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0n y est, le point final de Priorité à Droite vient d'être posé.
Ça n'a pas toujours été une aventure facile, j'ai maintes fois pensé que je ne finirai jamais ce projet, mais j'ai surtout pris beaucoup de plaisir à écrire cette histoire et elle me tient à coeur, alors j'espère qu'elle vous plaira.
Lumière est faite sur le titre et le concept.
Merci à Valmorel, mon acolyté préférée, qui sait si justement écouter mes mélodies, Akimichi, ma douceur au quotidien, et merci à vous.
A très vite, ou presque vite,
Neviy.
Le blond accentua la tension dans les muscles de ses bras, dardant un regard encore obscurci par sa récente inactivité sur les lignes noires ornant sa peau. Un premier soupir fila silencieusement entre ses fines lèvres, tandis qu'il se tournait en un bruissement de tissu, entreprenant d'étirer ses jambes encore endormies. La lumière du jour naissant traversait les rideaux clairs, et, en avisant ses traits danser avec arrogance sur les draps, Newt grimaça. Il repensait douloureusement aux centaines de millier de minutes de repos et de rêves colorés que l'inefficacité notoire de ces stores beiges lui avait déjà ôté. En posant ses pieds au sol, il prit la radicale décision de les remplacer le soir-même. Sur ces enthousiasmantes résolutions, le blond ramassa son pantalon de jogging lâchement abandonné sur le dossier de sa chaise, l'enfila rapidement et sortit de son antre, chacunes de ses cellules pulsant son besoin de caféine.
La consommation de café du jeune homme pouvait facilement être mise en corrélation avec l'adjectif excessif. Mais il ne fumait presque plus, avait recommencé à s'entraîner et était grandement motivé par sa représentation théâtrale à venir. C'est donc un léger sourire flottant sur ses lèvres, fin prêt à murmurer sa réplique finale en attendant que son café coule, qu'il traversa le couloir pour gagner la pièce écarlate qui leur - ou plutôt lui, les fois ou Minho s'était mis au fourneaux tendant vers le négatif - servait de cuisine.
Le blond décela directement la présence étrangère à quelques mètres de lui. Sur le canapé, soigneusement enroulé dans un plaid foncé, une forme humaine se redressait en position plus ou moins assise. Malgré l'heure matinale, Newt fit rapidement les quelques connections nécessaires dans son encéphale. Minho était sorti avec Thomas la veille, ils avaient dû rentrer ensemble, tard. Son colocataire partant généralement ramer trop tôt pour son insidieuse gueule de bois le samedi, le beau brun qui lui vouait un amour sans limite aucune avait investi leur canapé. Un regard alentour et le sac de sport de l'asiatique toujours présent près de l'entrée appris au blond que l'alcool avait vaincu le sportif et qu'il dormait encore profondément dans ses draps rouge et or.
Newt avisa le regard de Thomas sur lui et, fidèle à lui-même, lui décerna un signe du menton.
- Bonjour.
Il retint un sourire devant l'air du brun, toujours emmitouflé dans son tissu hivernal, lui-même n'étant vêtu que de son jogging, lui tombant sur les hanches. Sans prendre la peine d'arranger ses ondulations claires, il appuya sur le bouton centrale de sa bien-aimée cafetière et repris, avec une neutralité sans pareille.
- Un café ?
Newt se délecta presque de la surprise peu dissimulée du brun et patienta élégamment les quelques secondes que ce-dernier prit pour se remettre de ses émotions matinales. Un peu hésitant, mais l'air assez ouvert à cet échange, Thomas acquiesça légèrement.
- S'il te plaît.
Cinq minutes plus tard, Thomas définitivement assis sur le canapé, sa colonne parfaitement alignée au centre de la croix du légendaire panneau de priorité à droite, sirotait son café. Le plaid tombait sur ses jambes, ses épaules et son torse nu dévoilés aux yeux d'un Newt, adossé au plan de travail, sa nonchalance habituelle se mêlant à la satisfaction du breuvage qu'il buvait lentement. Les étudiants, ensemble sans l'être, laissaient les minutes s'égrener, chacun tentant de deviner si le silence environnant finirait un jour par être brisé.
- Pourquoi t'es si calme ? Ca vient d'où ce sang froid ? Tu prends jamais de petit-déjeuner ? Pourquoi tu restes sympa avec moi alors que j'ai toujours été désagréable ? Tu l'a acheté ou ton bomber jaune ?
