Yo ! Euh … Ceci est une histoire que j'aurais dû écrire et poster depuis fort fort fort longtemps, puisqu'elle est née d'un défi qu'on s'est lancé avec Loir, sur la consigne « Un Vanixel qui finit bien » (ce qui est le nom du doc avec tout le bourdia parce que j'ai galéré sa mère à trouver un titre … Au début ça devait être 'Sur la Grand-Route' parce que c'est le nom de la pièce que les personnages travaillent au début, mais en fait les deux premières semaines de la chronologie, qui étaient supposées contenir l'histoire complète n'en contiennent pas la moitié et Bref.), en avril. Ouais. On est en retard ou on ne l'est pas, please.
Donc voici la première partie. À ce jour il y en a cinq et demie d'écrites, qui font toutes entre 7k et 8k5 mots, donc qui sont longues, et donc que je mettrai du temps à poster. Quelque chose comme toutes les deux semaines, plus vite si j'arrive à voir le bout de l'histoire rapidement. (Dois-je vraiment préciser que ça devait faire entre 10 et 15k mots et que ça en fait à présent plus de 40k ? Je suis maudite).
Suite à une review qui m'a rappelé que j'utilise des termes techniques en mode 'je m'en bats les steaks de mes lecteurs ils ont qu'à connaître tout sur tout du théâtre LOL' (Merci Arum), je vous rajoute un Petit Lexique du Théâtre (je me sens plus pisser).
Italienne : Faire une italienne, c'est énoncer le texte, avec ou sans intentions, mais en tout cas sans mise en scène ni mise en espace. Du coup, ça semble un contre-sens, mais quand on fait 'une italienne en espace', c'est qu'on donne le texte (généralement avec intentions dans ce cas) en étant au plateau, et en bougeant et tout, mais c'est pas forcément encore du jeu parce que rien n'est fixé et ça n'a pas vocation à être une mise en scène.
Allemande : Le contraire d'une italienne, en fait. C'est répéter juste les déplacements, sans le texte.
Suisse : (Ce terme n'existe pas vraiment, je l'ai inventé et je le popularise activement pendant mes répétitions) Du coup, c'est faire le texte et les déplacements mais sans intention, juste pour caler bien et vérifier ce qui est déjà établi.
Résidence : Période courte (généralement une ou deux semaines, mais ça peut être plus) où un théâtre permet une compagnie d'occuper gratuitement (en général) sa salle. Durant la résidence, en gros, tout le monde passe toutes la journée ensemble, tous les jours, et juste, tu bosses. Ça peut être pour la création d'un projet ou pour sa finition. Ça aboutit à une :
Sortie de résidence : Représentation non-payante qui suit une période de résidence. Il peut y en avoir une ou plusieurs. C'est le moment où tu peux inviter des programmateurs et des producteurs pour leur montrer ton boulot, et tu peux aussi inviter tes potes pour leur prouver que non, t'as pas passé toute la semaine dernière à glander.
Filer : Jouer plusieurs scènes sans s'arrêter, même s'il y a des bugs.
Filage : Répétition de l'intégralité de la pièce, par principe sans coupures (mais tu peux aussi faire un 'filage arrêté', qui sert principalement à s'occuper de détails)
Filage technique : Filage pour caler la régie, donc souvent si t'es crevé tu te fais pas chier à mettre de l'intention parce que le metteur en scène regarde les jolies lumières et pas ta belle gueule. Généralement, on fait pas le texte en entier, plutôt une Allemande mais en donnant les 'tops' de texte qui permettent à la régie de se repérer.
Et voilà, je crois que c'est tout ce que j'utilise/risque d'utiliser dans cette fic, si jamais vous repérez un terme que vous ne comprenez pas, hésitez pas à me le signaler (J'adooore expliquer des trucs en rapport avec le théâtre, c'est mon dada, sérieux.)
Bref.
J'espère que ça vous plaira, alors bonne lecture !
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Lucky devil
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1 : Heart breaker
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Jeudi
« Tu fous quoi, du coup ?
— J' crois j' vais m' rentrer.
— T'es pas sérieux gars ? Il est même pas vingt-et-une heures, tu vas pas rentrer. »
Vanitas grogna, se relevant du lit de Riku avec une flemme plus que perceptible. Kairi le regardait du coin de l'œil, téléphone en main.
« Nan mais vous m'avez soûlé cherchez pas. En plus j'ai la dalle.
— Bah on va manger chez oim, comme ça on ramène Axel, après on s' retrouve sur les quais. Ri, ça t' va ?
— Hm ? Ouais. Sinon on commande quelque chose ici. Ou on passe acheter un truc en bas. »
Vanitas roula des yeux, soupirant à la nouvelle proposition. Ça faisait quelque chose comme une heure qu'ils ne bougeaient pas, élaborant des plans, sans jamais les concrétiser. Et il en avait marre. Il secoua l'épaule de la blonde, étendue sur le lit, les yeux rivés sur son portable.
« Nam', toi, tu fais quoi ? »
Elle posa l'écran contre le matelas, se redressant pour appuyer ses coudes sur le ventre de Riku, qui souffla lourdement.
« Une sieste ?
— Mais Ri, tu veux pas nous faire à bouffer ?, proposa le brun.
— Genre, quoi ?
— J'sais pas, un truc.
— Très précis, bébé. »
Cette fois, Vanitas se releva totalement, récupérant son téléphone qui faisait jouer « Me gustas tu » dans la pièce.
« C'est bon, j' me taille.
— Mais attends, interrompit Kairi en attrapant son bras, on va faire un truc, là, reste.
— Toi, ton plan ?
— J' sais pas, je –
— OK. J'en ai marre. Salut. »
La musique se coupa net et Riku vira gentiment Naminé pour s'asseoir.
« Y a un truc ?
— Nan, j'suis juste soûlé. T' façon on s' voit lundi.
— Parce que tu comptes nous faire la gueule jusqu'à lundi ?
— J' fais pas la gueule, j'en ai marre de vous, je rentre, j'ai encore le droit, non ?
— Eh, soupira Naminé, c'est quoi l'embrouille ?
— Mais y a pas d'embrouille, putain. Donne-moi mon feu, j'y vais.
— Mais tu nous rejoins après ? Vingt-deux heures trente sur les quais, proposa Kairi. Là, y a Nam qui fait sa sieste, Riku je sais pas, moi j' rentre aussi et on s' retrouve.
