Disclaimer : Seule l'histoire m'appartient, les personnages et l'univers appartiennent à Eiichiro Oda (merci de remuer le couteau dans la plaie). La Controver de Valladolid est un roman historique écrit par Jean-Claude Carrière, donc bien évidemment, tout le mérite lui revient.

Note de l'auteur : Ceci est mon premier écrit sur le coupe NamixSanji, alors s'il vous plait, montrez vous à la fois critiques et indulgents si jamais l'envie vous prend de laisser une review, ce que j'apprécierais énormément.


« Il en est hors de question ! Tu m'entends bien ? Contre attaqua une voix féminine avec force et l'apostrophée poussa un long soupir en se frottant le front avec la pulpe de ses doigts.

-Vivi, sérieusement, je t'ai dit que je n'avais pas envie de sortir aujourd'hui, plaida faiblement la rousse avant de jeter un regard sur sa télévision, tentée de remettre en route le film qu'elle venait de mettre en pause.

-Non ! Ordonna la dénommée « Vivi », en hurlant presque et Nami sursauta. Hors de question que tu remettes ce film à l'eau de rose en route.

-Je, mais comment as-tu deviné ? »

La rousse était plus qu'étonnée. Comment son ami pouvait-elle savoir ce qu'elle s'apprêtait à faire alors qu'elles n'étaient qu'au téléphone ? La mine grave et les sourcils légèrement froncés, elle se dirigea vers les quatre fenêtres qui éclairaient son salon-salle à manger. Elle voulait être certaine que Vivi n'était pas devant son appartement, à surveiller ce qu'elle faisait. Elle l'adorait, mais ce genre de comportement serait bien trop étrange, même pour elle. En ne voyant pas une chevelure bleue dehors, elle poussa un léger soupir de soulagement.

« On se connaît depuis qu'on est toute petite et je sais très bien comment tu réagis à chaque fois que tu te fais larguer. Alors arrête ce film à l'eau de rose et viens me rejoindre au Thousand Sunny.

-Le quoi ? Questionna la jeune femme fraîchement célibataire en fronçant les sourcils, ne comprenant pas où son amie d'enfance voulait en venir.

-Le Thousand Sunny, Nami, je t'en ai déjà parlé, tu sais, c'est le nouveau café-librairie qui vient d'ouvrir en ville et on avait dit qu'on irait ensemble, tu sais avant que, qu'il te quitte, expliqua-t-elle avec hésitation et précaution, sachant qu'elle se dirigeait sur une pente glissante. Il faut vraiment que tu reprennes contact avec la réalité. »

Le sermon de Vivi était gentil et Nami pouvait même la sentir sourire à l'autre bout du combiner. Néanmoins, elle savait aussi que sa meilleure amie était totalement désespérée par le comportement qu'elle avait adopté depuis presque quatre mois maintenant. Malheureusement, elle n'y pouvait rien, chacun réagissait à sa manière après une séparation et c'était comment la rousse réagissait : en s'isolant pour mieux s'apitoyer sur son sort.

« Je suis encore en contact avec la réalité, la preuve, il faut que je travaille pour lundi, lui répondit la rousse en retournant s'allonger dans son canapé, téléphone contre l'oreille.

-Bien évidemment, te connaissant tu as déjà pris de l'avance pour facilement trois semaines. Avant de passer ta journée à regarder des films d'amour tu te dévoues à ton travail. »

Le nouvel argument de Vivi tomba, démontant celui de la récente célibataire. La bleuté gloussa légèrement et Nami ne put que pester le plus discrètement possible en retour. La seconde de la famille Nefertari la connaissait définitivement trop bien. En effet, la rousse était professeure des écoles. Elle était la première maîtresse des enfants et elle se donnait comme mission de ne pas les dégoûter du système scolaire à un si jeune âge. Par ailleurs, son travail consistait principalement à apprendre les rudiments aux enfants tout en se montrant la plus créative et pédagogique possible ; motricité, lettres, mathématiques, autonomie et elle en passait. À l'avenir, il serait plus intelligent qu'elle s'entoure que de simples connaissances, cela lui éviterait ce genre de situation pour le moins agaçante.

« Vivi, s'il te plaît, pas aujourd'hui, je n'y tiens vraiment pas, je te promets que demain je viendrais avec toi. »

Sa demande sonnait comme une supplication et en réalité, cela en était une. Elle n'allait pas faire semblant de pleurer pour convaincre son amie de longue date, elle espérait seulement que cette dernière l'écouterait et respecterait sa requête. La dernière chose qu'elle avait envie de faire aujourd'hui était de sortir, même si c'était avec sa meilleure amie et autour d'un café. Elle n'était pas certaine que cela serait plus facile demain non plus. Néanmoins, c'était un bon moyen pour repousser l'échéance. Nami n'était pas du genre à procrastiner, préférant tout faire dans l'immédiat, à part lorsqu'il s'agissait de ses sentiments. Il était beaucoup plus facile de négliger ses sentiments, cela évitait beaucoup de peine et de pleurs.

« Je suis désolée ma belle, mais tu viens avec moi, pas question que tu restes une journée de plus toute seule dans ton appartement. On est samedi, tu es en week-end, il fait beau et on a plein de choses à rattraper, contra Vivi sur un ton qui ne laissait place à aucune opposition.

-Mais, s'il te-, commença la plus vieille avant de se faire violemment couper.

-Bon, tu peux me rejoindre dans une demi-heure devant le Thousand Sunny ou je dois venir te chercher par la peau des fesses ? Interrogea froidement la bleuté et la professeure des écoles savait que son amie perdait patiente, il valait mieux pour elle qu'elle abandonne cette bataille, mais elle gagnerait la guerre.

-Bien, à dans une demi-heure devant le Thousand Sunny, capitula la rousse en un soupir et elle put entendre le cri de victoire de la plus jeune.

-Parfait et surtout, ne t'avise pas de me poser un lapin ! »

Sans rien ajouter, la jeune femme âgée de vingt-quatre ans raccrocha. Nami déposa son portable sur sa table basse avant de grogner, de pousser un soupir et de passer ses mains sur son visage. Elle n'avait réellement pas envie d'y aller. De plus, elle avait quelque peu honte que Vivi, qui avait deux ans de moins qu'elle, soit aussi responsable. Ne pouvait-elle pas la laisser se morfondre un peu plus longtemps et se préoccuper de ses propres histoires d'amours ? Elle laissa une nouvelle expiration sortir de ses fines lèvres et décida de se lever. Si elle voulait être à l'heure, elle devrait commencer dès maintenant à prendre une rapide douche et à se préparer.

Soudain, son téléphone sonna à nouveau. Si c'était encore Vivi, elle lui dirait qu'elle n'irait pas à son café. Son visage devint aussi blanc qu'un linge à la vue du nom qui s'affichait sur son cellulaire, finalement, elle aurait préféré que cela soit sa meilleure amie. Lentement, elle approcha son index de l'écran, devait-elle répondre ? Alors qu'elle allait appuyer sur le bouton vert, l'appel se termina, preuve qu'elle avait mis trop de temps à se décider. Avait-il laissé un message ? Rien. Nami insulta ouvertement celui qui avait tenté de la joindre avant d'éteindre son portable et de se diriger d'un pas rageur vers sa salle de bain. Elle le détestait.

(...)

La rousse se trouvait devant le café-librairie dont Vivi lui parlait depuis des semaines. Cette dernière, tout comme elle d'ailleurs, était passionnée par les livres, il était impossible pour elles de ne pas aller y faire un tour, elles s'étaient même promises de le faire dès l'ouverture. Malheureusement, entre temps, Nami s'était fait larguer sans la moindre grâce et tout avait été repoussé. Si seulement elle savait mieux gérer ses ruptures amoureuses, la bleuté ne serait pas obligée de faire des compromis et de se plier en quatre pour elle. La professeure des écoles n'y avait jamais mis le pied, au contraire de la seconde de la famille Nefertari, qui après avoir patiemment attendu un mois n'y avait plus tenu. La rousse ne lui en voulait pas, elle était même contente que la plus jeune ne se prive pas de vivre à cause d'elle et de son cœur brisé.

Tout en remettant la lanière de son petit sac à main sur son épaule, Nami remonta la manche de son manteau, dévoilant alors sa montre. Elle était pile à l'heure et heureusement, sinon Vivi lui aurait encore passé un savon. Voyant que cette dernière n'arrivait pas, la rousse se décida à rentrer et à l'attendre à l'intérieur, au chaud. Les températures en cette fin février étaient glaciales, preuve que l'hiver était loin d'être fini. Elle poussa la porte du café-librairie et immédiatement, une forte odeur de café mélangée à celle des pâtisseries l'assaillit. En réponse à ce doux parfum, la jeune femme sourit et laissa ses muscles se détendre légèrement. Elle se sentit instantanément bien ici. De plus, la décoration intérieure était jolie. En effet, habitant dans une ville au bord de la mer, le propriétaire avait décidé de respecter ceci. Quelques murs étaient recouverts de vielles planches de bois, rappelant les vielles maisons de pêche, les autres étaient d'un blanc pur qui réfléchissait à la perfection les quelques rayons de soleil qui avaient réussi à braver les nuages. Éclairant la pièce principale d'un halo de lumière presque divin. Des vielles bouées de sauvetage totalement délavées, des boussoles plus ou moins grandes ou des lanternes recouvraient les murs, les habillant.