Les mots filaient si promptement aux oreilles de Newt qu'il riva inéluctablement ses prunelles foncées sur les cordes vocales vibrantes du brun. La peau nue de sa gorge tressaillait délicieusement, et le jeune homme perdit rapidement le fil de ces trop nombreuses phrases trop soudainement débitées. Le blond laissa son regard glisser sur le torse de Thomas et oubliant son pragmatisme habituel, délaissa l'analyse au profit de la contemplation. Il se reprit rapidement toutefois et adopta un sarcasme souverainement maîtrisé.
- On va se détendre, Aladdin, il est même pas dix heures du matin et j'ai pas encore fini mon café. Je t'accorde trois questions, fais le bon choix.
Thomas ne cacha pas son sourire face à l'appellation et haussa les épaules, affichant un faciès strictement résigné à la discussion qu'il avait lui-même initié.
- Ingénieuses, tes méthodes, Jack Frost !
Newt sourit largement cette fois. Il était sincèrement amusé à la fois par le jeu de mot et par la référence tranquillement lancés par le brun. Curieux de nature, il appréciait les personnes cultivées et intelligentes et salua intérieurement la vivacité d'esprit de son meilleur ennemi. D'ordinaire odieusement inamical et tranchant, Thomas s'arrangeait régulièrement pour ôter au blond l'envie de lui adresser la parole ou de partager l'oxygène d'une même pièce avec son animosité exacerbée. Ils n'avaient jamais eu de réelles discussions, et ce n'est qu'à travers Minho, Teresa et parfois Alby, qu'ils avaient appris à superficiellement se connaître. Au delà de l'amusement et de son cheminement de pensées, Newt était grandement surpris par l'attitude positive et ouverte de Thomas. Il semblait, en effet, accepter la conversation, l'apprécier et l'avait même entamée. Malgré son aversion pour les premières heures de la journée, le comédien décida de se montrer coopératif.
Le brun, de son côté, semblait avoir délaissé son humour - très correct pour une heure si matinale - et recouvré tout son sérieux. Sa voix résonna tranquillement jusqu'à la cuisine pourpre.
- C'est quoi ton livre préféré ?
Newt sortit doucement le nez de sa boisson foncée, déjà bien tiédie et afficha un sourire si léger qu'il en était à peine perceptible. Nûment interloqué et surpris dans un sens qu'il se prit à trouver très positif, le blond ne réfléchit pas longtemps à sa réponse. Il s'interrogea cependant quelques secondes sur la question de Thomas,qu'il connaissait si peu, sur lequel il avait, malgré toute la neutralité qu'il avait tenté de conserver des mois durant, apposé un jugement sévère et des idées fausses. Le comédien n'avait jamais réellement imaginé leur première vraie conversation et ne s'attendait surtout aucunement à ce que le brun lui parle de littérature. L'absurdité de la situation n'ébranla pas pour autant son sang froid.
- Le maître des illusions, de Donna Tartt.
Le haussement de sourcils de Thomas n'échappa pas au blond. Se pouvait-il qu'il connaisse l'oeuvre qui l'avait souvent inspiré et fait voyager ? Newt capta soudainement les lèvres du brun s'entrouvrir, il observait décidément beaucoup les mouvements labiaux de son meilleur ennemi. Avant que ce-dernier n'ait pu prononcer un mot, il lança un avertissement, teinté d'une nonchalance paroxystique.
- Si tu demandes pourquoi, ça compte comme une deuxième question.
- T'es insupportable, Isaac.
Le dénommé s'autorisa un rire face aux lèvres pincées de son interlocuteur. Sympathique et sociable, il n'en restait pas moins très joueur, un brin provocateur et il avait clairement saisi cette jolie opportunité de se venger un peu de la désobligeance dont Thomas avait éminemment fait preuve tout au long de l'année écoulée.
- Je prends le compliment. Et dépêche toi un peu, j'ai pas toute la journée à t'accorder, Edison.
Newt réceptionna joyeusement un geste obscène en guise de réponse. La deuxième question, toutefois, ne tarda pas. Thomas parla de musique, cette fois-là, d'une chanson ou d'un morceau particulièrement inspirant. Le blond fit disparaître les intenses images dansant devant ses yeux avant de les river dans les prunelles de Thomas.
