Les mois passent, et les choses se passent bien. Pas juste bien. Hotch contemple sa vie et, pour la première fois, il n'a aucun doute en ce qui concerne son avenir. Son avenir c'est Jack et Spencer et la maison qui est devenue leur foyer. Son travail, son équipe. Il ose espérer. Le lièvre et le chien-loup, irrévocablement entrelacés.

C'est réconfortant. Aussi familier que ramasser un livre tant aimé qui a été mis de coté pour un temps, pour aisément replonger dans l'histoire comme s'ils n'avaient jamais fait de pause.

Il commence à penser qu'il ne reste pas grand-chose à propos de Spencer Reid qui pourrait encore le surprendre.

-o-o-o-

Le Texas arrive, ainsi que l'affaire qui change tout. Une corruption si profonde que Hotch se sent malade rien qu'à y penser, comme si les effluves recouvraient encore toute son équipe, presque impossibles à faire partir. Ils sont tellement occupés à regarder au-dessus de leur épaule qu'ils ne voient pas le danger venir de devant eux.

Dans une pluie de coups de feu, deux balles touchent leurs cibles.

Le lièvre vacille, puis tombe.

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- Le suspect entre dans le dîner Loberto. Je répète, le suspect entre dans le dîner Loberto.

Hotch croise le regard de Rossi et planifie son prochain coup. Il fait des choix tous les jours, des choix qui changent des vies. Ces choix changent rarement la sienne mais, quand ils le font, le résultat est catastrophique.

Ce moment est un de ceux-là, bien qu'il ne le réalise pas encore.

- Très bien, Blake, allez avec Reid voir le shérif. Dave et moi allons coordonner la manœuvre d'ici.

Reid fait un grand sourire et part avec un hochement de tête, Aureilo sur ses talons. Ils restent proches les uns des autres dans cette ville où tous les murs ont des oreilles.

Mais pas assez proches.

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Reid hausse les épaules, plisse les yeux et examine le diner. Il a l'air paisible. Les apparences peuvent être trompeuses, ils le savent tous.

- Les gars, on a du mouvement, murmure un flic. Nous devrions y aller maintenant, shérif.

Son dæmon chacal tremble à ses cotés, impatient d'agir.

- En fait, il vaudrait mieux établir le périmètre avant, signale Reid en se mettant derrière Blake. Nous pourrons alors établir une ligne de communication.

Le shérif hoche la tête d'un mouvement ferme

- Très bien, d'accord.

Il se tourne, ouvre la bouche, chancèle et tombe.

Du rouge apparait.

Reid réalise qu'un coup de feu à été tiré avant de voir le sang. Il réagit d'instinct et se met à couvert. L'appel familier « coup de feu ! » retenti. Il reste à couvert, Aureilo étendu à coté de lui, à observer. Planifier. S'adapter à la situation. Blake va voir le shérif, il sait ce qui va se passer avant que ça n'arrive, il le visualise clairement. Le sifflement aigue et elle tombera, les couvrant d'or alors que Tod disparaîtra pour toujours.

Il a toujours eu la ferme opinion que sa vie était la plus utile au service des autres. Cette occasion n'est pas différente. Aureilo bondit, et d'un mouvement vif, intercepte Tod d'un bond.

- A couvert !

- Blake ! s'écrie-t-il en se précipitant vers elle.

Ses doigts effleurent son gilet.

Plus tard, il se souviendra parfaitement de la manière dont ses cheveux avaient caressé l'arrière de sa main alors qu'elle tombait en avant.

Il y a le sifflement aigu auquel il s'attendait. Puis, la douleur.

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Hotch n'a jamais cru aux pressentiments. Tout peut être organisé entre la logique froide et la raison. Rien ne tombe entre ces catégories.

Hal fait les cent pas avec impatience, et il ne peut nier que quelque chose ne semble pas aller bien. Il embrasse cette sensation. Son subconscient étudie des indices que son esprit conscient a raté.

- Il faut qu'on y aille, dit soudain Hal en se retournant, les yeux fous. Hotch, il faut qu'on y aille tout de suite.

Rossi se tourne et les regarde avec méfiance. Hotch marque une pause. Il craint de laisser son ami tout seul. Seulement, la dernière fois qu'il a ressenti ça, Reid avait volontairement fait une overdose sur le sol de sa cuisine.

- Vas-y, dit Rossi.

