Hate the Sin, but Love the Sinner
Avertissement : Je débute cette fic après avoir fini le jeu, donc elle contiendra des tonnes de spoilers !
Etant donné que les personnages ne sont pas encore ajoutés dans la liste, sachez que le pairing principal sera : John Seed x Protagoniste (Femme dans cette fic)
Attention, "l'héroïne" est loin d'être un ange...
Chapitre 1
La première fois qu'elle l'avait vu, ce n'était pas cette fois à la télé, pas dans cette séquence qui rappelait une mauvaise publicité. C'était le jour où tout avait commencé, ce foutu jour où, suivant le marshall, ils avaient pénétré dans l'église et troublé la messe, pour arracher Joseph à sa tribu. Elle l'avait remarqué tout de suite, alors que tous les regards convergeaient vers Joseph. Mais, elle, elle l'avait regardé lui. Le cadet des Seed. Au lieu du prophète qui lui tendait les poignets, l'incitant presque à lui mettre les menottes, mais lui conseillant oralement le contraire. Peut-être aurait-elle dû reculer... Joseph avait vu l'Enfer, marchant dans ses traces, à moins qu'il n'émanât d'elle... Sans sa venue, impossible de déterminer si les choses iraient mieux ou plus mal.
Lui se tenait sur l'estrade, dans le fond. Et il l'observait, avec ses yeux perçants d'un bleu encore plus mordant, plus incisif encore, comme s'il la sondait, plus férocement, plus efficacement que cet homme qu'ils appelaient « le Père » lui-même. Dans la salle de torture, toute de métal, illuminée d'écarlate, l'officier trembla, les os de son corps cachectique semblant s'enfoncer dans la chaise. Elle qui n'était déjà pas bien grosse, qui était toute menue même, avait perdu plusieurs kilos durant ses séjours répétés, forcés, au camp de Jacob. A présent, elle pesait quoi ? Cinquante kilos à peine, pour un bon mètres soixante-quinze. Peu importait. Elle avait survécu à cette menteuse de Faith, à Jacob, même ce dernier la recherchait activement désormais. Elle ignorait la raison pour laquelle l'aîné des Seed désirait remettre la main sur elle, étant donné qu'elle avait déjà accompli la tâche qu'il lui avait assignée quand il avait commencé à l'hypnotiser, à la conditionner, dans le but d'assassiner Eli, mais ne tenait vraiment pas à la connaître. Aussi avait-elle fui son territoire, pour trouver refuge sur celui de John. Une très mauvaise idée, en perspective...
Ses mauvais pressentiments s'étaient concrétisés. Une fois de plus, elle n'avait pas su se tenir tranquille. Accompagnée de son couguar et de son chien, elle avait semé la mort partout, abandonnant des dizaines et des dizaines de cadavres de ces illuminés dans son sillage sanglant. C'était plus fort qu'elle et c'était ce péché, cette fureur, que l'Inquisiteur entrevoyait en elle, dans ce petit corps maigre, à la peau si parfaite, si lisse. Comme de la porcelaine qu'il voulait briser. Froide. Comme de la neige qu'il ferait fondre à la flamme de son chalumeau. Douce. Comme de la soie qu'il déchirerait avec le poignard qu'il tenait si fort que ses phalanges blanchissaient. Elle était une pécheresse, un monstre magnifique, un démon paré de ses plus beaux atours, camouflé dans son plus beau déguisement, sa plus belle peau. Le Diable avait belle allure ; John le savait.
Son regard la brûlait, plus ardemment que le soleil frappant les crêtes du Mont Raptor de ses rayons. Tout à coup, sans crier gare, John, qui s'était tu durant de longues secondes, perdu dans sa contemplation et l'imagerie sanglante qui naissait dans son cerveau malade, se remit à parler. Il se précipita vers elle. L'officier se raidit à l'extrême, douloureusement, incapable de s'éloigner, ligotée à sa chaise. Hudson, son ancienne coéquipière, attachée identiquement face à elle, à quelques mètres, ferma les yeux, de peur qu'il ne tue sa partenaire. Mais, si l'officier se tendit, à l'opposé elle ne frissonna pas. Elle se contenta de le regarder, sans animosité cette fois-ci. Parce qu'une partie d'elle, cette partie qui accueillait la souffrance, le combat, la pluie qui la lavait du sang et de la culpabilité, entendait les mots de John.
En dépit de cela, jusque-là, elle s'était tue. Garder sa bouche close et sa langue attachée à son palais devint de plus en plus ardu, quand il aborda le sujet de ses parents qui le battaient. Une fois de plus, elle savait de quoi il parlait ; elle connaissait la peur, la souffrance, bien plus que physique, mentale, qui s'abattait sur l'enfant que ses propres parents réduisaient en charpie, parfois juste par amusement. Elle avait deviné que lui aussi avait dû traverser ça. Avant même qu'il ne lui en eût parlé, qu'il n'eût juste évoqué le sujet. Ils étaient si étrangement similaires et, pourtant, se retrouvaient sur des versants opposés de l'échiquier. John marchait de long en large, épaules tantôt fièrement rejetées en arrière, tantôt légèrement voûtées, reflétant son narcissisme vacillant, alors qu'il se gaussait, mais de qui ? De quoi ?
