de la station service l'avait toisé plutôt que de lui répondre, avant de se désintéresser de lui pour reporter son attention sur les articles qu'il avait commencé à scanner. Il les avait attrapés d'une main, nonchalante mais précise, et il les avait passés lentement sur la caisse enregistreuse, comme pour prendre le temps de les examiner ou bien lui faire subir l'inconfort de l'attente dans cette pièce éclairée mais vide, aveuglante, sourde.
Et puis, d'un seul coup, il avait parlé.

« Il fait attention à sa ligne, avait-il fait d'une voix traînante, le beau gosse ? »

Un compliment sur le papier, qui sonnait comme une insulte dans sa bouche et qui avait fait courir dans le dos de l'autre le frisson de la méfiance et de l'intérêt.

« Qu'est-ce que tu veux, avait donc répondu Hawks, laissant ses mots et le début d'un sourire se teinter de raillerie, tout le monde n'a pas la chance d'avoir un taff où l'apparence qu'on a importe peu.
– Ça doit être un taff… intéressant. »

Un commentaire, détaché ; et puis il lui avait réclamé le montant de ses achats sur le même ton et l'échange de la monnaie s'était fait sans que leurs doigts ne s'effleurent, sans que leur regard ne se croise. Sans même que le bleu intense ne se pose à nouveau sur le jeune homme, tandis qu'il prononçait une formule de politesse et prenait le chemin de la sortie-
Mais lorsqu'il avait quitté la station service, Hawks avait trouvé dans son sac en plastique ses trois barres de céréales, sa canette de soda, et puis une barre chocolatée qu'il n'avait ni choisie ni demandée ni payée. Un supplément qui, venant de n'importe qui d'autre, aurait été un geste d'encouragement, une sorte de hé mec, la vie est à chier pour tout le monde de temps en temps, mais accroche-toi, ça va aller, murmuré à la va-vite tandis qu'une main rassurante effleurait son épaule affaissée – mais qui venant de lui n'était ni plus ni moins qu'une invitation à revenir, qu'un défi de réessayer, qu'une tentation.

Et Hawks avait cédé.

Alors ils s'étaient revus. Pas toutes les nuits, bien sûr, avec le boulot, ça aurait été impossible ; et puis il n'était pas sûr d'avoir envie de le revoir toutes les nuits, ni même d'avoir envie de le revoir tout court. Non, il s'était passé des jours et des jours avant qu'une nouvelle échappée belle ne le ramène sans qu'il y réfléchisse à la station service, oasis de lumière dans les ténèbres environnantes – et c'était seulement là que leurs yeux s'étaient retrouvés. Qu'ils s'étaient reparlé. Qu'ils avaient échangé quelques mots, un peu plus que la fois précédente-

« Alors, ces histoires de fuir ton fameux job, ça se passe toujours bien, blondinet ?
Eh bien, pour tout te dire, mec, carrément mieux que ce je pensais. »

Et un peu moins qu'à la fois d'après.

« C'est quand même risqué pour un type comme toi de se balader tout seul de nuit… tu ne crois pas, Hawks ?
Pfft, laisse-moi deviner… C'est parce que je risque de tomber sur des gars comme toi ?
Ça… C'est toi qui vas devoir me le dire, beau blond. »

Il n'avait pas relevé le fait que ce type l'avait reconnu, probablement parce que sa photo figurait en première page du Fashion Magazine de la semaine ouvert sur le comptoir ; LE TOP DE L'ANNÉE, titrait le torchon, HAWKS VOUS DÉVOILE TOUT – mais c'était faux.
Parce que même s'il avait posé torse nu pour ce numéro et répondu à toutes les questions de la journaliste, y compris à celles qui concernaient sa vie sexuelle et ses préférences au lit, il ne lui avait pas parlé du désir qu'il sentait s'affoler dans son estomac à chaque fois qu'il pensait au bleu du regard de cet homme, à la façon dont ses yeux le parcouraient sitôt qu'il passait le seuil de la boutique, à ces sensations qui s'intensifiaient à chaque moment qu'ils passaient à discuter ensemble, Hawks d'un côté du comptoir et lui de l'autre et eux deux seuls dans la station service ; il ne lui avait pas parlé de la nuit où il s'était réveillé en sueur après un rêve particulièrement torride ayant impliqué ses mains scarifiées partout sur son corps, et encore moins du frisson qui prenait son membre sitôt qu'il croyait lire des envies réciproques dans les yeux de celui qui occupait désormais toutes ses pensées.