Ils y vont. Ils ne peuvent rien faire d'autre.

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Il entend les coups de feu et Hal est plus rapide que lui, se précipitant vers les lumières clignotantes avant que Hotch ait seulement retiré sa ceinture. Il n'entend pas le tir qui le touche, ne le voit pas tomber. Pendant les heures à venir, il va l'imaginer avec tous les détails sordides encore et encore avant que la douleur atroce de cette pensée ne le fasse vomir.

Il voit Tod se figer, et Aureilo bondir devant lui. Ils ne sont pas en danger, ils sont trop près du sol pour que le tireur les voie et les cible. Il n'a pas peur. C'est leur travail. Il a confiance en son équipe. Il avance calmement. Il peut voir Aureilo être arrêté en plein bond et chuter au sol comme si ses pattes avaient été balayé sous lui. Il en rit presque. C'est presque amusant. Il n'a jamais vu le lièvre être maladroit auparavant.

Mais Aureilo ne se relève pas.

Hotch reste calme, concentré. En mode agent. Il se met à couvert, évalue la situation. Il est calme, jusqu'à ce qu'il entende quelque chose qu'il n'a jamais entendu auparavant. C'est un son long et lugubre, et tout le monde s'arrête pour l'écouter. Même les coups de feu cessent un instant à ce bruit inattendu.

Halaimon hurle, et dans cet unique moment tout devient clair et il sait que tout a changé.

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Il trouve Blake. Puis Reid. Il suit le hurlement, même si chaque part humaine en lui lui dit de faire demi-tour car à l'arrivée il trouvera quelque chose de douloureux. Quelque chose de fatal. Un loup aux crocs avides.

Ou la Mort aux bras avides.

Il avance malgré tout. C'est tellement différent. Il ne panique pas et ne perds pas la tête comme dans l'affaire de l'anthrax. Il ne sert par Reid contre lui pour lui dire combien il l'aime comme avec le Replicator.

- Il y a beaucoup trop de sang, dit Blake avec les yeux écarquillés de panique en pressant ses mains contre la gorge de Reid.

Et elle a raison. Il y a beaucoup trop de sang. Ca le recouvre, ça la recouvre, collant leurs vêtements à leur peau et emplissant l'air de l'odeur de cuivre. Hotch a déjà vu autant de sang avant, tant de fois. Suffisamment de fois pour savoir qu'en général c'est suivi d'un sac mortuaire, et d'une visite solennelle d'un agent de l'état.

Pendant un moment irréel, il pense à ce que cela ressemblerait pour lui. Il répondrait à la porte, peut-être avec Jack dans ses bras, ou peut-être que Jack serait en train de dormir. Peut-être avec le diner à table, avec trois places de mises bien que seules deux parts soient préparées.

Ils lui demanderaient de s'asseoir. Ils s'assureraient qu'il ne soit pas seul. Ils n'utiliseraient pas de platitudes ou de clichés, car ils ne font que masquer la douleur. Ils donnent à la personne quelque chose à laquelle se raccrocher, à utiliser pour nier la réalité. Et ils prononceraient les mots :

- Je crains que votre partenaire soit mort. » « Il est tombé dans l'exercice de ses fonctions, en héros.

- Un héros.

Hotch ferait un sourire vide et leur rappellerait que Reid n'avait pas besoin de mourir pour être un héros.

Et son dæmon hurlerait jusqu'à ce que leurs cœurs à tous soient brisés.

Davantage de coups de feu venant de l'intérieur du diner. Hal se tient près de Reid, les jambes écartées, les flancs se soulevant très vite. Il peut voir sa fourrure se couvrir de sueur. Il est d'un calme à toute épreuve, mais elle est en train de se briser.

Naemaria pousse un cri.

- Je dois aller couvrir Morgan, dit-il enfin après ce qui semble être une heure.

Ca n'a duré pourtant que quelques secondes.

- Les secours sont en route, Blake. Restez avec lui.

Et il part. Pour faire son travail. Parce que c'est qu'ils font tous.

Les larmes devront attendre.

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Il ne le sait pas mais il fait le même choix que celui de Reid un peu avant. Lui pour un autre. Il pousse Morgan de coté et sent une balle traverser son bras. Morgan abat l'homme qui a tiré cette balle. Il aura une cicatrice semblable, à mettre à coté de celle de Reid pour examiner les différences. C'est une possibilité. Ou il aura une cicatrice qui lui en rappellera une autre, même si sa jumelle aura quitté ce monde aussi rapidement qu'une allumette se consume.