— Où sur les quais ?
— Bah vers Répu. »
Vanitas soupira en embarquant toutes ses affaires dans son sac, roulant déjà sa cigarette.
« C'est mort, j' suis des masses loin. À lundi. »
Il quitta la chambre, et c'est le moment que choisit Riku pour le rejoindre, posant une main sur son épaule.
« C'est quoi qui va pas ?
— Mais rien. Sérieux, lâche-moi.
— Pas tant que tu m'auras pas dit.
— Mec, je te dois rien, tu me lâches. »
Sentant l'emmerde venir, Riku retira sa main, haussant les épaules d'un air fataliste. Vanitas se détourna, et l'argenté écarquilla les yeux en le voyant le quitter si vivement.
« Bah dis au revoir, au moins.
— J'ai pas envie. »
Riku dut presque courir pour arriver avant que Vanitas n'ouvre la porte, le forçant à se retourner.
« Tu vois qu'y a un truc qui va pas. Vani, fais pas la gueule …
— Mais tu m' chauffes sérieux avec ça !
— Allez, fais pas ta mauvaise tête … »
Avec un sourire attendri, Riku encadra de ses mains le visage de son petit-ami, se penchant pour l'embrasser. Il ne s'attendait sans doute pas à être repoussé si violemment, ni au regard noir de Vanitas.
« J'ai dit j'ai pas envie, sale con ! »
Kairi frémit en entendant la porte claquer, regardant Riku venir avec un air penaud. L'argenté se passa une main sur le visage avant de retourner s'asseoir sur le lit.
« J' sais pas ce qu'il a, souffla-t-il.
— Il t'a pas dit ?
— Bah non. »
Kairi haussa les épaules. Vanitas et Riku avaient toujours été comme ça à moitié en train de s'engueuler. Mais cette fois, le comportement du brun l'inquiétait un peu.
« Bah, il a peut-être ses règles. »
Toutes les têtes se tournèrent vers Sora, qui venait de retirer son casque, mettant son jeu en pause.
« Toi, ferme ta gueule et retourne sur ton monde virtuel. »
Sora toussa à la violence du ton, ouvrant de gros yeux comme Riku se reprenait bien vite.
« Pardon, So, c'est … J'ai fait un truc pour le mettre en colère ?
— Tu sais mieux que moi, répondit la rouquine. Il est peut-être juste crevé.
— Mouais, fit l'argenté, moyennement convaincu.
— Bon, j'vais bouger aussi. Vingt-deux heures trente sur les quais, ça tient toujours ? J'appellerai Van pour voir s'il s'est calmé. Na', tu restes là ? »
La blonde marmonna un vague assentiment, déjà à moitié chez Morphée. Riku valida la proposition d'un pouce levé, imité par Sora. La rousse sortit ses écouteurs, les saluant vaguement avant de prendre la porte à son tour. Elle avait des choses à faire avant de les retrouver, notamment, manger et essayer de comprendre Vanitas. Toujours sur le lit, Riku soupira et ramassa son tabac, commençant à rouler. Il se sentait mou et avait clairement besoin d'un café. Il quitta à son tour la chambre, retournant dans la pièce à vivre pour faire vrombir la cafetière et allumer sa cigarette. I soupira en entendant des pas derrière lui, et une chaise se tirer.
« Tu crois qu'il a capté un truc ? »
Riku ne répondit pas tout de suite, attendant que sa tasse aie coulé pour se retourner vers Sora.
« Qu'il a capté quoi ? Y a rien.
— On a couché ensemble. Et pour moi c'était pas rien.
— Bah ça devrait. »
Le châtain pinça les lèvres, son visage s'assombrissant. Il laissa traîner son regard jusque la fenêtre. Il faisait encore jour, et encore chaud, l'air était sec. Il aurait voulu être chez son père, dans sa chambre avec vue sur mer pour boire un jus de fruits et discuter avec quelqu'un de n'importe quoi. Il aurait voulu avoir l'esprit léger de tout. L'autre soupira.
« Sora … »
Le ton était douloureux et un peu pitoyable. Vivement, le châtain se retourna vers son ami, forçant leurs regards à se croiser.
« Tu peux pas juste fuir comme ça.
— Je fuis pas … »
Cette fois, c'était Riku qui regardait par la fenêtre d'un air évasif, arrachant ses yeux à ceux du châtain. Il aurait sans doute préféré être autre part, lui aussi, et c'en était rageant.
« Alors qu'est-ce que tu fais ?, tonna la voix de Sora, plus dure qu'à l'accoutumée. Va falloir que tu m'expliques, parce que je comprends pas.
— So', je tiens à toi.
— Et moi je t'aime. »
Riku grimaça. La voix de son ami s'était affaiblie, ou plutôt adoucie. Il s'en doutait déjà, mais l'entendre avait une autre portée. Il n'osa pas un mot, et ce fut finalement Sora qui reprit, une hésitation muette dans ses doigts qui torturaient son lobe d'oreille droit.
« Et toi ? Tu m'aimes ?
— Non. Je sais pas. J'en sais rien. »
Sora opina lentement du chef, signifiant qu'il acceptait la réponse. Sa question était sincère, il ne voulait rien de plus que de savoir. Il ne pouvait pas exiger de l'argenté qu'il l'aime de cette manière, après tout.
« C'est toi qu'as les cartes, Riku. La situation ne va pas se régler sans toi.
— Je sais.
— OK. Si tu le sais, c'est bien. Prends ton temps pour y penser, mais oublie pas que t'es pas tout seul là-dedans.
— Je sais. »
[Viens]
[On est au Canal.]
[Alleeeeeeez!]
[Demyx a sorti sa gratte.]
[Il commence à jouer du Bowie.]
[Sauve nous !]
[Non.]
[Qu'est-ce qui va pas ?]
[Rien.]
[Et mon cul c'est de l'ananas.]
[Tu t'es cru au collège.]
[Tu veux du pain ?]
[Allez, c'est moins drôle sans toi.]
[Menteuse.]
[Tu dors même pas. Viens. Tu crèches chez moi.]
[Ste plait.]
[Non.]
[J'vais te harceler.]
[J'vais surtout éteindre mon tel.]
[J'ai une bouteille de rhum réservée pour toi.]
[Tu fais chier.]
[À tout de suite !]
