Hello !
...Oui, je sais... C'est pas sérieux de commencer une autre fic' alors que LLDF est pas fini (loin d'être fini !). Mais pour ma défense, ceci est une traduction ! Et je voulais absolument partager avec vous, chers francophones, ce chef-d'oeuvre !
Ne vous inquiétez pas, je n'oublie pas mon bébé glacé ! Je pense pouvoir poster Dimanche prochain, et avec Parcoursup de fait, j'aurais plus de temps libre ! Et même si les derniers mois seront difficiles, je me rattraperait sans faute pendant les vacances si besoin est !
Bref, pas plus de blabla ! Je vous poste le premier chapitre, traduction de la Fanfiction "Like a gentle refrain", de Bookworm Gal, qui a accepté que je traduise son travail !
Disclaimer : Je ne possède ni les personnages et l'univers de Coco, ni l'histoire qui va suivre, puisqu'elle est de l'invention de Bookworm Gal.
Enjoy !
Comme un doux refrain
1. Overture
« Je suis désolé, Señora Rivera, mais je ne sais pas à quel point je peux être utile. »
« Ne me donnez pas d'excuses. Je vous connais depuis trop longtemps et je sais que vous êtes un médico compétent, » dit-t-elle d'un ton sec. « Dr. García, vous avez un patient devant vous. Il doit y avoir quelque chose que vous pouvez faire pour l'aider. Vous devez au moins essayer.
Le squelette ne tressaillit même pas à son ton tranchant. Sa maison au Pays des Morts était en bas de la rue de celle de la famille Rivera. Il les connaissait déjà. Il leur avait même déjà acheté des chaussures à l'occasion. Il avait été témoin de la force de la nature qu'était Imelda avec un but en tête. Elle ne pouvait plus le choquer ou l'intimider.
Et il avait aussi soigné des centaines de personnes, dans la vie et dans la mort. Il avait déjà fait face à des membres de familles de patients furieux, et désespérés, et effrayés. Elle le savait alors même que les mots sortaient de sa bouche. Il n'était pas un homme que l'on intimidait ou qui cachait des faits, peu importe qu'ils soient bons ou cruels. Il pouvait essayer d'adoucir le choc, mais il ne se retiendrait pas. Ses marquages faciaux consistaient en de courtes et simples lignes vertes le long des pommettes et pas grand-chose d'autre, aussi pratiques et directs que le docteur lui-même.
Il n'inventait pas d'excuses. Il disait la vérité. Il n'y aurait sans doute pas grand-chose qu'il puisse faire. Imelda ne voulait juste pas l'admettre.
« Señora, je comprends que c'est une situation stressante, mais vous devez comprendre, » dit le Dr. García. « Cela… cela n'arrive pas. Je ne connais personne qui se soit approché autant de la Dernière Mort et l'ai fait… s'arrêter. »
Imelda regarda avec réticence la silhouette allongée mollement sur son lit. Indépendamment du fait qu'ils étaient tous morts depuis longtemps, il était celui qui semblait absolument sans vie. Peu importe à quel point ses sentiments pouvaient être mitigés à l'encontre de l'homme, le voir comme ça lui faisait mal.
Aussitôt après qu'ils aient renvoyé Miguel à la maison avec leur bénédiction, ce fut comme si le garçon avait emporté le reste de la force rapidement déclinante d'Héctor avec lui. Il avait réussi à rester éveillé juste assez longtemps pour voir que Miguel avait réussi, que le garçon était parti avant que ce ne soit vraiment le lever du soleil. Il était même parvenu à sourire faiblement à Imelda, comme s'il était sur le point de dire quelque chose. Mais son épuisement avait submergé son entêtement, les fréquents soubresauts de lumière dorée qui enserraient son corps remplacés par une lueur constante. Il était alors tombé dans l'inconscience totale. Et aucune de leurs voix et leurs suppliques n'avait pu l'atteindre.
Ils savaient ce que ça signifiait, qu'il serait de la poussière dans quelques instants. Qu'il succombait au destin destiné à tous ceux qui étaient oubliés par les vivants. Et pourtant… il était resté. Brillant alors que la Dernière Mort tentait de le réclamer, il ne disparut pas, d'une manière ou d'une autre.
Aucun d'entre eux ne comprenait ce qu'il se passait et comment il était parvenu à rester, mais Imelda connaissait un fait indéniable. Ils ne pouvaient pas le quitter. Il était mort une fois, loin de la maison et sans personne. Personne excepté peut-être Ernesto, ce qui était presque pire que d'être seul. Au moins quand Imelda était morte, elle avait été entourée de sa famille. Cela avait été refusé à Héctor la première fois. S'ils ne pouvaient rien faire d'autre pour lui, ils s'assureraient au moins qu'il ne soit pas seul.
Mais ils ne pouvaient pas rester sur le balcon des coulisses longtemps. Rosita et Victoria avouèrent avoir tourné la caméra pour exposer les crimes d'Ernesto à son public (bien qu'au moins, la position d'Héctor avait été hors champ tout ce temps). Des curieux finiraient par venir voir et l'idée d'autant d'étrangers se rassembler autour de lui alors qu'il était aussi vulnérable faisait naître en elle des émotions désagréables. Sans meilleures idées, Oscar et Felipe aidèrent à soulever la silhouette lumineuse sur le dos de Pepita et ils s'envolèrent vers leur maison.
