« Grouille toi, Jackie, j'ai la dalle !
— Je fais de mon mieux ! Et c'est Jack, bordel ! »
Vite vite vite, il me fallait trouver une façon d'éviter l'horrible corvée qu'était le petit-déjeuner, Ginny manquait peut-être d'impatience, la nuit blanche que nous avions passée à parler entre filles autour de bières aidant sûrement, mais pour moi la perspective du repas matinal me dégoûtait légèrement et me causait une anxiété paralysante. Faisant de mon mieux pour enfiler mon uniforme trop serré tout en me creusant l'esprit à la recherche d'une excuse. J'avais peur que mes amies ne soupçonnent ce qui se passait dans ma tête, non pas que j'avais un problème, mais écouter un énième sermon vantant les mérites de la personnalité au-dessus de l'apparence ne me disait rien, surtout quand il m'était délivré par des personnes au physique parfait.
La chevelure rousse de Ginny apparût dans la porte du dortoir, mon amie s'accouda au mur, le visage fatigué et les bras croisés. Même en portant sur elle toutes les traces de la soirée assez mouvementée de la veille, elle restait magnifique. Ses cheveux, bien que ébouriffés semblaient doux au toucher, et ses yeux, dont l'exténuation était apparente, gardaient leur vivacité.
Ginny ne parla même pas, se contenta de bailler et de secouer la tête avec un léger sourire tandis que je me dépêtrai de mon pantalon de pyjama. Elle ne fit aucune remarque, mais je vis son regard s'attarder sur les boutons de ma blouse qui s'accrochaient avec difficulté au tissus et qui menaçaient de sauter à tout instant, mes joues s'enflammèrent, et je me sentis obligée de me justifier.
« J'crois que mon uniforme a rétréci, ma tante l'a lavé, ces foutues machines à laver moldues... »
Mon amie me répondit par un regard perplexe et un léger "mhm". Idiote, personne ne va croire ça, personne ne s'intéresse à tes stupides machines moldues. Je finis de m'habiller à la hâte et jetait mon sac par dessus mon épaule.
Eviter le miroir était devenu une habitude pour moi, je le contournai donc sans peine et sortit du dortoir, Ginny m'emboîta le pas, plus silencieuse qu'une tombe après le malaise que j'avais provoqué.
Si je devais faire une liste des choses qui m'empêchait de détester complètement la vie, le vent d'automne serait probablement proche du sommet du classement. J'adorais sa caresse et son odeur indescriptible, la brise, d'une douceur immense, me donnait l'impression d'emporter une partie de mon anxiété avec chaque souffle, elle semblait démanteler progressivement le nœud qui s'était formé dans ma poitrine au fil des années et qui continuait à s'agrandir avec chaque nouvelle difficulté que je rencontrai.
J'avais réussi à échapper à la surveillance assez peu assidue de Ginny et mes pieds m'avaient naturellement entraînée jusqu'au lac.
Assise contre un tronc d'arbre à admirer la surface scintillante de l'eau, je me laissai aller et oubliai mes tracas. Je fermai les yeux et profitai du silence pour réorganiser mes idées, quand une voix vaguement familière m'interrompit.
« Bonsoir, dit la fille aux cheveux argentés, et elle prit place à mes côtés, croisant les jambes avec ses mains au-dessus de ses pieds.
— C'est le matin, répondis-je, perplexe.
Je reconnus la fille comme étant une Serdaigle dans la même année que moi avec qui je n'avais jamais interagi, mais dont la réputation de fille un peu loufoque était parvenue à mes oreilles. Luna ferma les yeux et releva le menton, elle avait l'air dans son élément, avec ses longs cheveux virevoltant au vent et son léger sourire permanent. Je me demandais pourquoi elle était venue s'asseoir à côté de moi, sans doute m'étais-je installé sous son arbre de prédilection. Ce serait typique de ma part, d'occuper une place où je n'appartenais pas.
— J'aime bien ce vent, dis-je simplement pour combler le silence.
— Oui, il convient beaucoup au paysage, répondit-elle, et encore plus à la réflexion »
Ses yeux bleus s'ouvrirent d'un coup et se fixèrent sur moi, me soumettant à son regard à la fois doux et perçant, et elle continua d'une voix lente :
« Même si je préfère les matins brumeux, c'est souvent le cas ici, quand je me lève assez tôt.
— Je dois me lever plus tôt alors, comme ça je profiterai du paysage tout en évitant la mauvaise humeur matinale de Ginny ! »
Luna me sourit d'un air rêveur, et ses yeux se posèrent sur un brin d'herbe qu'elle contempla avec émerveillement, elle arracha l'objet de sa fascination et le tint dans ses mains, le triturant avec des yeux pétillants avant de le plier et de le mettre dans une poche de sa cape.