« Eh bah il s'est fait attendre ! »
Vanitas jeta un sale regard au blondin derrière sa guitare, toujours aussi souriant et toujours aussi chiant. Ce n'était pas ce qu'il avait besoin d'entendre. Il attrapa avec un certain soulagement la bouteille que lui tendait Kairi, en buvant de longues goulées.
« Ta gueule, Dem'.
— Eh, chill. T'as marché sur un oursin ou quoi ? »
Vanitas serra les dents. Il était beaucoup trop sur les nerfs. Il savait qu'il n'aurait pas du venir. Les pavés sous ses pieds même l'agaçaient à l'idée de s'asseoir dessus, sachant qu'il aurait pu rester zoner chez lui, à se toucher, littéralement ou non. En tout cas il aurait été mieux qu'ici.
« Encore une remarque et tu vas dire bonjour aux poissons. »
Le blond rit. Rit très simplement. Comme si c'était drôle. Vachement poilant.
« Bonsoir, plutôt.
— Mais putain, c'est quoi que tu comprends pas dans 'ta gueule' ? »
Vanitas posa son sac, s'approchant vivement du guitariste, prêt à lui faire bouffer ses cordes. Il le bouscula, vers l'eau, faisant tomber sa guitare sur le sol. Le blond avait pâli. Une main se posa sur l'épaule de Vanitas, qui jura que si c'était celle de Riku, il allait l'étrangler avec ses cheveux. Il tourna brusquement la tête pour croiser les yeux bleus et calmes de Naminé. Vanitas retint un gémissement. Pourquoi ça n'était pas la main de Riku ?
« Van, ça va.
— T'as pété un boulon ou quoi ? »
Vanitas se tourna à nouveau vers le blondin, lui jetant le regard le plus sombre qui soit. La main appuya à peine sur son épaule, et il grinça des dents. Naminé regarda à son tour Demyx de son air maternel et posé.
« Mais il a raison, Dem', tais-toi. »
Le guitariste haussa les épaules, n'ayant même pas la décence d'avoir l'air désolé, ou énervé, ou quelque chose. Avec un claquement de langue, Vanitas alla s'asseoir à côté de son sac, bouteille en main et mauvaise humeur épaisse comme un manteau autour de lui. La voix de Sora fit :
« Ambiance … »
La main de Kairi répondit :
« Paf ! »
Les yeux d'Axel conclurent :
« J'aurais du prendre un pack de plus. »
Profitant de ce que tout le monde était déjà sensiblement éméché, Kairi fit dévier la conversation sur Roxas, son mec potentiel du moment, qui était adorablement silencieux et d'autres choses que Vanitas n'écouta pas. Il resta muré dans son silence, avec sa bouteille et ses cigarettes, se répétant mentalement combien il serait mieux chez lui, ignorant avec un grand talent les œillades inquiètes de son petit-ami et les sourires encourageants de la rouquine. Il en était environ à la moitié de sa bouteille de rhum quand elle disparut de ses mains. Il leva des yeux embués vers le voleur qui le contemplait avec lassitude, passant une main dans ses cheveux gris.
« Van, tu bois trop. Et je suis sûr que t'as même pas mangé. »
Le brun serra les dents, sifflant entre ses cuisses. Riku le connaissait trop bien, et c'était d'autant plus agaçant.
« La ferme, t'as rien à dire. »
Des yeux écarquillés, et puis un soupir. Vanitas tendit la main pour récupérer son bien, mais l'objet fut écarté plus encore.
« Je m'inquiète. Pourquoi tu ne veux rien dire ? Je vois bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
— Tu n'as aucun droit, ni de me priver de ce qui est mien, ni de t'inquiéter.
— Mais de quoi est-ce que tu parles ? »
Et ce furent les mots de trop pour Vanitas qui se releva, indigné, s'attirant tous les regards du groupe d'amis. Il avait le teint encore plus pâle qu'à l'accoutumée, et si certains auraient voulu attribuer ça à l'alcool, Riku savait que c'était l'effet de la pire des colères sur le visage de son amant.
« Putain, pourquoi tu mens ? Nan, réponds pas. Mille fois je t'ai trompé, mille fois je me suis expliqué. Alors pourquoi tu me dis pas que t'as couché avec Sora ? C'est quoi, le bail ?
— Vanitas …
— Kai', ta gueule, c'est pas tes histoires. Donc ? Pourquoi ? Parce que je le connais ? Parce que c'est mon ami ? Ou juste parce que t'as trop la trouille ? Mais la trouille de quoi, putain ? »
Riku regardait son petit-ami avec un air désemparé, écoutant sa diatribe qui se poursuivait sans fin, incapable de l'interrompre ou de trouver quelque chose à dire, simplement. Les autres observaient la tirade sans rien oser non plus, et même Naminé était sans voix. Sora baissait la tête. Demyx avait arrêté de jouer. Les inconnus autour d'eux se tournaient vers leur groupe d'un air curieux, avides de faits divers et de ragots en tous genres. Axel buvait sa bière en tentant d'ignorer la chose. Ça n'était pas ses affaires, et il n'avait aucune envie de s'en mêler. Enfin, pas ses affaires …
« J'peux l' faire aussi, si c'est ce dont t'as besoin pour laver ta conscience. Ax, ramène-moi chez toi. Mais merde, bouge ! »
Sans avoir rien demandé, le rouquin se trouva presque soulevé du sol, étonné de la force physique de Vanitas – mais c'était peut-être la colère, peut-être l'adrénaline qui permettaient tout ça. Sur ses pieds, il croisa la fureur jaune des yeux de son ami, et n'osa pas discuter, ramassant ses affaires dans un silence ébahi. Il ne rejeta pas non plus les lèvres de Vanitas qui volèrent méchamment les siennes, et le goût de vengeance, de peine et de rhum l'allumèrent malgré lui. Quand Vanitas tourna des talons, Axel le suivit sans discuter.
Mardi
« Mais putain, on a retravaillé ça hier, on va pas passer trois heures dessus à chaque fois ! C'est pas pour dire, mais on joue dans même pas deux semaines. »
Agacé, Vanitas s'affala sur un des sièges du public, jetant un regard mauvais au plateau. Sous les projecteurs, Riku s'escrimait à repousser Sora qui se ruait vers le comptoir. L'argenté baissa la tête sans protester.
