CHAPITRE UN : SOMBRES DESTINEES

En ce début de soirée, Harry installa sa malle ainsi que la cage d'Hedwige dans sa chambre, au 4 Privet Drive. Dumbledore venait de le déposer chez son oncle et sa tante, après la Bataille au Département des Mystères et son petit séjour à Ste Mangouste qui avait suivi. Il ressentait encore énormément d'amertume en s'installant dans cette maison pour un nouvel été, même si Dumbledore lui avait expliqué pourquoi il devait revenir ici. C'était l'endroit où il était le plus en sécurité, le seul endroit où Voldemort ne pouvait pas le trouver. Il n'avait vraiment pas de chance.

Il caressa doucement Hedwige, qui dormait tranquillement dans sa cage, avant d'aller s'asseoir dans son lit. Il ne voulait pas descendre au rez-de-chaussée tout de suite. Il ne voulait pas affronter la mauvaise humeur de son oncle, et l'indifférence de sa tante, pas encore. Il voulait juste un moment au calme, sans penser à rien. Il passa sa main sous sa chemise, au niveau de son torse, pour en sortir une chaîne qu'il avait autour du cou, avec une petite fiole contenant un liquide couleur bleu nuit. C'était Dumbledore qui lui avait donné son collier, en lui indiquant ce que la fiole contenait. Il grimaça en repensant à ce que le Directeur lui avait dit : le pendentif en forme de petite fiole contenait une potion très concentrée de son invention, qui lui permettrait de bloquer son esprit, puisqu'il n'arrivait pas à développer de quelconque dons d'Occlumencie. Dumbledore avait la même fiole en sa possession, connectée à celle d'Harry. Il suffisait que le vieux sorcier remplisse la fiole de son côté pour que celle d'Harry se remplisse à distance, de la même façon. Et à l'inverse, dès qu'Harry avait bu la sienne, la fiole de Dumbledore allait se vider en même temps, pour bien lui montrer qu'il la buvait quotidiennement. Harry était condamné à boire cette substance odorante et au goût immonde chaque jour, pour ne pas prendre de risque. Et il pouvait y avoir des effets secondaires : migraines, saignement de nez, pertes de conscience…

Harry serra la petite fiole dans sa main, beaucoup trop fatigué pour en boire son contenu tout de suite. Il se disait que Voldemort lui donnerait un peu de répit suite aux événements du Département des Mystères. Il s'allongea sur son lit, et sans s'en rendre compte, il sombra lentement, très lentement, dans les bras de Morphée.

oOo

Severus Rogue détestait le métro. De tous les moyens de transport moldus qu'il avait utilisé dans sa vie, c'était celui qu'il détestait le plus. C'était sale, c'était bruyant, le plus souvent on était collé à de parfais inconnus, on se faisait dévisager, et à chaque fois on avait du mal à se frayer un chemin, que ce soit dans les wagons ou dans les couloirs. La dernière fois qu'il avait pris le métro, son père était encore vivant, et c'était avec lui qu'il était monté dans cette affreuse machine. C'était un souvenir peu agréable de son passé, une image qu'il chassa de son esprit, rapidement, en fermant les yeux. L'image de son père disparut de son esprit, et juste après un parfum agréable, enivrant même, arriva jusqu'à lui. Il sentait des agrumes, et une plante, une fleur dont il ne reconnaissait pas l'odeur c'était pourtant assez rare. Il ouvrit les yeux, et vit Elizabeth juste à côté de lui. Elle venait de laisser sa place assise à une vieille dame qui était montée à l'arrêt précédent et qui la remerciait chaleureusement. Elizabeth lui fit un grand sourire et lui parla, probablement pour lui dire qu'elle le faisait avec plaisir, mais le train lancé à vive allure faisait tellement de bruit que Severus n'entendait rien. Il n'arrivait toujours pas à croire qu'il était en train de faire ça, en train d'escorter un nouveau membre de l'Ordre du Phénix recruté par Dumbledore, chez elle, pour qu'elle aille récupérer ses affaires avant de rejoindre le QG. Alors qu'une heure auparavant il ne la connaissait même pas. Elle n'avait que quelques années de moins que lui, elle n'avait quand même pas besoin d'un chaperon ! Perdu dans ses pensées, il ne vit pas qu'Elizabeth s'était tournée vers lui, en lui souriant. Elle resta à ses côtés, il n'y avait pas d'autres places assises de libres dans le wagon.

Elle lui parla, mais il n'arrivait toujours pas à attendre ce qu'elle disait. Voyant qu'il fronçait les sourcils, elle sourit et lui parla de nouveau. Severus se concentra sur ses lèvres, sur ses lèvres fines et brillantes avec l'étrange rouge à lèvres qu'elle s'était appliquée, brillant et couleur pêche. Mais il ne comprenait toujours pas ce qu'elle disait.