Par ailleurs, le bar était fait de vieilles pierres difformes et impaires, comme si elles avaient été extraites de la falaise et étaient restées à leur état brut. Les chaises du bar étaient elles aussi en bois et parfois, un ou deux pieds ou même le siège étaient peints en bleu, rappelant ainsi la mer. Les tables étaient en bois, certaines étaient rondes, d'autres carrées, elles étaient parfois peintes en blanc ou parfois laissées marron. Les chaises, elles, étaient en métal et elles aussi étaient peintes de différentes couleurs : gris froid, blanc ou bleu. Tout dans cet endroit était unique, que ce soit par sa forme ou par sa teinte et tout se mélangeait en une parfaite harmonie. Elle ne savait pas qui avait eu l'idée de la décoration ou qui l'avait fait, mais elle ne pouvait que saluer l'ingéniosité et le talent de cette personne.

« Hé, Nami, ici ! »

L'interpellation la fit brusquement redescendre de son petit nuage. Elle reconnaissait parfaitement cette voix : Vivi. Alors, elle était déjà arrivée ? Rapidement, elle tourna la tête à gauche, puis à droite à la recherche de sa meilleure amie. Elle finit par remarquer une main faisant des grands signes en l'air et elle sut que c'était pour elle. Elle rejoignit la bleuté et s'assit en face d'elle. La plus jeune avait bien choisi l'emplacement, elles étaient près de la fenêtre, ce qui leur permettait de bénéficier pleinement de la lumière du jour. Vivi avait déjà commandé, puisqu'une tasse, à présent vide se trouvait devant elle. Nami était certaine qu'elle avait pris un chocolat viennois, ne pouvant résister à l'appel de la chantilly. La jeune femme aux pupilles marron eut à peine le temps d'enlever son manteau, que déjà, son amie prenait la parole, ne semblant plus pouvoir supporter le silence.

« Comment vas-tu ? Questionna-t-elle en la regardant droit dans les yeux, montrant son réel intérêt pour la réponse.

-Mieux, répondit simplement la rousse en baissant légèrement la tête, elle ne mentait pas, c'était simplement que c'était encore dur de vivre seule.

-Bien, parce que ça va tout de même faire quatre mois. »

L'étudiante était désespérée, cela se sentait dans sa voix et Nami se contenta de pousser un long soupir. Elle n'était pas venue ici pour des remontrances, mais pour se changer les idées. Parfois, la professeure souhaitait que Vivi eût, au moins une fois dans sa vie, vécu une rupture douloureuse, pour qu'elle comprenne ce qu'elle ressentait. La bleuté n'avait jamais eu de relation sérieuse et ce malgré ses vingt-quatre ans. La seconde de la famille Nefertari voulait vivre et la seule solution qu'elle avait trouvé pour cela était de ne pas avoir d'attaches. La rousse, au contraire, âgée de vingt-six ans voulait se poser. Longtemps elle n'avait pas voulu une quelconque attache comme Vivi, cependant, tout avait changé quand elle l'avait rencontré. Elle pensait qu'il était le bon, il était loin d'être parfait, lui aussi avait son lot de défauts, tout comme elle, néanmoins, elle pensait qu'il était parfait pour elle. Malheureusement, cela n'avait pas le cas. Nami poussa un nouveau soupir, voilà qu'elle commençait à ressasser tout cela. Lassée, elle passa une main sous son menton et posa son coude contre la table, ses yeux se perdant dans le vide. Sans remarquer la tristesse qui avait pris possession du visage de la plus jeune.

« Mesdemoiselles, que puis-je vous servir ? Demanda une voix mélangeant jovialité et politesse sur un ton grave, caractéristique d'un homme.

-Un simple café pour moi s'il vous plaît, commanda la jeune femme aux longs et épais cheveux sans même prendre la peine de se retourner pour regarder à qui elle s'adressait.

-Bien, et toi Vivi, un chocolat viennois je présume ? Reprit-il sans montrer la moindre réaction par rapport à l'impolitesse de la plus vielle.

-Tu me connais trop bien Sanji, répondit la bleuté en gloussant légèrement et Nami leva les yeux au ciel ; pitié, que ces deux-là prennent une chambre.

-Je reviens dans quelques minutes, surtout, n'hésitez pas à aller découvrir les livres qui sont mis à votre disposition. »

Sans un mot de plus, le jeune homme disparut et le silence reprit son droit entre les deux amies de longue date. L'ambiance était glaciale et la professeure savait que cela allait s'empirer une fois que l'étudiante aurait pris la parole dans, trois, deux et-

« Tu aurais au moins pu le regarder une seule fois. »

Le reproche de Vivi était sec et cinglant. Et la seule réponse de la rousse fut de pousser un nouveau soupir, lassée par la réplique de sa meilleure amie et déçue de s'être trompée dans le décompte. Bien évidemment elle savait que ce qu'elle venait de faire au serveur était impoli et elle s'en voulait quelque peu pour cela. Bell-mère ne l'avait pas éduqué de cette manière et aurait très certainement honte de son comportement. Cependant, elle ne voulait pas sortir, elle avait été très claire sur ce point, alors il ne fallait pas espérer d'elle beaucoup de bonne foi.

« Je vais aller chercher un livre. »

Nami entendit la plus jeune marmonner quelque chose dans sa barbe, elle ne put en comprendre le sens et au fond, elle était contente de ne pas avoir pu. Elle trouva sans problème l'endroit réservé pour les livres et parcourut les rayons sans réellement les voir. Jusqu'à ce qu'elle arrive dans celui de la romance ; son genre préféré. Lentement, elle passa son index contre la couverture des livres, un fin sourire sur les lèvres. Son regard les parcourut, à la même vitesse que son index et elle en reconnut la plupart. Orgueil et préjugés de Jane Austen, Jane Eyre de Charlotte Brontë, La Chartreuse de Parme de Stendhal, Les Hauts de Hurle-vent de Emily Brontë, L'éducation sentimentale de Flaubert, oh, et Roméo et Juliette de Shakespeare. Lentement et dans un geste presque religieux, elle saisit le livre. Cette pièce de théâtre était incontournable, un classique, une référence.

« Tout le monde fond quand il est question de Roméo et Juliette, intervint une douce voix à l'oreille de la rousse et elle ne put que sursauter violemment.

-Put, vous voulez me tuer ou quoi ? Lui reprocha la récente célibataire en se tournant vers son interlocuteur, une main sur le cœur.

-Je suis désolée, ce n'était pas mon but. Je rangeais quelques livres quand je vous ai vu le prendre. L'avez-vous déjà lu ? Questionna la brune en lançant un regard sur la pièce que Nami tenait toujours entre ses deux mains.

-Qui n'a pas lu Roméo et Juliette, je veux dire, c'est un classique de la littérature, du théâtre, de la tragédie et de la romance, répondit avec passion la cliente en souriant, quelque peu rêveuse.

-Il est vrai qu'un amour aussi passionnel que celui de Roméo et Juliette et le rêve de beaucoup de personnes, commenta à nouveau la propriétaire ou l'employée, la belle ne savait point, tout en rangeant un des livres qu'elle tenait dans ses mains.

-Jusqu'à ce que les deux meurent, souffla Nami en poussant un long soupir, la voix tremblante à la pensée de son ancienne relation amoureuse.

-La passion mène souvent à la destruction, néanmoins, ne vaut-elle pas la peine d'être vécue ? »

Immédiatement, la professeure comprit que sa question n'était que pure rhétorique et qu'elle n'attendait aucune réponse à celle-ci. Et le sourire énigmatique qui se forma au coin de sa bouche en fut la preuve. Cela en valait-il réellement la peine ? Elle en doutait fortement. Elle l'avait tellement aimé, elle l'aimait encore tellement. Son cœur se serrait en une atroce douleur rien de d'y penser. Comment pourrait-elle un jour s'en remettre ? Toute la tristesse qu'elle ressentait depuis quatre mois valait les quatre ans de passion qu'ils avaient vécu ? Il n'y avait pas si longtemps que cela, Nami aurait répondu non, que toute la douleur qui l'assaillait suite à la séparation était pire que les années de bonheur. Maintenant, elle n'en était plus certaine. Ne souhaitant pas s'attarder plus longtemps sur ce point de sa vie, la jeune femme reprit la parole :

« Que me conseillez-vous de lire ?

-Cela dépend de ce que vous souhaitez lire, gloussa légèrement la brune en réponse et la rousse ne put que faire de même. Qu'est-ce qui vous donne le plus envie ? Un roman ? Une pièce de théâtre ? Un poème peut-être ? Reprit-elle après quelques secondes et même si elle continuait de ranger les livres, la récente célibataire savait qu'elle avait toute son attention.

-Je ne sais pas trop en réalité, je crois que la forme m'importe peu, je veux simplement quelque chose que je ne lirai pas tous les jours.