- La musique d'ouverture d'un des spectacles du cirque du soleil, Volta. Elle s'appelle To The Stars. Elle te donne l'impression d'être invincible, de tout pouvoir faire et réaliser. C'est très inspirant.
Toujours installé sur le canapé, Thomas se tut. Son air était difficilement déchiffrable à cet instant précis et une part de Newt se félicita d'avoir une raison valable de le détailler encore et encore, d'analyser et d'observer chacun de ses traits, d'aviser ses cheveux en bataille et de trouver un charme à ce naturel matinal. Thomas ne le regardait pas, cette fois, il mordillait un de ses ongles, faisant tressauter ses lèvres à la teinte parfaite. Newt secoua la tête, et tandis qu'il se tournait pour déposer sa tasse finalement vidée dans l'évier, la voix du brun vint caresser son dos nu.
- Pourquoi tu me détestes ?
Le blond avait espéré une question sur la peinture ou le cinéma, cette fois. Mais il avait fallu que cet imbécile de scientifique remette le sujet sensible sur le tapis. Newt le maudit et l'injuria intérieurement une bonne centaine de fois. Ce matin-là, ils avaient menés ensemble une conversation, en souriant, riant, parfois, sans s'entretuer, mais il avait fallu que le brun gâche tout. Il était définitivement doué pour casser l'ambiance.
Newt n'eût pas le temps de trouver une réponse adéquate que la porte de la chambre de Minho s'ouvrit avec fracas, laissant apparaître l'asiatique, en caleçon, l'air enjoué et chantant un morceau pop beaucoup trop aigu pour lui à tue-tête. Il se stoppa net à mi-chemin du réfrigérateur, son faciès éberlué ôtant encore un peu plus de sa crédibilité.
- Quoi ? Newton Isaac et Thomas Edison dans la même pièce, en pleine conversation ? Mais c'est incroyable, dire que j'ai raté ça à cause de mon dernier verre ! Teresa me croira jamais. Ca va les gars ?
Il se dirigea vers Thomas pour le saluer, mais ce-dernier ne daigna même pas lui dire bonjour. Visiblement irrité, le brun balayait d'un geste de la main le flot de paroles d'un Minho offusqué de son manque de politesse. Newt haussa un sourcil. Le brun à la sympathie déficitaire devait, à travers les quelques phrases qu'ils avaient échangées, avoir usé la totalité de son capital amitié quotidien.
Le blond profita de l'intervention de son colocataire pour se diriger vers sa chambre. Avant de disparaître derrière le panneau en bois, il lança quelques mots à Thomas, qui le suivait silencieusement du regard. Dire que sa journée commençait à peine.
Un soupir fila entre ses lèvres et Thomas réalisa qu'il s'approchait de sa cinquantième plainte en un laps de temps bien trop court. Il avait délaissé son appartement au profit du canapé si familier de l'antre de Newt et Minho. Seul, Minho étant étrangement allé acter sa présence à l'un de ses cours de quatre heures et l'acrobate parti à une journée entière de répétition, il fixait un quelconque point dans le vide, perdu, encore plus que d'ordinaire. Ses pensées tournoyaient trop rapidement à l'intérieur d'un encéphale en évidente surchauffe, des milliers de doutes le tiraillaient sans arrêt, il suffoquait presque, enlisé dans une situation à l'inconfort extrême et des sentiments contradictoires qu'il ne contrôlait pas. Il nourrissait une maladive obsession pour un seul être aux ondulations claires, pourtant, son mal-être et ses interrogations ne provenaient que de lui-même. Thomas Edison s'était engagé, corps et âme, il y avait des mois de cela, dans une lutte acharnée contre lui-même.
Il en prenait conscience, chaque jour un peu plus, et se déchirait entre la peur et la culpabilité. Sa récente conversation avec Newt l'avait heurté, juste assez fort pour que l'impact résonne dans sa tête, entaillé juste assez profondément pour qu'il ne ressente pas la douleur mais voit la cicatrice laissée. Thomas avait la fâcheuse habitude de gâcher le beau. De par une haine injustifiée, malgré les efforts du blond, il avait ruiné une belle rencontre, à la fin de l'été dernier, une rencontre toute douce, un hasard aux effluves harmonieuses ; il avait noyé, sauvagement, une relation à naître, écrasé du pied de nombreux sourires. Et ce samedi matin là , une nouvelle fois, il avait réussi à gâcher la beauté d'une tranquille conversation matinale, en demandant à Newt les raisons de sa haine. Thomas leva les yeux au ciel. La voix nonchalamment moqueuse du blond avait fini par lui répondre. "C'est toi qui me déteste, Edison. Moi, je m'adapte".
