Hermione était au sommet de la tour d'astronomie. Une forte odeur de fumé lui brûlait les narines. Au-delà du lac, elle pouvait apercevoir les premières lueurs de l'aube à travers l'épaisse fumée qui s'échappait des décombres du château. La nuit avait été horriblement longue. Du sang coulait sur sa joue gauche. Une profonde entaille zébrait sa tempe. Son bras droit brûlait atrocement. Bellatrix lui avait gravé magiquement les mots «sang-de-bourbe» sur la peau fine de l'intérieur de son avant-bras. Le simple fait de penser à Bellatrix lui donnait la nausée. Elle se tenait appuyée sur les remparts, ses jambes peinant à la soutenir.

Tout avait mal tourné. Les mangemorts avaient attaqué Poudlard avec une force écrasante. L'Ordre du Phoenix avait pu les contenir que brièvement. Après le décès de Rogue, Harry s'était rendu dans la forêt interdite espérant épargner les gens combattant Lord Voldemort. Il avait réussi à surprendre Voldemort en revenant d'entre les morts. Lors d'un combat dans la grande salle, Ron fut tué par un sort vicieusement lancé par Bellatrix Lestrange alors qu'il aidait Harry à combattre Voldemort. Harry avait vu son meilleur ami périr. Cette distraction avait permis à leur ennemi de lancer un Avada Kedavra dans le dos d'Harry. Hermione pouvait encore entendre le bruit sourd du corps d'Harry s'écroulant sur le sol de pierre de la grande salle.

Après leur victoire, les mangemorts s'étaient retirés dans la cour du château. La voix froide et magiquement amplifiée avait résonné dans les corridors de pierre presque vides :

«Lord Voldemort vous laisse deux heures pour vous joindre à lui. Il est inutile de verser plus de sang magique. À la fin de ce délai, les sang-de-bourbes et les résistants seront exécutés.»

Plusieurs personnes avaient joint Voldemort en espérant éviter une mort certaine. Régulièrement, les mangemorts criaient les noms de leurs nouvelles recrues tentant d'influencer les indécis. Plus d'une vingtaine de noms avaient ainsi résonné.

Suite à l'annonce, ne se sentant plus la force de faire face aux derniers survivants, Hermione avait erré longuement les corridors du château. Comme si elle espérait réussir à chasser les images d'horreur que la nuit avait gravé dans son esprit. Elle tentait de se remémorer des jours meilleurs. Elle savait qu'elle était dans une impasse. Elle avait arpenté les rayons de la bibliothèque. Une multitude de livres jonchaient le sol. Un incendie faisait rage dans la section interdite. En temps normal, elle aurait été indignée de voir tant de savoir partir en fumé, mais elle était engourdie. Elle ne sentait plus rien. Elle avait tellement souffert. Un de ces maudits livres expliquait comment créer des abominations telles que les Horcrux.

«Bon débarras» pensa-t-elle.

Elle s'était, ensuite, dirigée vers la salle commune de Griffondor où elle avait passé tellement de temps à étudier. Le portrait de la grosse dame ne bloquait plus l'entrée de la tour. Son canevas déchiré reposait sur le sol froid du château. Étonnement, un feu brûlait dans le majestueux foyer. Les tapisseries brodées d'or portaient les traces de nombreux sorts et témoignaient de la violence des combats. Les fauteuils éventrés étaient éparpillés. Avec horreur, Hermione remarqua qu'une main sans vie dépassait de sous un canapé. Au toucher, la peau était glaciale. Voulant rendre sa dignité à la personne gisant devant elle, elle brandit sa baguette :

«Wingardium Leviosa» murmura-t-elle.

Le canapé se souleva doucement du sol avant de se poser à sa place originale devant le foyer. Parvati Patil gisait sur le sol. Les larmes aux yeux, Hermione se pencha pour lui fermer les yeux et essuyer le sang qui maculait son visage à la peau basanée. Incapable de rester un instant de plus, elle sortit de la salle commune.