- Et... quelque chose s'est cassé... en moi. Je n'avais plus peur, plus mal... j'étais libre, racontait-il, la fixant de ses yeux allumés d'un feu fou. Je les ai regardés... et j'ai ri...
Elle sentit son souffle sur sa figure, comme s'il avait été tout près. S'évertuant à repousser les horreurs de son propre passé que ses mots ressuscitaient, elle ouvrit enfin la bouche, desserra les mâchoires. Pour une fois, sa voix fébrile, qui manqua de casser, retentit :
- Tu ne t'es pas libéré. Tu essayais juste de survivre.
John s'immobilisa, sur-le-champ, l'arme toujours dans son poing crispé, comme prêt à frapper. Une ombre voila son visage ; un tremblement quasi-imperceptible de rage le parcourut, perturba cette face lisse, ce sourire figé, dément. La façade se fissura et le péché ressortit, furieusement invoqué par la contradiction. Il se rua sur elle et, l'espace d'un instant, l'officier se crut morte. Puis, aussi promptement qu'il s'était enflammé, qu'il était sorti de ses gonds, il redevint pour ainsi dire calme. Il se maîtrisait à peine cependant ; cela, il ne pouvait le lui cacher. Le péché, la pulsion meurtrière, sadique, était toujours là, rampante, sous la peau, menaçant de la transpercer à chaque seconde, et de transformer le beau parleur aux allures de gentleman en monstre sanguinaire.
- Tu ne comprends pas, murmura-t-il, approchant son index de sa bouche, rouge comme le sang qui se déverserait sur le sol métallique sous peu. Mais je suis là pour t'expliquer... Il s'agit d'affronter tes peurs, tes faiblesses, tes péchés ! Il faut les accepter, leur dire OUI !
Le doigt resta en l'air, sans jamais effleurer les lèvres charnues, comme si elles étaient enduites de poison. Il connaissait ses péchés ; il connaissait la Luxure. Dieu que ce péché était laid. Il déposa son couteau, fit marcher son engin servant à tatouer, souvent beaucoup plus profondément qu'il ne le devrait, arrachant au passage des grognements terrifiés à Hudson, qui, contrairement à l'officier, était bâillonnée. L'officier ne cilla point, faisant fi du vrombissement et des gémissements de peur, demeurant stoïque.
- Tu as besoin de ça, n'est-ce pas ? La héla alors John. Le contrôle. Avec toi... tout doit être sous contrôle.
Identiques. Si dangereusement identiques. La prisonnière à la tignasse rousse serra de nouveau les dents, affectant du dédain, mais incapable de nier l'évidence. Une main ferme, vive, l'attrapa par le menton et l'obligea à faire face au taré de nouveau. Il souriait, de la même façon que ce jour où il l'aurait noyée dans la rivière sans l'intervention salvatrice de Joseph.
- Tu dois apprendre à te laisser aller... lui chuchota-t-il, ses yeux de rapace cherchant les siens. A perdre ce contrôle... Je suis là pour exercer le contrôle... Le Père est là... Crois-moi, je sais ce qui te ronge... Je connais tes péchés, intimement... parce qu'ils sont aussi miens. Qui pourrait mieux purifier ton âme que moi ?
L'officier ne réagit point, jusqu'à ce que ses deux mains agrippent son débardeur et ne forcent jusqu'à le déchirer, la dénudant plus que nécessaire. Une lueur lubrique, celle d'un homme de trente-deux ans qui peinait à contrôler ses pulsions, croulait sous elles et appartenait à une secte qui interdisait la fornication, dansa dans ses pupilles, à la vue de la poitrine nue. Il combattit son mauvais penchant. Elle le vit ; elle l'apprécia, autant qu'il était possible d'apprécier la plus infime marque d'humanité dans les conditions actuelles. Il se détourna et s'empara d'une éponge, qu'il trempa dans un bol d'eau savonneuse avant de l'appliquer sur sa peau nue qu'il commença à nettoyer. Elle sentit le frisson qui agita ses mains, courant jusqu'à l'extrémité de ses doigts, quand il appliqua l'éponge mouillée pour la première fois. Il ne cessa point de discourir, mais il y eut cette légère inflexion notable dans sa voix, alors que son regard, en revanche, restait totalement rivé à la peau nue qu'il avait mise à découvert, incapable de s'en détacher.