(Il avait appris plus tard qu'il se faisait appeler Dabi.
À ce moment-là, il avait dit, le sourire aux lèvres, ouah, pas mal, le blaze – laisse-moi deviner, tu cherches à percer dans le rap game ? ; et ce type l'avait toisé d'un air moqueur et lui avait répondu et si on parlait plutôt du fait que ton pseudo est littéralement un nom d'oiseau, blondinet ?)

À un moment ou à un autre, il ne savait plus quand ni comment, ils s'étaient embrassés. Enfin, roulé une pelle, plutôt – pour être précis.
Ça avait dû être après l'un de ces échanges, une fois où Dabi l'avait invité à passer côté caisse, peut-être, ou bien une fois où il l'avait rejoint entre les rayons. Une fois où il avait murmuré, je finis dans un quart d'heure à la seconde où leurs doigts s'étaient caressés contre le sac en plastique, le regard évocateur rivé dans le sien ; une fois où Hawks l'avait attendu à côté de sa bécane, contre la petite bâtisse, et où il avait fini par passer les bras autour de ses épaules tandis que Dabi défaisait la boucle de sa ceinture pour glisser cinq doigts autour de lui et que leurs souffles erratiques se mêlaient, visibles dans l'air frais de mi-octobre.

À l'issue de la première nuit, dans son appartement, Hawks s'était réveillé seul entre des draps qui ne portaient plus sa chaleur et s'était presque attendu à ne pas retrouver sa télévision en se levant. Il n'en avait rien été, cependant ; son écran plasma était encore là, au même titre que ses consoles de jeu et les billets de dix mille yens qu'il avait bêtement laissés traîner sur le meuble de l'entrée, et Dabi avait disparu en ne laissant derrière lui qu'une vague odeur d'essence et de brûlé.

Et puis ils avaient recommencé. De temps à autre, il était retourné à la station service à une heure plus ou moins avancée de la nuit, lorsqu'il savait qu'on ne l'attendrait pas pour des photos ou une interview le lendemain matin, de temps à autre Dabi avait été là – et de plus en plus souvent, presque à chaque fois, ils avaient fini par se toucher, se caresser, les longs doigts meurtris de Dabi quelque part autour de ses hanches ou dans ses cheveux ou entre ses cuisses.

En l'espace de trois mois, il avait eu les bras immobilisés d'une poigne ferme tandis que Dabi prenait son pied, le pénétrait encore et encore en ne cherchant à satisfaire que ses propres désirs ; les mains de Dabi sur ses cuisses et ses ongles plantés dans sa peau tandis qu'il se hissait et s'enfonçait à répétition sur son sexe aussi tendu que bouillant ; le corps nu sous l'emprise absolue de Dabi les nombreux soirs où il avait décidé qu'il lui faudrait l'implorer pour obtenir le droit de jouir ; mais aussi Dabi lui-même, s'efforçant de n'exprimer qu'en râles graves et grognements à quel point ses mains et ses lèvres et son membre le faisaient grimper jusqu'au ciel.

Et à l'issue de la trente-quatrième nuit, Hawks n'avait pas retrouvé le double de ses clés en se levant – mais il n'avait pas fait changer la serrure pour autant.

Alors voilà où ils en étaient, maintenant.
Au bout d'une énième nuit de soupirs et de plaisir partagés, à quelques heures de l'aube encore, Hawks était allongé à plat ventre sur son matelas confortable, le visage enfoui dans l'un de ses oreillers moelleux et l'esprit luttant contre la terrible et insidieuse envie de s'abandonner aux songes qui menaçaient de l'envahir. Pour peu qu'il tourne la tête, qu'il ouvre un œil, il pouvait apercevoir la silhouette de Dabi dans la pénombre, parce qu'ils ne prenaient jamais la peine d'allumer les lumières et que la lune à l'extérieur était couverte – mais même sans faire le moindre effort il l'entendait prendre des inspirations de plus en plus lentes et profondes, au fur et à mesure que les battements de son cœur se calmaient et qu'il retrouvait son souffle.
L'espace d'une seconde, Hawks parvint à jeter un coup d'œil dans sa direction, les paupières d'ores et déjà collées de sommeil, et se remémora les moments qu'ils venaient de passer comme pour les graver dans sa mémoire. Ses mains tièdes contre sa peau, en des gestes lents mais précis, entraînés à ne lui faire ressentir que du plaisir. Sa voix grave contre son oreille, tantôt mielleuse de compliments pour le faire frissonner, parce que Dabi savait que ses c'est bien et ses continue comme ça et ses tu me fais que du bien, blondinet lui retournaient l'esprit, tantôt rêche d'un désir qu'il cherchait à dissimuler sans y parvenir.