Elle marchait sans savoir où elle s'en allait. Elle tremblait tellement qu'elle peinait à tenir debout. Les yeux pleins de larmes, elle monta un long escalier en colimaçon. Lorsqu'elle sortit de ses pensées, elle réalisa qu'elle était dans le bureau qui avait longuement appartenu à Albus Dumbledore. Peu de chose avaient été changées par Rogue. Les mêmes objets magiques ornaient les nombreuses étagères. Une pensine ornée de runes anciennes reposait sur le grand bureau en bois sculpté. Hermione se souvint, soudainement, qu'Harry lui avait dit qu'il s'était rendu dans ce même bureau pour voir les souvenirs que Severus Rogue lui avait donné avant de lui aussi mourir. Des souvenirs argentés flottaient dans la pensine. Ils semblaient être liquides et gazeux en même temps. Ils ondulaient d'une façon hypnoptisante. Ne pouvant résister, la jeune femme se pencha au-dessus du bassin de pierre. Une goutte de sang tomba sur les tourbillons argentés. Étonnement, ils ne se mélangèrent pas. Soudainement, Hermione se sentit tombée dans le vide. À l'atterrissage, elle se retrouva près d'un arbre avec deux enfants qui avaient tout au plus une dizaine d'années. Elle reconnue sans peine Lily Potter et Severus Rogue qui discutaient de magie. Quelques secondes plus tard, elle se retrouva près du lac au bord duquel elle avait passé beaucoup de temps avec ses meilleurs amis. Severus adolescent lisait un livre de potion le dos contre un arbre. Avec appréhension, elle vit les jeunes maraudeurs s'approcher. Les regards de Sirius et de James brillaient de malice. Mal à l'aise, elle dû observer la séance d'insultes et d'humiliation publique de Rogue.

«Lévicorpus», s'écria Potter.

Severus se retrouva à pendre par les pieds dans l'hilarité générale. Hermione détourna le regard. Maintenant, elle comprenait mieux la haine que Rogue éprouvait envers Harry. Soudainement, un brouillard épais l'entoura. Lorsqu'il se dissipa, elle se trouvait dans le bureau de Dumbledore. Severus paressait plus jeune. Il semblait avoir une vingtaine d'années malgré ses traits tendus. Vêtu de noir, il arpentait nerveusement la pièce circulaire. Le jeune homme implorait le directeur de sauver Lily Potter. Il venait de réaliser que la prophétie qu'il avait entendue et transmise à son maître impliquait la jeune femme. Il offrait sa vie et ses services d'agent double au directeur. Le brouillard réapparu à nouveau. Lorsqu'il se dissipa, Hermione réalisa qu'elle se trouvait dans une chambre d'enfant. Severus, en larmes, étreignait le corps sans vie de Lily qui gisait au sol. Les derniers souvenirs devenaient de plus en plus flous. Elle vit Dumbledore demander à Rogue de le tuer à la place de Draco. Finalement, elle vit comment il leur avait donné l'épée de Griffondor afin de leur permettre de détruire les Horcrux.

Soudainement, Hermione se retrouva penchée au-dessus de la pensine. Étourdie, elle se tenait sur le bureau pour ne pas tomber. Elle venait de réaliser que Rogue n'était pas un traitre et qu'il avait tout donné pour les protéger tous. Son amertume et sa froideur habituelles faisaient plus de sens. Il avait fait de mauvais choix dans sa jeunesse, mais il avait tenté de corriger ses erreurs. Ultimement, il en avait payé de sa vie comme bien des gens cette nuit…

Un déclic attira son attention. Un tiroir s'était ouvert spontanément. Un pendentif brillait à la lumière des chandelles qui flottaient autour d'elle. Avec surprise, elle reconnue le retourneur de temps qu'elle avait utilisé afin d'assister à tous ces cours lors de sa troisième année. Le métal était froid dans sa paume. Un parchemin s'envola et se posa doucement dans sa main. Elle reconnue l'écriture fine et inclinée d'Albus Dumbledore :

«30 juin 1997 Chère Mlle Granger, si vous lisez cette lettre, c'est que Tom Riddle a gagné. L'ordre du Phoenix a failli à sa tâche. Harry et de nombreux autres sorciers sont décédés. Je vous remets le retourneur de temps. Vous le reconnaissez certainement. Je vous l'offre afin vous offrir des possibilités que Tom ne vous laissera pas. Vous pouvez décider de ne pas utiliser le retourneur. Si, toutefois, vous décider de l'utiliser vous pourriez aller vivre à une époque plus paisible que la nôtre… Vous pourriez aussi l'utiliser pour tenter de changer le cours des évènements. Je peux déjà vous entendre me réciter la réglementation encadrant l'utilisation des retourneurs de temps.»