« Au pire, Sora, on peut bosser ça entre nous après ? »
Assise en fond de scène , son ébauche de marionnette dans les mains, Naminé passa son regard des uns aux autres, retenant un soupir. Ça faisait déjà cinq jours que Vanitas avait crié, et la situation n'était toujours pas réglée entre eux. Le brun était imbuvable, et son petit-ami n'était pas mieux, agaçant à ne rien faire du tout. La journée de la veille avait été une catastrophe, et si ça devait être ça pendant les deux semaines de résidence, d'une ça allait être intenable, de deux ils n'avanceraient pas assez vite sur le projet.
« Oui, si tu veux, acquiesça Sora d'une petite voix. Aqua ? »
La metteure en scène, assise deux sièges plus à cour que Vanitas, grimaça en se relevant. Elle ne savait pas ce qui se passait avec ses comédiens, mais ça n'allait pas pouvoir durer.
« Non, je veux que ça soit réglé aujourd'hui, alors on reprend. Il est … onze heures trente, on bosse ça, et après on fait une pause. Il reste du café ?
— Je crois, ouais, je note ça et j'y vais. »
Xion, penchée sur son carnet, rendait compte de tout ce qui se passait au plateau, des retours qu'elle aurait à faire et autres. Avant qu'elle eut fini d'écrire, le brun se releva.
« Nan, j'y vais.
— Tu m'en prends un aussi, chat ?
— Oh, moi aussi !
— Et moi ! Avec un sucre et une touillette.
— On a du lait ?
— Wesh, vous m'avez pris pour Shiva ? J'ai qu'une tête et deux mains. Qui veut du café, levez la main. »
Vanitas regarda la pièce, et tous ceux qui n'étaient pas sur scène tendaient le bras vers le ciel, ainsi que Yuffie, assise à côté de Naminé.
« Euh, Yu', nan, pas au plateau. OK, combien avec un sucre ? »
Reno et Xion levèrent la main, et Vanitas compta dans sa tête, cinq cafés dont deux sucrés. Il fit un aller-retour en loges, revenant avec les cafés deux par deux comme les comédiens commençaient à discuter. Quand elle eut son gobelet rempli, Aqua fit claquer sa main sur la table.
« Oh, c'est pas la pause. Demyx, reprends où tu veux.
— 'Et toujours à pied ?', ça vous va ?
— Pas plus bas ?
— Sérieusement ? J'aurais dit plus haut.
— Bon, ça suffit, interrompit Xion, tournant les pages de son texte pour retrouver la réplique en question. Demyx, 'à pied', vas-y.
— Voyez-moi ça ! T'en as fait du chemin, barbu ! Et toujours à pied ?
— À pied, mon gars, reprit Naminé, donnant vie à sa marionnette de Savva. J'ai été au monastère de Tikhone Zadonski, maintenant je vais aux Montagnes Saintes. »
Vanitas prit une gorgée de son café, assis mollement dans le public. S'ils travaillaient à cette allure, il n'entrerait pas en scène avant la veille de la sortie de résidence. Il soupira, sortant son téléphone pour surveiller l'heure. Qu'est-ce qu'il avait envie d'une clope …
La pause arriva en même temps qu'Axel, vers midi et quart, et un grand soulagement déferla sur l'équipe. Café en main, Vanitas n'attendit même pas que les autres récupèrent leurs sacs avant de se ruer sur le parvis, sa cigarette roulée d'avance dans les mains, Reno et Kairi sur les talons. Il l'alluma comme on se jette dans la mer après une journée trop chaude, presque désespéré, et beaucoup trop stressé.
« Vous avez toujours pas parlé ?
— Non. »
Kairi soupira, s'asseyant à côté de lui comme Reno fouillait ses poches à la recherche de ses cigarettes.
« Tu devrais …
— Je sais. Mais j'ai pas envie, OK ? Juste … On parle d'autre chose ?
— T'as du feu ? »
Sa clope coincée entre les lèvres, Reno tendait la main vers le brun, qui lui offrit vite l'objet. Le tube à cancer allumé, le rouquin prit une grande inspiration avant de lancer :
« Mais avec Ax', i' s'est passé quoi exactement ? Il a pas voulu nous raconter.
— S'il a pas voulu vous raconter, c'est que c'est pas vos oignons. »
Reno haussa les épaules, pas véritablement vexé. Kairi, Axel et lui formaient une fratrie particulière, profondément fusionnelle et pourtant assez discrète. Ils avaient tous fini dans le théâtre, Kairi et Reno sur le plateau et Axel en régie, mais à voir leurs parents, ça n'était pas si étonnant.
« En vrai, Aqua elle avait pas dit qu'on aurait une costumière ?, lança le brun, turlupiné par l'idée.
— Si, répondit Kairi, mais on la rencontre plus tard. T' façon, même si on monte en entier, ça reste encore une ébauche, je pense pas qu'on soit vraiment programmés avant au moins la moitié de l'année prochaine. »
Reno fronça les sourcils, faisant des ronds avec sa fumée qui s'envolaient et se déformaient au contact de la brise légère.
« Mais elle a pas invité des gens pour la production, justement ?
— Pas les trois jours. »
Les regards se tournèrent vers Axel, qui débarquait au milieu de la conversation avec sa propre cigarette, volant le feu encore dans les mains de son frère pour l'allumer.
« Juste vendredi et samedi, ajouta-t-il. Enfin, j' crois.
— D'où tu débarques juste là, d'ailleurs ? T'étais pas supposé venir ce matin ?, demanda Vanitas.
— Nope, je bossais, ce matin. Et même, là, je sers pas à grand-chose.
— Bah si, on a filé, ce matin. »
Vanitas ricana à la remarque de Kairi, fort peu convaincu.
« Ouais, on a filé cinq pages, c'était ouf, ironisa-t-il. Et puis on a passé trois mille ans sur la scène de Sora, ça m'a soûlé. »
Kairi pinça les lèvres, se retenant d'ajouter quoi que ce soit. Vanitas était injuste, mais tant qu'il n'allait pas plus loin, elle ne voulait pas l'agacer plus qu'il ne l'était déjà. Tant qu'elle pouvait éviter le sujet, elle ne mettrait pas les pieds dans le plat. Même si elle se posait des questions sur la main qu'Axel venait de poser sur le crâne de Vanitas d'un air naturel.
« En vrai, je reste que jusqu'à dix-sept heures pour vous voir un peu, après je me taille.
— Tu vas où ?
— Voir des potes de la fac, ils jouent leur projet à la MPAA. »
Vanitas acquiesça, repoussant vaguement la main qui commençait à lui caresser les cheveux. Il éteignit sa cigarette, la jetant à la poubelle en retournant à l'intérieur, se dirigeant vers le réfectoire du théâtre.