Il regarde la blessure suinter lentement et songe que, si cette nuit veut davantage de sang, il donnera avec plaisir le sien. Lui contre un autre. Il n'y a même pas à choisir.

Hotch fait quelques pas en arrière, s'éloignant de l'ambulance dans laquelle on fait monter Reid. La vue d'Aureilo dans les mains d'un inconnu, même si celui-ci à des gants, l'empli de fureur. Il veut lui arracher le dæmon et lui dire d'une voix mordante de ne pas le toucher. Au lieu de ça, il recule et fait un geste de la tête vers Blake. Il n'y réfléchi même pas. C'est ce qu'il ferait pour n'importe quel membre de son équipe. Il doit retourner au commissariat et dire à Rossi ce qui est arrivé, le tenir au courant. Clore l'affaire.

Quelqu'un le pousse en avant. Il trébuche et se tourne, les poings serrés. Hal ne réagit même pas, elle regarde droit devant elle, derrière l'anneau de lumière formé par les voitures d'intervention, mais sans rien voir.

Morgan parle d'une voix lente et furieuse :

- Montez. Dans cette. Putain. D'ambulance.

Il secoue la tête. Il ne peut pas. Morgan ne voit-il pas tout le travail qu'il reste à faire ?

Morgan fait un pas vers lui et, pendant un étrange instant, Hotch pense qu'il va le frapper et s'y prépare. Il le souhaite. Fais-le.

- Montez dans cette ambulance, Aaron, ou je vous y jette moi-même. Ca ne va pas être encore et encore l'affaire de l'anthrax. Vous n'allez pas fuir.

- Je ne…

- Il pourrait mourir. Il va peut-être mourir. Merde, Hotch, il va sans doute mourir. Et vous allez être là, à ses cotés parce que si ça arrive, ce que je ne souhaite pas, et que vous n'êtes pas avec lui, on va vous perdre tous les deux. Maintenant, montez dans cette ambulance.

Il monte dedans. Et attend qu'on ferme les portes.

Il ignore l'expression choquée des ambulanciers et ramasse Aureilo, le serre contre lui dans sa veste pour le garder au chaud et sentir leurs cœurs battre à l'unisson. Hal enfouit le museau dans sa veste. Et ils attendent.

-o-o-o-

Reid (Reid, car s'il est Reid, alors Hotch perd un agent. Il peut perdre un agent, c'est ce qui arrive dans leur métier. Il ne peut pas perdre Spencer) ouvre les yeux une fois et regarde Hotch comme s'il regardait quelque chose de trop lumineux pour arriver à se concentrer dessus. Ses yeux luttent pour le voir, et glissent de coté. Quand il parle, Hotch s'attend à quelque chose de malin. Quelque chose de romantique. Quelque chose auquel il pourra repenser plus rare et dont il pourra rire, ou pleurer, selon comment ça se terminera.

- Ca ressemble à une bouilloire, s'étouffe Reid en clignant lentement des yeux.

Quelque chose émet un son perçant. Hotch sent sa bouche tressaillir comme si un sourire luttait pour apparaître, avant de disparaître et le laisser inexpressif.

- Tu entends ?

Le seul son que Hotch entend c'est la machine qui leur transmet la faible prise qu'à Reid sur la vie.

- Comment ça ?

Reid ferme les yeux. Sa bouche se relâche un peu, son visage aussi. Il devrait avoir l'air de s'endormir, tout simplement. Hotch en a été témoin des milliers de fois.

Ce n'est pas le cas.

Hotch se demande s'il verra un jour Reid plus âgé qu'en cet instant.

- La tension chute. Le pouls est faible. On commence l'intraveineuse.

- Spencer ? appelle doucement Hotch en se penchant pour glisser sa main sous son menton.

Comme il l'a déjà fait auparavant. Reid ouvrira les yeux et sourira, et effleurera peut-être les doigts de Hotch de ses lèvres.

- Agent, il faut que vous reculiez.

Hal gémit :

- Aidez-le, halète-t-elle en luttant pour se coller davantage à Hotch, comme si elle tentait de monter sur ses genoux.

Elle regarde l'ambulancier, qui l'ignore. Sa concentration est toute dévouée à Reid.