La haine provenait de lui. Et uniquement de lui. Elle était issue d'un mélange affreusement mal dosé d'ignorance, d'agressivité et de protection. Thomas ne haïssait pas Newt. Il était éperdument amoureux de lui et avait stupidement rejeté sur le blond la responsabilité de ses propres sentiments. Sentiments qui avaient complètement brisés ses convictions, sa ligne directrice, ses croyances, sa connaissance de lui-même. Le brun se frotta nerveusement le visage. Ils étaient si différents.
Depuis ce premier vendredi soir, Thomas regardait le blond de loin, de beaucoup trop loin. Il pataugeait, perdu dans son dégoût de lui-même. Les limites que son esprit cartésien lui imposait, Newt voguait tout simplement dessus. Et cet être libre prenait les vagues de plein fouet, il se jetait et s'éloignait tellement dans la mer agitée, que Thomas, les pieds ancrés sur le rivage, finissait par le perdre de de vue.
Newt avait toute cette insouciance, cet optimisme, cette curiosité démente qui débordait en lui, toute cette quantité de choses qui filaient dans le son de son rire, dans les innombrables lueurs dansant dans ses yeux sombres. Ses yeux ressemblaient à des nuits étoilées, le genre de nuit ou le ciel brille si intensément, qu'il semble guider les âmes les plus égarées vers des horizons nouveaux. Et si Thomas rêvait à chaque instant que le beau blond le libère de la cage qu'il s'était lui-même érigé, qu'il le prenne par la main et l'emmène dans son monde ou les limites étaient brisées par la seule force d'un sourire, il mourrait de peur. Il avait peur d'être abandonné au milieu des flots, de se noyer, de se laisser envelopper par la solitude et le froid, de retrouver ses anciens démons et d'être attiré, à nouveau, par le néant.
Thomas était allé beaucoup trop loin dans sa haine envers Newt. Pour se protéger il avait bâti de nouvelles barrières. Barrières qu'il craignait ne jamais plus pouvoir franchir. Et en fermant douloureusement les yeux, il envisagea, pour la première fois, de ne plus jamais pouvoir contempler de ciel étoilé.
Et même s'il mourrait littéralement de peur, Thomas ne pouvait pas se résoudre à abandonner ces nuits pavées d'étoiles. Il lui dirait, il lui dirait tout, il lui dirait à quel point il avait été con et il n'attendait que d'être effleuré du doigt, frôlé du bout des lèvres et plaqué contre une surface solide par le bras musclé et tatoué de Newt. Le brun grimaça. Il ne savait pas s'exprimer et avait trop avancé dans un sens pour simplement s'excuser en quelques mots et plonger sans peurs ni craintes dans une déclaration auprès d'un garçon qu'il avait nourri de haine et qui ne voulait sans doutes même pas de lui. Un peu désespéré, toujours hésitant, il essayait de coucher ses mots sur papier. Il n'écrivait pas vraiment une lettre à Newt, c'était même plutôt à lui-même qu'elle s'adressait, pour lui offrir un peu de bravoure, pour porter haut les couleurs de Gryffondor, pour avouer ses sentiments à l'irrésistible et inatteignable Draco Malfoy des temps modernes, sans vouloir disparaître dans une armoire ou sous une cape au moment fatidique.