Mercredi
« … et puis l'heure est venue pour moi d'ouvrir les yeux. Ce n'était pas de l'amour, rien que de la tromperie.
— Qu'est-ce que tu lui as fait ?
— Ça ne te regarde pas … Tu crois que je l'ai tuée ? J'ai pas osé … Non seulement je l'ai pas butée, mais en plus j'en ai eu pitié. Continue de vivre, toi … et sois heureuse ! Pourvu que mes yeux ne te voient plus et que je puisse t'oublier, chagasse ! »
Kairi leva les yeux au ciel au vocabulaire choisi. Elle se demandait parfois ce qui était passé par la tête d'Aqua, en disant à Vanitas qu'il pouvait changer les mots qu'il voulait. De toute façon, Méric était un personnage fait pour être vulgaire, alors, pourquoi non ? Face au silence, elle commença :
« Euh …
— Riku, tu dors ou quoi ? »
Elle grimaça au ton du brun, qui regardait son petit-ami avec hargne. Ils avaient commencé l'italienne deux heures plus tôt, reprenant sans cesse, notant leurs bugs de texte, et chaque fois que Riku se plantait, on pouvait compter sur Vanitas pour le signifier.
« Ah, pardon.
— On s'en fout, on reprend, claqua Aqua, qui commençait à avoir une tête énorme, elle aussi. »
Bon Dieu, elle aimait ses comédiens plus que tout, mais il y avait des limites à ce qu'elle pouvait supporter. Elle allait finir par enfermer Riku et Vanitas en loges avant la fin de la résidence, si ça continuait. Elle poursuivit :
« Vanitas, tu reprends.
— Où ?
— 'Je ne suis pas le seul', proposa Xion, le nez dans le texte. Ça va à tout le monde ?
— Ouais !
— Ouais.
— C'est où ?
— Juste après que tu dises 'alors il se venge'.
— OK. Les femmes lui en ont fait voir, alors il se venge.
— Je ne suis pas le seul. Depuis toujours, depuis que le monde c'est le monde les gens ils se plaignent, ils chouinent … C'est pas pour rien que dans les chansons et dans les films, on met le diable et les gonz' dans l' même sac –
— Attends. Les films à la place des contes ? Je sais pas, moi ça me chiffonne un peu. »
Vanitas haussa les épaules, réfléchissant à la question. Xion le regardait dans l'expectative, Aqua attendant elle aussi sa justification. Sora signifia :
« Ça me fait un peu bizarre aussi, comme anachronisme. C'est pas comme si on en avait plein dans le texte ou dans la mise en scène pour l'instant. »
Il se reçut en réponse un regard noir du brun, qui releva le menton d'un air fier.
« Bien sûr, ça serait un parti pris qu'il faudrait assumer comme tel, mais en même temps on n'a pas encore non plus fait le choix d'être dans l'exactitude au niveau de l'époque. Et déjà, mon langage est anachronique. Moi j'aime bien au théâtre, c'est juste un choix. J' suis carrément prêt à défendre ça, et même, j' trouve ça plus intéressant en tant que spectateur. Si ça déroute, tant mieux, et sinon tant mieux aussi.
— Ça, c'est de la conclusion, sourit Reno. »
Aqua mordit son stylo un moment, des idées fusant dans sa tête. Elle avait déjà des idées de la mise en scène qu'elle voulait voir, mais elle était toujours ouvertes aux propositions de ses comédiens, que ce soit au travail à la table comme maintenant ou sur le plateau.
« Je suis pas contre. Il faudra voir en scène mais garde, si on peut forcer le trait, soit sur toute la pièce, soit sur tout ton personnage, ça sera bien.
— OK, cool. Je reprend ?
— Vas-y.
— Euhm, tata tata ta, j'en était où … blabla chouinent … C'est pas pour rien si dans les chansons et dans les séries, toujours on met le diable et les nanas dans l' même sac. C'est pas un hasard ! Ça doit être au moins à moitié vrai, fifty-fifty ! … Ce barine-là fait l' con … et moi quoi ? J' suis trop malin et pour ça qu' je suis devenu un vagabond, qu' j'ai quitté mes vieux ?
— Les femmes ?
— Comme le barine, tout pareil … Moi aussi j'ai été limite dingue, limite ensorcelé, H24 j'étais comme dans des flammes, je tchatchais sur mon bonheur et comment j'étais trop bien … et puis l'heure et venue pour moi d'ouvrir les yeux. Ce n'était pas de l'amour, rien que de la tromperie.
— Qu'est-ce que tu luis as fait ?
— Et ton grand-père i' fait du vélo ? »
D'un coup, Aqua éclata de rire, rapidement suivie par la moitié de la troupe – le tiers qui connaissait l'expression et ceux qui la trouvaient incongrue.
« OK, ça, on garde, écris-le sur ton texte, c'est fixé.
— Yeah ! Donc, je disais, Demyx-Fédia-Mêle-Tout, et ton grand-père, i' fait du vélo ? Tu crois que j' l'ai tuée ? J'ai pas osé … Non seulement je l'ai pas butée, mais en plus j'ai eu pitié. Continue de vivre, toi … et sois heureuse ! Pour vue que plus jamais mes yeux te voient, sale chienne !
— Le diable amène quelqu'un … Qui est là ? Qui c'est qui frappe ? Qui frappe là ? Circulez ! C'est fermé. »
Il y eut un long silence et les comédiens se regardèrent entre eux avant qu'Aqua n'intervienne, légèrement sur les nerfs :
« C'est qui, là ?
— Oh, pardon !, fit Xion en lisant le nom du personnage. C'est Hayner, il est pas là.
— Et pourquoi ?, demanda le brun, grimaçant.
— Il avait une répétition ce matin, et comme il apparaît seulement à la fin …
— Oui, bah Kairi elle apparaît après lui et pourtant elle est là. Et il voit bien que son absence dérange.
— Bah nan, il voit pas, il est pas là.
— Oh, Dem, si c'est pour dire de la merde c'est pas la peine.
— Vanitas ! »
Kairi le regardait, l'air sérieusement chauffée et prête à lui en coller une.
« À la pause, tu fumes un joint, tu vas taper dans un arbre, je m'en fous, mais tu te calmes.