- Je vous en prie, continue-t-elle. Gardez-le avec nous. Spencer ? Reste avec nous !

Hotch resserre sa veste autour d'Aureilo. Il continue de se dire que c'est pour le garder au chaud. Mais il sait que c'est pour ne pas le perdre. Reid a déjà perdu Aureilo une fois. Il ne le perdra plus à nouveau. Hotch la ramènera à la maison, quand bien même n'en restera-t-il que de la Poussière.

Il n'y pense pas consciemment, mais il sait que s'ils meurent ici aujourd'hui, il les dispersera ensemble. Nous sommes Poussière…

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Ils recousent son bras. Il demande à voir Reid. Ils froncent les sourcils et expriment leur désapprobation.

- Il est encore en chirurgie.

Ils sont hypocrites, tous autant qu'ils sont. Il attend encore. Demande à nouveau.

- Vous êtes de la famille ?

Quand ce sera terminé, il fera en sorte qu'ils n'entendent plus jamais cette question.

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Quand il retrouve son équipe, Blake esquisse un geste pour s'éloigner de lui :

- Aaron, je suis vraiment désolé, ça aurait dû être moi.

- Ou moi, répond-il hébété, car il sait comment faire, il sait comment rassurer les autres. Ou chacun d'entre nous.

Elle secoue la tête, ses mains sont roses d'avoir été frottées. Il se demande s'il reste des traces du sang de Reid sous ses ongles.

- Non. Il m'a poussé hors de la trajectoire. S'il ne s'en sort pas…

- Il va s'en sortir, dit JJ d'un ton catégorique. Bien sûr qu'il va s'en sortir. Il a encore tellement à faire et vous connaissez Reid. Il déteste ne pas terminer quelque chose.

- Comme devenir père, murmure Hotch, et Hal est parcouru d'un frisson.

Morgan pose la main sur son épaule :

- Il est déjà père. Vous le savez. Et ce gamin est le plus chanceux du monde.

Hotch ne peut pas être d'accord. Il imagine un enfant avec des boucles brunes en batailles et des yeux noisette timide agrandis par de grandes lunettes. Il imagine une chambre pleine de livres et de cartes géographiques et Jack qui aurait quelqu'un à protéger, comme lui-même aurait dû protéger Sean. Il imagine les yeux de Reid sur un visage d'enfant, preuve qu'ils peuvent vivre éternellement. Quelque chose auquel se raccrocher.

Il ne réalise pas qu'il a dit cela à haute voix jusqu'à ce qu'il lève les yeux et voit son équipe le regarder avec stupéfaction.

- Il a encore le temps, dit JJ.

Mais elle est pleure, désormais, et c'est Hotch qui en est responsable.

Il réalise qu'il a parlé de quelque chose qu'il n'était même pas certain de vouloir jusqu'à présent. Il n'a jamais été plus certain de quoi que ce soit.

-o-o-o-

- Comment va-t-il ? demande Garcia, et non Hotch, car la voix de Hotch l'a quitté quand son équipe est partie.

- Il est incroyablement chanceux, dit le médecin, mais Hotch peut voir sur son visage le même détachement que celui affiché par le reste des infirmiers. Deux millimètres à droite et la balle aurait sectionné l'artère carotide. Elle a entaillé quelques vaisseaux sanguins plus mineurs, mais nous avons arrêté le saignement.

- Est-ce qu'on peut le voir ? demande à nouveau Garcia.

Le médecin hésite :

- Il est toujours en Soins Intensifs. Mais, vraiment, seuls les membres de la famille y sont autorisés.

Hotch sort son badge et sent son expression se transformer en un masque glacial :

- Je crois que vous allez réaliser que nous sommes une exception, dit-il froidement.

Dix minutes plus tard, ils sont à coté du lit de Reid ; il respire toujours et Hotch sait que personne ne l'empêchera plus jamais de le voir.

-o-o-o-

- Regardez qui est réveillé !

Le visage de Garcia flotte devant lui, blême et inquiet.

Reid déglutit et sent sa gorge le bruler. Sa bouche est sèche et ses lèvres craquelées. Il y a un poids chaud et réconfortant à ses cotés. Aureilo. Il tente de parler mais les mots le font tressaillir de douleur. Quelqu'un amène un récipient avec des morceaux de glace pillée à sa bouche et c'est un soulagement. On l'éloigne cependant avant qu'il puisse prendre tout ce qu'il voulait et il tourne lentement la tête pour leur lancer un regard assassin. Les bandages serrés autour de son cou le tiraillent, la peau, dessous, est étrange et engourdie.

