Je dois avouer, les films et les séries, ce n'est pas mon truc. Je n'en regarde jamais, sauf quand ils comprennent quelque chose de particulièrement intéressant pour moi (en ce moment, ce serait plutôt les histoires de frères et sœurs). Mais ce film, je l'avais vu il y a longtemps, lorsque l'amour fraternel n'avait pas encore spécialement d'attrait pour moi, mais je me souviens que la relation fraternelle entre Robin et Gilles (je garde ce nom parce que je l'aime bien, moi) m'avait beaucoup marquée, et amusée (franchement, la façon dont Robin devient soudainement surprotecteur avec son nouveau frère est trop drôle). J'y ai repensé pendant des années, et j'ai fini par avoir envie de revoir cette scène. Et qui dit frères, dit souvent fanfics avec moi, alors j'avais envie d'apporter ma modeste contribution. Voilà, merci à Nanthana14 d'avoir écrit des one-shots sur eux, je les aime beaucoup et en plus, ça entretient la flamme en moi.

Désolée si les caractères des personnages sont approximatifs ou quoi, je ne les maîtrise pas très bien, du coup.


"... Et au signal convenu, c'est moi qui trancherai les cordes.

-Non, je le ferai. Tu nous couvriras avec tes flèches.

-Non, non, c'est trop dangereux, Gilles.

-Ah, oui, c'est vrai que tu vises mal."

Plusieurs rires fusèrent autour du feu de camp. Robin, incertain quant à la façon dont il devait prendre ces mots, tourna la tête pour le regarder. Mais Gilles lui souriait d'un air goguenard, sans cet éclat d'amertume et de fureur qui l'habitait d'ordinaire lorsqu'il prononçait ce genre de parole. Il plaisantait simplement, ce n'était rien d'autre qu'une taquinerie entre frères, mais Robin, justement, n'était pas encore habitué à ce que Gilles se moque gentiment de lui. Il connaissait les piques, les reproches, les regards farouches, pas ces yeux brillants et ces remarques badines. Décontenancé, il ne sut pas comment réagir, puis finit par lâcher un sourire incertain.

"Rassure-toi, je plaisante, précisa Gilles en lui tapotant délicatement le genou, comme Robin venait de le faire. Mais il faut bien avouer qu'un simple souffle a réussi à te distraire de ta cible, la dernière fois.

-La dernière fois ? Tu ne parles pas de la bataille où tu t'es fait capturer, j'espère ?"

Robin se demanda aussitôt s'il était allé trop loin. Le Gilles qu'il avait toujours connu aurait sifflé de contrariété à ces paroles, mais c'était la première réplique qui lui était venue aux lèvres. Comme si c'était normal, naturel, de lancer des piques à ce frère dont il n'avait aucune idée qu'il était son frère quelques heures auparavant.

Mais Gilles ne se vexa même pas; il haussa simplement les sourcils, l'air de dire "Sérieusement, Robin ?", et lui tapota de nouveau le genou d'un air contrit.

"Quoi ? Tu ne vas quand même pas dire que je me suis battu comme un débutant lors de cette bataille, si ?

-Je n'irai pas jusque là, mais... avoue qu'il y avait des progrès à faire.

-Parle pour toi.

-Dites donc, vous deux. Si on vous dérange, il faut le dire."

Plusieurs rires fusèrent.

"Oui, désolé, s'excusa Robin en revenant rapidement à ce qu'ils étaient en train de préparer."

Il continua d'expliquer à ses hommes le déroulement de leur attaque à venir en oubliant presque que Gilles était soudainement devenu son frère. Mais à chaque fois qu'il regardait dans sa direction, les yeux du jeune homme étaient posés sur lui et il lui souriait d'un air tranquille.

/

"Tu ne trouves pas ça étrange ?

-Qu'est-ce-qui est étrange ?

-Eh bien, nous sommes là à discuter comme si nous avions toujours été amis. Ça ne te laisse pas pantois ?

-Ce qui m'étonne surtout, c'est que tu ne sois pas en train de critiquer tout ce que je fais.

-Je n'aurais pas eu besoin de le faire si tu n'avais pas été aussi énervant.

-C'est moi qui suis énervant ? Alors là, c'est la meilleure."

Robin se redressa de sa position accroupie et se tourna vers Gilles, qui n'avait pas arrêté de le suivre partout depuis la veille. Le jeune homme le regardait avec un sourire un peu béat qui le prenait toujours de court. Oui, en fait, Gilles avait raison : tout cela était bien étrange.

Poussée par une vague de tendresse comme il n'en n'avait jamais connue, Robin posa sa main sur la joue de son frère et la caressa avec son pouce.

"Comment vont tes blessures ? s'enquit-il pendant que le sourire du jeune homme s'élargissait encore.