Ce type, il était…
Son sourire permanent, dérangé. Son corps décharné, ses doigts anguleux, si prompts à s'enrouler autour du manche d'un couteau ou de la crosse d'un revolver. L'absence de prénom, l'absence de nom de famille, l'odeur d'essence sur ses vêtements – et jamais il ne disait ce qu'il faisait, en dehors de ces nuits passées ensemble, ni les objectifs qu'il poursuivait ni les démons qu'il fuyait ou non.
Il était inquiétant, à coup sûr. Indigne de confiance, suspect, peut-être coupable, dangereux ; et il aurait été inimaginable d'espérer le capturer dans les liens de quelque relation un tant soit peu durable ou basée sur quoi que ce soit d'autre que le sexe.

Et pourtant…
Et pourtant, tandis qu'il sentait le matelas plier sous son poids comme Dabi se rasseyait à côté de lui, Hawks ne pouvait s'empêcher de repenser à ce corps chaud pressé contre le sien, prenant garde à ne pas l'écraser ni le contraindre. Tandis qu'il entendait le froissement de ses vêtements comme il se rhabillait, le cliquetis de sa ceinture qu'il rattachait, il ne pouvait s'empêcher de se rappeler l'absence de toute douleur qu'il n'avait pas expressément réclamée, les étincelles de plaisir lorsque ses ongles caressaient son crâne presque avec douceur – et tandis que Dabi quittait l'appartement sans lui adresser le moindre mot il rêvassait à ceux qu'il lui avait murmurés pendant l'amour.

Ce n'était pas de l'amour.
Ils n'étaient pas… ensemble, en couple, ce genre de trucs, non. Ils n'étaient même pas amis, à vrai dire – ils s'envoyaient en l'air de temps en temps, c'était tout. Tout ce que Dabi faisait, disait, pensait pendant leurs ébats n'existait que dans le contexte de cette chambre et de leurs corps entrelacés, n'était voué qu'à s'évaporer sitôt que la porte d'entrée se refermerait après son passage.

Et pourtant, parfois, dans ces instants qu'il passait entre le réveil et l'inconscience juste avant de sombrer, Hawks ne pouvait s'empêcher d'avoir envie que cela perdure ; d'ouvrir les yeux pour le trouver encore allongé à ses côtés, au petit matin, et d'avoir une chance de profiter de sa tendresse même lorsqu'ils ne cherchaient pas tous deux à satisfaire leurs besoins primaires.

Ce n'est pas de la tendresse.
Une petite voix, dans sa tête. Celle de la raison, sans doute.
C'est de la manipulation.


Un jour, en regardant son amant quitter les draps et s'en aller sans même le gratifier d'un dernier coup d'œil, Hawks avait été pris de l'envie de lui demander quand ils se reverraient. Et puis il s'était retenu de lui-même, s'était baffé mentalement et n'avait rien dit – parce qu'il n'en avait pas le droit et qu'il le savait. Ça faisait pratiquement partie des conditions d'utilisation de cette espèce de… d'arrangement qu'ils avaient conclu tacitement, à ce stade.

S'il avait envie de s'amuser un peu, ou juste de se faire remettre à sa place par le bleu froid et brûlant à la fois de son regard, il pouvait se rendre à la station service en pleine nuit et il y avait de bonnes chances que Dabi soit là. Et si Dabi avait besoin de quoi que ce soit, eh bien… Il n'avait qu'à venir et à le prendre.