Aaron. Il n'a pas l'air en colère, et il devrait puisque Reid est à peu près certain qu'il a encore failli mourir. Il n'a pas l'air triste, et il ne devrait pas puisque Reid n'est pas mort, après tout. Il a juste l'air inexpressif.

- Vas-tu… m-me tuer ? grince-t-il difficilement avec douleur.

Il voit Aaron froncer les sourcils avec confusion.

- Parce qu'on m'a e-encore tiré dessus ?

Il nage dans le brouillard et son estomac tente de faire des nœuds. Il ne sent pas le frisson des narcotiques dans ses veines. Aaron était là pour les arrêter à temps cette fois. C'est déjà ça et il en est soulagé.

- Je ne crois pas, répond Aaron avec un regard étrange.

Son estomac se tord davantage. Il connait ce regard. C'est le regard « je vais faire quelque chose d'énorme » d'Aaron. Reid est plutôt certain qu'il a terrifié Aaron pour la dernière fois.

L'affaire. Il reste l'affaire. Une distraction.

- Tu d-d-devrais aller… aider l'é-l'équipe.

Sa voix est brisée, il bafouille. Ca lui donne l'air faible alors qu'il a besoin d'être fort. Il ne regrette pas la balle. Il regrette par contre les années qu'elle a ajoutée au visage d'Aaron, que trop d'inquiétude a déjà ridé.

Aaron hésite et hoche lentement la tête avant de regarder Garcia :

- Nous parlerons à mon retour, dit-il de manière inquiétante.

Il ne l'embrasse pas avant de partir. Il ne le touche même pas. Reid le regarde partir et lutte contre le besoin soudain de glisser à nouveau dans le sommeil.

Garcia pousse un plateau devant lui, la lèvre tremblant un peu quand elle regarde le bandage sur son cou :

- Ca n'augurait rien de bon, plaisante-t-elle faiblement avant de se mordre la lèvre et de changer rapidement de sujet.

Tupelo sautille jusque le bord de son lit, où il tire les draps avec son bec.

- D'accord. Jus, bouillon ou gelée ?

-o-o-o-

- Hotch ?

Morgan à l'air incroyablement nerveux, devant lui, avec son téléphone serré dans sa main. Naemaria se recroqueville devant Hal. La réaction du grand loup face la nouvelle qu'il doit lui donner la terrifie. Il se passe une éternité entre le moment où Morgan prononce son nom et celui où il lui donne la nouvelle et, pendant ce temps interminable, Hotch s'imagine passer le reste de sa vie tout seul. Ses paroles finissent par apporter un intense soulagement mais il a le sentiment d'avoir vieilli de dix ans.

- Ils viennent d'essayer de tuer Reid. Il sait quelque chose et ils veulent le faire taire. Garcia… Garcia l'a sauvé. Mais ils vont réessayer.

Ca. Ca, il peut gérer. Puis vient la colère.

Il sourit et Morgan fait un pas en arrière. C'est un sourire de loup, il le sait. Il l'a déjà vu sur d'autres visages que le sien. Un sourire plein de dents et dénué d'émotion. Il l'a déjà vu sur le visage des hommes qu'ils traquent.

S'ils veulent le traquer, traquer son équipe, traquer son partenaire, alors ils vont découvrir pourquoi son âme est un loup.

- Alors qu'ils sachent ceci, dit-il calmement tout en voyant du coin de l'œil JJ et Rossi entrer dans la pièce. Que toutes les personnes présentes dans ce commissariat sachent que si quoi que ce soit arrive à l'homme que j'aime, je n'hésiterai pas à réduire leur monde à néant.

Hal grogne. Le bruit résonne dans toute la pièce. Personne d'autre ne fait le moindre son.

Il se tourne et sort pour se calmer et se retrouve face à face avec Dave.

Il voit la peur sur son visage. En cet instant, l'agent vétéran a peur de lui.

Très bien.