Une part d'elle ne s'attendait pas à ce qu'Héctor survive au voyage. Il avait l'air d'être sur le point de se transformer en poussière à tout moment. Imelda garda un bras autour de lui pour maintenir son corps mou en équilibre sur le dos bondé de Pepita, mais elle n'osa pas mettre trop de pression dans son étreinte. Ses os semblaient si légers et fragiles sous ses mains. Comme des coquilles d'œufs. Comme s'ils se briseraient s'ils ne faisaient pas attention.
Mais ils avaient réussi à atterrir dans la cour et même à le porter à l'intérieur sans désastre. Ne sachant pas où l'emmener, Imelda ordonna à ses frères de le mettre dans sa chambre. C'était l'endroit le plus proche avec un lit, alors c'était une décision pratique plutôt qu'émotionnelle. Ils placèrent la grande silhouette inanimée sur son édredon avec autant de précautions que possible. Mais Héctor n'avait montré aucun signe d'amélioration ni n'avait succombé à la Dernière Mort. Il restait à la limite même, brillant de façon continue sans pour autant se transformer en poussière.
Elle pouvait à peine regarder la silhouette luminescente sur son lit. Ce n'était pas seulement la lumière dorée qui provenait de ses os ou même les décennies de haine en elle s'opposant avec ce qu'elle venait d'apprendre. Il était trop silencieux et immobile. Il était trop fragile et instable. Et il semblait… vide. Comme s'il n'était pas vraiment là.
Imelda savait que ça n'avait pas de sens, mais il ressemblait plus que quiconque au Pays des Morts à un cadavre. Ils étaient tous morts. C'était le principe. Il en avait simplement plus l'air. Comme si tout ce qui se trouvait sur son lit était une coquille vide et que le véritable lui était déjà parti.
Mais c'était impossible car ils savaient, elle savait… C'était impossible car ils disparaissaient avec la Dernière Mort. Et Héctor était juste devant elle. Peu importe ce qu'il semblait ou à quel point il avait l'air vide allongé là, il n'était pas parti. Il ne pouvait pas l'être. Quelque chose le gardait ici, bien qu'à peine.
Il ne l'avait pas quittée. Pas cette fois. Pas encore.
Julio avait été celui qui avait suggéré d'appeler le docteur García pour voir s'il pouvait aider. Aucun d'entre eux n'avait de meilleure idée. Et il était probablement leur seul espoir de trouver quelqu'un qui pourrait savoir ce qu'il se passait ou comment ils pouvaient aider.
Il n'y avait pas beaucoup de travail pour un médico au Pays des Morts. Les maladies et la plupart des blessures qui frappaient les vivants ne pouvaient pas affecter les morts. Des fractures mineures, plus fréquentes chez ceux dont on ne se souvenait pas très bien, étaient souvent replacées sans aide en utilisant des attelles vendues à cet effet. Des fractures plus sérieuses, cependant, étaient souvent laissées aux bons soins d'un médico.
Et parfois, quand les victimes pouvaient se l'offrir ou que quelqu'un d'autre prenait pitié d'eux, les médicos feraient ce qu'ils pouvaient pour soulager les symptômes dû à l'approche de la Dernière Mort. Rien ne pouvait l'arrêter à part les vivants, en se rappelant de la pauvre âme, mais ils pouvaient toujours tenter d'apaiser leurs souffrances.
Mais pour Héctor, cela s'était arrêté. Son corps émettait toujours la lueur vive et perturbante, mais il n'avait pas disparu. Il était toujours avec eux. Il devait y avoir quelque chose qu'ils pouvaient faire. Imelda refusait de considérer le contraire.
« Je peux vous donner une supposition sur ce qui lui arrive, Señora, » dit le Dr. García, posant son sac médical en cuir sur le lit, à côté de son patient. « Et je peux vous donner mes prédictions sur son pronostic. Je ne promets cependant pas d'avoir raison. Mais je ferais ce que je peux. »
Résistant à l'envie de céder à sa frustration face à l'entière situation, Imelda parla d'un ton égal. « D'accord. Pourquoi est-il comme cela ? »
« Je ne connais pas les détails ou les circonstances exactes, mais il semblerait qu'il ait été oublié et ait commencé à succomber à la Dernière Mort. Pourtant, alors qu'il allait disparaître complètement, je pense que quelqu'un s'est soudainement rappelé, » décrit-il, touchant le bras droit d'Héctor. « Cela l'a protégé de la Dernière Mort, mais il était déjà trop proche. Bien plus proche que qui que ce soit ne l'ait été sans être perdu. Les gens ne se souviennent pas soudainement une fois qu'ils ont suffisamment oublié pour que le mort en arrive à ce point, pas sans que quelque chose de très fort n'éclaire leur mémoire. Mais comme je l'ai dit, il semblerait qu'il se soit trop approché. La Dernière Mort lui as pris ses forces. Il a à peine l'énergie de rester avec nous et je pense que c'est pour cela qu'il est dans cet état. »
Coco. Imelda ferma brièvement les yeux. D'une manière ou d'une autre, Coco avait réussi à se souvenir. Elle savait que la mémoire de sa fille s'était dégradée ces dernières années. Elle l'avait vu aux derniers Día de los Muertos quand ils visitaient. Cela faisait mal de voir sa fille si silencieuse, si triste, et si perdue dans son esprit affaiblit. Mais Coco avait réussi à se souvenir de son papá au dernier moment, l'ancrant avant qu'il ne puisse disparaître. Et Imelda suspectait que Miguel était responsable de ce petit miracle.
