Et l'après : Coupable

Seul

Je crois que la seule raison pour laquelle je ne suis pas devenu fou, c'est que je me savais innocent. Et comme ce n'était pas une pensée heureuse…

Les barreaux de sa cellule se referment en un bruit de ferraille, qui claque dans le silence presque morbide de ce soir de novembre. Sirius les fixe avec un air perdu, comme s'il savait pertinemment ce qu'ils impliquaient sans qu'ils paraissent réels pour autant. Puis son regard se stabilise, le métal reprend son contour, et le voilà à considérer son nouveau réel avec amertume. L'adrénaline désespérée des derniers jours retombe, et le bourdonnement incessant s'estompe dans ses oreilles. Ne restent que les bruits de la prison, les fourmillements des rats et autres insectes de passage, l'écho des gémissements de douleur des détenus.

Le jeune homme regarde autour de lui, avise la paillasse dans un coin qui doit servir de couchette. Très vite son regard revient sur les barreaux, sur ce mur de fer qui le tiendra à jamais éloigné du monde extérieur et de la lumière. Sirius croise les bras autour de son corps. Il fait sombre ici, froid. L'ancien Griffondor regrette soudain son dortoir, son lit chaud et douillet où la forme de son meilleur ami repose.

Dans une autre vie, il se serait précipité sous les draps, quêtant avec avidité le réconfort de James. Il se serait pelotonné contre le corps familier et rassurant de son double, aurait cherché une étreinte, un baiser, n'importe quoi pour se convaincre que tout allait bien se passer.

Ses bras retombent.

Sirius réalise qu'il ne peut plus se blottir contre James sous les couvertures. James est mort. Et c'est sa faute.

Sa vue se brouille à nouveau, cette fois de larmes. Tout seul dans cette cellule, livré à ses émotions, Sirius ne peut plus cadenasser ce qu'il ressent dans sa quête effrénée de vengeance. La culpabilité l'assaille de plein fouet, lui enserre impitoyablement le cœur et le voilà qui peine à respirer, le souffle coupé par la douleur.

James, son James, est mort.

Ses doigts se referment sur les barreaux, ils se crispent dessus jusqu'à ce que ses jointures blanchissent, tandis que de longs sanglots secouent son corps. Il baisse la tête et ses larmes tombent sur le sol. Il les a retenus tellement longtemps, il ne peut plus les contenir à présent et elles coulent librement dans un flot ininterrompu. Sirius pleure, parce qu'il a perdu son meilleur ami et une partie de lui-même, parce ses convictions se sont effondrées, ses espoirs ont été brisés, son avenir réduit à néant. Parce qu'aucun d'eux ne reviendra.

James est parti pour toujours.

Il n'y aura plus jamais de farces, plus jamais de secrets qu'eux seuls partagent, plus de conversations métaphysiques jusqu'aux premières lueurs de l'aube. Plus de baisers volés, plus d'aventures où ils défient le monde entier, plus de longues balades à explorer l'Angleterre sous leur forme animale.

Il n'y aura plus jamais de James et Sirius. Il ne reste que Sirius, tout seul dans sa cellule.

Il sait qu'il est innocent. Il sait que ce n'est pas lui qui les a vendus. Mais qu'est-ce que ça change ? Ça ne fera pas revenir James. Ça ne l'empêche pas de se sentir coupable. Parce qu'il n'a pas pu les protéger, parce qu'il les a convaincus de prendre Peter comme Gardien du Secret et que Peter les a trahis. Parce que pas un instant il ne l'a soupçonné alors qu'il n'a eu aucun mal à douter de Remus.

Remus…

Où est Remus à l'heure actuelle ? Que va-t-il advenir de lui ? Sirius se demande s'il arrivera un jour à se pardonner de s'être défié de lui. Lui qui n'arrivait pas à croire qu'ils puissent vouloir être leur ami, lui qui avait toujours tant eu besoin d'eux et de leur soutien. Lui que Dumbledore a envoyé au loin, au milieu de monstres, lui qui doit se sentir plus seul que jamais, quel que soit l'endroit où il se trouve. Sirius lui envoie des excuses, même s'il sait que son ami ne les recevra pas, et il prie pour que celui-ci s'en sorte.

La température chute brusquement, Sirius sent un vent glacial souffler dans le couloir. Un Détraqueur s'approche de sa cellule, sans doute pour observer la chair fraîche, semble prendre son inspiration. Le jeune homme sait que la créature essaie d'aspirer ses pensées heureuses, mais malheureusement pour elle, il n'y a que regret et désespoir en lui. Et la culpabilité, étouffante, écrasante.

Sirius s'en veut d'avoir laissé James mourir. Il s'en veut d'avoir confié le sort de la personne la plus importante de son univers à quelqu'un qui n'en valait pas la peine. Il s'en veut de n'avoir pas réussi à le venger, que le traître lui ait échappé. Plus que tout, il s'en veut d'être encore en vie. C'est lui qui aurait dû mourir, pas James. James avait une femme, un fils, un avenir. Sirius n'avait que James, et on le lui a pris.

Il fixe la capuche du Détraqueur, là où il se figure que se trouvent ses yeux, et le défie du regard. Vas-y lui dit-il, vas-y essaie, tu ne pourras rien m'enlever. Mon bonheur a déjà disparu.

Après un temps d'incertitude, la créature repart. Vidé, épuisé, meurtri, Sirius se traîne jusqu'au mur du fond et se laisse tomber sur la paillasse. Prostré sur le sol, en proie de nouveau au chagrin, il ferme les yeux et visualise son meilleur ami, son sourire goguenard, ses cheveux en bataille et son regard bienveillant derrière ses éternelles lunettes. Son rire franc, son air espiègle, l'expression de joie qu'il arborait après avoir gagné un match.

Sans qu'il s'en rende compte, les larmes recommencent à tomber.

Il pleure en silence pendant plusieurs heures, inconscient de ce qu'il se passe alentours. Il pleure, parce qu'il est innocent, et que ce n'est pas une pensée heureuse. Puis quand le matin pointe, ses larmes se tarissent, et il fixe le plafond avec lassitude.

S'il doit finir sa vie ici à payer pour ses fautes, ainsi soit-il. Azkaban n'est rien. Pour lui de toute façon, la plus horrible des punitions est de passer le restant de ses jours sans James.


Voilà voilà !

Ce recueil s'achève donc ainsi, je me hais.

N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé et je vous retrouve très vite pour les deux années qu'il manque !

Au plaisir,

Black.

PS: Mon dieu que j'aime James et Sirius T.T