Comme cette fois-là – où il était entré dans son appartement juste avant la première heure de l'après-midi, et qu'il n'en avait pas eu grand-chose à foutre que Hawks soit en train de terminer son déjeuner en jogging devant l'épisode d'Amour, Gloire et Beauté de la veille. Ni qu'il soit attendu à quatorze heures pour un shooting photo, d'ailleurs.
Non, au lieu de ça, il lui avait lancé salut sur le ton le plus nonchalant du monde, et puis il s'était laissé tomber sur le canapé à côté de lui ; avait pioché d'une main dans ses nuggets de poulet, ignorant royalement son hé ! scandalisé, après quoi…

« Fais comme chez toi, surtout, je te dirai rien.
– Merci pour l'invitation, beau blond. Je vais me gêner. »

Il y avait eu sa main contre sa joue, son index encore froid du temps qu'il avait passé dans l'atmosphère de décembre pour l'obliger à lever le menton ; le goût du fast-food dans sa bouche lorsqu'ils s'étaient embrassés sans douceur ; quelques moqueries relatives à ce qu'il regardait à la télévision, peut-être ; et maintenant-
Sans même penser à retenir un nouveau cri d'extase, Hawks resserra l'emprise de ses mains sur celles de Dabi, agrippant toujours ses hanches si fort qu'il était presque certain qu'elles y laisseraient quelques marques, et jeta la tête en arrière jusqu'à ce qu'elle rencontre l'épaule de son amant. Sur la plaisanterie qu'il n'allait quand même pas l'empêcher de suivre sa série favorite, celui-ci l'avait installé en travers de ses jambes mais face au poste de télévision – c'était peine perdue, toutefois, car chaque va-et-vient de son membre à l'intérieur du jeune homme le poussait à fermer les yeux pour savourer la sensation, et bientôt il n'avait plus été capable d'avoir ne serait-ce qu'un regard pour le feuilleton.
(Dans sa grande mansuétude, son amant avait alors choisi de stopper tout mouvement un instant, le temps d'attraper la télécommande et de mettre le programme sur pause – et le jeune homme n'avait jamais autant eu envie de l'étrangler que lorsqu'il l'avait si brusquement éloigné du plaisir qui commençait à poindre au creux de son bassin, mais jamais autant eu envie de lui ériger un autel que lorsqu'il avait repris ses va-et-vient avec plus de force encore.)

« Hmm, Dabi… soupira-t-il sitôt qu'il sentit son souffle chaud dans sa nuque, puis ses dents contre sa peau – sans morsure, sans violence, simplement pour lui faire comprendre qu'il pouvait s'il le voulait, et c'était toujours suffisant pour lui arracher un long, long frisson. Ah, encore ! Me dis pas que… c'est tout ce dont t'es capable… »

Ses cuisses s'étaient mises à trembler d'épuisement comme de l'excitation qui ne cessait de s'intensifier dans son estomac, à chaque seconde où il sentait l'orgasme approcher ; malheureusement, l'autre homme se contenta de sourire dans son cou, sadique, et n'accéléra pas. Ne le toucha pas davantage.

« Il va falloir être plus poli que ça, joli blondinet, souffla-t-il, haletant lui aussi, si tu veux… ce qu'on sait tous les deux que tu veux… »

Malgré la frustration, Hawks sentit ses lèvres s'étirer. Comme toujours, c'était ça qu'il attendait, cet enfoiré- Parce que c'était ça qui lui faisait perdre le contrôle, la sensation de dominer son partenaire, d'en jouer du bout des doigts comme d'une marionnette-
Mais le plaisir était trop intense pour qu'il le lui refuse ; et puis, en tant que top model de l'année selon Fashion Magazine, n'était-il pas de son devoir que de se plier en quatre pour satisfaire ses plus grands fans ?