-C'est plutôt vague comme indication… Vous voulez une œuvre qui vous coupe le souffle, n'est-ce pas ? Devina rapidement la femme en portant enfin toute son attention en direction de la cliente et comme simple réponse, cette dernière hocha la tête de haut en bas. Et pourquoi pas… »

La brunette ne termina pas sa phrase. À la place, elle fit volte-face, de façon à pouvoir regarder une nouvelle étagère. Sa main contre son menton et ses sourcils froncés ; elle semblait des plus indécises. Alors que Nami allait lui dire de laisser tomber, ne voulant pas qu'elle se donne autant de mal pour elle, son interlocutrice partit brusquement. Que s'était-il passé ? Rapidement, la rousse rangea la pièce de théâtre là où elle l'avait prise et effectua un mouvement pour partir à la rencontre de celle dont elle ne connaissait toujours pas le nom. Lorsque la femme réapparut, un sourire triomphant sur le visage et un livre dans la main droite, la professeure aux iris chocolat laissa à son tour ses lèvres s'étirer ; il semblerait qu'elle avait trouvé son bonheur.

« Que dîtes-vous de La Controverse de Valladolid de Jean-Claude Carrière ? Proposa avec entrain la brune tout en tendant le livre à la jeune femme.

-La controverse de Valladolid ? Répéta-t-elle dubitative, pendant qu'elle fronçait les sourcils, elle était certaine de ne pas reconnaître le titre, au contraire de l'auteur qui lui disait quelque chose.

-Oui. C'est un roman historique. Vous n'avez jamais entendu parler de la controverse de Valladolid ?

-Jamais, répondit Nami en hochant négativement la tête et il sembla que le sourire de son interlocutrice s'agrandit.

-C'est parfait, vous qui ne vouliez pas lire quelque chose de commun. Je pense que vous allez aimer l'histoire, vous allez voir, c'est un sujet dont on ne parle presque-

-Ah Nami, tu es là, les boissons sont arrivées depuis cinq minutes déjà. »

L'intervention de Vivi fut brusque et les deux femmes se retournèrent d'un même mouvement vers la plus jeune. La bleuté avait les sourcils froncés et elle semblait peu satisfaite d'avoir dû attendre en vain et d'avoir dû aller chercher elle-même son amie. La rousse se retint de pousser un léger soupir, elle l'adorait, mais elle avait parfois l'impression d'avoir cinq ans lorsqu'elle était en compagnie de Vivi. Soudain, la nouvelle arrivante sembla remarquer la brune et son expression changea du tout au tout ; un sourire se dessina sur son visage.

« Oh, Robin, je ne t'avais pas vu. Comment vas-tu ? Reprit-elle avec entrain et elle semblait si familière que Nami comprit enfin à quel point elle avait pris ses marques ici durant le dernier mois.

-Bonjour Vivi, je vais bien, merci et toi ? Questionna à son tour la dénommée « Robin » et la professeure devait avouer qu'elle appréciait pouvoir enfin mettre un prénom à ce visage.

-Toujours aussi bien. Je vois que tu as fait la connaissance de Nami, commenta la plus jeune et l'employée lança un regard à la rousse. Nami, voici Robin, elle s'occupe du coin librairie, Robin, voici Nami, mon amie d'enfance.

-Enchantée, annonça sincèrement celle qui l'avait si bien conseillée, comme si elle voulait la rencontrer depuis bien longtemps, l'étudiante n'avait-elle encore donc pas pu tenir sa langue ?

-Moi de même, répondit-elle sans rien laisser paraître en serrant la main de Robin.

-Je suis désolée de te la prendre, mais nous avons des boissons à boire. »

Une fois de plus, Vivi les interrompit en emprisonnant le bras droit de sa meilleure amie pour l'entraîner dans sa suite. La rousse ne tenta pas de s'échapper et, se laissant faire, elle se contenta de saluer d'un geste de la main l'aimable personne qu'était Robin. Les deux amies d'enfance se rassirent à leur table et la professeure fut ravie de voir la tasse de café à sa place ; elle en avait définitivement besoin. Avec précaution, elle posa La Controverse de Valladolid à côté d'elle et saisit la tasse de café, souffla doucement dessus avant de boire une gorgée. C'était amer, c'était fort et ça engourdissait la langue, mais qu'est-ce que c'était bon. Elle ferma les paupières et apprécia ces quelques secondes de repos. Elles étaient nécessaires suite à sa profonde discussion avec Robin.

« Alors, tu le trouves comment ce café-librairie ? Demanda Vivi en souriant et Nami gloussa, parce qu'elle avait de la chantilly sur la lèvre supérieure. Qu'est-ce qu'il y a ? Reprit-elle, les sourcils froncés, ne comprenant pas pourquoi la rousse rigolait.

-Tu as de la chantilly, sur la bouche, lui répondit-elle entre deux rires et immédiatement, la plus jeune rougit de honte avant de prendre précipitamment une serviette en papier pour s'essuyer.

-Tu aurais pu me le dire plus tôt, au lieu de te moquer de moi, lui reprocha la bleuté avant de glousser à son tour.

-Je te l'ai dit, c'est déjà assez gentil de ma part, j'aurais pu te laisser comme cela encore longtemps si j'avais voulu, répliqua la récente célibataire en haussant les épaules, un léger sourire toujours fermement accroché à ses lèvres. Sinon, oui, tu avais raison, le café-librairie est vraiment très beau, j'aime beaucoup tout ce mélange de couleurs, de formes, mais aussi ce thème marin.

-As-tu eu le temps d'admirer le côté librairie ? Il est tout aussi magnifique que la partie café.

-Je n'ai pas réellement fait attention, une prochaine fois sûrement, lui assura Nami en buvant une nouvelle gorgée de son breuvage et elle peut voir le sourire de la bleuté s'agrandir ; il y aurait une prochaine fois.

-Sinon, que t'as conseillé Robin comme lecture ? Elle arrive toujours à trouver ce dont les clients ont besoin, même si eux n'arrivent pas à le formuler, commenta Vivi en mangeant la chantilly de son chocolat viennois à l'aide de la cuillère que le serveur lui avait apporté.

-La Controverse de Valladolid, je connais pas le moindre du monde, surtout qu'elle m'a dit que c'était une œuvre historique.

-Robin n'a jamais commis une seule erreur lorsqu'il était question de conseiller des livres, donc je pense que tu peux lui faire confiance les yeux fermés, affirma l'étudiante en hochant discrètement la tête de haut en bas, et elle semblait si convaincue par ce qu'elle avançait que la plus vieille décida de la croire.

-Tu as certainement raison. »

(...)

Trois jours, c'était le temps que Nami avait été capable de passer sans aller dans le café-libraire. C'était étrange, même si elle n'avait foulé cet endroit qu'une seule et unique fois, elle s'y était immédiatement sentie à l'aise et elle voulait qu'une chose, y retourner. Ce fut pour cette raison qu'elle franchit la porte du Thousand Sunny en ce mercredi après-midi. Immédiatement, cette même odeur de café mélangée à celle des pâtisseries lui vint au nez et elle sourit de bonheur. Sans attendre, elle partie en direction de la partie réservée à la lecture. Outre les grandes étagères qui habitaient l'endroit, elle put cette fois-ci admirer la décoration. La jeune femme avait l'impression d'être dans une ancienne bibliothèque, comme celle qu'elle avait pu admirer toute son enfance dans Harry Potter. Une odeur de vieux caractéristique des livres la frappa. Comment n'avait-elle pas pu la remarquer la première fois ?

Ne souhaitant pas s'attarder plus longtemps pour pouvoir lire le plus possible, la professeure se hâta de trouver une table libre pour poursuivre sa lecture de La Controverse de Valladolid. Elle avait commencé l'œuvre le dimanche, sans pouvoir la continuer les deux jours suivants à cause de son travail. Elle était absolument passionnée par le livre et elle était heureuse que Robin l'eût choisi. Vivi avait eu raison, elle ne s'était pas trompée. Et Robin avait elle aussi eu raison, ce n'était pas du tout le genre de livre sur lequel elle se serait attardée et cela aurait été une énorme erreur de sa part.

Elle ne sut depuis combien de temps elle resta assise à cette table, plongée dans son livre, mais ce ne fut qu'au bout de la troisième interpellation qu'elle reprit contact avec la réalité. Brusquement, elle releva la tête et ce, pour tomber sur le regard et le sourire d'un blondinet barbu. Rapidement, elle jeta des regards à gauche, puis à droite, pour être certaine que c'était bien à elle que le serveur s'adressait. Lorsque la rousse comprit que c'était effectivement le cas, elle rougit légèrement, honteuse de l'avoir fait attendre aussi longtemps, même s'il ne semblait pas lui en tenir une quelconque rigueur, son sourire en était la preuve.

« Euh, je suis désolée, vous disiez ? Demanda-t-elle faiblement toujours aussi gênée et à présent toute ouïe.

-Voulez-vous boire quelque chose ? Cela fait déjà une heure que vous lisez sans relâche, si bien que j'ai hésité de nombreuses fois avant de finalement venir vous voir, répondit patiemment le blond et Nami s'apprêtait à commander quelque chose lorsque la deuxième information arriva jusqu'à son cerveau.