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Reid ferme les yeux, la douleur et l'épuisement se liguent contre lui et remportent la bataille. La tentative de meurtre est encore fraiche dans son esprit mais, d'une certaine manière, semble moins importante alors que le manque de narcotique commence à se faire ressentir. Aureilo est assis près de lui, il examine la salle avec une concentration que Reid se sent incapable de répliquer. Garcia est sur sa chaise, Tupelo sur l'épaule, et fait semblant de ne pas étudier le moindre de ses mouvements.

Il entend un bruit de talon sur le sol carrelé. Reid le reconnait vaguement comme le type de chaussure porté par les infirmiers et met de coté l'information, ce n'est pas important.

- Nous avons déjà eu nos médicaments, commente Aureilo, la voix ensommeillée, sa queue frôlant le bras de Reid quand il roule de coté.

Une voix qui n'est pas familière acquiesce distraitement. Aureilo se raidit et Reid sent la suspicion l'envahir, le tirant du sommeil. Il ouvre ses yeux lourds et regarde l'infirmier.

- On a déjà eu ça aussi, fait Aureilo d'une voix claquante en s'asseyant et en se penchant pour examiner les médicaments. Qu'est-ce que vous nous donnez ?

Il entend Garcia se lever avec un bruissement de tissu et le magazine qu'elle lisait tombe au sol. Mais la concentration de Reid est entièrement tournée par le sac qu'on est en train d'accrocher à son intraveineuse.

- Carbénicilline ? demande-t-il en luttant pour s'asseoir. Non, non, attendez. Arrêtez. Je fais une mauvaise réaction aux beta-lactamines. Vous ne pouvez pas me donner ça.

L'infirmer le regarde sans s'arrêter.

- Ce n'est pas ce qu'indique votre bilan.

Il continue.

S'il continue, Reid meurt. Aureilo meurt. Reid voit qu'il est armé. Garcia peut mourir aussi.

Tout arrive très rapidement après ça.

Aureilo attrape l'IV et la mord, la coupant nettement en deux et les couvrant tous les deux de son contenu. L'infirmier fait un bruit de colère et sort son arme. Son dæmon bondit en avant en aboyant et tente de faire tomber Aureilo loin de l'intraveineuse.

Un croassement furieux et l'infirmer crie alors que Tupelo plonge sur lui. Son bec acéré picore vers les yeux que rien ne protège. Aureilo se jette sur le dæmon dalmatien et tous deux tombent dans une tempête furieuse de sifflements et d'aboiements. L'arme part, touche un mur. Reid espère qu'il est assez épais pour que la balle ne l'ait pas traversé.

Un autre pistolet tir et l'infirmier tombe. Les oreilles de Reid sifflent avec force. Quand il se tourne vers son amie, elle tient son arme et son visage se teinte d'une nuance de vert. Aureilo se lève et se secoue pour faire partir les particules dorées qui maculent sa fourrure. Il renifle le corps de l'infirmer avec précaution, puis recule en boitant de quelques pas pour laisser passer le personnel de sécurité.

Tupelo atterrit maladroitement sur le lit, ses plumes gonflées. Quand il parle, c'est d'une voix très forte et choquée :

- D'accord. Je ne savais pas à quel point ce serait fort, ouille.

Garcia fait tomber l'arme avec un petit cri et commence à trembler. Il reconnait l'approche d'une crise de panique et ne peut lui en vouloir.

- Je n'entends rien, j'ai l'impression que mon cœur va traverser ma poitrine. Ca peut arriver ? Physiquement, un cœur peut sortir de la poitrine ? Et c'est quoi ce son ? Est-ce que je crie ? Parce que j'ai l'impression que je crie.

- Tu m'as sauvé la vie, dit Reid. Tu entends ce que je dis ?

Elle se tourne vers lui avec une expression mi-horrifiée, mi-fière.

- Oui, répond-elle en tremblant.

Le choc. Elle vient de tuer quelqu'un. Elle baisse les yeux sur ses chaussures et pâlit en voyant l'or qui les recouvre. Elle tombe au sol et ramène ses genoux contre elle en tentant de maîtriser sa respiration.

- Tu nous as sauvé la vie, dit Aureilo qui s'approche d'elle en boitant. Merci.

Quand elle ouvre la bouche et hoche la tête, il saute sur ses genoux et se blottit contre elle.

- Merci.

Elle fond en larmes et le serre dans ses bras.

- Je ne le dis pas à Hotch si tu ne le fais pas non plus, dit Tupelo à Reid en ébouriffant ses plumes.