« Aaah, s'il te plaît ! s'exclama-t-il donc, un gémissement presque feint dans la voix, tandis qu'il répondait aux mouvements du bassin de son amant avec une ardeur nouvelle. T'arrête pas, Dabi… Dabi !
– Pfft, j'aime mieux ça. »

Mais tu peux faire encore mieux, ne tarda-il cependant pas à ajouter, sans doute bien conscient que son partenaire lui jouait un peu la comédie, tandis que l'une de ses mains trouvait le chemin de son sexe tendu et commençait à le masser lentement. Trop lentement. Juste assez vite et juste assez fort pour lui donner l'impression que les étoiles n'étaient plus qu'à portée de main, avant de le retenir au dernier moment, de lui arracher un grognement de frustration et quelques supplications de plus – parce que c'était ça qu'il aimait, qu'on l'implore, qu'on le conjure de ne pas s'arrêter, de ne pas ralentir, de-
Quand bien même il aurait aimé le faire languir encore un peu, Hawks n'avait même plus conscience des mots qui s'échappaient d'entre ses lèvres, à ce stade, de par pitié à c'est tellement bon en passant par Dabi, Dabi et encore ooh, Dabi ; mais ça dut suffire, ou bien son amant dut finir par s'être frustré lui-même, car bientôt – enfin – il sentit le rythme de son poignet s'accélérer, dans le même temps que les mouvements de ses hanches, et il n'en fallut pas plus pour que sa vision se trouble et qu'il oublie jusqu'au pan de la réalité dans lequel il existait tandis que Dabi gémissait entre ses épaules et jouissait dans le préservatif.

Les minutes qui s'ensuivirent se mêlèrent les unes aux autres pendant que l'air s'efforçait d'entrer à nouveau dans ses poumons brûlants. Les yeux fermés, sans réfléchir, il laissa ses mains remonter jusqu'aux poignets que l'autre homme avait reposés sur ses cuisses – et il ne revint à lui que lorsque Dabi s'arracha à son ébauche d'étreinte pour se retirer, reculer un peu.
Même une fois que son torse chaud ne fut plus collé au dos de Hawks, même une fois que son front humide eut quitté son épaule, il ne rompit pas le contact, cependant. Il garda une main sur sa hanche, malaxant presque les zones où sa poigne aurait pu causer quelque douleur ; il garda cinq doigts contre sa peau, juste en-dessous de son omoplate ; il garda le souffle tiède contre sa peau et le bleu électrique rivé quelque part dans son dos.

Hawks sentit ses yeux s'écarquiller et son corps se tendre, alerte. Jamais encore cet homme n'avait pris le temps de-

« … Pourquoi des ailes, au juste ? » demanda-t-il soudain, en un murmure, le ton taquin.

Et ses ongles continuèrent de parcourir le tracé de l'immense tatouage qui couvrait presque l'intégralité du dos du propriétaire des lieux – l'armature qui remontait jusqu'à la base de sa nuque, les plumes rouge vif qui s'enroulaient autour de son épaule et s'étalaient avec grâce jusque sur la partie inférieure de son biceps.
Oh.

« J'imagine que ça pousse la métaphore de l'oiseau encore plus loin, poursuivit Dabi, toujours à mi-voix, sans que ses doigts n'arrêtent de se promener sur la peu encrée – et s'il remarquait les frissons qu'il faisait naître dans le dos de l'autre homme, et il les remarquait forcément, il n'en disait rien. Je me trompe ? Ou alors… »

Il marqua une pause. Hawks imagina son sourire se faire carnassier.

« C'est une histoire de liberté, c'est ça ? »

Yep. Moqueur et carnassier.
Mais il s'en foutait ; parce que ses doigts contre sa peau étaient doux, leurs caresses agréables, et… Bon sang, il était bien conscient que rien de tout cela n'était réel. De la manipulation. Il n'avait aucune idée de ce que recherchait Dabi, ne s'était même jamais posé la question, mais il savait que d'ici quelques minutes il serait parti, et qu'encore une fois il n'aurait aucun moyen de savoir quand il reverrait – et malgré tout…

« … J'ai jamais vraiment voulu être mannequin, laissa-t-il échapper. Mais avec mes parents, je… »

Il s'arrêta sitôt qu'il sentit le poing de son amant se resserrer contre son dos.
Réalisa ce qu'il était en train de dire, d'un seul coup, se raidit et se reprit ; le mal était fait, malheureusement.
Tout contre lui, Dabi cessa un instant de bouger ou de parler ou de respirer, et le silence fut pesant, presque insoutenable – jusqu'à ce qu'un bref éclat de rire lui échappe, ni narquois ni amusé, à peine un réflexe nerveux peut-être, et qu'il reprenne la parole.