-Attendez, vous avez bien dit une heure ? Répéta-t-elle en faisant les gros yeux, l'employé se contenta de hocher la tête et elle jeta un coup d'œil à sa montre pour être certaine. Oh mer, mince, ça va pas du tout, je suis en retard, tellement en retard, s'affola la jeune femme en se levant avec précipitation, rangeant à la va-vite le livre dans son sac à main. Je suis désolée, je dois partir, promis la prochaine fois je prendrai quelque chose dès que je rentrerai dans le café, s'excusa-t-elle en lançant un regard sincèrement désolé en direction du barbu avant de lui tourner le dos. Bonne soirée. »

Et la professeure des écoles disparut sous les yeux grands ouverts et emplis d'incompréhension du pauvre serveur laissé dans l'ignorance. Pendant ce temps là, Nami trottinait dans les rues de sa ville natale pour retourner dans son appartement. Elle retrouvait sa mère et sa sœur ce soir et elle ne devait absolument par arriver en retard, surtout qu'elle avait promis qu'elle les aiderait à préparer le dîner. Elle avait encore des tonnes de choses à faire et si peu de temps devant elle.

(...)

Nami poussa un long soupir tout en s'étirant sans aucune grâce. Une nouvelle semaine venait de se terminer et elle était éreintée. Sans pour autant se plaindre, elle continua de ranger la salle de classe. Aujourd'hui, elle avait tenté de faire ressortir le côté artistique des enfants avec un atelier de peinture. Le résultat avait été plus terrifiant qu'autre chose. Malgré tout, elle avait été heureuse de partager ce moment avec ses élèves. Elle aurait certainement terminé dans une petite demi-heure et il lui suffit d'un simple coup d'œil à sa montre pour savoir si elle avait le temps de passer au café-libraire. La rousse n'avait pas pu y retourner en fin de semaine dernière, ni dans le courant de cette semaine. Elle se sentait toujours mal de ne pas avoir commandé quelque chose la dernière fois qu'elle y avait été et elle voulait réellement réparer son erreur.

Soudain, son téléphone sonna et elle reconnut immédiatement la caractéristique musique de l'iPhone. Elle se hâta de rejoindre son bureau et après l'avoir cherché sous un tas de feuilles volantes, elle le saisit brusquement. Sachant qu'elle avait des grandes chances de louper l'appel, elle ne prit pas la peine de regarder qui tentait de la rejoindre. Et peut-être aurait-elle dû le faire.

« Allô ?

-Hey, Nami, comment vas-tu ? Questionna une voix rauque qu'elle reconnaissait entre mille, sans pouvoir se contrôler, elle commença à trembler. Nami ?

-Oh, Marco, quelle bonne surprise ! S'exclama-t-elle faussement, la gorge sèche alors qu'elle s'écroulait sur la chaise de son bureau, ses jambes ne pouvant plus la supporter. Je vais bien et toi ?

-Tu es certaine ? Tu sembles bizarre, interrogea-t-il à nouveau et il semblait sincèrement inquiet, ce qui avait le don de mettre la jeune femme hors d'elle.

-Bien évidemment. Pourquoi tu m'appelles ? Reprit-elle froidement, ne pouvant se résoudre à faire ami-ami avec celui qui lui avait brisé le cœur.

-Je voulais simplement prendre de tes nouvelles, ça fait longtemps que l'on ne sait pas parlé Nami, répondit son interlocuteur et il semblait mal à l'aise : tant mieux. J'ai déjà essayé de te contacter plusieurs fois, mais tu ne me répondais pas, continua-t-il sur un ton de reproche et cela en fut trop pour la professeure.

-Tu t'étonnes que je ne te répondes pas ? Marco, putain, tu m'as quitté du jour au lendemain sans aucune explication, qu'est-ce que tu croyais ? S'énerva la plus jeune avant de pousser un long soupir et de se frotter l'arrête du nez avec son pouce et son index. Écoute, j'ai pas envie d'avoir cette conversation avec toi maintenant ni jamais. J'ai pleins de choses à faire, donc si tu veux bien m'excuser.

-Mais, Nami- »

Sans le moindre remord, la rousse lui raccrocha au nez. Pour qui se prenait-il ? Il était tout de même culotté, oser la rappeler, faire comme si rien ne s'était passé et en plus lui reprocher de ne pas lui répondre au téléphone. Elle le détestait. Elle posa violemment son cellulaire sur son bureau et retourna à ses occupations, rageuse. Elle devait absolument finir de ranger toute cette salle, elle avait définitivement d'un bon café et d'un bon livre. La belle entendit à nouveau son téléphone portable sonné, elle savait très bien que c'était Marco qui tentait à nouveau de la joindre. Au fond d'elle, elle avait envie d'entendre ce qu'il avait à lui dire. Elle avait envie d'entendre pourquoi il l'avait quitté si abruptement. Elle avait envie d'entendre à nouveau sa voix, parce que bien sûr que oui elle l'aimait toujours. Pour autant, elle ne pouvait pas et ne devait absolument pas oublier son cœur brisé et sa fierté piétinée.

(...)

Encore une fois, elle ne put se retenir de sourire en entrant dans le café-librairie. L'endroit n'avait pas changé et la même odeur et ambiance en sortaient. Ses muscles se détendirent immédiatement et elle poussa un petit soupir de soulagement. Elle reprit ses esprits quand elle entendit la porte derrière elle s'ouvrir, elle se décala rapidement, laissant les nouveaux clients entrer. Elle avait toujours l'impression de voir beaucoup de monde et elle était contente que le café-libraire fonctionne si bien, même s'il n'avait ouvert qu'un mois et demi auparavant. Sans attendre plus longtemps, elle se dirigea vers le bar et fut ravie de voir que le blondinet était derrière ce dernier. Elle ne prit pas la peine de s'asseoir sur la chaise haute puisqu'elle ne comptait pas rester longtemps ici. Le serveur qui était occupé à remplir son plateau de pâtisseries releva la tête et sembla la reconnaître puisque le sourire qui se dessinait sur ses lèvres était bien trop grand pour être un simple signe de politesse.

« Bonjour, salua-t-elle en lui renvoyant son sourire tout en passant une main dans ses longs cheveux attachés en une queue de cheval, c'était l'un de ses nombreux tics lorsqu'elle était stressée.

-Bonjour, que puis-je vous servir cette fois-ci ? Demanda le jeune homme aux émouvantes iris noisette en un léger sourire moqueur qui intensifia celui de Nami.

-Je tiens encore à m'excuser pour la dernière fois. Si je commande un café, je peux le boire dans le coin lecture ? Questionna la rousse pour être certaine que cela ne posait pas le moindre problème, elle s'était déjà fait remarquer la dernière fois, elle voulait éviter de le faire à nouveau.

-Au contraire, allez vous installer, je vous apporte cela tout de suite. »

La professeure ne rajouta rien et se contenta de simplement hocher la tête en signe d'accord. Le jeune homme eut à peine le temps de reprendre la tâche qu'il effectuait avant l'arrivée de Nami que déjà, deux demoiselles le demandaient. Le serveur lui offrit un sourire contrit et s'éloigna d'elle pour répondre à la demande des nouvelles clientes. Discrètement, la rousse les observa et ses sourcils se levèrent de surprise quand elle remarqua l'attitude que les deux jeunes demoiselles avaient envers le blond. La jeune femme était prête à parier qu'elles n'avaient même pas vingt ans et pourtant, elles se gênaient pas pour le draguer ouvertement. Elle pouvait le voir à la façon dont elles touchaient leur longs cheveux, à la façon dont elles rigolaient et à la façon dont elles le regardaient. Décidément, entre Vivi et ces deux autres demoiselles, le serveur avait du succès et elle était prête à parier que se faire draguer était son quotidien. Quel bourreau des cœurs.

La rousse gloussa en secouant la tête de gauche à droite. Elle replaça correctement son sac contre son épaule droite et partit en direction de la salle de lecture. Sur le chemin, elle croisa un autre serveur ; ses cheveux étaient aussi noirs que la nuit et le sourire qu'il lui envoya était si grand qu'elle ne put que fondre. À l'affût, elle regarda de tous les côtés dans l'espoir de voir une tête brune et un sourire énigmatique. Malheureusement, elle ne vit pas Robin et dut se résigner à lui donner son avis sur La Controverse de Valladolid (qu'elle avait presque terminé) une prochaine fois. Dans le silence, elle s'assit à une des tables mises à la disposition des lecteurs et reprit là où elle s'était arrêtée.

« Mademoiselle ? Appela toujours la même voix rauque et Nami releva la tête, le serveur se trouvait devant elle et déposait le café qu'elle avait commandé sur la table.

-Je vous dois combien ? Demanda-t-elle en portant sa main à son sac, prête à sortir son porte monnaie pour régler l'addition.

-Un cinquante s'il vous plaît, souhaitez-vous le ticket de caisse ?

-Pas besoin, merci, répondit la rousse en tendant le compte au serveur.

-Merci bien, je passe souvent par ici, n'hésitez pas à m'interpeller si vous voulez commander autre chose, l'informa le barbu en gardant toujours son beau sourire et la jeune femme devait avouer qu'elle le trouvait particulièrement beau.

-J'en prends note, merci.