Thomas griffonna alors, des heures durant, sans trop de cohérence, avec des pauses trop régulières et à la longueur indécente, ouvrant le réfrigérateur pour voler toutes les boissons possible à l'étage de Minho et inspecter l'alimentation de Newt, cherchant peut-être à y trouver un lien avec son physique parfait, survolant un vieux tome de Mélusine trouvé sous le lit de Minho, lui envoyant une dizaine de messages sans queues ni têtes pour lui rappeler les romans jeunesse qu'ils dévoraient avant et après leurs parties interminables de jeux vidéos. Il retranscrit le charisme du blond, l'effet de ses sourires, la haine profonde que lui-même nourrissait face à son indifférence grandissante, l'expression de son inimitié, l'espoir de voir le comédien réagir à ses attaques, ses tentatives vaines de le déchiffrer en utilisant l'astrologie, les ascendances. Il écrivit comment il avait dévoré Le Menteur, imaginé Newt dans le rôle de Cliton, écouté vingt fois de suite sa chanson préférée, s'était tourmenté des soirées entières à tenter de comprendre pourquoi toutes ses pensées n'étaient orientées que vers l'infernal colocataire de son meilleur ami. Thomas souriait, se délectant des images qui s'imposaient à lui, profitant des sonorités propres aux blonds qui lui caressaient les oreilles. Newton Isaac était insidieusement entré dans sa peau, dans sa tête et dans chaque infime parcelle de son être.
Le brun froissa le papier entre ses doigts. Ses peurs ne l'avaient pas quitté, mais elles semblait à présent surpassées par d'autres sentiments, d'autres envies, une nouvelle témérité pas très assurée. Newt occupait une nouvelle fois son esprit, ce soir-là, mais c'est dans ses yeux qu'il se noyait, contre ses lèvres qu'il souriait et c'est habité par une nouvelle chaleur qu'il quitta le salon, sa lettre soigneusement pliée dans la poche de son jean, laissant les reflets du soleil couchant danser sans lui sur le panneau de priorité à droite qui connaissait désormais ses moindres secrets.
Le blond massa longuement les muscles raidis de sa nuque, étouffant quelques larges bâillements. En ce samedi matin printanier, il s'était généreusement octroyé plusieurs heures de sommeil supplémentaires et il avait fallu que le soleil dépasse le zénith pour qu'il daigne interrompre ses prélassements et se vêtir, dans le but de sortir de son antre pourtant si confortable. La grande mansuétude qui le caractérisait lui avait fait promettre à son impétueuse et tranchante brune préférée de réserver deux heures pour aller boire un café avant sa dernière répétition.
Newt s'attela donc à retrousser son pantalon chino bordeaux, avec une minutie presque exagérée, ses pensées vagabondant sauvagement vers son équilibre relationnel particulièrement bancal. Si sa colocation avec le légendaire et mal vêtu Minho était tant une franche réussite qu'une franche rigolade, que sa relation fraternelle et intellectuelle avec Teresa le comblait de bonheur et de joutes verbales et que les idées parfois plus conceptuelles que brillantes d'un Alby aux noeuds papillons de qualité avaient le talent de chasser sa rarissime mauvaise humeur, le blond était toujours grandement déstabilisé par Thomas. Il avait, évidemment, tenté de passer outre leur conversation cordiale et la gentillesse aussi soudaine qu'inopinée du brun mais il contrôlait parfois difficilement ses émotions. Malgré lui, il avait été troublé de constater qu'un sourire de l'odieux Thomas et quelques signes d'intérêts à son égard avaient presque pu briser la distance installée et la barrière érigée par ses soins entre l'inamical personnage et ses potentiels sentiments et états d'âme. Bousculé par ces choses qu'il ne contrôlait pas, agacé par l'emprise du descendant de la lignée Edison sur lui, Newt avait décidé de ne plus laisser de place à un quelconque espoir ou une démente indulgence, de simplement construire sa vie à l'abri de tout regard liquoreux.
Il finit de boutonner sa chemise à pois, un fin sourire sur ses lèvres angéliques et gagna la cuisine, dans le but de se sustenter avant de quitter l'appartement.
Le blond avait perçu les éclats de rire entremêlés de Thomas et Minho depuis sa chambre quelques minutes auparavant, mais le douceur sereine du silence avait réinvesti l'espace de cuir et de tôle voilée dans lequel s'étaient déjà déroulées de nombreuses et mythiques soirées. Newt s'attendait à trouver l'espace libre, le brun était pourtant là, assis à sa place habituel, sur le canapé qu'il occupait, depuis quelques semaines, presque aussi souvent que les réels résidents de l'appartement.
- Il est où Minho ?
La question parut brutale, l'absence de salutation venant alourdir presque violemment l'atmosphère entre les deux étudiants. Le brun ne se démonta pas, gardant les sourcils relevés et une esquisse de sourire sur le visage.