-Je ne sais pas ce qu'Azeem a mis dessus, mais je ne les sens presque plus, avoua Gilles.

-Tant mieux. Nous allons partir dans quelques heures, alors je veux que tu sois en forme. Et si tu faisais une sieste, en attendant ?"

Après avoir lissé les cheveux de son frère derrière son oreille, il s'éloigna en direction de Fanny et de Petit Jean.

"Je ferai une sieste si tu viens te reposer avec moi, le rappela Gilles derrière lui.

-Allons, tu n'es plus capable de faire des choses par toi-même, maintenant ? s'amusa Robin en lui jetant un regard moqueur.

-Très bien, tu peux le prendre comme ça, si tu veux. Mais j'espère pour toi que tu n'iras pas tout gâcher en tournant de l'oeil comme une femmelette, tout à l'heure.

-Pfff."

Robin secoua la tête en étouffant un léger rire.

"Très bien, tu as gagné. Viens par ici."

Il les mena jusqu'à un recoin d'ombre, au bord de la clairière. Le sol était un peu inégal, recouvert de feuilles, de petits cailloux et de brindilles, mais en tassant bien, ils trouveraient bien un endroit confortable où s'allonger. Robin déblaya les bouts de bois et les fragments de roche du bout de la chaussure, un peu gêné par la situation. Sa fraternité avec Gilles était trop récente pour que l'idée de faire une sieste ensemble dans un petit coin d'ombre lui paraisse naturelle.

Une fois qu'il eut fini d'aménager l'endroit, il se tourna vers son frère et lui désigna le sol de terre et de feuilles.

"Je t'en prie."

Gilles passa avant lui pour s'allonger par terre, sous les arbres, et il parut lui aussi un peu embarrassé, jusqu'à ce que Robin vienne s'étendre à côté de lui. Ils ne dirent rien pendant un moment, occupés à observer distraitement la cime des arbres. Puis, après avoir jeté un ou deux coups d'oeil successifs dans sa direction, Gilles fit basculer son poids sur le côté et se nicha contre la poitrine de Robin. Lequel observa quelques secondes de surprise, le temps de se souvenir que Gilles l'Ecarlate ne le détestait plus, puis passa son bras autour de ses épaules. Il lui sembla presque entendre le soupir de satisfaction de son frère, et il baissa la main pour lui frotter le dos, avant de se souvenir que c'était une mauvaise idée. Avec toutes les plaies à vif qui le parsemaient, il n'était pas certain que Gilles ait envie qu'on le touche, même avec quelques caresses. Alors, il se contenta de chercher sa main qui s'était posée naturellement sur sa poitrine et la serra dans la sienne.

"Pas trop fort, protesta Gilles. C'est celle que tu as transpercée d'une flèche.

-Oh, excuse-moi."

Il présenta ses excuses d'abord pour avoir ravivé la blessure, ensuite pour l'avoir causée. Oui, envoyer une flèche dans la main de ce gamin colérique et fielleux n'avait pas été très mature, mais Gilles avait essayé de le poignarder dans le dos, pour commencer.

"Tu n'es pas obligé de la lâcher, poursuivit son frère en le sentant abandonner sa main. Evite juste de serrer trop fort.

-Oui, je ferai attention."

Robin reprit sa main et laissa passer quelques minutes, au bout desquelles Gilles se mit à somnoler, avant de rependre :

"Je suis désolé pour ça."

Il fallut attendre que le jeune homme émerge de sa torpeur pour avoir une réponse.

"C'est vrai que tu ne m'as pas raté.

-Ah, tu vois bien que je ne vise pas si mal que ça !"

Il regretta aussitôt ces paroles. Ce n'était pas un sujet sur lequel il était décent de fanfaronner ! Mais Gilles laissa seulement échapper un petit rire incrédule, avant de lancer :

"C'est parce que tu étais près de ta cible, rien de plus."

Il fit une pause, puis ajouta :

"Et je suppose que je devrais m'excuser d'avoir essayé de te poignarder, ce jour-là. Mais je t'assure que tu es vraiment irritant, quand tu t'y mets.

-Tu ne t'es pas regardé !"

Robin s'aperçut avec étonnement qu'il ne parvenait même plus à se vexer des piques de Gilles. Au contraire, elles l'amusaient et lui donnaient envie de répliquer. Enfin, sauf quand son frère lui rappelait sa main qu'il avait transpercée d'une flèche.

"Et maintenant, qu'est-ce-qui a changé ? s'enquit le chef des voleurs en tournant la tête vers lui. Me trouves-tu moins irritant ?

-Je te trouve plus supportable.

-Parce que nous sommes frères ?

-Je savais déjà que nous l'étions, Robin de Locksley.

-Alors, qu'est-ce-qui a changé ?"