« Je vois plusieurs issues possibles, » continua le Dr. García. « Je ne sais pas laquelle est la plus probable. Mais je sais qu'il était affaibli depuis longtemps. Je reconnais les symptômes quand je les vois. Même à travers la lumière, je peux voir la décoloration de ses os. Cela prend du temps à arriver. Beaucoup de temps avec seulement des souvenirs faibles et à peine intactes pour le soutenir. »
Avec un grand soin qui rendit quand même Imelda nerveuse (il était si fragile et cassant), le Dr. García tira doucement sur le bras d'Héctor. Le membre ne résista même pas avant de se rendre à la légère pression, se délogeant du coude avec un pop.
Imelda essaya de ne pas grimacer alors que le médico déroulait lentement le ruban adhésif autour de l'os proche de l'articulation. Bien que n'importe quel mort pouvait s'éparpiller sous les bonnes conditions et se rassembler, cela requérait normalement une pression bien plus forte. Il n'avait même pas eu à essayer. Héctor ne devrait pas se séparer aussi facilement.
Le Pays des Morts fonctionnait sur les souvenirs. Les souvenirs les empêchaient de disparaître. Les souvenirs les gardaient entiers, gardaient leurs os connectés quand leur chair avait depuis longtemps disparu. Mais Héctor avait seulement les souvenirs de Coco pour le garder entier.
Ce n'était pas assez. Les souvenirs faiblissants d'une femme qui l'avait vu pour la dernière fois lorsqu'elle n'était qu'un bambin n'était pas assez. Mais ils étaient tout ce qu'il avait. Ces souvenirs étaient la seule chose qui l'avaient empêché de disparaître plus tôt.
Plaçant le vieil adhésif de côté et sortant une fine attelle en bois de son sac médical, le Dr. García dit, « Et cette fracture est une preuve supplémentaire que c'est un état continu. » Etudiant le cubitus abîmé avec un détachement clinique, il positionna l'attelle et commença à enrouler la gaze autour de l'os avec une fluidité experte. « L'usure autour du bord de la fracture suggère que cela est arrivé il y a des mois. C'est une vieille blessure. Cela devrait avoir montré des signes de guérison maintenant. Mais ceux qui sont oubliés guérissent plus lentement. Ou pas du tout. »
Une fois qu'il sembla satisfait avec le cubitus nouvellement bandé, le Dr. García réattacha soigneusement le bras avant de contourner le lit pour atteindre l'autre côté. Il secoua brièvement la tête avant de travailler sur le bazar qui permettait à la jambe de rester entière.
« Je comprends qu'il ait été à la limite d'être oublié pendant pas mal de temps, » dit Imelda, essayant de ne pas penser à pourquoi c'était le cas. « Mais qu'est-ce que ça signifie pour lui maintenant ? »
« Cela signifie que vous devriez vous préparer à ce qui pourrait arriver, » dit doucement le Dr. García. « Señora, on se souvient à peine de cet homme. Peu importe qui a encore des souvenirs de lui et a arrêté la Dernière Mort… cela pourrait ne pas être assez. Peut-être qu'il finira par retrouver ses forces et se réveiller. Ce serait l'issue idéale. Mais sa condition n'est pas prometteuse, Señora. »
Alors que la fracture de son cubitus ne semblait pas trop mauvaise, son tibia se sépara en deux morceaux lorsque le médico enleva le ruban adhésif. Et pourtant, lui et Miguel avait traversé la ville entière la nuit dernière. Imelda se surprit à se demander comment il y était parvenu. C'était plus facile que de prendre en considération les mots du médico.
« Et il s'est baladé sur ça ? » marmonna le Dr. García, fixant les dommages. « À quoi pensait-il ? Même s'il avait réussi à la replacer droit la première fois, essayer de supporter son poids sur ça l'aurais trop déplacé et l'aurais juste empiré. Il devait poser une contrainte excessive sur son péroné, le délogeant même à chaque pas. Il secoua légèrement la tête avant de se diriger vers son sac de médecine. « Señora Rivera, ça ne vient pas seulement de la lumière de la Dernière Mort. Regardez-le attentivement. Il est trop immobile. Il ne respire pas. Nous avons beau ne pas mourir si nous ne le faisons pas, mais le comportement de nos corps se base principalement sur nos souvenirs de la vie. Nous mangeons, nous buvons, nous dormons et nous respirons. Quand quelqu'un s'est tellement affaibli que son corps n'a plus la force de respirer, que même ce souvenir subconscient n'est pas là, alors il reste très peu de cette personne. Dans n'importe quelle autre circonstance, il serait de la poussière peu après qu'il ait arrêté de respirer car on ne devient faible à ce point que lorsqu'on est oublié. »
Imelda se détourna du médico alors qu'il alignait soigneusement les pièces brisées du tibia pour qu'elles s'emboîtent bien. Maintenant qu'elle savait quoi chercher, elle savait qu'il avait raison. La cage thoracique d'Héctor ne s'élevait ni ne descendait. Il ne respirait pas. Il ne le faisait plus depuis que la lumière dorée était passée de violents spasmes qui faisaient trembler son corps à la lueur plus constante qui aurait dû signaler la fin. Il était trop immobile.
C'est pour cela qu'il semblait si vide. C'est pour cela qu'il lui rappelait un cadavre. C'était pour cela que tout à propos de lui semblait maintenant erroné. Elle avait inconsciemment remarqué ce qui n'allait pas tandis qu'une grande partie de son esprit refusait d'admettre ce qu'il se passait.
