Voici le sixième et dernier chapitre de cette histoire. Même si elle a été plutôt courte, cette fic a été émouvante (et longue!) à écrire. Je ne sais pas si ce dernier chapitre va plaire à tous. Et ce n'est pas le but. Mais c'est réellement de cette manière que je voulais que cette histoire se termine, et j'espère tout de même que vous en apprécierai la lecture.
Plein d'amour à vous
Gally
Playlist: Heal – Tom Odell
I Found – Amber Run
Start of Time – Gabrielle Aplin
You – Keaton Henson
Stargazing - Kygo
Where I Stand – Mia Wray
Les vagues qui s'échouent sur la plage humide, le soir, leur murmure régulier, ont quelque chose d'indéniablement apaisant. Thomas s'est retrouvé au bord de l'eau en pleine nuit bien souvent, ces derniers temps. Quand il ne parvient pas à dormir, ses pas le guident tous seuls vers la mer, et il s'assoit simplement dans le sable, les yeux rivés soit à l'horizon, aux vagues qui se forment puis ondulent vers lui, ou aux étoiles, lorsqu'elles envahissent le ciel au point de l'étouffer presque, et d'ensevelir la noirceur des ténèbre sous leurs lueurs lointaines.
Il n'entend pas Gally arriver. Enfin, il entend bien le crissement de pas sur le sable, mais il n'y prête pas tout de suite attention, et ne sait pas que c'est Gally. Mais quand le garçon apparaît dans son champ de vision, Thomas relève la tête.
- Hey. Je peux me joindre à toi?
Thomas acquiesce. Alors Gally se pose à côté de lui, les coudes sur les genoux. Il se passe un moment avant qu'il reprenne la parole, en comprenant que Thomas n'est clairement pas décidé à briser le silence. Ça lui fait bizarre, de se retrouver seul avec Gally. Il lui a pardonné, depuis les évènements de la Ville. Sans lui, ils n'auraient sûrement pas réussi à récupérer Minho vivant. Alors ça compense , en quelque sorte. Et Thomas sait, au fond, que ce n'était pas sa faute. Mais c'est tout de même étrange.
- Tu sais, t'as la tête d'un mec qui a fait une connerie.
- Je fais que des conneries, Gally… soupire Thomas, las.
Mais il ne s'attend pas à ce que Gally lui réponde d'une voix éteinte:
- Moi aussi.
Puis plus rien. Thomas ne répond pas, Gally ne continue pas, pour quelques minutes. Jusqu'à qu'il prenne une grande inspiration, et se remette à parler.
- Quand les gars qui se rendaient vers la ville m'ont trouvé, et m'ont remis sur pieds, je ne me suis pas souvenu tout de suite. J'ai mis un moment à émerger de nouveau, et à reconstituer ma mémoire. Mais ça m'a frappé d'un coup ensuite. J'ai tout revu défiler devant mes yeux à toute vitesse.
Thomas est surpris par la tournure de la discussion. Il ne s'attend pas à ce que Gally se confie, qui plus est à lui. Ne sait pas pourquoi il lui dit tout ça, maintenant. Il se tourne vers l'autre garçon, les sourcils arqués dans une apparente incompréhension – où veut-il en venir?- mais Gally à les yeux rivés droit devant lui.
- Quand j'ai réalisé… quand j'ai compris que j'avais tué Chuck, je… sa voix se brise. Il s'éclaircit la gorge, avant de reprendre. Je suis devenu fou. Tout ce que je voulais, c'était retrouver cette lance que Minho m'avait planté dans l'épaule, et… finir le travail moi-même. Je trouvais injuste que ce soit moi, qui soit en vie, et pas…. Je ne voulais pas gagner la ville, mais ils m'ont emmené avec eux sans me laisser le choix. Je voulais juste… je voulais juste mourir.
Ses paroles sont lourdes de sens. Il baisse la tête, et Thomas a envie de poser sa main sur son épaule. Parce qu'il sait ce qu'il ressent. Il se rend compte que Gally à la même douleur que lui, au fond de son cœur. Gally a besoin de lui dire tout ça, et lui a besoin de l'entendre. Mais il ne le fait pas, il reste immobile. Et le blond recommence à parler:
- Mais quand j'ai rencontré Lawrence, et qu'il m'a parlé de son but, j'ai eu envie de le suivre. Pour faire payer à WICKED tout ce qu'ils nous avaient fait subir… tout ce qu'ils vous avaient fait subir, en fait, et… à Chuck. Et je me disais que j'aurais peut être une chance de vous retrouver, si vous étiez encore en vie.