« Ne va pas croire que tu es le seul qui essaie d'échapper à son passé, blondinet. »

À mi-voix. Le ton indiscernable.
Et Hawks aurait pu n'avoir aucune idée de comment réagir ; se demander s'il avait bien entendu, réfléchir à la façon dont il aurait pu lui répondre et aux implications éventuelles de ces quelques mots qu'il avait semblé ne murmurer que pour lui-même ; faire le choix de relever, de s'intéresser, d'essayer d'en apprendre plus, ou bien de se taire et d'attendre qu'il décide de s'expliquer ou de rester muet-

Mais ce n'était pas son rôle. Ce n'était pas sa place.
Parce qu'ils n'étaient pas ensemble ou en couple. Parce qu'ils n'étaient même pas amis, pour rappel. Parce qu'ils n'étaient que de vagues connaissances à qui il arrivait de baiser de temps à autre, rien de plus ; et le fait que la voix de Dabi se soit teintée à l'instant d'une amertume qu'il ne s'était jamais laissé aller à exprimer en sa présence auparavant n'y changeait absolument rien.

Peu importe, en fin de compte, que les yeux de Hawks le suivent jusqu'à la porte cette fois-ci, que son cœur se serre brièvement dans sa poitrine lorsqu'il le regarda partir ; car Dabi ne se retourna pas, et Hawks arriva en retard au studio du magazine qui lui avait donné rendez-vous cet après-midi-là.


Il ne put s'empêcher d'y repenser des jours encore, cependant.
Aux mots de Dabi. À leur ironie, leur sarcasme, leur mélancolie à peine dissimulée – sans doute plus évidente que ce type ne l'avait voulu. À moins qu'il n'ait fait semblant ? Qu'il n'ait voulu faire mine de se montrer plus atteignable, lui aussi, plus humain, pour se moquer de la faiblesse dont Hawks avait fait preuve, en manquant de lui raconter-

Bon sang, il n'en savait rien – et il passa les deux mains sur son visage, installé au bar de sa grande cuisine américaine, pour chasser l'embarras qui faisait chauffer son visage et démêler le tourbillon de ses pensées. Ça ne lui ressemblait pas, de se prendre autant la tête pour un mec qui n'était même pas son petit ami ; et Dabi…
Dabi était le genre d'homme qui ne s'attachait pas. Qui s'appropriait ce qu'il désirait, qui avançait sans jamais un regard en arrière. Ça ne lui ressemblait pas non plus. Et malgré cela il y avait eu ses doigts contre la peau de Hawks, son souffle amusé contre les couleurs de son tatouage, les variations dans le ton qu'il avait employé à voix basse, et c'était-
C'était la première fois que Hawks croyait voir percer, quelque part en-dessous de son apparente désinvolture et de cette maîtrise de lui-même qu'il avait longtemps crue infaillible, l'esquisse d'une émotion différente du plaisir ou de l'envie auxquels il l'avait habitué.

Alors, forcément, il ne put s'empêcher de chercher quelque trace de cette émotion dans son attitude lorsqu'ils se revirent.
Dans le bleu profond et captivant de ses yeux. Dans les traits nonchalants de son visage. Dans la courbe de ses lèvres à chaque fois qu'il l'embrassa, dans ses gestes et ses soupirs au moment où il prit l'initiative de l'allonger sur son matelas, de glisser sa main entre ses jambes-

Et comme toujours il ne le forçait à rien. Faisait mine de ne se soucier que de son propre plaisir, mais mettait un point d'honneur à le mener jusqu'au septième ciel à chaque fois – et quand bien même s'il lui fallait parfois le supplier pour y parvenir, ce n'était pas comme si Hawks n'aimait pas ça aussi, de toute manière. Non, au fur et à mesure que les semaines passaient et que leurs rencontres se succédaient, au milieu de la nuit aussi bien qu'en pleine journée, au fur et à mesure que chacun d'eux apprenait par cœur le corps de l'autre, le sexe devenait meilleur, bien sûr, mais aussi…
C'était infime. Presque indéfinissable. Et pourtant c'était là.
La façon dont les doigts de Dabi se promenaient de plus en plus souvent le long de son dos ou de ses épaules avant leurs rapports, et puis après. La manie qu'il avait, de plus en plus courante, de souffler dans sa nuque pour le surprendre, de glisser un index sous son menton pour le forcer à lever la tête lorsqu'il lui parlait – et plus uniquement lorsqu'il cherchait à l'embrasser. Sans oublier l'éclat dans ses yeux qui lui semblait différent, aussi, les rares fois où il commença à jeter un rapide coup d'œil dans sa direction tout en refaisant la boucle de sa ceinture ; et le sourire moqueur au coin de ses lèvres lorsqu'il lui soufflait salut, blondinet ou à la prochaine.