- On a joué à Pierre-Feuille-Ciseaux pour savoir qui irait chercher un thaï. Il a perdu, Minho joue…
- Toujours la même chose, je sais. Ciseaux, feuille, puis pierre.
Le blond ne put s'empêcher d'afficher un air amusé, l'asiatique n'avait toujours pas réalisé ou corrélé ses défaites constantes, ce dont, en bon serpentard qui se respecte, il jouait sans mesure ou ménagement. Thomas, qui revêtait plutôt un profil Gryffondor selon son avis de fan invétéré, avait, sciemment, abandonné la loyauté et le sens de l'amitié dont se pavanaient si odieusement les rouges et or, au profit de la paresse pécheresse, et avait donc laisser Minho s'acquitter de la mission déjeuner. Newt bataillait mentalement pour placer Teresa dans la bonne maison quand la voix du brun s'éleva à nouveau.
- Je maintiens que t'as exactement la même tête que Jack Frost, mais t'as droit à trois questions aussi.
Newt fut vivement traversé par l'envie démente de gifler Thomas, de se délecter du son sec du contact de leurs épidermes, de pouvoir lui hurler qu'il n'était pas en droit de décider de son envie de lui poser des questions, de leurs conversations, de quelque échange que ce soit sans le concerter avant. Il mourrait d'envie de lui asséner sèchement qu'il ne réalisait pas l'impact que toutes ces comparaisons, références, sonorités avait sur lui et qu'il n'aspirait qu'à être tranquille, débarrassé enfin de ces yeux ambrés, qui lui transperçaient le coeur une énième fois. Piqué par la curiosité, désireux de conserver sa nonchalance, il haussa les épaules.
- Tu comptes t'installer définitivement sur notre canapé ?
Il sembla au blond, qu'une fois de plus, ce n'était pas les mots auxquels le brun s'attendait. Finement, il réprima son insolence et cacha sa satisfaction au regard quelque peu déstabilisé de son interlocuteur, qui, cette fois encore, su rebondir.
- Avoue que je rendrai bien dans le décor, Isaac ! Et tu pourrais m'observer et m'admirer à ta guise.
- Excellent, moi qui voulais une baignoire, ça me donne une raison de plus de déménager.
Ils arboraient tous deux des sourires narquois et Newt se décida à renchérir, consumant sa deuxième carte avec une interrogation prodigieusement moqueuse.
- T'es insupportable, Edison, c'est un talent naturel ?
Le blond portait toujours son sourire, impatient de tester les limites de la répartie de son meilleur ennemi, galvanisé par l'idée seule d'un challenge intellectuel. Face à lui, le brun perdit sa propre courbure labiale, qui fut trop brusquement remplacé par un air grave, un peu nerveux. Il se mordilla la lèvre.
- Je suis pas toujours très malin, c'est pénible je crois. Genre, je te déteste pas, tu vois, loin de là, mais je suis vraiment con alors...
Newt leva la main, geste simple mais brusque, enjoignant Thomas au silence. Son appétence pour la joute verbale qu'il pensait poursuivre et son impatience étaient furieusement retombées, laissant place à une colère vibrante. Le blond était formidablement excédé, las de faire des efforts, de subir les variations du brun. Laissant volontairement le silence s'installer, il traversa la pièce pour se saisir de son bomber jaune et repassa, toujours sans mot dire devant un Thomas décontenancé. Son visage délicat paraissait calme, mais c'est d'une voix blanche qu'il offrit au brun sa réaction.
- Ecoute, Edison, on va utiliser ma troisième question comme une requête. Epargne moi tes conversations et états d'âme, continues à m'ignorer comme tu as si bien su la faire depuis septembre et laisse moi tranquille. J'ai absolument aucune envie que tu débarques dans ma vie. Merci. Et bonne journée.
Sans laisser au brun la moindre occasion de lui répondre, ni même lui accorder un regard sombre, Newton Isaac quitta l'appartement, ses timberlands délacées, ses jointures blanchissantes tant sa poigne était serrée autour de sa veste préférée.
Thomas resta seul, la faim coupée, la vague envie d'être assommé ou tué par une chute inopinée du panneau de priorité à droite accroché au-dessus de sa tête.