Alors le regard de Thomas sur Gally change. Il comprend ce qu'il a pu traverser, lui aussi. Il ne sait pas vraiment si c'est une phrase en particulier qui provoque ça, où l'ensemble, mais soudain, le reste de rancœur qui pouvait persister au fond de lui disparaît. Au même instant ou Gally se tourne vers lui.
- Si tu savais comme je m'en suis voulu Thomas…
- Je sais, lui réponds le concerné d'une voix rauque.
Parce que c'est vrai. Il sait exactement.
- Je sais, que tu le sais. Je veux dire…. Enfin tu vois.
Oui, il voyait.
- Mais maintenant, c'est un peu moins dur. Je crois que je commence à réussir à me dire que... c'était à cause de la Transformation, poursuit Gally. Même si je n'oublierais jamais ça.
Et la discussion s'arrête là. Gally ne lui dit pas «Ce n'est pas ta faute non plus». Même s'il le pense, si Thomas le lit dans ses yeux. Il ne le dit pas, parce que Thomas lui aurait dit la même chose. Et là, sous la lune, ils se comprennent l'un l'autre. Il y a des choses qu'ils n'ont pas besoin de se dire. Des choses qu'ils ont trop souvent entendu aussi, à tel point qu'elles ont quelque peu perdu leur sens. Et comme Gally parvient peu à peu à se pardonner, Thomas sait qu'il en va de même pour lui, petit à petit, si subtilement pour l'instant: grâce à toutes ces paroles, de ses amis. Grâce aux silences de Gally, aussi, et à tout ce qu'ils contiennent.
Alors ça deviens une sorte de rituel. Presque toutes les nuits, ils se retrouvent au bord de l'océan, au milieu du silence nocturne et de la mélodie des vagues. Parfois avec un verre à la main, ou bien sans. Parfois, ils discutent; d'autres fois ils ne disent rien, se contentent de rester assis, à contempler le ciel. Jusqu'à ce que l'un ou l'autre reparte, sans un mot souvent. Et ça fait du bien, à Thomas: de simplement partager ses insomnies avec une présence silencieuse, ou avec qui il peut reparler du Labyrinthe, ou bien de la réciprocité de sa douleur, ses émotions.
Une nuit, Gally s'excuse pour avoir agi comme, selon ces propres mots, «un vrai connard» au Bloc. Alors, Thomas ne sait pas pourquoi, mais il lui raconte que sa connerie de la dernière fois, c'était d'avoir couché avec Aris, pour oublier. (C'est comme si les paroles s'étaient mises à sortir toutes seules, retenues trop longtemps. Comme si ça devenait plus facile de parler, avec lui. Gally se confiait, et lui en retour. C'était comme ça.) Gally ne demande pas quoi. Et il ne le juge pas. Et ça, Thomas en est plus reconnaissant encore qu'il aurait pu l'imaginer.
Le quatrième soir, Gally lui confie qu'entre Alby et lui, il n'y avait pas seulement eu de l'amitié, à l'époque du Labyrinthe. Alors Thomas lui avoue en retour qu'il aimait Newt.
Et soir après soir, ils sont là, sur la plage, à parler. À se souvenir. Et à faire le vide. À tenter d'oublier certaines choses… de se pardonner, à eux-même, d'autres. Les nuits défilent.
La première fois que les lèvres de Gally trouvent celles de Thomas, c'est au beau milieu d'une énième nuit d'insomnie sur la plage. Ils sont là, seuls comme toujours debout face à la mer presque silencieuse, et soudain sur le moment ça sonne comme un réflexe, une évidence. Ni l'un ni l'autre ne se rappelle de l'exact moment où leurs corps se sont rapprochés, où l'écart entre eux s'est petit à petit amenuisé.
C'est une caresse, presque un murmure. Il n'y a rien de pressé, rien d'insistant. C'est plus un effleurement, qui se précise juste après. Et la main de Gally est chaude et légère contre sa joue.
Le cœur de Thomas ne se serre pas, son ventre n'est pas remué comme avec Newt, comme l'effet que ça lui faisait d'embrasser le blond; non, tout à coup il semble s'apaiser, retrouver un rythme normal, et à l'intérieur de lui, il lui semble que quelque chose qui était clos s'ouvre à nouveau.