-Bonne lecture. »

Sans un mot de plus, le blondinet lui tourna le dos et alla servir les autres lecteurs, Nami, quant à elle, se replongea dans sa lecture, avide de savoir. Elle avait découvert dans ce livre une partie de l'Histoire qui lui était totalement inconnue. En effet, jamais dans un cours d'Histoire durant ses études elle avait entendu parler d'un procès qui avait eu lieu au seizième siècle pour savoir si oui ou non, les amérindiens avaient une âme et donc si oui ou non, les européens avaient le droit de les réduire à l'esclavage. Ce procès paraissait totalement absurde aux yeux d'une femme du vingt et unième siècle, et pourtant, c'était quelque chose qui s'était bel et bien produit. Elle ne regrettait pas d'avoir acheter ce livre suite aux conseils de Robin. C'était exactement le type de livre qu'elle recherchait, il y a deux semaines de cela, elle n'avait jamais lu un seul livre de ce genre et à présent, elle n'hésiterait pas à en racheter si elle avait l'occasion.

Les minutes s'écoulèrent sans que Nami ne s'en rende compte, ayant totalement perdu la notion du temps. Rien ne pouvait la déroger de sa lecture, si ce n'était le café qui était posé sur sa table et fini depuis bien longtemps à présent. La rousse sentait, que progressivement, le nombre de feuilles qu'elle tenait avec sa main droite diminuait, pendant que celui du côté gauche grossissait inlassablement. Elle arrivait à la fin du livre, elle le savait et cette sensation lui donnait encore plus envie de le terminer. Enfin, elle arriva à la dernière page :

L'ouvrier africain vient de rentrer dans la salle par une autre porte. Il tient un balai à la main. Les épaules courbées, le regard vers le sol, il s'approche du centre de la pièce et commence à balayer les débris du serpent à plumes.

On entend le bruit du balai. Une cloche se met à sonner, quelque part dans le monastère.

Personne n'a suivi la controverse avec plus d'attention que le jeune moine. Tout ce qu'il s'est dit l'a étonné, l'a effrayé, l'a souvent troublé. Et pour finir il reste là, sur le pas de la grande porte, le claquoir à la main. Il regarde l'Africain silencieux, qui balaie lentement les débris de l'idole.

(La Controverse de Valladolid, Jean-Claude Carrière, 1992, p.253)

Nami resta un long moment devant cette dernière page, ces derniers mots et finalement, en poussant un léger soupir, elle ferma le livre. Cette fin l'avait totalement retournée, si bien qu'elle en avait même le ventre noué. Tout prenait son sens. En effet, la rousse venait de découvrir une nouvelle facette de l'Histoire à travers ce livre. Comment cela se faisait-il qu'elle n'en avait jamais entendu parlé auparavant ? Elle resta pendant de longues minutes, le regard rivé sur la couverture du roman historique. Ses épaules semblaient soudainement si lourdes, comme si elle portait le poids de toute l'humanité. Et après avoir lu ce livre et avoir eu connaissance de cette sombre partie de l'Histoire, elle avait la réelle impression de porter l'un des nombreux crimes que l'humanité avait commis.

Soudain, une petite part de tarte citron meringué apparut dans son champ de vision, la faisant revenir sur terre. Qu'es-ce que… ? Perplexe, elle releva légèrement la tête et tomba sur le serveur blond au sourire ravageur. Elle était certaine de ne pas avoir commandé cela, il y avait erreur. Le barbu sembla voir son incompréhension puisqu'il prit la parole :

« Une douceur peut soulager tous les maux, déclara-t-il en déposant la pâtisserie sur la table, suivie d'une grande tasse emplie d'un thé dont une odeur de citron s'en dégageait.

-Je, c'est très gentil de votre part, mais je ne peux pas accepter, déclina gentiment la professeure en un doux sourire.

-J'insiste, vous allez voir, après avoir bu ce thé et goûter à cette tarte, tout ira pour le mieux, lui assura-t-il en poussant dans sa direction la petite assiette à dessert où reposait le met jaune et blanc accompagné de sa petite cuillère.

-Si vous insistez. »

La jeune femme leva légèrement les mains en l'air pour montrer sa défaite et la seule réponse de l'employé fut de glousser. C'était la première qu'elle l'entendait rigoler et elle trouvait que c'était un son plutôt plaisant aux oreilles. Voyant que le serveur ne bougeait pas, elle comprit qu'il attendait sa réaction et sans un mot elle saisit la cuillère, prête à déguster la sucrerie. C'était presque inaudible, mais elle était prête à parier qu'elle avait entendu le bruit du fer coupant la meringue, de plus, la douce odeur lui enveloppait les narines. Elle adorait les tartes au citron meringué et jamais le serveur n'aurait pu choisir meilleure pâtisserie. Elle en avait l'eau à la bouche. La rousse leva une dernière fois ses yeux noisettes en direction du blond et elle pouvait lire à quel point il était impatient sur son visage. Souhaitant le ménager, elle reporta son attention sur le met et le mit dans sa bouche sans attendre plus longtemps. Une explosion de saveur en fut la conséquence, elle pouvait sentir très distinctement le goût amer du citron et celui sucré de la meringue, cependant, ils se marinaient avec une telle perfection que cela en était retournant. Nami ne savait pas qui l'avait faite, mais cette tarte était un réel délice.

« Wow, c'est vraiment bon, annonça-t-elle en regardant le barbu, une fois qu'elle eut avalé sa première bouchée. Qui est le chef ? Demanda-t-elle ensuite, curieuse de savoir qui était le génie culinaire qui se cachait derrière les cuisines.

-Moi, répondit le blond en rougissant et en se grattant l'arrière de sa nuque, en plus d'être gentil et beau, il était aussi très doué en cuisine, décidément.

-Vous voulez dire que vous êtes à la fois serveur et cuisinier, ici ?

-En effet, je fais les pâtisseries tôt le matin et une fois le café est ouvert, je deviens serveur, expliqua-t-il en souriant, mais ce dernier semblait bien las.

-Vous devez tenir un rythme hors norme, compatit la professeure en prenant une nouvelle part de la sucrerie, ne pouvant s'en empêcher.

-Plutôt oui, avoua le barbu en poussant un léger soupir. Mais je m'épanouis ici, Luffy m'a offert une chance en me proposant ce poste. Et puis, ce n'est que temporaire, un autre employé va arriver dans les mois à venir, il prendra ma place et moi j'aurais un temps plein en tant que pâtissier et pourquoi pas, un jour, en tant que cuisinier, développa-t-il et tout le long de son discours, Nami avait pu voir ses yeux se remplir d'ambition et cela la fit sourire.

-Luffy ? Interrogea-t-elle en penchant légèrement la tête sur le côté.

-Le patron, il est celui qui nous a tous embarqué dans cette folle aventure, il sert lui aussi, l'éclaira-t-il en souriant, il marqua une pause de quelques secondes, avant de reprendre : Si je peux me permettre, qu'est-ce qui vous a mis dans cet état ? Vous sembliez si désemparée.

-Oh, Robin, une de vos collègues, m'a conseillé de lire La Controverse de Valladolid, je viens de le terminer. »

L'explication de la belle fut assez courte et dans un même mouvement, elle saisit la anse de la grande tasse et l'apporta à sa bouche. Elle but une gorgée du thé avant qu'il ne refroidisse, mais n'osa pas en prendre une trop grande de peur de se brûler. Lui aussi était délicieux. Sans attendre que l'employé ne réponde et habitée par une passion qu'elle ne pouvait réfréner et dont elle ne comprenait pas la source, elle reprit :

« Vous vous rendez compte que les européens se sont réellement demandés si les amérindiens avaient une âme ? Je veux dire, cela paraît évident ! Comment ont-ils pu penser qu'ils n'avaient pas d'âme simplement parce que leur culture était différente ? Comment peut-on être si ethnocentrique ? Je sais qu'on a tendance à l'être, on rejette toujours la différence, mais de là à en faire des esclaves et à ne pas croire qu'ils aient une âme. Quand je pense que le combat qu'a mené avec tant de vigueur Las Casas pour la libération d'un peuple mènera à des siècles d'esclavage et de discrimination pour un autre. Et le pire, c'est que derrière tout cela, tout n'est qu'une question d'argent, vous vous rendez compte qu'on a fait souffrir nos semblables dans le seul but de gagner une pauvre pièce ou un pauvre billet ? Je veux dire, débuta-t-elle vivement avant de s'arrêter, comprenant qu'elle s'était emballée et qu'elle avait dit tout ce qu'elle pensait sans se préoccuper si cela intéressait son interlocuteur. Je suis désolée, vous devez vous en moquer. »

La seule réponse du blond fut d'éclater de rire, Nami, qui se sentait déjà assez honteuse comme cela se ferma un peu plus. Elle rougit avant de prendre une nouvelle part de la tarte au citron meringué, cela lui apprendra à parler avant d'avoir tourné sa langue sept fois dans sa bouche. Le serveur eut besoin de quelques secondes supplémentaires pour se calmer et la jeune femme se sentit bien seule durant ces dernières.

« Alors que je croyais que vous ne pouviez plus me surprendre, vous trouvez toujours un moyen de le faire à chacune de nos rencontres, déclara le jeune homme, le ton encore rieur.