-o-o-o-

L'homme responsable de toute cette douleur, de tout ce qu'ils ont traversé, tourne l'arme vers lui et Hotch l'abat sans y réfléchir deux fois. Il connait le nom de tous ceux qu'il a tué dans l'exercice de ses fonctions. Il les regrette presque tous. Chaque vie perdue, peu importe à qui elle appartient, est une vie qu'ils n'ont pas réussi à sauver. Il ne regrettera jamais celle-ci, car le souvenir de cet homme est coloré du sang de Reid.

Il s'éloigne du cimetière sans un regard en arrière. Affaire close. Ils rentrent à la maison. Mais avant ça…

Le temps est venu.

-o-o-o-

Aaron Hotchner est un jour resté à l'écart des autres à l'anniversaire de son cousin car il n'était pas très doué pour savoir ce qu'il voulait. Il n'avait jamais vraiment réussi à surmonter ce problème.

Puis, Spencer Reid était entré dans sa vie. Soudain, Hotch avait su exactement ce qu'il voulait, sans savoir comment l'obtenir.

Il ne lui aura fallu que huit ans, mais il a finalement compris comment s'y prendre.

-o-o-o-

Spencer Reid perturbait ceux qui l'approchaient.

Il avait réfléchi aux raisons derrière ce fait mais avait finalement conclu que c'était juste parce qu'il était lui. Il s'était résolu à ce que ça ne change jamais vraiment. Il s'y était résolu depuis longtemps. Et puis, il avait Aureilo, que pourrait-il vouloir de plus ?

Puis, il avait rencontré Aaron Hotchner et cet homme n'était pas du tout perturbé par lui. En fait tout ce qui fait que Reid est Reid semble plutôt avoir l'effet opposé, attirant inexorablement Aron comme s'ils s'étaient retrouvé pris chacun dans l'orbite de l'autre. Il avait commencé à se dire que, peut-être, rien ne clochait chez lui, après tout. Que peut-être, peut-être, il avait en lui quelque chose qui valait la peine d'être aimé.

Il ne lui aura fallu que huit ans, mais il a finalement appris à le croire.

-o-o-o-

Hotch a prévu le moindre mot de ce qu'il va dire quand il entre dans la chambre d'hôpital pleine à craquer et ferme la porte derrière lui. La porte claque et l'équipe se tait aussitôt en se tournant pour le regarder avec nervosité. Reid est au centre du groupe, dans une chaise roulante, et le blanc du bandage reste visible sous son col. Il n'a sans doute pas le droit de voler pour l'instant. Hotch n'en a rien à faire. Ils ne le laissent pas là. L'équipe se resserre autour de leur ami, les yeux plissés. Hotch se retrouve soudain face à un mur de dæmons et de collègues, tous suspicieux quand à ses intentions.

Il réalise soudain que Reid a failli mourir trois fois en un seul jour.

Il oublie aussitôt tout ce qu'il avait prévu de dire.

- Tu es vraiment..., commence-t-il et il sent Hal se raidir à coté de lui, …et sans aucun doute, le pire être humain de toute l'existence.

Les mâchoires tombent. Ce n'était pas du tout ce qu'il avait prévu de dire, pas du tout. Il continue cependant, ignorant le regard confus de Reid et le grognement douloureux de Rossi :

- En tant qu'humain nous réussissons plutôt bien une chose, une seule putain de chose, et c'est ne pas mourir. Et pourtant tu sembles très heureux de te jeter face au danger à la moindre chance qui se présente, sans hésiter un moment et réfléchir à la manière dont cela va affecter ceux qui t'entourent, dit-il d'un trait, la frustration d'années de stress refoulé exigeant enfin de s'exprimer. Il y a eu Hankel, et tu es bel et bien mort, puis il y a eu l'affaire avec l'anthrax et tu as failli mourir à nouveau, et le train et la putain de secte et je ne peux plus supporter ça Spencer ! Tu ne peux pas continuer à me faire ça, je n'y survivrai pas ! Je viens à peine de te retrouver tu es déjà en train d'essayer de te faire tuer une nouvelle fois, et non c'est terminé.

L'équipe est silencieuse, stupéfaite.

Reid tousse. Sa voix tire dans les aigues :

- Est-ce que tu es en train de rompre avec moi ?

