Baignade contrôlée

« Cassie, non. Tu fais comme la grenouille, je t'ai dit. »

Tout dégoulinant d'avoir coulé à pic avec la grâce d'une enclume, et ce pour la quatrième fois consécutive, le nouveau-né envoya à son gardien un regard pitoyable de sous sa frange noire détrempée.

« C'est trop dur » gémit-il.

À cette réponse, un des sourcils roux de Gabriel s'en alla conter fleurette à la lisière de ses cheveux. Aussi délicatement qu'implacablement, l'Archange s'empara de l'une des jambes de son protégé pour la plier puis la déplier.

« Comme ça, tu te rappelles ? » insista-il sans cesser de manipuler le petit membre pâle. « Tu plies… et tu déplies. C'est pas compliqué du tout. »

« Si » marmonna Castiel qui se sentait décidément d'humeur grincheuse – probablement parce le soleil se trouvait en face d'eux et que, comme tous les gamins de son âge, le petit n'aimait pas ne pas réussir du premier coup.

« C'est compliqué parce que tu penses que c'est compliqué » riposta le Messager. « Allez, essaie. Ce coup-ci, je te tiens. »

Le duvet noir d'encre des petites ailes se hérissa, traduisant la furie de Castiel à l'idée d'être traité comme un bébé, mais il n'avait pas l'ombre d'une chance d'échapper à l'étreinte de l'Archange en dépit d'être bien mouillé et donc glissant. Résigné à son sort, il se mit à patauger sans grande conviction.

« Cassie, j'ai dit comme la grenouille » gronda Gabriel. « Pas juste agiter les jambes ! Tu veux vraiment que je te croque les pieds ? »

« T'es pas un Léviathan » protesta le nouveau-né, « tu peux pas me croquer. Même par morceaux. »

Un grand sourire rempli d'une dentition absolument impeccable et très fonctionnelle vint décorer la figure de l'Archange.

« Qui dit que je vais pas faire une exception ? » ronronna-t-il espièglement avant de fourrer son nez à la jonction du cou et de l'épaule du bambin. « Qui c'est qui sent le miam ? »

Castiel poussa un piaulement strident contenant une note d'hilarité, chatouilleux du cou qu'il était, et se mit à tricoter des jambes encore plus fort qu'avant.

« Plie un peu plus, minouche ! Ah, tu vois quand tu veux ! Peut-être que je devrais te croquer plus souvent, hein ? » plaisanta le Messager.

« Noon ! » hoqueta le bambin, secoué par des tremblements de rire.

« T'as raison, faut pas abuser des bonnes choses » concéda Gabriel. « Bon, ben, je crois que c'est assez d'efforts pour la journée. Est-ce que tu crois que tu mérites un brownie ? »

« Ouais ! » s'écria aussitôt Castiel, des étoiles dans les yeux – les brownies de Gaby, c'était du tonnerre.

« Sûr de chez sûr ? »

« Gabyyyy... »

« Bon, le poussin a parlé » décréta le Messager en changeant de prise sur son protégé pour le caler sur sa hanche. « On va se sécher d'abord, okay ? »

Le visage enfoui dans la poitrine de son gardien, la réponse du nouveau-né consista en un roucoulement enthousiaste.