Assise en tailleur sur le cuir foncé, la brune se pencha pour attraper habilement sa bouteille en verre du bout des doigts et la porta lentement à ses lèvres, laissant couler le liquide tiédissant à l'intérieur de sa gorge. Une paire d'heures plus tôt, elle était arrivée, les yeux cernés, les traits tirés mais l'air soulagé, elle avait alors tranquillement ôté ses bottines, sorti sa chemise de son jean et enlacé joyeusement un Minho aux yeux rieurs, transportant deux bières et des pringles.
Teresa rangea sa bière dans le pli de son genou gauche, une manette posée en équilibre sur sa jambe droite et se frotta les yeux, étalant artistiquement son liner, dans un souci de l'harmoniser au bas froissé de son chemisier et à ses chaussettes dépareillées, l'une à l'effigie de Serdaigle, l'autre imprimée de chouettes blanches et de balais. A ses côtés, Minho grignotait un reste de pizza de sa main libre, l'autre caressant distraitement les mèches désordonnées de la brune. La douceur de l'instant semblait frôler leurs peaux, illuminer leurs regards et étirer leurs sourires respectifs. Même ce silence ambiant, qui succédait à une partie de jeu vidéo, à un repas improvisé et à quelques fous rires que tous deux devaient à l'univers fournis et diversifié de Youtube, ne parvenait pas à gêner les deux étudiants. Teresa le brisa toutefois.
- C'est demain soir, Le Menteur, tu crois que Thomas ira voir Newt jouer ?
Minho ne prit pas la peine de dissimuler son soupir agacé, il réfléchit quelques instants, tentant de faire la lumière sur les péripéties relationnelles de ses amis, rassemblant ses informations diverses et assurément déformées sur le cas complexe de ses énergumènes favoris.
- J'en sais rien, Tee. Je suppose que oui. J'ai cherché le déj, tout à l'heure, il était bizarre quand je suis rentré, un peu blasé, silencieux, genre. Il a sauté sur la première occasion pour partir.
La brune haussa un sourcil, à la fois intriguée et désabusée. Il y avait de cela des mois qu'ils assistaient, Alby à l'appui, aux rapports compliqués entre Newt et Thomas. A force de persuasion et piques bien placées, la journaliste était triomphalement parvenue à faire admettre au blond que sa morosité quant aux inimitiés de Thomas était peut-être dues à quelques sentiments ou affections. Minho, lui, usant de sa connaissance parfaite de Thomas et de ses capacités sociales et empathiques aiguisées, avait su faire admettre au brun que la haine qu'il vouait à Newt était plus illusoire que réelle ou justifiée. Les deux jeunes hommes, pourtant, restaient aveuglément sur leurs positions, incapables d'abolir les barrière qui les séparaient vicieusement d'un bonheur sans limites.
- J'ai pris un café avec Newt avant, il était nerveux, aussi. Je mettais ça sur le compte du stress, mais visiblement le stress c'est Thomas.
Minho caressait toujours délicatement les cheveux de la brune qui se mit à jouer avec le cordon du gilet du sportif. Leur proximité n'était pas nouvelle mais elle s'amplifiait ce soir-là et ces doux contacts leurs étaient particulièrement agréables. Teresa posa sa tête sur l'épaule solide de l'asiatique avant de reprendre, passablement agacée.
- J'ose espérer que Thomas va se pointer demain soir, rejoindre Newt en coulisse à la fin et lui dire à quel point il est putain d'amoureux de lui depuis le début.
- Et quoi ? Que Newt le chope par le col et l'embrasse contre un mur en l'insultant ?
La brune ricana, tous ses espoirs réunis et concentrés vers la réalisation improbable mais satisfaisante de leur plan parfaitement ficelé. Elle avait réellement envie de voir l'idylle entre ses amis se concrétiser et saisirait joyeusement l'opportunité de les charrier à vie sur ces stupides mois de souffrances et questionnements inutiles.
- La vie est belle, on a juste du mal à le réaliser, parfois.
La voix de Minho était teintée d'une sérénité sincère, il semblait calme, son organe vital s'était ralenti, ses mouvements adoucis. Sans se départir de ses sonorités moqueuses, il constatait une réalité et préférait en rire que s'en formaliser. Teresa le dévisagea, réalisant, elle, à quel point ce personnage était haut en couleurs et intriguant, combien il était bon de l'avoir dans sa vie. Elle ne put s'empêcher de taillader quelque peu leur amis communs.