-o-o-o-

Reid fixe Hotch et note avec inquiétude combien il est rouge et comme il cligne vite des yeux. Si Reid ne le connaissait pas si bien, il se demanderait s'il n'était pas ivre. Aureilo s'assoit sur ses genoux et regarde l'homme et son dæmon bouche bée, tout aussi abasourdi.

Il y a une main sur son épaule, une autre sur son bras. Chacune appartient à un membre de l'équipe différent. Une d'elles se serre.

Il déglutit et expulse les mots bien que cela semble impossible. Avoir traversé ce jour cauchemardesque, et maintenant ça ? Ce ne semble pas vraiment juste.

- Est-ce que tu es en train de rompre avec moi ?

Hotch s'arrête en plein milieu de son discours et, pendant un moment, son expression est à vif, vulnérable. Reid est désarçonné à cette vue. Hotch secoue la tête, regarde ses chaussures, lève les yeux et secoue à nouveau la tête. Il a l'air effrayé. C'est terrifiant à regarder. Le sang de Reid se gèle dans ses veines.

- Non, je… je… bafouille Hotch.

Il s'arrête. Les regarde avec désespoir.

- Aaron, dit Rossi, et il y a un avertissement dans sa voix.

Exaspéré. Il s'attend au pire.

- Ce n'est peut-être pas le moment, coupe JJ en même temps. Vous savez, vous devriez vous calmer, y réfléchir.

- La journée à été lourde en émotions ! s'exclame Morgan, Garcia accrochée à son bras. Allez mec… Hotch, réfléchissez-y à deux fois.

- Tu es en train de rompre avec moi, souffle Reid, car évidemment que c'est ce qu'il est en train de faire.

Peut-être qu'il a fini par voir ce que les gens comme William Reid ont vu depuis le début, cette chose qui cloche chez lui et le rend impossible à aimer. Son équipe fait des bruits furieux et Aaron ravale un rire étranglé. Il ne répond pas, cela dit. Hal s'en charge :

- Mais non, bande d'idiots ! déclare-t-elle en faisant un pas en avant et en lançant un regard assassin à son incapable d'humain. Il te demande de l'épouser !

-o-o-o-

C'est tellement silencieux qu'il peut entendre son propre sang filer dans ses veines. Toutefois, au vu du sentiment grandissant de compréhension et de joie qui transparait sur le visage de Rossi, le silence ne va pas durer longtemps. Alors il fait un pas en avant et se met à genoux devant Reid pour que leurs yeux soient à la même hauteur, et pose ses deux mains sur celles de l'autre homme en l'implorant silencieusement de comprendre qu'il est sincère.

A quoi ça sert d'être profiler s'il ne peut pas déceler la vérité dans ses paroles ?

- Je t'aime, dit-il à voix basse. Je sais que ça a toujours été le cas. Tu as quelque chose qui fait que c'est impossible de ne pas t'aimer. S'il te plaît, donne-moi une chance de te le montrer afin que je ne sois plus jamais obligé de te perdre alors que tu ignores encore à quel point tu es vraiment important. Je veux passer le reste de ma vie à tes cotés.

Reid est silencieux et le fixe comme s'il avait du mal à comprendre ce qu'il est en train de dire. Peut-être est-ce le cas. Il y a un bruit et la chaise tremble comme si quelqu'un avait donné un coup dedans et cela le ramène à la réalité.

- D'accord, dit Spencer.

Il parait pensif, comme s'il y réfléchissait en long et en large. Il sourit soudain, et c'est comme si une lumière a soudain été allumée.

- Oh merde. D'accord, oui. Oui !

- Enfin, grommelle Aureilo en sautant du fauteuil pour passer le museau contre le flanc de Hal, laquelle secoue la queue dans une démonstration de joie à peine retenue. Il vous en a fallu, du temps.

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Quelques minutes après, l'équipe réalise ce qui se passe et les entoure de félicitations, d'étreintes et de larmes. Quelques heures après, ils embarquent dans le jet pour retourner à leur vie, bien que celles-ci aient été changées pour l'éternité. Quelques jours plus tard, ils le disent à Jack qui ne comprend pas vraiment car, en ce qui le concerne, Spencer est déjà un père pour lui.

Le temps passe et tous deux réalisent que leur vie a été à jamais changée le jour où Jason Gideon a poussé un homme timide et réticent dans la vie d'Aaron, et a rendu impossible l'idée même d'abandonner l'autre.

Et même après des années, Spencer Reid parvient encore à le surprendre.