-Vous exagérez, on ne s'est rencontré que deux fois, bouda-t-elle en gonflant ses joues, tentant de retenir le léger sourire qui voulait étirer ses lèvres pulpeuses.

-Vous ne vous souvenez pas de la première fois ? Questionna-t-il en fronçant les sourcils, il se semblait pas vexé, seulement… étonné, mais ce n'était rien comparé à elle.

-La première fois ?

-Oui, quand vous êtes venue avec votre amie Vivi. »

Sa réponse ne l'éclaira pas dans un premier temps. Puis, lorsqu'elle comprit qu'il était le fameux serveur auquel elle n'avait pas pris la peine de lancer un seul regard, elle rougit. Elle cacha précipitamment son visage avec ses mains, elle avait honte. Elle avait été si mal polie ce jour-là. C'était l'un de ses mauvais jours où elle n'avait qu'une envie : se noyer pour oublier toute la peine qu'elle ressentait suite à sa séparation avec Marco. Au bout de quelques minutes, elle dut se résoudre à relever la tête, cela ne servait à rien de se cacher plus longtemps, de plus, elle était à nouveau mal polie.

« Je suis vraiment désolée, mon comportement était totalement déplacé ce jour-là.

-Mauvais jour, hein ? Devina-t-il en souriant toujours aussi doucement et Nami le trouvait bien trop gentil pour qu'il soit réel.

-Ouais, plutôt, répondit la rousse en regardant ailleurs, gênée. D'ailleurs, il serait peut-être temps que nous nous-

-Hé, Sanji, qu'est-ce que tu fiches encore ? On a besoin de toi en salle, Luffy est en train de devenir fou et je parle même pas de Zoro ! »

La jeune femme venait de se faire abruptement couper par l'exclamation d'une voix masculine. Dans la seconde qui suivit, un jeune homme au long nez apparut dans la partie réservée aux livres. La rousse le reconnut sans grande difficulté, comment ne pas le faire avec un si grand nez ? Elle était certaine de le reconnaître, il était souvent derrière le bar, en compagnie d'un autre jeune homme borgne aux cheveux verts. Ils étaient ceux qui préparaient les commandes. Soudain, elle réalisa que le patron était le brun au magnifique sourire qu'elle avait croisé le jour-même et que le fameux « Zoro » était le barman à l'air toujours si sérieux. Par ailleurs, elle-

« Je suis réellement désolé, mais le devoir m'appelle, à une prochaine fois ? »

Il s'était rapidement excusé en se courbant légèrement. Sans attendre la réponse de la professeure des écoles qui s'était fait à nouveau couper, il s'en alla. Nami poussa un léger soupir avant de sourire. Soudain, elle entendit le bruit d'une vibration contre le bois et elle comprit que c'était son cellulaire. Avec horreur, elle déchiffra le message de sa meilleure amie ; elle était en retard. La bleuté allait la tuer, elle en était certaine. Rapidement, elle termina ce que le serveur lui avait amené, rangea son livre dans son sac à main, se leva, enfila son manteau, son écharpe et partit. Elle avait à peine fait deux pas qu'elle réalisa qu'elle n'avait pas payé, elle pesta contre elle-même pour être autant étourdie lorsqu'elle était pressée. Elle laissa un billet de dix et partit, cette fois-ci, pour de bon. La jeune femme savait qu'elle avait laissé bien plus que nécessaire, mais la compagnie avait été fort sympathique, elle devait donc bien cela au serveur. Elle fut à peine sortie du café-librairie qu'elle repensa à ce qu'avait dit le barman au long nez lorsqu'il l'avait coupé et un fin sourire étira ses lèvres.

« Sanji, hein ? »

(...)

Nami se trouvait à nouveau dans le café-libraire, en réalité, c'était devenu son repaire, l'endroit où elle se sentait le mieux, au point où elle le préférait à son appartement. Vivi l'accompagnait cette fois-ci et toutes les deux discutaient jovialement. Comme à son habitude, la plus jeune avait un chocolat viennois devant elle, tandis que la rousse se contentait d'un simple café. Elles avaient été tentées par les pâtisseries et avec donc chacune une sucrerie, la professeure avait une tarte au citron meringué et la bleuté un cupcake. Cela faisait déjà une bonne demi-heure qu'elles étaient assises, cependant, elles ne pouvaient se résoudre à partir, se sentant bien trop bien pour se diriger vers la sortie.

« Je suis tellement contente que tu m'aies forcé à venir ici, ne pas connaître cet endroit serait un péché, déclara soudainement Nami en regardant pour la énième fois son petit paradis.

-Ça doit faire deux mois environ, non ? Répondit Vivi avec ce même sourire accroché aux lèvres. Dieu seul sait à quel point ça n'a pas été facile de te traîner ici. » Plaisanta-t-elle ensuite, ce qui les fit toutes les deux glousser.

Le rire de la rousse se calma progressivement et un sourire prit à nouveau place sur son visage lorsqu'elle croisa le regard de Sanji. Le sourire du jeune homme s'agrandit et il lui fit un signe de la main, la saluant chaleureusement, la belle en fit de même. Les deux s'étaient beaucoup rapprochés, si bien qu'ils ne prenaient même plus la peine de se vouvoyer. De plus, dès que le barbu avait quelques secondes pour lui ou bien des pauses durant son service, il les passait en compagnie de Nami, s'invitant à sa table. Sanji était quelqu'un de drôle et d'attentionné et la rousse appréciait passer du temps avec lui. Il était parfois un peu trop bruyant et populaire auprès des clientes à son goût, mais elle faisait avec. Son sourire s'intensifia et elle aurait pu penser au serveur pendant encore un long moment, si la voix de son amie n'avait pas raisonné à ses oreilles.

« Sanji hein ? Je n'y aurais jamais cru, déclara-t-elle sur un ton moqueur, alors que la plus vielle rougissait et elle se maudit pour agir comme une adolescente.

-N'importe quoi ! Nia avec force la rousse et la seule réaction de l'étudiante fut d'exploser de rire.

-Pas à moi s'il te plaît. Je le vois dans tes yeux, tu l'aimes bien, avoue-le.

-Peut-être un petit peu, en effet, céda la professeure, sachant que cela ne servait à rien de lui mentir, elles avaient toujours été honnêtes l'un envers l'autre, cela n'allait pas changer aujourd'hui.

-Est-ce que ça veut dire que tu as enfin oublié l'autre connard de Marco ? »

La question emplie de curiosité de Vivi plana dans les airs pendant un temps qui leur sembla interminable. Nami finit par baisser les yeux et se mordre la lèvre. Elle ne pouvait le nier, une partie d'elle était encore folle amoureuse de Marco et ce, même si elle nourrissait qu'un sentiment de haine envers lui. Il avait été son amour pendant si longtemps, elle avait mis du temps avant d'apprendre à vivre à nouveau en tant que célibataire, mais aussi à reprendre confiance en elle en tant que femme. Elle devait avouer que Sanji l'avait beaucoup aidé concernant le deuxième point et cela en était effrayant, il avait fallu qu'un autre homme lui porte de l'attention pour qu'elle se sente à nouveau comme une femme. Cependant, d'un autre côté, elle commençait sincèrement à s'attacher au serveur. Elle n'était pas amoureuse, elle en était certaine, malgré tout, il arrivait à la rendre nerveuse et à la faire rire d'un rien. La rousse était tout simplement partagée entre le fantôme d'une relation et ce nouveau sentiment qui se propageait en elle.

Soudain, son téléphone vibra contre la table et la sonnerie caractéristique de l'iPhone retentit, coupant le fil de ses pensées. Sans attendre, elle regarda qui tentait de la joindre. Marco ? Elle pesta, ce n'était décidément pas le bon moment. Elle poussa un long soupir et appuya sur le bouton de verrouillage pour couper court à l'appel. Lorsqu'elle porta à nouveau son attention sur Vivi, cette dernière la regardait avec incompréhension. Et alors qu'elle s'apprêtait à détourner son attention en parlant d'un sujet quelconque, la question fatidique retentit :

« C'était qui ?

-Marco, annonça la professeure en un léger soupir et les traits de son amie se durcir sous la colère.

-Encore lui ? Quand va-t-il comprendre qu'il doit te laisser tranquille ? Ça va faire plus de cinq mois que vous vous êtes séparés, il est temps qu'il passe à autre chose, surtout que c'est lui qui t'a plaqué. Tu devrais peut-être porter plainte pour harcèlement, proposa sérieusement la bleuté et Nami trouva qu'elle s'emportait.

-Je ne vais certainement pas porter plainte contre Marco, je veux dire, il m'appelle souvent, mais jamais il n'est venu me voir à l'école, donc c'est pas vraiment du harcèlement.