Encore une fois, Hawks était loin d'être naïf : il savait pertinemment que ça ne voulait rien dire. Que Dabi n'allait pas miraculeusement se mettre à lui proposer d'échanger leurs numéros de téléphone, et qu'il n'apprendrait pas non plus ce qu'il avait voulu dire lorsqu'il lui avait parlé de « fuir son passé ». Il n'allait pas s'ouvrir à lui, sans doute ni maintenant ni dans dix ans, en partie car dans dix ans ils ne se connaîtraient plus – et en échange Hawks allait continuer de résister à l'envie qui le prenait parfois de lui murmurer quelques mots, de regarder dans une autre direction et de lui expliquer qui il était vraiment ; d'où il venait ; une partie des questions qui pesaient si lourd sur son cœur, et depuis si longtemps.

D'un côté, peut-être que c'était mieux comme ça – lui-même, après tout, il n'était pas certain de chercher un compagnon plutôt qu'un plan cul.
D'un autre… il y avait ces moments dans lesquels Dabi restait assis sur le lit un instant de trop, plongé dans le silence et l'immobilité au lieu d'enfiler ses chaussures et de s'en aller ; ceux où il passait une main dans ses cheveux et semblait retenir un soupir, les épaules tendues, avant de se décider et de se relever ; et parfois- souvent- trop souvent- Hawks ne pouvait s'empêcher de se demander. Et d'espérer.

Cette nuit-là était un de ces moments.
C'était lui qui avait glissé les mains sous les cuisses de Dabi, cette fois-ci ; lui qui l'avait plaqué contre la tête de lit tandis que les bras de l'autre homme passaient lentement autour de son cou et venaient griffer son dos sans passion, simplement par désir d'y laisser des marques entre la douleur et le plaisir. Mais il l'avait pris, ensuite, sans douceur, juste comme il savait que l'autre homme l'appréciait, et il avait bien vu la moquerie dans son sourire se résorber au profit du plaisir. Celui-ci n'était jamais particulièrement bruyant au lit, mais Hawks croyait bien commencer à le connaître suffisamment pour savoir lorsqu'il faisait ce qu'il fallait ou non. Pour preuve, Dabi avait haussé un sourcil et lancé tu ne vas quand même pas t'arrêter en si bon chemin, beau blond ? après ça ; alors ils avaient continué.

Ils avaient continué jusqu'à présent, alors que les premières lueurs d'un dimanche de février se disputaient l'espace entre les lamelles des stores à la fenêtre et que l'air était froid à l'extérieur. Dabi s'était reposé un peu plus longtemps que d'habitude, un bras balancé par-dessus ses yeux bleus et le torse se soulevant et s'abaissant à un rythme rapide, jusqu'à ce qu'il parvienne à reprendre son souffle. Puis il avait retrouvé et enfilé son pantalon un peu large et un peu court, son t-shirt clair, ses bottes noires, dans la pénombre et sous les yeux de Hawks qui, toujours allongé sur le ventre et le visage à moitié enfoui dans un oreiller, suivait sa silhouette du regard sans y réfléchir vraiment. Étouffant un bâillement, il le vit se recoiffer (se décoiffer ? il ne lui semblait pas avoir déjà vu Dabi coiffé – et il dut se retenir de sourire à cette idée) de cinq longs doigts minces, passer un coup d'œil sur la chambre spacieuse et les vêtements qui traînaient encore un peu partout, fourrer les mains dans ses poches…

Et se laisser tomber, d'un seul coup, assis sur le matelas à côté de lui.
Intrigué, Hawks écarquilla les yeux et serra un peu plus fort son oreiller contre lui. Ce n'était pas qu'il avait peur ; peut-être qu'il aurait avoir peur, mais depuis tous ces mois qu'il le connaissait, Dabi ne l'avait jamais effrayé, ni même mis mal à l'aise ; mais jamais encore il n'avait agi comme ça précédemment, et…

Hé, mec, tout va bien ?