« J'aime bien Ginny, dit-elle finalement, c'est une des rares personnes dont la gentillesse est entièrement honnête, ses sourcils se froncèrent un peu, Beaucoup de gens prétendent apprécier ma compagnie, mais leurs actions sont transparentes, et se résument souvent à de la moquerie. »
Ce fut à mon tour de la fixer, j'étais consciente de l'affreux surnom dont elle avait écopé le jour de la répartition du Choixpeau, lorsqu'elle était resté assise sur la chaise avec un chapeau silencieux au-dessus de la tête pendant plus de trois minutes, et qu'elle avait annoncé au professeur McGonagall que le choix de ce dernier était décidé dès les premières secondes, mais qu'elle avait apprécié la conversation avec lui.
Ce qui provoqua l'hilarité générale fut lorsqu'elle le reposa et frotta son extrémité avec affection avant de rejoindre sa table.
J'avais toujours pensé que Luna était trop haut perchée pour se rendre compte des insultes à son égard, mais la jeune sorcière n'avait pas été envoyée à Serdaigle pour rien, je me rendis compte qu'elle était consciente de son inadaptation à son entourage. Cette réalisation m'emplit de compassion et de respect pour elle, car son intégrité à son identité et son courage étaient à louer.
« Tu sais Luna, si tu as besoin de quoi que ce soit, si tu veux parler je suis là, n'hésite pas, lui proposai-je, car je comprenais à présent que nous n'étions au final pas si différentes que ça.
— Je pense que sera toi qui auras besoin de venir me voir » me répondit Luna songeuse.
La conversation dévia du sujet de notre inaptitude sociale, et Luna me parla de quelques créatures magiques qui la passionnaient, je l'écoutai attentivement, et quand vint le moment de partir pour rejoindre nos classes respective, elle referma mes doigts sur un petit morceau de musc "pour me protéger des Ronflaks Cornus"
Cette conversation me trotta dans l'esprit durant mon trajet vers ma classe d'histoire, où j'allais pouvoir continuer ma grasse matinée, et je décidai d'en tirer une leçon : Je n'allais plus me soucier de l'avis des autres, je ne ferais que ce qui me convient d'abord.
Plus facile à dire qu'à faire, me souffla une voix sardonique dans l'esprit, je résolus de l'ignorer.
Chaque fois que j'assistait à une des séances de Binns, je me disais qu'il était impossible que la prochaine soit plus ennuyeuse, et pourtant le vieux fantôme avait une étonnante capacité à endormir le plus assidu des élèves. Les jumeaux devraient utiliser du concentré de Binns pour la prochaine friandise de leur boîte à flemme.
A moitié assoupie, je souris à ma mauvaise blague et m'accoudai sur la table, mes yeux se perdirent dans le paysage qu'offrait la fenêtre, la forêt Interdite, que je pouvais apercevoir d'ici, avait depuis longtemps perdu ses couleurs, la crinière des arbres s'étaient brunie et le vent continuait de faire virevolter la feuilles, donnant un aspect encore plus féerique à l'école.
Ce fut ainsi que je passai la première heure d'Histoire, Inma, qui ne cherchait pas à cacher sa fatigue, somnolait tranquillement à mes côtés tandis que Ginny clignait des yeux lentement, rêvant sans doute de beaux garçons, de matchs de Quidditch et de gloire. Je souris sereinement, profitant de ce moment de calme, quand un bout de parchemin roulé en boule atterrit sur mon front.
« Qu'est ce que- » Je le déroulai et mon estomac vide se serra, le parchemin avait été refermé autour d'un badge marron, qui semblait représenter une horrible caricature de moi, les cheveux bouclés en pagaille et les joues enflées, le dessin semblait me narguer et se délecter de mon effroi. Je relevai la tête et regardait autour de moi, cherchant la source du parchemin, mais tout le monde était occupé à dormir ou à faire semblant de ne pas vouloir dormir.
Je fixai le badge pour le restant de l'heure, et le regardait toujours lorsque Inma, à présent debout, me mit la main sur l'épaule.
« Que se passe-t-il, chérie ?
— Quelqu'un m'a envoyé ceci, répondis-je avec une voix faible, Inma se pencha et me prit le badge des doigts.
— Mais ! Qui ferait une chose pareille, non seulement c'est mal dessiné, ça reflète un manque cruel de créativité ! Je veux dire... Des badges ? Ils se sont crus où ? Au tournoi des trois sorciers ?! »
Ginny fut attirée par nos voix et attrapa le badge, les sourcils froncés et la bouche serrée.
« Il n'a vraiment que ça à foutre ? dit-elle d'un ton indigné,
— Qui ça ? demanda Inma, je relevai la tête, soupçonnant déjà la réponse.
— MALFOY ! C'est lui qui a créé ces badges lorsque Harry était le champion de Poudlard l'année dernière, s'écria-t-elle, confirmant mes suspicions au sujet du coupable.