— OK, OK, fit Aqua, plus posée que les autres. On est tous fatigués, là, c'est pas super gratifiant de faire des italiennes, mais même si vous vous rendez pas compte, c'est super, et vous bossez vraiment bien depuis ce matin. J'adore ce que vous faites, d'accord ? Alors on reprend.
— Je peux lire Le Cocher, j'ai plus de texte jusqu'à la fin, proposa Yuffie, l'air pas du tout impacté par l'atmosphère tendue.
— Non, objecta la metteure en scène, je préfère pas. Xion, tu veux bien lire Hayner ?
— OK. Riku, tu reprends ?
— C'est fermé.
— Aaah ! Euh attends, j'étais pas prête, tu peux reprendre plus haut ? Désolée.
— Sûr. Qui est là ? Qui c'est qui frappe ? C'est bon ?
— Nickel.
— Qui est là ? Qui c'est qui frappe ? Qui frappe là ? Circulez ! C'est fermé.
— Laisse-moi entrer, Tikhone, au nom du Christ ! Le ressort de la voiture s'est cassé. Aide-nous, sois un frère. Si l'on pouvait seulement l'attacher avec un bout de corde, on continuerait de rouler tant bien que mal …
— Qui est avec toi ?
— C'est Madame qui va de la ville à Varsonofievo. Il ne nous reste que cinq verstes à faire ! Aide-nous, rends-moi ce service !
— Dis à Madame – euh, non, : Dis à ta dame que pour dix roubles on lui donnera une corde et on lui réparera sa voiture.
— Arrangera son ressort.
— Dis à ta dame que pour dix roubles on lui donnera une corde et on lui arrangera son ressort. »
La petite brune opina du chef, poursuivant sa lecture en reprenant les comédiens quand nécessaire, notant que la tension montait à chaque erreur de la part de l'un ou de l'autre. Elle faisait de son mieux pour rendre les choses simples, si c'est mauvais, pas de débat, pas de temps d'insupportable latence ou de bavardage, on pointe l'erreur du doigt et on reprend, trois fois s'il le faut mais sans s'arrêter.
« Dieu.
— Remercie Dieu : ta tête est sauve.
— Mais en fait, tu l'as appris ton texte ou pas ? »
Vanitas plissait les yeux dans une attitude passive-agressive insupportable au possible, et Xion serra les dents pour ne pas hurler. Ouh qu'est-ce qu'il était mauvais. Riku avait des difficultés avec son texte, mais il était loin d'être le seul – Reno, par exemple, avait son texte en main au cas où, et Vanitas ne lui avait pas fait la moindre remarque. Se contenant, sans laisser à quiconque le temps de répondre, elle dit fermement :
« Il reste littéralement deux répliques et on a fini, et après on va manger. Riku, vas-y.
— Remercie Dieu : ta tête est sauve.
— Donc, je l'ai pas tuée … Le sort n'a pas voulu que j' crève à cause de cette hache volée … J'ai l' cafard ! J' suis trop dans le mal ! Ayez pitié d' ma misère, frères orthodoxes, ayez pitié. »
Un soupir collectif se fit entendre, et des sourires virent éclore sur les lèvres.
« Wesh, on gère !, lança Reno, content. Pause ! »
Jeudi
« Oh ! Qui a ramené des croissants ? »
Xion leva les yeux de son carnet à l'entente du mot. Elle n'avait pas entendu Demyx arriver. Elle le salua d'un signe de tête, vérifiant que la table qu'elle partageait avec Aqua était bien agencée. Aujourd'hui, la metteure en scène l'avait prévenue qu'ils devraient être efficaces et juste avancer, sans reprendre tout ce qu'ils avaient vu jusque là. Elle voulait avoir au moins traversé le texte en entier avant la seconde semaine.
« Sora, répondit-elle. Mais c'est pour tout le monde, tu peux te servir.
— Il est où, d'ailleurs ?
— En bas, avec les fumeurs.
— Je suis pas en retard ? »
Xion regarda l'heure sur son téléphone, avant de sourire au blond.
« Non, tu es pile à l'heure. Mais Naminé m'a prévenue qu'elle serait en retard, y a un problème sur le RER.
— Donc je suis même en avance ?
— Exact. Enfin, accidentellement en avance.
— J'vais aller fumer aussi, je t'attends ?
— Ouais. Oh, tu voudrais bien me servir un café si tu t'en prends un ?
— Noté ! »
Sur ce, la porte se poussa à nouveau pour laisser entrer Vanitas, qui posa lourdement son sac dans la jauge, allant saluer Aqua et Xion sans attendre.
« Bah ils sont où, tous ?
— Sortis fumer, Nami est en retard. Tu viens ?
— Ouais, faut que je passe pisser, attends-moi en bas. »
Sortant son tabac, Vanitas commença à rouler, prenant la direction des toilettes, et s'arrêta au milieu de sa route.
« Euh, Riku est avec eux ?
— Oui, soupira la jeune fille. Tu ne pourras pas l'éviter indéfiniment, tu sais ?
— Je sais, mais là, juste … J'ai pas envie d'encore plus foutre la merde, et si je le vois, j' vais avoir envie de gueuler.
— Allez, viens au moins fumer avec nous. T'es pas obligé de lui parler. Déjà hier on a été boire un verre et t'es pas venu … Fais pas ta vie en fonction de lui. »
Réfléchissant à ce que venait de dire son amie, Vanitas haussa les épaules. C'était pas faux. Mais il n'était pas prêt.
« Je verrai. »
Elle lui offrit un sourire gentil pour toute réponse, remerciant la tasse de café que Demyx lui apportait, comme ils sortirent tous les deux rejoindre les autres. Elle espérait sincèrement que Vanitas viendrait.
Kairi soupira. C'était trop beau pour durer. Ils avaient repris ce matin juste avant où ils avaient arrêté la veille, à l'entrée de Vanitas, et jusqu'ici, tout s'était bien passé. Tout le monde était dans le truc, Xion était au taquet pour donner le texte, le brun et l'argenté se confrontaient seulement en tant que leurs personnages … Mais voilà. Il y avait un moment où ils étaient juste trop proches physiquement pour que ça se passe bien.
« Quoi ? T'as mal compris ?, fit Vanitas, mauvais. Je te laisse le temps de digérer l'info, en espérant que tes trois neurones s'alignent.
— Tu aimes trop faire le malin, répondit Riku d'un air agacé. Prends garde –
— Non, le coupa le brun. T'as sauté du texte. T'es vraiment naze, quand tu veux.