Gilles prit un moment pour lui répondre. Peut-être qu'il réfléchissait sérieusement à la question, mais Robin se doutait bien que, depuis la veille, il avait eu tout le loisir de décortiquer ses sentiments à l'égard de son frère, et de se demander pourquoi il ne le fuyait plus comme la peste. Il attendit néanmoins une réponse avec patience, caressant d'une main distraite la nuque de Gilles et observant le ciel à travers les feuilles des arbres. Il sut que son frère était prêt à lui expliquer lorsqu'il le sentit se blottir un peu plus contre lui.

"Je pensais que tu me rejetterais, avoua le jeune homme d'une voix neutre. Tout comme tu as rejeté la femme qui a remplacé ta mère, même si elle faisait le bonheur de ton... de notre père. Si tu ne voulais pas d'une belle-mère, pourquoi aurais-tu voulu d'un frère ?"

Robin était sur le point de répondre, de culpabiliser, de se confondre en excuses, mais Gilles poursuivit :

"Mais il est évident que tu n'es plus le gamin égoïste et capricieux que tu étais avant. Ou du moins, je l'espère. Peut-être que tu redeviendras celui que tu étais lorsque tu quitteras cette forêt avec Marianne, mais je ne peux pas m'empêcher de te faire confiance. Et j'ai l'impression d'avoir le droit de t'admirer, maintenant que tu m'as accepté comme frère.

-Gilles, je suis vraiment désolé pour tout ce que j'ai fait. Je sais que mes actions n'ont pas toujours été bonnes, mais je te promets de me racheter à tes yeux.

-J'attends de voir ça. Et pour toi ? Qu'est-ce-qui a changé ? Tu t'es occupé de moi toute la nuit. Tu m'as pris dans tes bras et tu essaies de m'empêcher d'approcher le danger. Et tu viens de me faire un baiser sur la tête, compléta-t-il alors que Robin appuyait ses lèvres sur ses cheveux. Pourquoi ? Est-ce-que c'est simplement parce que nous sommes frères ?"

"Simplement ?" faillit s'indigner Robin. "Avoir un frère représente bien plus à mes yeux que tout ce que tu peux imaginer, Gilles."

Mais il devait bien admettre que, quelque part, son cadet avait raison.

"Oui, je dois bien admettre que je ne serais pas là à faire la sieste avec toi, sinon, avoua-t-il. Mais il n'y a pas que ça.

-Hum ?

-Je ne sais pas comment l'expliquer, mais maintenant que je sais que tu es mon petit frère, j'éprouve une envie irrépressible de te protéger. C'est plus fort que moi, Gilles. J'ai envie de prendre soin de toi.

-Parce que je suis ton frère ?

-Parce que tu es ma chair et mon sang. Parce que tu es l'égal et le complice que j'ai toujours voulu avoir. Parce que tu n'es pas si énervant, quand tu te tiens tranquille."

Il essayait de faire de l'esprit pour cacher la confusion qui transparaissait dans son discours.

"Oui, pourquoi me sens-je proche de lui, à présent ? Est-ce juste parce qu'il est mon frère ? L'aimerais-je moins s'il cessait de l'être ?"

"Si ça peut te rassurer, je comprends ce que tu veux dire, Robin, avoua Gilles, qui avait saisi son trouble et qui, par rare bonté fraternelle, n'avait pas l'intention de le laisser s'enfoncer. C'est sans doute la même chose qui me pousse à te faire confiance malgré tout, et à vouloir passer du temps à tes côtés. Et qui fait que je n'ai plus envie de me vexer lorsque tu recommences à faire le chef.

-Je suis le chef, Gilles."

Néanmoins, il avait lui aussi remarqué que leur nouveau lien rendait la vexation bien plus difficile, visiblement.

Avoir un frère était décidemment une question bien compliquée.

En attendant, Gilles paraissait déterminé à faire sa sieste, et accessoirement, à se servir de lui comme oreiller. Il se redressa un peu, se colla encore plus à Robin et posa sa tête à peu près au milieu de sa poitrine, avant de récupérer sa main qu'il venait d'abandonner et de la serrer dans la sienne -malgré sa blessure, apparemment. Il s'assoupit bien vite, et Robin, après lui avoir appuyé sur la tête un baiser plein d'une tendresse qui l'émut presque aux larmes, en fit autant.

Avoir un frère, c'était envoyer des piques sans parvenir à vexer, mais c'était aussi échanger des mots pleins d'affection. Avoir un frère, c'était également faire la sieste sous les arbres en pleine journée.

Et Robin avait hâte de découvrir ce que ça impliquait d'autre.


Peut-être que dans un milliard d'années ou une autre vie, quand j'aurai la foi/le temps/l'imagination, je ferai de ce one-shot un recueil de drabbles de frères bien niais fluffy comme je les aime. Peut-être. Pour l'heure, il y a d'autres histoires qui m'attendent.