-Tout de même, je maintiens ce que je viens de dire, si cela continue, j'irais moi-même porter plainte. »

Nami pouffa en simple réponse, soudain, son téléphone vibra à nouveau. En fronçant les sourcils, elle regarda sa notification ; Marco venait de lui laisser un message vocal. Ce n'était pas la première fois qu'il le faisait et à chaque fois, elle supprimait le message sans jamais le lire. Elle avait peur de ce qu'elle entendrait si elle faisait. Et s'il lui disait qu'il voulait la voir ? Et s'il lui disait qu'il l'aimait encore ? Et s'il souhaitait simplement la briser un peu plus ? Elle ne sentait pas bien. Réellement pas bien. Les larmes lui montèrent aux yeux et elle tremblait tant elle était secouée par d'horribles émotions. Vivi remarqua bien évidemment son changement de comportement, elle avança son bras dans sa direction, comme pour la rassurer et lui montrer son soutien. Cependant, la pitié était la dernière chose dont la rousse avait besoin maintenant. Elle sortit précipitamment un billet de vingt, payant en même temps la commande de sa meilleure amie et sans un mot de plus s'habilla et partit. La vue brouillée par les perles salées, elle ne s'arrêta pas, même lorsqu'elle entendit la voix de la bleuté et encore moi quand celle de Sanji lui vint aux oreilles.

(...)

« Je sais que tu as pas envie de sortir en ce moment, mais s'il te plaît, accompagne moi au TS pour le concert hebdomadaire ». Nami poussa à long soupir en relisant le message que sa meilleure amie lui avait envoyé il y a quelques heures de cela. Comme tous les samedis soirs, le café-libraire accueillait Brook, un chanteur de rue talentueux. Trois jours étaient passés depuis l'appel de Marco et la rousse s'était à nouveau refermée sur elle-même. C'était toujours comme cela lorsqu'il était question de son ex petit ami. Il fallait qu'elle se reprenne en main, elle n'allait pas une fois de plus laisser cet idiot (et encore, elle était gentille) lui gâcher sa vie. Rapidement et surtout, avant de changer d'avis, elle répondit à Vivi, lui confirmant sa présence ce soir. Sans plus attendre, elles convinrent une heure pour se rejoindre devant le café puis la professeure se leva de son lit pour aller se préparer.

Nami se trouvait à quelques mètres du Thousand Sunny et déjà, elle entendait le bruit de la musique qui en sortait. Elle savait que plus l'endroit était bruyant et plus il avait de monde. La jeune femme n'était pas du genre à aimer la foule et même si elle adorait la musique, elle préférait l'écouter chez elle, au calme. Malgré tout, elle savait aussi que plus il y avait de monde dans le café-libraire et plus la recette serait grosse, ce qui était bon signe pour l'équipe du Thousand Sunny. Comme à son habitude, elle était en retard et elle vit son amie d'enfance qui l'attendait près de la porte, entourée d'autres clients, une veste en jeans sur le dos. Le mois de mai était déjà bien entamé et il faisait assez bon dehors pour se permettre de se découvrir et c'était quelque chose d'agréable, après le dur hiver qu'ils avaient passé. Vivi, en la voyant, sourit et la rousse en fit de même, cela faisait un bien fou de la revoir. Elles se prirent dans les bras pour une légère étreinte avant de rentrer dans le café-libraire d'un même mouvement.

Immédiatement, un air chaud fouetta le visage de la belle ; il y avait vraiment beaucoup de monde. Nami supposa que c'était dû à deux raisons : les beaux jours et la popularité croissante du Thousand Sunny. De loin, elle put apercevoir toute l'équipe, plus deux amis de Luffy qui venaient en renfort lors des soirs de concert. Zoro et Usopp, éternellement au bar s'affairaient sans relâche et ils étaient aidés par Franky l'une des aides. Luffy et Sanji servaient comme à leur habitude, Jimbei s'était ajouté à la petite équipe et lui aussi était un ami qui venait en supplément. Et ce soir, même Robin avait revêtu la tenue de serveuse, même si elle n'aimait pas particulièrement cela, préférant de loin le calme et les livres. Toute l'équipé était en sueur et elle savait qu'ils avaient envie que d'une seule chose : que la soirée se termine. Même s'il y avait beaucoup de monde, le volume sonore n'était pas très élevé et il était aisé d'entendre la musique. Les clients passaient la plupart de leur temps à écouter avec attention le musicien et ne parlaient donc que peu et discrètement. Et elle devait avouer qu'elle adorait cela, pouvoir entendre à la perfection Brook chanter et non la vie de personnes qu'elle ne connaissait pas.

Ne voulant pas bloquer la porte plus longtemps, les amies de longue date s'avancèrent, traversèrent la foule et arrivèrent au niveau du bar. En les reconnaissant, Usopp leur sourit rapidement avant de retourner à sa tâche, voyant qu'il était occupé, elles s'assirent sur les chaises hautes, attendant patiemment d'être servies ; elles avaient toute la soirée devant elles. Ce fut Franky qui prit leur commande, se libérant le premier. Évidemment, Vivi prit un chocolat viennois accompagné d'un cheesecake, Nami, elle, prit un grand thé au citron accompagné de son éternel tarte au citron meringué. Depuis que Sanji la lui avait fait goûter il y a presque deux mois, elle ne pouvait s'en lasser, de plus, le mélange avec le thé citron était exquis, si bien qu'il commençait à remplacer le café. Ce qui était effrayant pour une accro à la caféine comme elle. Le temps de quelques secondes, elle croisa le regard du beau serveur et celui-ci lui envoya son sourire le plus flamboyant et elle en fit de même. Il était réellement incroyable.

Les deux jeunes femmes ne se parlèrent pas et se contentèrent de déguster la pâtisserie que le blond avait, comme à son habitude, cuisiné avec amour, de boire leur breuvage et de profiter de la magnifique voix de Brook. D'après ce que Nami avait comprit, Brook était un ami de Luffy et ce, malgré leur grande différence d'âge. Le musicien avait rencontré la boule d'énergie qu'était Luffy quand tout allait mal pour lui et ce dernier avait su lui insuffler suffisamment de courage pour se relever. Sanji lui avait dit que c'était la spécialité du patron, son sourire et sa volonté étaient des pouvoirs puissants. Le blond avait lui aussi rencontré le brun quand tout n'allait pas bien dans sa vie, quelque chose à propos de famille qui le rejetait et de mariage arrangé. Il n'avait pas voulu s'étaler sur le sujet et elle ne l'avait pas poussé à le faire, elle comprenait son besoin de garder certains points de sa vie secrets, puisqu'elle même le faisait. Il était important de garder une partie de sa vie privée, de garder un petit jardin secret.

Brook chantait une douce musique, c'était particulièrement étonnant puisqu'il avait tendance à jouer des chansons plus entraînantes, mais la jeune femme se laissa bercer, fermant les yeux. Nami ne connaissait pas la mélodie et encore moins les paroles, mais c'était agréable de pouvoir profiter d'un moment apaisant. Et en entendant plus aucun bruit dans la café-libraire, elle comprit qu'elle n'était pas la seule de cette avis.

« Oh, nothing ever happens anyway. »

Tous les clients du Thousand Sunny se levèrent et applaudir Brook d'un même mouvement. Cet homme regorgeait de talent et la rousse n'arrivait pas à comprendre pourquoi il n'était pas chanteur professionnel. La soirée se poursuivit des heures durant, entre regards, sourires, paroles, chants et applaudissements.

(...)

« Sincèrement Brook, toutes mes félicitations, tu as encore assuré ce soir, le complimenta la bleuté en lui serrant avec force les deux mains.

-Merci Vivi, c'est très gentil de ta part. Puisque ma musique t'a plu, m'accorderais-tu l'honneur de voir tes dessous ? Demanda-t-il avec sérieux et l'étudiante vira au rouge.

-Espèce de pervers !

-Yo ho ho ! »

Nami ne se retint pas de rigoler et elle fut rapidement rejoint par quelques clients à l'oreille indiscrète. Brook était un vrai spécimen. Elle était certaine qu'il n'y en avait pas deux sur Terre comme lui.

Il était minuit et le café-librairie fermait enfin ses portes. Le musicien avait donc arrêté de jouer et peu à peu les clients s'étaient en allés, souriant et joyeux et la rousse ne pouvait s'empêcher de penser que cet endroit avait un pouvoir magique qui apaisait les gens. Ce n'était pas pour autant que les employés ne faisaient rien. En effet, ils s'affairaient à ranger et nettoyer le café-libraire pour qu'il puisse rouvrir demain matin à huit heures et demi. Pour son plus grand malheur, la professeure n'avait pas pu parler à Sanji de la soirée et elle devait avouer que le voir passer à côté d'elle à toute vitesse sans recevoir ni regard, ni sourire de sa part avait été étrange. Elle comprenait parfaitement parce que l'endroit avait été bondé toute la soirée, malgré tout, elle aurait aimé une petite attention. Nami secoua la tête de gauche à droite, le blond l'avait tant habitué à avoir toute son attention que cela lui paraissait à présent insupportable d'être invisible. Elle ressemblait à une enfant gâtée.

« Les filles, on souhaiterait fermer. »

La voix grave de Zoro retentit dans ses oreilles et elle reprit contact avec la réalité. Il ne restait plus que Vivi et elle dans le Thousand Sunny, même Brook avait disparu. Rapidement, elle hocha la tête, comprenant parfaitement qu'elle n'était plus à sa place. Sans un mot, elle saisit son gilet et son écharpe qui se trouvaient sur le dos d'une chaise. La bleuté en avait fait de même et elles se dirigeaient vers la sortie pour pouvoir les laisser travailler.