Et contrairement à ce qu'il aurait pu penser, l'esprit de Thomas n'est pas chargé de l'image de Newt. Soudainement, il oublie. À vrai dire, il est vide – parce que la seule chose sur laquelle il parvient à se concentrer, c'est l'instant présent. (Et wow, ça change de l'habitude.). Et comme ça, il est saisi par une impression: celle qu'enfin, il lui semble avoir le droit de réessayer. D'être heureux. Même si c'est si fragile, il s'y accroche – c'est ça, c'est le frisson presque imperceptible qu'il lui faut pour recommencer. Pour se redonner l'occasion de croire. Même s'il lui faut des mois, et peut être plus pour y parvenir.
Il n'y a rien de plus. Pas pour l'instant.
La nuit suivante, leurs lèvres se rencontrent à nouveau. Et lorsqu'ils se détachent, ils ne parlent pas, ils se regardent simplement. Sans un mot, juste l'instant. Et cet instant s'éternise, jusqu'à ce que Gally brise le silence, pour souffler:
- Passe la nuit avec moi.
Les nuits, ils ont l'habitude de se retrouver sur la plage, c'est un fait. Mais la signification de cette phrase est différente. Et tout ce que Thomas parvient à répondre, c'est:
- Oui.
Quand ils se retrouvent dans la tente de Gally, celui-ci prend toute la douceur du monde à entraîner Thomas sur le lit, puis à le déshabiller, et à se déshabiller avec lui. Leurs peaux sont chaudes, et le désir s'y imprime parcelle par parcelle, petit à petit. Thomas est déjà dur du souvenir des lèvres de Gally contre le sienne, et il sait que c'est une réaction normale, alors il la laisse se glisser en lui, s'installer, grandir – il ne la rejette pas, il ne cherche pas à la combler immédiatement. Il y a une telle attention dans le toucher de Gally, ses caresses, que Thomas n'aurait jamais cru pouvoir associer à l'autre garçon. Si on lui avait dis un jour qu'il se retrouverait ainsi avec l'ancien maton des bâtisseurs, que leurs corps s'emboîteraient si bien, il n'y aurait pas cru.
Pour la première fois, Thomas se laisse posséder. Mais il n'y a pas de rapport de force, de supériorité: ils ne font qu'un, et c'est presque comme une osmose. Ils avancent pas à pas, sans aller trop vite. Les gestes de Gally sont tout sauf brusques ou impatients, et Thomas se laisse faire, même si au début il y a des marques à prendre, en réalisant que ce qui s'insinue au creux de son ventre est loin d'être de la peur ou de la mélancolie: c'est du désir, de la quiétude aussi. Lentement, Gally se glisse en lui sans le quitter des yeux, et les sensations submergent Thomas, sans pour autant qu'il s'y noie. Il lui fait l'amour. Et pour la première fois, la sensation de tromper Newt le quitte. Il s'abandonne au moment, aux soupirs de Gally, et s'aperçoit que sa propre voix s'élève elle aussi pour leurs faire écho. Il sait que ce n'est pas qu'une nuit. Que c'est la promesse de tant d'autres à venir, et que ce ne sera pas seulement des nuits.
Dans la nuit noire, dans l'obscurité de la tente, il n'y a soudain plus rien d'autre que Gally, son corps au dessus du sien, leurs peaux transpirantes, tant d'émotions que Thomas ne croyait pas pouvoir s'insinuer en lui de nouveau.
Et il comprend enfin complètement. Il comprend que c'est ce que chacun de ses amis a à lui apporter, c'est chaque instant passé avec chacun, et le fait de partager cette douleur avec d'autres, qui lui permettront de guérir. Que c'est ensemble, qu'ils y parviendront tous. Et qu'il y a espoir. Il y a toujours espoir.
Avec Minho, Frypan, les paroles de Brenda, Vince, ou Jorge, même l'attention d'Aris, et entre les bras de Gally ( et il sait qu'il en est de même pour ce dernier), il réalise que la culpabilité qui s'insinuait en lui disparaît progressivement, et qu'ainsi elle finira par n'être plus qu'un souvenir. Et il sait que c'est ce que Newt aurait voulu. Alors lorsqu'il lèvera les yeux vers les étoiles, il sait que ce ne sera plus pour s'excuser, mais pour souffler «Merci.». Merci de veiller sur nous d'où tu es. Merci pour l'amour que tu m'as offert. Merci de m'autoriser à guérir. Je ne t'oublierai jamais.
Fin,
Luna