— L'un des champions... corrigeai-je d'une petite voix.
— Je sais, la voix de Ginny était aussi triste que la mienne, et nous oubliâmes momentanément le badge pour nous remémorer Cedric, Je vais aller parler à cet idiot, décida-t-elle
— Je t'accompagne ! » dit Inma avec entrain, sourde à mes protestations.
Les pas de Ginny résonnaient à travers les couloirs, assurée et énervée, elle se dirigeait vers la Grande Salle, le badge serré dans sa main. Inma lui emboîtait le pas, serrant quant à elle sa baguette sous sa cape. Je les suivais de mon mieux.
Ginny poussa les portes de la salle et fit une entrée remarqué, ne s'arrêtant que pour scanner la salle, sans doute à la recherche d'une chevelure argentée, le souffle lourd et les yeux lançant des éclairs. Malfoy n'était pas attablé avec ses camarades.
« Que se passe-t-il, sœurette ? la voix de Fred (ou George) Weasley résonna à travers la salle, et les deux jumeaux se levèrent, affichant deux sourires parfaitement identiques
— Quelqu'un aurait aperçu Malfoy ?
— Ahahah ! On dirait que notre fouine adorée va se faire botter le cul ! Qu'a-t-il fait pour le mériter, cette fois ?
— Rien ! dis-je avec empressement, je n'avais aucune envie que qui que ce soit d'autre voit le badge disgracieux, et je fixai Ginny avec sévérité afin de lui faire comprendre qu'il ne fallait pas en parler
— Rien, dit-elle également, plaquant sa main derrière son dos pour cacher le badge.
— Tut-tut, Tu oses mentir, est-ce comme ça que tu as été élevée ? dit Fred.
— C'est clair, les gens vont finir par croire que nous avons été de mauvais exemples pour toi ! le rejoint son jumeau.
— Cela ruinerait notre réputation, tu imagines ? »
Avant que quiconque ne puisse l'arrêter, la main de Fred vola rapidement et s'empara du badge, il le plaqua contre son torse pour le protéger d'une éventuelle riposte de Ginny.
« Non ! cria-je, j'essayai de l'attraper, mais Fred n'avait qu'à le tenir au-dessus de sa tête pour qu'il devienne inaccessible, Rends le moi ! Rends le moi ! » Le désespoir était si évident dans ma voix que même Fred hésita un instant, et je pensait qu'il allait me le rendre, je n'eus jamais l'occasion d'en être sûre car l'objet se glissa d'entre les doigts du rouquin pour voler en direction de l'entrée, où Malfoy se tenait, sa baguette magique en main et un sourire énervant sur les lèvres.
« Je vois que tu as trouvé mon petit cadeau, McClair ! il marcha vers moi, lançant le badge d'une main à l'autre, toujours avec son petit sourire.
— Tu n'as que ça à foutre ? intervint Inma.
— Je ne t'ai pas adressé la parole à toi !
— Oh wow ! Ton sens de la répartie est presque aussi avancé que ton niveau en dessin, Malfoy ! »
Les jumeaux et Ginny fixaient Draco avec un dégoût et une haine évidents, mais celui-ci n'avait d'yeux que pour moi, et il me lança le badge à la figure, que j'attrapai au vol.
« Tu aurais dû le secouer un peu, il devient un peu plus repoussant chaque fois qu'il est secouée, un peu plus fidèle au modèle d'origine, on va dire !
— Je ne savais pas que j'étais si importante pour toi, t'y as passé combien de temps ? » Je lui renvoyai le badge avec plus de force et il ne l'attrapa qu'au dernier moment, ce qui fut suffisant pour le déstabiliser, le temps que je lui tourne le dos pour aller me mettre à table, ces gamineries m'ennuyaient franchement.
Je choisis le plus petit morceau de steak et le posai sur mon assiette, puis j'attrapai mon couteau et fourchette et commençait à le disséquer en faisant attention à le découper en une multitude de morceaux infimes, dans l'espoir de le faire durer. La dernière édition du Daily Prophet attira mon attention et je saisis le journal, lisant distraitement, avant qu'un article précis me surprenne tellement que je laissai tomber ma fourchette :
"LE MINISTÈRE VEUT RÉFORMER L'ÉDUCATION DOLORES OMBRAGE NOMMÉE GRANDE INQUISITRICE"
« What the-
PARDON PARDON PARDON ! avec le bac, les problèmes familiaux, et ma propre dépression je n'ai eu ni le temps ni la motivation d'écrire quoi que ce soit et je m'en excuse profondément, j'ai l'impression que tout va s'arranger à présent que c'est l'été et que je vais voyager et m'éloigner un peu d'ici pendant un ou deux mois, encore pardon ! ;-;