« Zoro, laisse-les, si elles veulent rester, elles ne nous gênent pas, intervint Franky en douceur et il reçut immédiatement un regard noir du jeune homme aux cheveux verts.

-Je sais, mais les règles sont les règles, si on commence déjà à ne plus les respecter, on y arriva jamais, contre attaqua le barman avec force faisant hausser les épaules du plus vieux.

-Ce n'est rien Franky, bon courage et à bientôt ! Les salua Nami en souriant, montrant qu'elle n'était pas du tout vexée et alors qu'elles allaient sortir, une nouvelle voix s'éleva :

-N'importe quoi Zoro, bien sûr que vous pouvez rester les filles, vous êtes en quelque sorte vous aussi des membres de l'équipage, non ? »

À l'entente des propos de Luffy, les lèvres des deux jeunes femmes s'étirèrent en un magnifique sourire et si la rousse avait été quelqu'un de sensible, elle se serait mise à pleurer. C'était Luffy tout craché, il arrivait avec son beau sourire, sa bouille innocente et déballait des choses si honnêtes qu'il pourrait, à lui tout seul, faire trembler une montagne. Le rigide employé ne contesta pas et retourna à son travail, en silence. Un sourire diabolique puis attendrit prit place sur les lèvres de la rousse. C'était intéressant. Zoro osait contredire Franky et même s'imposer auprès de lui, cependant, ce n'était pas le cas avec Luffy. Et à la vue du regard que le jeune homme aux cheveux verts lui avait lancé en partant, elle était prête à parier que ce n'était pas seulement parce qu'il était son patron. C'est deux là entretenaient-ils une relation plus qu'amicale ?

Les deux amies d'enfance s'assirent sur les chaises hautes du bar et discutèrent calmement entre elles, pour ne pas déranger ceux pour qui la soirée était encore loin d'être terminée. Parfois, l'un des employés, souvent Usopp, Luffy ou Robin participaient légèrement à la conversation et Nami aimait croire que cela leur permettait de rendre leurs tâches plus aisées. La conversation était fluide et plaisante et la rousse était contente d'avoir fait la connaissance de l'équipe du Thousand Sunny. La professeure des écoles aurait adoré pouvoir les aider et ne pas rester simple spectatrice, seulement, ils étaient si bien coordonnés qu'elle avait peur de casser leur rythme plus qu'autre chose.

Pour son plus grand étonnement, Sanji avait disparu en cuisine depuis une bonne trentaine de minutes et il ne semblait pas vouloir en ressortir. La jeune femme était presque certaine qu'il faisait la pâte pour les pâtisseries du lendemain. En ce moment, les heures de sommeil se faisaient rares pour le blond et elle espérait que rapidement, Luffy pourrait embaucher quelqu'un d'autre à temps plein pour le soulager. La belle se retint de pousser un soupir, elle ne voulait pas paraître aussi capricieuse, mais elle aurait réellement aimé passer un peu de temps avec lui.

Sans qu'elle ne s'en rende totalement compte, ses yeux se mirent à brûler, signifiant que la fatigue venait enfin de la rattraper après les courtes nuits qu'elle avait passé ces trois dernier jours. Petit à petit, elle baissa la tête et finit par la poser sur ses bras croisés contre le bar. Et avant qu'elle n'ait le temps de réagir, elle sombra dans le pays des rêves.

(...)

« Hé, Nami, réveille-toi, souffla avec douceur une voix à son oreille et elle n'arrivait pas encore à savoir si tout ceci n'était que rêve ou simple réalité. Nami, on va fermer, il faut vraiment que tu te réveilles, reprit cette même voix et sa seule réponse fut de pousser un grognement digne d'un animal. Allez Nami, tu seras mieux dans ton lit en plus, insista ce qu'elle savait être un homme et cette fois-ci, elle ouvrit les yeux, tentant de se réveiller.

-Que- ? Demanda-t-elle en relevant la tête, totalement perdue quand elle comprit qu'elle était encore dans le café-libraire.

-Tu t'es endormie, lui répondit Sanji en la regardant tendrement et elle rougit avant de passer une main sur son visage dans l'espoir de sortir du brouillard.

-Vivi ? Questionna-t-elle à nouveau en regardant autour d'elle à la recherche de sa meilleure amie.

-Elle est déjà partie, elle avait peur de te confronter à ton réveil, lui expliqua le serveur et la jeune femme aux iris noisette grogna. Je comprends pourquoi, gloussa-t-il tendrement et la rousse ne put que sourire en réponse.

-Merci de m'avoir réveillé, je vais y aller, annonça la belle en se levant et en enfilant son manteau et son écharpe.

-Hors de question que je te laisse rentrer toute seule à cette heure-ci, j'en ai pour cinq minutes, attends-moi ici et je te ramène chez toi. »

Contester était un luxe auquel Nami n'avait pas eu le droit, puisque que déjà, le barbu partait en direction de la salle uniquement réservée au personnel. Néanmoins, la professeure savait qu'elle n'aurait contesté que pour la forme ; passer du temps avec Sanji était tout ce qu'elle voulait depuis le début de la soirée. C'était une parfaite opportunité. Elle jeta un coup d'œil à sa montre et s'étonna en voyant l'heure qu'il était : deux heures du matin, il n'était pas étonnant qu'elle se soit endormie sur le bar. Ce qui était au contraire surprenant, c'était le fait que Vivi soit partie sans elle, ce n'était pas du tout dans ses habitudes de faire cela. En effet, elles venaient ensemble, elles partaient ensemble, c'était aussi simple que cela. Avait-elle élaborée un quelconque plan ? Elle en était parfaitement capable. Doucement, elle se frotta les paupières, n'arrivant toujours pas à reprendre totalement contact avec la réalité. Par ailleurs, elle avait mal à la nuque et au dos, due à sa mauvaise position, elle s'étira sans aucune élégance et sourit en sentant ses muscles se détendre.

« Hé, sorcière, l'appela celui qu'elle reconnaissait comme étant Zoro et les sourcils froncés, elle l'observa s'approcher d'elle.

-Sorcière, sérieusement ? Répéta-t-elle avec une légère froideur, n'appréciant ni le surnom, ni le ton du barman.

-J'ai pas trouvé mieux, s'excusa-t-il en haussant les épaules et elle poussa un soupir. L'autre blondinet te ramène chez toi ? »

Comme à son habitude, Nami n'arrivait pas à savoir quelle était la nature de la relation entre eux deux. Ils passaient la plupart de leur temps à s'insulter ou à se battre sans jamais s'adresser à l'autre avec de polis et doux mots. Se détestaient-ils ou était-ce simplement un moyen de montrer son affection sans mettre sa fierté en jeu ? Elle ne savait pas exactement, mais elle espérait que cela était la deuxième possibilité, de toute façon, s'ils se haïssaient réellement, jamais ils ne pourraient travailler ensemble. Le travail d'équipe nécessitait beaucoup de confiance et il était impossible d'accorder sa confiance à quelqu'un que l'on appréciait pas.

« Oui, pourquoi ? Répondit la rousse, ne comprenant pas où il voulait en venir et elle espérait que pour une fois, il serait enclin à la conversation.

-T'es une sorcière Nami, ne nourrit pas les stéréotypes, ne soit pas cruel et ne joue pas avec le cœur des hommes.

-De quoi tu parles ? L'interrogea-t-elle les sourcils toujours aussi froncés, jamais elle ne l'avait vu être aussi énigmatique, d'habitude, il était si direct qu'il en était blessant.

-Sanji bien évidemment, je ne sais pas ce que tu lui as fait, mais il est fou de toi, jamais je ne l'ai vu aussi accro à quelqu'un, alors ne foire pas tout, la menaça-t-il en gonflant le torse, le rendant encore plus impressionnant, puis, sans un mot, il s'éloigna.

-Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? »

Zoro venait-il sincèrement de la menacer ? Venait-il réellement de protéger Sanji ? Elle aurait pu trouver cette preuve d'amitié adorable si elle n'avait pas été aussi terrifiante. Nami pouvait encore sentir sa peau frissonner à l'image du borgne qui la surplombait de toute sa taille. Habituellement, elle n'était pas le genre de personne à s'écraser devant les autres, cependant, Zoro possédait une prestance contre laquelle elle ne pouvait pas se battre. Soudain, les paroles du barman arrivèrent jusqu'à son cerveau et la surprise prit possession de son visage. Avait-il dit que Sanji était fou d'elle ? Elle n'avait pas rêvé, n'est-ce pas ? Stressée, elle remit correctement la lanière son petit sac à main contre son épaule droite.

« Je suis prêt, on est parti ? Demanda le principal concerné en sortant de la petite salle, dans ses habits civils pour se diriger vers elle.

-Yep. »

Sans un mot de plus, le blond la guida pour sortir à l'arrière du café-libraire, accès normalement réservé aux employés. En partant, la rousse croisa le regard de Zoro et elle baissa la tête, gênée. À présent, comment allait-elle pouvoir parler normalement au serveur en sachant qu'il était « fou d'elle » ?