« Peut-être qu'il guérira avec le temps et se réveillera. J'espère qu'il le fera, » dit le Dr. García. Les morceaux d'os alignés à sa satisfaction et les attelles positionnées pour supporter correctement la fracture, il commença à bander prudemment le tibia entier. « Mais il pourrait aussi ne jamais regagner conscience. Je vous ai dit que je n'avais jamais entendu parler de quelqu'un d'aussi totalement oublié dont on se souvient seulement au dernier moment. Je ne peux pas vous promettre quoi que ce soit. Il s'est approché très près de la Dernière Mort et il pourrait y avoir des conséquences. Il pourrait ne jamais retrouver les forces qu'elle lui a volé. Il pourrait ne jamais s'en remettre. Vous devez être préparée à cette possibilité. »
Elle lança un regard noir au médico, mais il ne la regarda même pas. Son attention était uniquement sur son patient. Une fois que la jambe d'Héctor fut correctement bandée, il passa à sa cage thoracique. Il écarta l'une des bretelles, exposant un autre os brisé qu'il devait avoir remarqué plus tôt. Une côte fêlée, mais sans ruban adhésif pour servir de bandage comme les autres vieilles blessures. Une attelle ne serait cependant pas nécessaire pour celle-ci. Le Dr. García sortit un rouleau d'adhésif médical pour régler le problème.
Héctor irait bien. S'il n'avait pas d'espoir de rétablissement, le Dr. García ne prendrait pas autant de temps à replacer ses os aussi soigneusement. Imelda essaya de se concentrer obstinément sur cette pensée. Elle n'avait aucun intérêt à considérer une autre possibilité.
Mais elle devait le faire.
« Alors il pourrait se réveiller ou pas avec le temps, » dit-elle d'un ton égal. « Vous n'avez aucune idée de ce que ce sera. Alors qu'est-ce que vous me dites ? Qu'il pourrait passer le reste de son existence allongé sur ce lit ? »
Il la regarda avec quelque chose qui ressemblait à de la pitié, et elle eut une bouffée de colère. Elle haïssait la pitié. Elle en avait reçu assez après qu'il soit devenu clair pour le reste de Santa Cecilia que son mari ne reviendrait jamais à la maison, bien avant qu'elle ne l'admette elle-même. Il fallut plusieurs crânes battus, courtoisie de son talent nouvellement développé de fabrication de chaussures, avant qu'ils n'apprennent à ne pas avoir pitié de la mère célibataire élevant sa fille et gérant un business. Imelda n'avait jamais eu besoin de pitié. Elle pouvait faire face à tout sans leur pitié.
« Il y a une autre possibilité, Señora, » dit doucement le Dr. García. « Il a été brièvement oublié. Même maintenant, on se souvient à peine de lui. La personne qui a réussi à retrouver ses souvenirs perdus à la dernière minute pourrait ne pas être une solution permanente. Elle pourrait oublier à nouveau. Aujourd'hui, demain, ou même dans quelques secondes. Il n'y a aucun moyen de le dire. Surtout sans savoir qui s'est souvenu de lui ou pourquoi cette personne s'est souvenue. »
Imelda s'apprêta à argumenter, mais les mots ne vinrent pas. Il avait raison. Peut-être que Miguel avait réussi à faire en sorte que Coco se souvienne, mais combien de temps cela durerait-il ? Coco serait-elle-même capable de partager ces souvenirs ? Miguel essaierait. Imelda savait qu'il ferait tout ce qu'il pouvait pour sauver Héctor, mais sans foto et avec l'esprit défaillant de Coco… Elle pourrait ne pas être capable de les lui raconter. Elle pourrait même ne pas être capable de garder ces souvenirs jusqu'à la nuit tombée. L'existence d'Héctor dépendait de ce souvenir fragile datant de l'enfance. Il n'y avait personne d'autre pour se souvenir.
Elle repoussa l'émotion désagréable causée par cette pensée. Imelda n'avait pas de temps pour cela. Elle devait se concentrer sur des problèmes plus immédiats.
« Y a-t-il qui que ce soit qui peut être fait ? Ou êtes vous en train de me dire que tout ce que nous pouvons faire est attendre de voir s'il se réveille ou s'il se transforme en- » dit Imelda, s'interrompant soudainement quand elle entendit sa voix trembler légèrement.
Se redressant et attrapant son sac, le Dr. García dit, « Il n'y a pas grand-chose que nous pouvons faire pour l'aider à récupérer les forces que l'approche de la Dernière Mort lui a volé. Nous ne pouvons pas non plus nous assurer que les vivants se souviennent de lui. Tout ce que nous pouvons faire est le garder aussi confortable que possible. »
Il plongea sa main dans son sac et en sortit une bouteille de verre vert. L'étiquette écrite à la main et l'épais bouchon de liège lui rappelaient les bouteilles similaires qu'elle recevait lorsque Coco tombait malade, enfant, tellement différents des tubes de pilules orange plus modernes que gardaient les plus vieux membres de sa famille vivante. Le Dr. García lui tendit la bouteille. Elle était lourde, Imelda entourant la surface lisse de ses deux mains alors que le liquide s'y agitait.