«C'est totalement illégal» pensa la jeune sorcière eut un petit sourire en réalisant à quel point Dumbledore avait anticipé sa réaction. Elle reprit la lecture de la missive :

«Manipuler le cours du temps peut avoir des conséquences dramatiques. J'en suis bien conscient, mais la situation actuelle est déjà catastrophique. De plus, manipuler le temps peut sauver des vies. Vous avez déjà prouvé vos aptitudes en sauvant Sirius et Buck. Faites confiance à votre tête si brillante et à votre grand cœur. Vous vous demandez peut-être pourquoi je vous ai choisi. Sachez que j'ai une totale confiance en votre jugement. Vous êtes la jeune sorcière la plus brillante et la plus réfléchie que j'ai connu au cours de ma longue carrière à Poudlard. Bon courage chère Griffondor. Peu importe votre décision, je suis fier de vous. J'ai fait l'erreur d'exiger trop de sacrifices des gens que j'ai connus.»

Hermione pensa toute de suite à Harry et au professeur Rogue qui avaient payé de leurs vies. Elle poursuivit sa lecture :

« La proximité de ma mort m'a fait réfléchir. Après tout, pour un esprit équilibré, la mort n'est qu'une grande aventure de plus. Maintenant, je ne demande plus rien. Réfléchissez à vos possibilités. Professeur Albus Perceval Wulfric Brian Dumbledore.»

Étonnée, la jeune femme passa la chaine dorée du bijou sphérique autour de son cou. Elle ne savait pas trop quoi en faire. Elle mit le parchemin dans la poche de sa veste.

«Je ne savais pas qu'il restait des retourneurs de temps» pensa-t-elle. Elle croyait que tous les retourneurs avaient été détruits lors de la bataille du ministère de la magie.

Une lueur d'espoir tentait d'éclairer son esprit meurtri, mais elle était trop démolie pour l'accueillir. Voulant revoir pour une dernière fois le parc du château, elle prit la direction de la tour d'astronomie.

Appuyée aux remparts pour ne pas tomber, elle tenait le retourneur de temps dans sa main droite. Elle pouvait sentir le métal froid contre son thorax. La jeune femme ne savait pas quoi faire. Allait-elle rester dans le présent ou faire un saut dans le passé? Allait-elle retourné dans le passé pour y vivre ou pour changer les évènements? Elle n'arrivait pas à prendre de décision. Son esprit habituellement si vif était embrumé. Il y avait trop de choses à analyser et elle était épuisée. De plus, des images d'horreur revenaient la hanter. Elle revoyait sans cesse Ron et Harry se faire terrasser par Bellatrix et Voldemort. Les yeux plein de larmes, elle peinait à observer les vastes terre du château. Le soleil continuait sa lente ascension.

«Est-ce que ça vaut la peine de continuer?» se demanda la jeune femme.

Ses parents ne savaient plus qu'elle existait. Harry, Ron, Neville, Lupin, Tonks et la majorité de ses amis étaient morts. Elle n'avait plus rien. La résistance avait été écrasée. Ça prendrait de longues années à reconstruire une résistance si cela était même possible.

Soudainement, Hermione fut sortie de ses pensées par un bruit sourd. Les mangemorts se heurtaient aux défenses magiques qu'elle avait mises pour bloquer l'accès à la tour. Elle savait qu'elles ne tiendraient plus tellement longtemps. Son esprit était comme stupéfixé et elle ne savait toujours pas quoi faire.

Dans un fracas incroyable, la massive porte de la tour fut projetée violemment contre les remparts causant la chute de plusieurs lourdes pierres. Ces dernières s'écrasèrent au pied de la plus haute tour du château. La porte l'avait évitée d'à peine quelques centimètres. Les rires démoniaques de Bellatrix résonnaient.

Un frisson parcouru son échine. La plus fanatique des mangemorts était reconnue pour aimer jouer avec sa nourriture. Hermione avait eu droit à un avant-goût de sa spécialité lorsqu'elle avait marqué dans sa chair l'injure «sang-de-bourbe».

Une soudaine impulsion s'empara d'elle. La main toujours serrée sur son pendentif elle enjamba les remparts.

«Il n'est pas question de me laisser capturer» pensa-t-elle.

Le cœur gros la jeune femme s'élança dans le vide. Elle était prête à partir. Tout devint noir et elle se sentit emportée.