- Joseph m'a montré à quel point j'étais égoïste... Toujours, je prenais, je prenais, sans jamais rendre, sans jamais rien donner en retour... Je me... gavais... Autrui était mon repas...
Sa main s'agitait plus nerveusement ; son côté effleura son sein. Il se crispa légèrement, résista encore, même si son autre main se déplaça instinctivement vers le poignard une nouvelle fois, désireux d'éradiquer, de châtier l'objet de la tentation.
- Mais la meilleure chose n'est pas celle que tu reçois. C'est celle que tu donnes. Donner demande du courage...
Alors qu'il lui expliquait, avec tant de ferveur et de conviction, combien il était courageux de s'arracher de ses péchés, d'avoir la bravoure de les révéler, pour s'en débarrasser, Hudson se débattait de plus en plus. Il ne lui prêtait aucune attention cependant. Il avait répété tant de fois le spectacle, le schéma. Les nœuds étaient impeccables, les attaches trop solides. Jamais elle ne se libérerait. John repartait sur une envolée, sa voix habituellement si séduisante se muant en grondement rageur, menaçant, son charisme fracassé par son subit accès de folie, si bien qu'en une seconde, la pointant de son arme, comme s'il s'apprêtait à l'empaler dessus, il fut tout proche de l'officier. La pointe s'enfonça légèrement dans le creux de son bras gauche, sans pour autant la blesser et percer le derme. Plus agressivement, il la planta dans le dossier de la chaise, près de sa tête, avant de l'en retirer, avec un sourire malsain. Il s'en retourna à la table sur laquelle il avait disposé ses jouets préférés et, s'appuyant nonchalamment sur son rebord, la regardant d'un air entendu, s'enquit d'une voix guillerette, emplie de cynisme :
- Alors ? Qui commence ? Hum ?
Le regard d'un bleu orageux de l'officier navigua du tortionnaire à Hudson. Visiblement, John ne s'était pas privé de la torturer et qui sait ? Sans doute ne tiendrait-elle plus très longtemps à ce rythme. Mais ce ne fut pas la seule raison qui la poussa à dire ce mot que John chérissait tant, ce "Oui" qui terrorisait Hudson. L'officier ressentait une sorte de curiosité, dangereuse, de celles qui coûtaient la vie parfois. L'expression de victoire, le geste de triomphe, que John eut en entendant ce "Oui", qui sonnait comme un aveu de faiblesse, comme un abandon, se grava instantanément dans son esprit pour l'éternité.
- Oui ! OUI ! S'écria-t-il, avec beaucoup trop d'enthousiasme.
Il se rapprocha d'elle, un sourire éclairant son visage aux yeux fous.
- Tu ne le regretteras pas. Je te le promets. Rappelle-toi... que je suis ici pour te sauver la vie, ton âme, pas pour te la prendre...
La façon dont il prononça ces derniers mots la firent se détourner ; son cœur s'emballa, sous le rush d'adrénaline, provoqué par le danger imminent, qu'au fond elle aimait tant. Le souffle court, elle déglutit péniblement, tandis qu'il quittait la pièce, poussant la chaise d'Hudson qu'il ramenait à sa cellule. Une fois seule, l'officier considéra ses options. Certes, la curiosité la tiraillait, mais son instinct était de se battre, de contredire, de se rebeller. Chose certaine, elle n'attendrait pas sagement, les bras croisés.
- Allez ma grande... gronda-t-elle tout bas, et, y employant toutes ses dernières forces, elle réussit à se déplacer jusqu'à l'escalier le plus proche.
Là, en haut des marches, face à la chute peut-être mortelle qui s'offrait à elle, elle respira à fond, expira violemment, dans un souffle fort de haine et de colère. Et, sans attendre davantage, elle se jeta dans l'escalier. La chaise se retourna au bout de quelques marches, se brisa, mais, alors que l'officier rattrapait de justesse la rambarde afin d'arrêter sa dégringolade, un morceau du siège la frappa derrière la tête. Sa vision s'obscurcit, mais elle lutta de toutes ses forces pour ne pas céder, ne pas sombrer dans l'inconscience. Elle s'accrocha à la vie, alors que son corps semblait se rompre à chaque marche qu'il cognait et sur laquelle il rebondissait telle une poupée désarticulée. Quand enfin elle atteignit le bas de l'escalier, elle se retrouva à plat ventre, la joue ensanglantée collée contre le sol froid. Elle y voyait flou, de plus en plus mal. Sa tête dodelina de droite et de gauche. Elle rampa sur quelques centimètres, ses jambes ne lui obéissant plus. Elle aurait bien été incapable de dire si elle s'était fracturée un os, voire la colonne. Elle ne sentait plus rien, tant la douleur atteignait des sommets. Juste avant que les ténèbres ne se referment sur elles, elle entrevit la pointe des chaussures de John qui revenait.
Merci aux lecteurs !
Beast Out