« On m'a appelé plusieurs fois quand quelqu'un était oublié, quand la Dernière Mort approche et que les êtres chers qui restent sont désespérés d'aider d'une quelconque manière, » continua-t-il. « Il n'y a rien que je puisse faire pour l'empêcher, mais il n'y aucune raison qu'ils soient accablés de douleur jusqu'à ce que l'épuisement ne les laisse engourdis. Je ne sais pas s'il ressent quoi que ce soit en ce moment, mais je vais vous laisser cela. » Il fit un geste vers la bouteille. « Les instructions sont sur l'étiquette. Qu'il commence à se rétablir ou pas, surveillez tout signe de détresse. Le médicament s'assurera qu'il ne souffre pas. Il s'occupera de n'importe quelle souffrance. »
Imelda hocha la tête, fixant la bouteille encore quelques secondes avant de la poser sur la table. Ce n'était pas beaucoup, mais au moins, c'était mieux que rien. Surtout vu que l'idée d'Héctor souffrant comme lorsque ses os s'illuminaient et le faisaient s'effondrer devant elle la nuit dernière, créait une boule serrée là où la gorge d'Imelda avait autrefois existé.
« Gracias, Dr. García, » dit Imelda, se rappelant ses manières malgré tout. « J'apprécie ce que vous avez fait. »
« J'aurais aimé pouvoir faire plus pour… Je suis désolé, Señora, mais je ne crois pas que votre beau-fils m'ait dit qui était le patient quand il est venu me chercher. Un ami de la famille ? »
Elle hésita un instant, une part d'elle étant incertaine de la réponse. C'était une chose de l'appeler « l'amour de sa vie » dans un moment de colère alors qu'elle frappait cet asesino menteur. Elle avait passé quatre-vingt-seize ans à nier toute sorte de relation avec lui, évitant même son nom. Mais maintenant, elle savait ce qu'il s'était passé, ce qu'Ernesto avait fait. Elle avait encore du mal avec ces découvertes. Elle avait à peine eu le temps de penser durant les évènements de la nuit dernière et elle avait besoin de temps pour gérer toutes ces nouvelles informations. Son cœur et son esprit étaient trop confondus comment répondre à tout cela. Elle n'était plus certaine de savoir comment elle se sentait à l'égard de l'homme.
Mais ils étaient dans cette situations à cause du fait qu'elle avait nié jusqu'au souvenir de lui dans sa vie. Plus question de cela. Elle pouvait être honnête à ce sujet, sinon du reste.
« Son nom est Héctor, » dit lentement Imelda. Elle regarda la silhouette brillant toujours de cet éclat contre nature, et aussi inerte qu'une poupée brisée. « Et autrefois… il fut mon mari. »
Le Dr. García lui envoya un regard interrogateur, mais fut assez malin pour ne pas commenter. Ceux qui connaissaient la famille Rivera connaissaient l'histoire de comment l'entreprise avait commencé, de comment son mari musicien était parti et n'était jamais revenu. Une histoire qui expliquait pourquoi la musique était bannie de leur maison et de leurs vies, quelque chose que les gens remarquaient dans la vie comme dans la mort. Une histoire qu'elle savait à présent incomplète.
« J'ignore si quoi que ce soit de ce que j'ai dit arrivera. Je vous ai juste donné mes suppositions, » dit-il finalement. « Laissez-moi savoir s'il y a des changements, qu'ils soient bons ou mauvais. Sa condition pourrait évoluer de manière inattendue. Rappelez-vous que ma maison est juste en bas de la rue. Je serais heureux de rendre visite à ce foyer de nouveau si mes compétences sont nécessaires, Señora Rivera. »
« Je garderais cela à l'esprit. Et une fois encore, gracias. »
Le médico se glissa hors de la pièce. Quelques instants plus tard, le reste de la maisonnée s'étaient frayé un chemin à travers l'embrasure de la porte. C'était presque risible de les voir tous essayer de rentrer dans la chambre sans trop s'approcher du lit.
Bien qu'ils se soient étendus et aient ajouté des extensions à leur magasin sur le devant et leur maison dans la moitié arrière de leur propriété alors que leur famille s'agrandissait, la chambre d'Imelda faisait partie du bâtiment original. Sa chambre était confortable et elle gardait tout propre et rangé. Il y avait son lit, son armoire, une petite table de chevet avec une lampe, sa coiffeuse et une chaise. Quelques précieuses possessions et offrandes des vivants étaient étalées sur la commode, tout comme deux ou trois photographies. Sa caractéristique la plus frivole était une élégante porte de verre encadrée d'épais rideaux violets qu'elle pouvait utiliser pour bloquer la lumière. La porte menait au large balcon, celui que Pepita utilisait habituellement pour prendre des bains de soleil. Il y avait assez d'espace dans la chambre pour ce qu'elle voudrait y faire, mais ce n'était pas une chambre particulièrement grande. Elle n'avait certainement pas été construite avec l'idée que sept personnes pourraient avoir envie d'y entrer en même temps.
Mais ils réussirent à le faire quand même, restant proche de la porte. Leurs yeux ne cessaient d'être attirés par la silhouette immobile et la lumière contre nature qui tentait de le réclamer. Il n'allait pas avec la pièce. Il n'était net et propre comme tout le reste. Son édredon épais et lourdement brodé semblait seulement rendre ses vêtements déchirés et ses os cabossés d'autant plus visibles. Personne ne savait comment réagir à sa présence. Julio finit par être poussé au-devant du petit groupe, tenant son chapeau entre ses mains.
« Qu'a-t-il dit, Mamá Imelda ? » demanda-t-il, comme s'ils ne s'étaient pas cachés pour écouter la conversation durant tout ce temps.
Lisser brièvement sa robe prit un peu de temps. Leur adresser à chacun un regard ferme en prit un peu plus. Elle n'était pourtant pas en train de retarder cette conversation. Imelda n'était pas le genre de personne à hésiter à aborder des sujets difficiles. Elle avait simplement besoin de rassembler ses pensées.