… Soudain, Hawks réalisa que la question lui démangeait les lèvres comme une allergie.
Il ne la posa pas, cependant. En l'espace de quelques secondes, son cœur s'était considérablement alourdi dans sa poitrine et il avait froncé les sourcils. Il n'y avait rien de terrible à l'inquiétude qui tiraillait légèrement ses entrailles, pourtant – mais il n'avait aucun moyen de savoir quelle serait la réaction de l'autre homme si celui-ci apprenait qu'il se faisait du souci à son égard, alors qu'il avait été évident dès le départ qu'aucun d'eux ne devrait jamais prêter attention à l'autre.
Alors il resta silencieux, se contenta de garder les yeux rivés sur le dos de cet homme qu'il avait l'impression de bien connaître et de ne pas comprendre à la fois, en se demandant si lui aussi n'hésitait pas entre partir et rester, entre les termes de leur arrangement et… et autre chose ; jusqu'à ce qu'un bruit l'arrache à ses réflexions, non, à ses espoirs stupides et que sa cage thoracique ne se compresse d'incertitude.

Qu'est-ce que-

Il connaissait ce bruit, réalisa-t-il au bout d'une seconde. Ce grésillement, ce bruissement presque métallique, c'était celui de la molette d'un briquet qu'on actionne du pouce – suivi de la flamme qu'il ne tarda pas à deviner, même alors que le corps de Dabi la dissimulait, dans les ténèbres de la pièce.

Mais…
Ça n'avait pas de sens. Aux dernières nouvelles, Dabi ne fumait pas, ou du moins jamais en sa présence ; et si ce n'était pas pour ça, alors pourquoi…
De là où il se trouvait, toujours allongé, toujours entre les draps tièdes, le jeune homme ne pouvait rien voir de l'expression qui animait ou non le visage de son amant. En temps normal, il avait la prétention de pouvoir deviner à la tension dans ses omoplates et dans sa nuque, à la position de ses bras et à l'inclinaison de sa tête et de son corps, plus ou moins la forme du sourire qui étirait ses lèvres et la lueur qui brillait dans le bleu électrique de son regard – mais d'un seul coup, ici et maintenant, il ne se sentait plus capable que d'imaginer la façon dont les ombres et les lumières dansaient sans doutes sur ses traits et-

Il n'en avait aucune idée. Il y avait quelque chose dans sa posture, dans son attitude en général qui n'appartenait pas à l'homme avec lequel il venait de faire l'amour ; quelque chose qui faisait naître au creux de son estomac une émotion bien différente de celles qu'il avait ressenties un peu plus tôt ; quelque chose qu'il ressentait le besoin presque irrépressible de faire taire, à vrai dire, là et maintenant et sans attendre.

« … Dabi, finit-il donc par appeler, le ton entre le sérieux et la nonchalance qu'il tentait de feindre. Ce… »

À côté de lui, l'interpellé était toujours immobile. Les yeux rivés – Hawks le savait, Hawks le sentait – sur la petite flamme qui tremblait devant son visage.

« Ça t'arrive souvent de t'amuser avec ce genre de trucs ? demanda-t-il d'une traite ; avant de se rendre compte qu'il n'avait pas suscité la moindre réaction et de hausser la voix. Hé, Dabi ! »

Alors, seulement, une réponse.
Vague. À mi-voix. Sur un ton qu'il ne lui avait jamais entendu auparavant.

« … J'aime le feu. J'adore… »

Une pause – rien qu'une seconde, à peine.

« La façon dont ça brûle. »

Et ces quelques mots auraient dû le faire réagir ; l'amener à se poser quelques questions, au moins ; l'inquiéter, probablement, voire lui faire peur-
Mais au lieu de ça il entendit Dabi éteindre son briquet d'un seul coup, le vit le ranger dans sa poche et attraper sa veste et s'en aller, avant de s'arrêter dans l'embrasure de la porte pour se retourner et river sur lui le bleu intense de son regard, le temps d'un instant, une main sur la chambranle – et il n'en fallut pas plus pour que Hawks sente comme une douce chaleur s'emparer de sa poitrine et, lentement, faire fondre toute incertitude qu'il aurait encore pu ressentir.