— Pardon. Tu veux bien reprendre ? »
Il était absolument visible que Riku n'en pouvait plus de subir en silence, pourtant il ne bronchait as. Et c'était ceci plus que cela qui tapait sur le système de Vanitas.
« T'as mal entendu c'que je t'ai dit ?, reprit le brun. Ou t'as besoin d'encore un peu de temps pour réagir ? Une semaine, c'est pas suffisant ? »
Riku, qui avait été prêt à reprendre sa réplique, déglutit, retenant sa fureur. C'était plus du tout le texte. Il savait très bien ce que Vanitas lui reprochait, mais le brun n'était pas revenu vers lui non plus. Ignorant la déviance du brun, Riku poursuivit dans la scène.
« C'est le diable qui t'a amené ici ! En voilà un grand seigneur ! Eh bien, donne toujours. »
Avec un sourire désagréablement supérieur, Vanitas tendit les pieds à Riku, qui s'attela à lui retirer ses bottes avec une colère contenue.
« Engeance de Caïn, jura l'argenté.
— Ça suffit, siffla Vanitas. Pose-les là. Bien à côté –
— Oui, ça suffit, interrompit Aqua. Écoutez, je sais pas ce qui se passe entre vous, mais là, c'est juste plus possible. On arrête la répétition.
— Mais, tenta de protester Vanitas, comme un gamin puni.
— Mais quoi ? Vous êtes insupportables. C'est pas des conditions pour bosser, vous vous rendez même pas compte que vous mettez tout le monde mal à l'aise. »
Les deux baissèrent la tête, coupables et furieux. Un sentiment d'injustice grimpait en eux, même s'ils savaient qu'ils l'avaient cherché. Ça n'aurait jamais dû être à Aqua de se mêler de ça en premier lieu. Ils se comportaient comme des enfants, et ils étaient à présent traités comme tels. Et ça faisait mal à l'ego.
« Voilà ce qu'on va faire, soupira Aqua. Vous allez sortir dans la cour, et vous allez régler ça entre vous. Il est … onze heures. Vous prenez le temps que vous voulez. Ça me soûle de perdre une journée de travail pour ça mais soit, si c'est ce dont vous avez besoin, on va faire ça parce que ça sera pas possible autrement. Que vous vous aimiez bien ou que vous vous aimiez pas, c'est pas mes affaires. Mais vous faites partie d'une troupe. Quand vous êtes dans cette salle, vous devez trouver un moyen de travailler ensemble. Tout le monde, là ! On reste dans le coin jusqu'à dix-sept heures. Passé cet horaire-là, si vous n'êtes pas prêts, on rentre tous chez nous et on reprend les répétitions demain, et vous avez intérêt à être prêts à bosser. Est-ce que c'est clair ? »
Les deux concernés acquiescèrent sans même y penser, Vanitas fonçant vers son sac pour sortir dans la cour, tabac en main. Il s'arrêta sur le pas de la porte, se retournant pour voir Riku chercher dans les poches de sa veste.
« Bon, tu fous quoi ? Je te fils des clopes, bouge. »
Sous le regard furieux de son petit-ami, l'argenté grimaça et abandonna sa quête, suivant Vanitas jusqu'en bas. Le brun s'était assis dos à lui, et il roulait sa cigarette sans le regarder. Il avait le visage fermé, le regard fixe.
« Vanitas …
— C'est de ta faute. »
Riku s'attendait à ça, bien sûr. Vanitas ne savait pas gérer la culpabilité. Il était bien plus à l'aise dans l'accusation et dans la colère.
« Oui, fit-il, espérant ne pas empirer l'état d'esprit du brun.
— Pourquoi t'acceptes aussi facilement ? »
Vanitas venait de se tourner vers lui, et ses yeux lançaient des éclairs. Riku se dit 'mauvaise réponse'.
« Pourquoi t'acceptes tout ce que je te fais subir depuis le début de la semaine ? Par amour ? Ou justement pour apaiser ta conscience parce que tu m'aimes plus ? »
Riku ne répondit pas, baissant la tête. Vanitas claqua de la langue.
« Tu me décales une clope ? »
Le brun alluma la sienne en lui tendant le paquet, avec feuilles et filtres. Riku s'assit à son tour à une distance raisonnable, commençant à rouler.
« Merci.
— T'as pas répondu à ma question. »
Vanitas déglutit, hésitant à regarder vers son petit-ami. Il n'en avait pas le courage. Il se mordit les joues avant de réussir à sortir :
« Tu m'aimes encore ? »
Riku secoua la tête, se laissant le temps de finir de rouler avant de répondre. Il n'osa pas regarder Vanitas quand il déclara :
« Non. »
Vanitas opina plusieurs fois du chef. D'accord. C'était comme ça. OK. Il pouvait comprendre. Il devait comprendre. Ça n'était pas comme s'il pouvait y changer quoi que ce soit.
« Et Sora ? Tu l'aimes ? »
Riku alluma sa cigarette, faisant durer le silence entre eux. Il avait envie de pleurer. Cette fois, il examina la réaction de Vanitas.
« Je crois, oui. »
Le visage du brun était impassible, mais son regard vacillait. Riku ne pouvait que se rappeler comme il l'avait aimé, il n'y avait pas si longtemps. Comme il aurait tout fait pour lui, comme il avait tout supporté, comme il avait souhaité que ce moment jamais n'arrive. Puisque tout a une fin, ils devaient faire les choses bien. Mettre tout à plat. Riku ne voulait pas perdre Vanitas. Il savait que le brun était un type exceptionnel, intelligent, mille fois plus sensible que ce qu'il ne laissait croire au premier abord, bourré de qualités qu'il ne reconnaîtrait jamais. Vanitas était une fleur rare et précieuse. Riku voulait la voir encore pousser. Il ne voulait pas la faire faner.
« D'accord, accepta Vanitas. Je vois. »
Sa voix était étranglée et rauque, et Riku ne put que se détester de causer ça. Le titan aux pieds d'argile qui essaie de tenir encore debout.
« Et toi ? Tu es encore … amoureux de moi ? »
Riku s'était attendu à la colère de Vanitas. Pas à cette lassitude profonde qu'il devinait dans son regard. Pas à tant de résignation. Il aurait préféré que le brun crie.
« Bah ouais. »
Vanitas toussa pour essayer de ce dégager du nœud dans sa gorge. Riku eut envie de vomir.