« Il n'a pas de réponse définitive, » dit prudemment Imelda. « On ne sait pas grand-chose sur ce qui pourrait arriver à quelqu'un qui s'est autant approché de la Dernière Mort. Le Dr. García a dit qu'il pourrait se réveiller avec le temps. Ou pas. »
« Je suis désolé, Imelda, » dit doucement Oscar alors que son jumeau lui envoyait un regard compatissant.
Elle prétendit ne pas avoir entendu son frère, facilitée dans sa tâche par le fait qu'il ait parlé à voix basse. Prêter attention à ses mots ouvrirait la voie à sa pagaille émotionnelle qu'elle essayait encore d'ignorer. Oscar et Felipe étaient les seules autres personnes de la pièce qui avaient connu Héctor avant la nuit dernière. Ils se souvenaient courir dans tous les sens, taquinant leur grande sœur à propos de « ce musicien » qui continuait à la suivre avec un charmant sourire et une chanson énergique. Et ils se souvenaient de son chagrin, de ses larmes et de sa fureur quand il disparut et qu'elle réalisa finalement qu'il ne reviendrait pas à la maison comme il l'avait promis. Si quelqu'un avait une prédiction exacte sur ce que pouvaient être ses sentiments actuels à l'encontre d'Héctor, quelque chose que même Imelda ne pouvait affirmer en ce moment, c'était ses frères.
« Qu'allons-nous faire alors ? » demanda Victoria. « Si le Dr. García n'a pas de conseils, que penses-tu que nous devrions faire maintenant ? »
« Fermez la boutique pour la journée. Essayez de dormir un peu si vous le pouvez. C'a été une longue nuit pour tout le monde, » dit-elle fermement. « Il n'y a pas grand-chose d'autre que nous pouvons faire pour le moment. »
Sa famille remua, embarrassée, en échangeant des regards. Imelda tenta de les faire plier du regard, s'assurant qu'ils comprennent qu'il n'y aura aucun débat à se décision. Et peut-être que si elle mettait assez de force dans son regard, aucun d'entre eux ne poserait la question évidente.
« Mais Mamá Imelda, » dit Rosita avec précaution, « s'il est sur ton lit, où vas-tu dormir ? »
Eh bien, voilà où partait ce petit espoir. Imelda se tourna vers sa coiffeuse et tira la chaise. Elle la déplaça vers le côté du lit. Elle lissa ensuite sa robe et s'assit.
« Je ne suis pas encore trop fatiguée, » dit-elle fermement. « Je pense que je vais veiller un peu plus longtemps. »
Felipe ouvrit la bouche, mais fut réduit au silence lorsque son expression austère se transforma en un regard noir intense. Imelda continua à les fixer sévèrement jusqu'à ce que sa famille ne sorte de sa chambre avec réticence. Elle écouta ensuite le bruit de leurs pas alors qu'ils obéissaient finalement à ses instructions et ne partent prendre le repos qu'ils méritaient.
Les épaules d'Imelda s'affaissèrent alors qu'elle s'affala encore plus sur sa chaise. Elle n'aimait pas mentir à sa famille, mais elle était fatiguée. Rompue jusqu'aux os. De plus d'une façon. Mais elle savait aussi qu'elle serait incapable de dormir pour l'instant. Son esprit était trop houleux pour se calmer. Tout cela était juste trop.
Et elle ne pouvait plus se garder distraite plus longtemps. Assise silencieusement dans sa chambre, il n'y avait plus rien pour passer le temps à part la silhouette lumineuse allongée sans vie sur son lit et les pensées tourbillonnantes que sa présence causait.
Il tombait. Ou flottait. Ou quelque chose.
Il ne pouvait pas le dire. Il n'y avait pas de haut ou de bas. Pas de directions. Pas de lumière ou de ténèbres. Pas de sons.
Il n'avait pas de poids. Pas de corps. Et pas de souvenirs ou de réelles pensées.
Pas de nom.
Existait-il vraiment ? Sans forme, sans poids, sans sens, sans voix, sans souvenirs, et sans nom. Existait-il ? Tout cela était-il réel ?
Est-ce que ça importait ?
… Non. Ça n'importait pas. Plus maintenant.
Il n'avait pas toujours été comme ça. Même sans souvenirs ou une identité, il savait d'une manière ou d'une autre qu'il n'était pas comme ça avant. Il y avait eu le froid, la douleur, l'épuisement, les regrets, et la tristesse. Maintenant il n'y avait rien. Quoi qu'il soit arrivé Avant était très, très, très loin. Et ça continuait à s'éloigner si vite.
Du moins, au début.
Quelque chose s'était approché de lui, s'accrochant à la chose sans forme et sans nom. Il ne voulait pas à nouveau ressentir cette douleur ne pas exister semblait plus facile. Il aurait dû se dégager de la faible prise, mais cela aurait requis une véritable pensée. Et elle dégageait une familiarité.
Il ne pouvait pas voir ou entendre quoi que ce fut qui essayait de le faire continuer à exister. Il ne pouvait pas se rappeler. Mais ce qui l'avait attrapé avait quelque chose de familier. Il ne savait pas combien de temps il s'était concentré sur la faible prise l'ancrant sur place. C'était le seul morceau de réalité dans le rien. Et il voulait cette connexion familière. Il n'y avait pas de mots compréhensibles, mais le sentiment de Je te veux, tu me manques, je t'aime, je t'en prie reviens à la maison en émanait comme un doux refrain d'une chanson qu'il connaissait par cœur.