- Ils sont vraiment cons. Ils pourraient être si heureux ensemble.
L'asiatique referma ses bras sur elle en riant à la vue de son expression frustrée, furieuse et incrédule. Ses intonations déclinèrent légèrement lorsqu'il reprit la parole.
- Tu crois pas qu'on est un peu cons, nous aussi ?
Et quand Teresa plongea son regard dans le sien en secouant négativement la tête, il décela dans son sourire, les plus beaux présages, l'aube et le crépuscule et les plus vives couleurs du bonheur.
Debout au milieu de ce salon aux odeurs, aux couleurs si familières, laissant les minutes s'égrener et le temps couler, se consumer, s'échapper comme de la fumée entre ses doigts, Thomas attendait. Le brun avait gardé sa veste et semblait figé, au centre de la pièce, sans percevoir les heures se faner. Et dans le silence environnement, il pouvait entendre son coeur cogner furieusement contre sa poitrine, à ses tempes, au bord de ses lèvres pâlies.
Ce ne fut qu'infiniment plus tard que le blond passa la porte, ses traits délicats soudainement un peu déformés par la surprise.
- Tu as été excellent.
Chacune des intonations, parfaitement mesurées du valet caressèrent une nouvelle fois les oreilles du brun, il revit chaque expression habiller son visage sans défauts, les moindres détails, coutures, teintes de son costume, ses quelques mèches blondes humidifiées par la moiteur du théâtre qui affichait complet.
Newt eu un réel sourire. Il sembla à Thomas qu'il voyait cette fascinante courbure pour la première fois.
- Merci d'être venu.
Le brun ne souriait pas.
- Je te promets de te laisser tranquille si c'est ce que tu souhaites, mais je voudrai que tu m'écoute, juste deux minutes. Je suis désolé.
Thomas inspira, s'humecta les lèvres, crocheta son épaule, laissant ses doigts tendus y tracer de profonds sillons. A la fois possédé par la peur et envahi d'une chaleur aux effluves libératrices, il sauta dans le vide, son regard liquoreux quittant ses pieds pour plonger désespérément dans les prunelles abyssales du blond.
- Bien sûr que je suis venu te voir. Je mourrai d'envie de venir te voir jouer, et je meurs toujours d'envie de te découvrir, de passer du temps avec toi, de pouvoir t'admirer et t'embêter chaque jour du reste de ma vie. Je t'ai jamais détesté, je me persuadais te vouer une haine sans limites. Je sais que tu veux pas de moi dans la tienne, mais toi, t'as débarqué dans ma vie, t'as tout bousculé et j'ai pas réussi à l'admettre ou l'accepter. La vérité c'est que je suis foutrement amoureux de toi, Newt. Et j'avais vraiment besoin de te le dire.
Le brun quitta l'obscurité étrangement attractive des prunelles du blond et son regard attrapa la porte de l'appartement, vers laquelle il se détourna lestement. Une voix dure claqua derrière lui.
- Attends un peu, j'en ai pas terminé avec toi, Edison.
Glaciale, parfaite, terriblement séduisante, la neutralité habillait les traits de Newt. Elle ne dura pas, remplacée rapidement, par un air exagérément blasé et un sourire à peine dissimulé. Le blond passa un bras tatoué dans ses mèches désordonnées.
- T'as intérêt à être le copain parfait pour me faire oublier cet odieux comportement.
Le brun fronça les sourcils, encore secoué par les émotions brutales qu'il avait laissé échapper. Sa voix tremblait, un peu cassée.
- Tu… Je comprends pas, tu veux dire que ?
Le brun leva les yeux au ciel, en secouant théâtralement la tête, murmurant quelques mots, usant d'accents carnassiers et un brin moqueurs.
- Tu parles beaucoup trop, Tommy.
Newt franchit la distance le séparant du brun, attrapa presque violemment sa nuque et scella leurs lèvres en un baiser puissant et libérateur. Thomas prolongea cette étreinte, chacun d'entre eux appréciant cette nouvelle saveur d'un amour surréaliste, doucereusement agrémenté d'une haine passionnelle.
Le blond sentit Thomas sourire contre ses lèvres et les siennes se courbèrent tranquillement, tandis qu'ils se laissaient tout deux happer par la légèreté des sentiments.
Merci.