« Je suis désolé.
— Ta gueule. T'excuse pas, c'est pire. »
Prudemment, Riku s'approcha de lui, osa poser une main sur son épaule. Il fut soulagé que son ancien amour ne le repousse pas, même si c'était douloureux. Il étaient des exs à présent. Riku espérait qu'ils sauraient redevenir amis. Il sentit les larmes lui monter aux yeux quand Vanitas renifla, enfouissant la tête dans son épaule. Il le serra contre lui.
« On était bien, non ?
— Ouais, souffla Riku. On a été bien. »
L'argenté retint ses propres larmes en sentant des soubresauts agiter le corps de son ex. Il n'avait pas le droit de pleurer. Et il ne savait pas ce qu'il devait faire de toutes ces larmes qui tâchaient son haut. Il frotta le dos du brun, essayant de le réconforter. Les sanglots augmentèrent, mais Vanitas ne se dégagea pas. Riku devinait qu'il se sentait pitoyable, et pourtant il trouvait le brun incroyablement fort. Vanitas avait changé, depuis qu'il l'avait rencontré. Il s'était plus ouvert, il avait appris à montrer ses sentiments, parfois. À se reposer sur les autres quand il en avait besoin. Et si c'était de Riku dont il avait besoin là maintenant, l'argenté ferait tout pour le soutenir.
Après un temps infini, Vanitas s'arracha à l'étreinte, les yeux résolument fixés au sol. Il ne pleurait plus, mais avait toujours cet air fragile. Il inspira un grand coup.
« J'ai, euh … Besoin de temps. Je vais … Je sais pas. Je vais me promener. Dis aux autres de pas me chercher. Je reviens. »
Riku branla du chef, voyant sans rien y pouvoir faire le brun mettre son sac sur l'épaule et quitter la cour du théâtre, marchant vers la rue en roulant une nouvelle cigarette. Il resta un moment à fixer l'endroit où la silhouette de Vanitas avait disparu, avant de remonter.
Il était presque quinze heures et l'atmosphère dans la salle de théâtre était plus que tendue. Riku se rongeait les ongles en regardant par la fenêtre, mortellement inquiet. Et si les penchants dépressifs de Vanitas refaisaient surface ? Et s'il était allé se promener jusqu'au bout du monde, pour voir ? Ça faisait quatre heures que le brun était dans la nature, et il aurait pu arriver n'importe quoi. Sora fixait l'argenté sans oser l'aborder. Il était à la fois trop et trop peu concerné pour demander de plus amples informations à Riku. Ce dernier avait juste dit qu'ils avaient rompu, et que Vanitas voulait être seul. Kairi avait tenté de filer dehors, mais tous l'avaient retenu. Axel avait disparu, et quand ils s'en étaient rendu compte, le roux était revenu, disant qu'il n'avait pas trouvé Vanitas. Reno était sorti boire une bière avec Xion, Yuffie, Axel et Demyx, aucun ne supportant la tension et l'inaction. Naminé avait sorti son bloc de dessins, mais n'arrivait pas à grand-chose. Hayner jouait sur son téléphone. Aqua, quant à elle, relisait toutes les notes qu'elle et Xion avaient prises, revoyant son planning prévisionnel en supprimant cette journée. D'ordinaire, elle pouvait se permettre de travailler très vite avec Vanitas, mais ils étaient nombreux au plateau, ce qui prenait inévitablement du temps, et elle ne savait pas dans quel état le brun lui reviendrait. Elle était inquiète, pour le projet, pour le groupe et pour son comédien en particulier.
Quand la silhouette de Vanitas apparut en bas de la fenêtre, tout le monde sentit le sursaut de l'argenté, chacun aux aguets. Il était accompagné de tous ceux qui avaient été au bar et qu'il avait dû croiser en revenant. Riku n'aurait su dire de ce qu'il pensait de la proximité physique entre Axel et son ancien petit-ami. Il savait que ça lui faisait quelque chose, mais rien de très déterminé. C'était un mélange incohérent de soulagement, de jalousie mal placée, de frustration et peut-être de tendresse. Ce qui était certain, c'est qu'il n'était pas indifférent. Il n'était plus amoureux du brun, pourtant … La pensée lui faisait encore mal. Leur relation allait lui manquer, mais ça n'aurait pas pu continuer comme ça de toute manière. Le plus tôt il en finissait, le moins douloureux c'était – et Riku avait de la peine à imaginer une douleur plus grande pour le brun. Tous étaient totalement disponibles et attentifs quand la petite troupe passa la porte, Vanitas en tête, Axel le poussant légèrement dans le bas du dos.
« Bon, on reprend ? lança le brun comme si de rien. »
Ils furent nombreux à grimacer. Ils auraient voulu en parler, discuter, aborder le sujet, mais chacun comprenait à sa façon que Vanitas n'avait pas besoin de ça pour l'instant. Sans se disperser plus que d'habitude – il reste du café ? Il est où, mon texte ? On a le temps pour une clope ? Quelqu'un a un chargeur ? – ils reprirent le travail. Vanitas se montra étonnamment efficace, et l'attention que chacun portait aux autres se sentait inévitablement dans leur jeu. Ils n'avaient pas progressé aussi vite dans le texte et dans la mise en place tant de l'espace que de l'endroit émotionnel depuis le début de la résidence, si bien que quand dix-neuf heures trente sonnèrent ils regardèrent Xion d'un air ébahi, qui tenait son téléphone dans la main. Ils étaient encore prêts à travailler, pourtant, mais ils avaient déjà dépassé l'horaire d'une demi-heure, et dès qu'ils étaient sortis de leurs personnages, la fatigue tombait d'un coup sur leurs épaules. Ils avaient tous besoin de se détendre autour d'un verre. Reno fut le premier à sortir du plateau, satisfait. Au train où avançaient les choses et au vu de l'altercation entre Vanitas et Riku, il n'aurait pas cru faire son entrée avant le lendemain et était plus qu'heureux d'avoir enfin pu travailler au plateau. Chacun revint pour récupérer ses affaires. Quand ils sortirent enfin, allumant leurs cigarettes sur le parvis, ils virent qu'Axel et Vanitas avaient disparu.
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Et … voilà. Pas trop de Vanixel pour l'instant, Loir, ça met du temps à venir mais ça vient. J'espère que tu as quand même apprécié de lire, en tout cas !
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