Une chanson. De la musique. Il y avait quelque chose à propos d'une berceuse…
Et des souvenirs… Les souvenirs le tenant…
D'autres prises timides, de nouvelles qui ne lui étaient pas aussi familières, finirent par rejoindre la première. L'attrapant. Se rappelant de lui.
Et elles commencèrent à le ramener. Vers l'existence. Lentement. C'était pourtant tellement loin. Et elles essayaient de le ramener là ou il y avait la douleur et la faiblesse d'Avant.
Mais il y avait eu de bonnes choses avant ça. Avant le rien et avant la douleur, il y avait autrefois eu l'amour et le réconfort. Et la première douce prise, celle qui était familière et qui causait une part de lui à crier míja même sans une voix ou la compréhension du sens du mot… Il devait retourner vers qui ou quoi que ce fut. Il devait revenir, peu importe quoi.
Alors il les laissa ancrer son existence et le faire doucement revenir.
Mais c'était si loin… Pouvaient-ils vraiment le faire revenir ?
Ils écoutèrent Mamá Coco parler aussi longtemps que possible, ses yeux et ses mots plus clairs et brillants que Miguel pouvait se rappeler les avoir vus. Elle les connaissait. Et elle se rappelait son papá, racontant ses souvenirs d'enfance à son public ravi. Elle parla à sa famille de comment Héctor attrapait sa fille et mitraillait son visage de baisers, comment il taquinait Imelda et la sortait de sa mauvaise humeur avec un rapide « As-tu au moins laissé sa tête à l'idiota, cette fois, mi amada ? » avant de gratter les cordes de sa guitare pour jouer sa chanson favorite et essayer de la faire sourire, comment il montrait à sa petite fille que sa guitare partageait son sourire (quelque chose que Miguel confirma rapidement, montrant du doigt la peinture dorée sur la dent de la guitare dans ses mains), et comment Héctor avait écrit une chanson juste pour elle. Mamá Coco souriait avec chaque précieux souvenir et Abuelita souriait alors que sa mère semblait plus heureuse qu'elle n'aurait pu l'imaginer.
Quand les histoires commencèrent à ralentir, Miguel décida de tenter sa chance. Un rapide coup d'œil aux vieilles lettres lui fit remarquer quelques lignes significatives, confirmant ses soupçons sur le fait qu'Ernesto de la Cruz les avait vraiment toutes volées. Il joua les premières notes de « Un Poco Loco » et Mamá Coco commença à rire si fort que des larmes coulèrent sur ses joues ridées. Rosa et Abel n'avaient pas l'air de savoir comment réagir à cela, mais Abuelita pleurait littéralement de joie tandis que Papá Franco plaçait une main sur son épaule. Quand elle se fut suffisamment calmée pour recommencer à parler, Mamá Coco expliqua qu'elle adorait hurler les réponses absurdes du début de la chanson, ce qui faisait toujours pouffer ses parents. Et elle expliqua que si « Remember Me » avait été créée pour Mamá Coco, Héctor lui avait dit qu'il avait écrit « Un Poco Loco » pour Mamá Imelda.
Elle parla du fait que seuls mamá et papá ne se trompaient jamais entre Tío Oscar et Tío Felipe, même quand ces deux-là essayaient de piéger les gens. Elle parla de comment Héctor se vantait d'avoir les deux plus belles filles et les deux meilleures danseuses de la ville entière, Coco bondissant frénétiquement alors qu'elle essayait d'imiter les mouvements pleins de grâce de sa mamá. Elle parla de comment les gens de la ville lui demandaient de jouer à des mariages, à des quinceañeras* et ainsi de suite, et il semblait toujours heureux de faire sourire les gens avec sa musique. Et elle mentionna comment, pour la photo que Miguel réparait précautionneusement avec du scotch alors qu'elle parlait, son papá avait voulu être particulièrement beau pour l'occasion spéciale vu qu'être pris en photo n'était pas un évènement banal, et qu'elle se souvenait qu'Héctor avait persuadé son « Tío Ernesto » de lui prêter son charro** blanc pour cela.
La dernière histoire retourna l'estomac de Miguel, mais il écouta. Il mémorisa chaque mot qu'elle prononçait avec le même dévouement dont il avait usé pour apprendre à jouer sur sa guitare bricolée. Ils devaient se souvenir de ces histoires. Des histoires sur Héctor contées par quelqu'un qui l'avait connu de son vivant. Ils devaient se souvenir de lui. Tous. Mais tandis que le reste de la famille écouterait Mamá Coco car ils l'aimaient et voulaient l'entendre parler et les reconnaître, Miguel comprenait l'importance de ce qu'il se passait.
Plus il y avait de gens se souvenant d'Héctor, plus il serait difficile pour lui d'être oublié. Et alors Miguel pourrait tenir sa promesse. Papá Héctor pourrait revoir sa fille.
Mais après un moment, la voix de Mamá Coco se fit hésitante et elle arbora une expression fatiguée. Elle continuait à sourire et semblait certainement plus alerte que d'habitude, mais ç'avait été une matinée de folie. A son âge, autant d'excitation était épuisant. Abuelita pressa silencieusement le reste de la famille hors de la pièce pour laisser Mamá Coco se reposer.
Et alors qu'ils se traînent hors de la chambre, parlant doucement entre eux d'à quel point la transformation de Mamá Coco était incroyable, ils revinrent à la réalité. Malheureusement, la réalité incluait le fait que Miguel s'était enfui la nuit précédente et avait fichu une peur bleue à sa famille. Maintenant que le choc initial était passé, l'inquiétude et la colère causées par sa disparition frappaient de plein fouet. Tout comme les questions.
A quoi pensait-il ? Avait-il la moindre de ce qu'il leur avait fait subir ? Etait-il blessé ? Où était sa veste rouge ? Ils l'avaient cherché partout où était-il toute la nuit ? Où avait-il trouvé cette guitare ? Comment savait-il que Mamá Coco reconnaitrait cette chanson ?
La plupart des questions que sa mamá et son papá lui posèrent n'étaient pas de celles auxquelles il pouvait facilement répondre. Ses parents ne le croiraient pas s'il leur disait simplement qu'il avait volé la guitare de la crypte d'Ernesto de la Cruz, qu'il s'était retrouvé au Pays des Morts, l'avait parcouru pour essayer de trouver son arrière-arrière-grand-père seulement pour apprendre qu'Héctor était en fait son mystérieux ancêtre, et avait presque fini coincé là-bas et Héctor quasiment oublié. Il les aimait et savait qu'ils écouteraient son explication, mais ils ne le croiraient pas. Ils penseraient qu'il l'a rêvé. Cela sonnerait comme une fantaisie.
Mais ils finirent par abandonner leur questionnement. Peut-être avaient-ils remarqué à quel point il était fatigué après cette longue nuit, ou bien ils se rappelaient comment il avait éclaté en sanglots quand Miguel avait cru que Mamá Coco ne se souviendrait pas. Quoi qu'il en soit, Papá finit par se taire et le happa simplement dans un autre câlin. Le garçon fondit pratiquement dans l'étreinte. Et une fois que le câlin se termina et que sa mère pressa un baiser sur son font, ils l'envoyèrent dans sa chambre afin qu'il se repose.
Il savait qu'il était puni. Il n'y avait pas moyen qu'il ne soit totalement sorti d'affaire. Ils ne l'avaient juste pas encore officialisé. Ils en auraient tout le temps plus tard.
Miguel voulait dormir. Il avait été debout toute la nuit, parcourant le Pays des Morts et encaissant toutes ces découvertes bouleversantes. Son état émotionnel en était réduit à un bazar chaotique après tout cela. Dormir aiderait. Mais il devait encore faire une dernière chose avant de pouvoir se reposer.
Il attendit, assis au bord de son lit. Il lutta à garder les yeux ouverts et essaya d'ignorer à quel point son corps lui semblait lourd. Il compta silencieusement les minutes jusqu'à ce qu'il pensât qu'assez de temps était passé. Alors, faisant attention à ne pas faire grincer sa porte, Miguel se glissa hors de sa chambre.
Toute une vie passée à aimer la musique dans un foyer qui ne l'autorisait pas signifiait que Miguel savait comment se faufiler sans être remarqué. Surtout alors que tous étaient épuisés par une nuit passée à s'inquiéter et à chercher leur garçon disparu dans les rues de Santa Cecilia. Ils étaient presque aussi épuisés que Miguel. Cela rendait leur maison silencieuse et son trajet furtif vers la chambre de Mamá Coco passa inaperçu.
Il se glissa à l'intérieur, soulagé de voir qu'Abuelita était partie. Encore mieux, Mamá Coco était encore éveillée et semblait lucide. Elle cligna des yeux, surprise de son retour, mais sembla heureuse de le voir.
« Qu'y a-t-il, míjo ? » demanda-t-elle.
S'approchant et s'asseyant sur le lit à côté d'elle, Miguel dit, « Mamá Coco, je veux te raconter ce qu'il s'est passé la nuit dernière. Après tout, je te dis tout et tu es probablement la seule personne qui me croira. Et je pense que tu mérites de savoir et il voudrait que tu saches la vérité. »
« Qui voudrait ? » demanda-t-elle.
Il lui sourit et dit, « C'est une longue histoire. Mais tout a commencé hier lorsque Dante a renversé la foto sur l'ofrenda et que le cadre s'est brisé. Et j'ai vu le reste de l'image. J'ai vu la guitare et je l'ai reconnue. »
« La guitare de papá, » dit-elle.
« Oui, » dit Miguel en hochant la tête. « Mais je ne savais pas grand-chose à propos de ton papá. Je ne savais pas à quoi il ressemblait ou même quel était son nom. Mais j'avais déjà vu la guitare auparavant. Je la connaissais. Tu vois, il y avait un musicien célèbre de Santa Cecilia du nom d'Ernesto de la Cruz… »
* Quinceañeras : Célébration du quinzième anniversaire d'une fille et sa transition à l'âge adulte chez les Latinos.
**Charro : Costume traditionnel mexicain généralement assez élaboré.
A/N :
En musique, un « refrain » est une section qui répète les mêmes paroles et la même mélodie tout au long de la chanson. C'est souvent une seule phrase toujours chantée de la même façon. Un refrain est décrit comme « une phrase qui lie une chanson… Un refrain est seulement une phrase, ou un mot tandis qu'un chœur contient beaucoup plus de mots. * » Un bon exemple de refrain serait le « fa la la la la » de « Deck the Halls ».
… Un autre exemple serait « Remember Me » (« Ne m'oublie pas ») d'une certaine berceuse.
« Overture » est l'introduction instrumentale d'un opera.
T/N :
* En anglais, il existe une distinction entre les mots « refrain » et « chorus », expliquée plus haut, tandis qu'en France, ces deux mots se traduisent souvent par « refrain ». J'ai utilisé « chœur » pour éviter de vous perdre !