-Est ce que tout va bien ? compris-t-il finalement quand le wagon s'arrêta.

-Est ce que j'ai l'air d'aller bien ? grogna-t-il les dents serrées.

Elle eut un petit sourire, amusée, et se mordit la lèvre inférieure, gênée. C'était elle qui lui avait infligé ça, pour se rendre dans la banlieue moldue où elle habitait.

-Excusez-moi ! s'écria un homme corpulent un peu plus loin en poussant sans le vouloir les personnes qu'il y avait sur son passage, entre lui et la sortie.

Il sentait la transpiration à plusieurs mètres, il était mal rasé, et portait des vêtements sales, tout aussi odorants que lui. Elizabeth eu un haut le cœur, et fit une moue dégoutée en le voyant venir dans leur direction, même si elle avait également l'air désolée de voir cet homme dans un tel état. Elle s'approcha un petit peu de Severus pour laisser le maximum de place à l'étranger pour passer, en espérant qu'il ne la toucherait pas, mais elle n'en était pas sûre. Severus, qui ne pouvait pas reculer davantage pris les devant et posa une main sur sa taille pour la coller un peu plus à lui. L'homme passa derrière Elizabeth sans la toucher, les portes se refermèrent, et le train repris sa course folle.

-Merci, lança Elizabeth, toujours collée à Severus.

Il ne répondit rien, se contentant d'enlever sa main de sa taille. Elle se mordit à nouveau la lèvre inférieure, c'était visiblement un toc quand elle était gênée. Elle s'éloigna un peu de lui, alors il n'entendit pas ce qu'elle ajouta par la suite.

-On sort à la prochaine station, répéta-t-elle, cette fois à son oreille après s'être collée à lui de nouveau.

Merlin soit loué, pensa Severus. Il n'avait qu'une hâte, c'était sortir de cet enfer.

Il prit une grande inspiration pour remplir ses poumons d'air pur, ou du moins plus respirable qu'en bas quand ils sortirent de la bouche de métro pour se retrouver à la surface. Il ne connaissait pas du tout l'endroit où ils étaient, c'était une banlieue bien éloignée de celle où il vivait.

-C'est par là, dit-elle en montrant une petite rue contournant un square. Nous n'en avons pas pour longtemps.

-Fantastique, s'exclama Severus ironiquement.

Elizabeth ne fit pas attention à sa réflexion, et lui attrapa délicatement le bras avant de se mettre en route. Pourquoi faisait-elle tout le temps cela ? Elle se croyait dans un autre siècle pour sentir le besoin de l'agripper comme cela pour marcher ? Il en profita cependant pour la détailler un peu du regard. Elle était habillée avec une robe moldue, bleu turquoise, qui allait très bien avec son teint. Elle avait de grands yeux gris pétillants qui lui rappelaient ceux de Dumbledore, un maquillage très léger, les joues à peine rougies et de très longs cheveux ondulés couleur ébène qui descendaient jusqu'en bas de son dos.

-Alors Professeur Rogue, cela fait longtemps que vous enseignez à Poudlard ?

-Ne vous sentez pas obligée de me faire la conversation Miss Davenport.

-Je trouvais cela plus agréable.

-Je ne crois pas qu'une quelconque conversation puisse rendre ma présence à vos côtés, agréable. J'aimerais autant qu'on ne perde pas de temps en futilité et qu'on aille le plus vite possible chez vous pour que je puisse vous amener au QG. J'ai énormément de choses à faire.

-Entendu, dit-elle froidement. Est ce que vous êtes toujours aussi peu sympathique ?

-Je ne suis pas là pour être sympathique.

Elizabeth soupira, elle n'avait encore jamais connu d'hommes comme lui. Heureusement qu'elle n'habitait pas loin du métro. Quelques dizaines de mètres plus loin, parcourus dans le silence et l'indifférence la plus totale entre eux deux, Elizabeth s'arrêta devant une immense maison. Severus resta bouche bée une fraction de seconde. C'était là qu'elle vivait ? C'est vrai que les Medicomages de St Mangouste gagnaient bien leur vie, mais pas au point de pouvoir se payer ce genre de maison à 30 ans. Etait-elle mariée à un homme très riche ? Instinctivement, il ne savait pas trop pourquoi, il regarda sa main gauche. Il n'y vit aucune alliance et sans savoir pourquoi là encore, il ressentit une forme de légèreté indescriptible. Comme du soulagement.

-Il y a quelques règles que je dois vous donner avant que nous entrions Sev…Professeur Rogue.

-Des règles ? répéta-t-il en levant légèrement un sourcil, l'air dubitatif.

-Oui je suis désolée, ce sont pour la plupart des règles de mes parents.

-Vous…Vous vivez encore chez vos parents ?

Il eut un petit rictus incontrôlé. Il se moquait d'elle, et elle n'aimait pas ça. Elle lui lança un regard noir avant de croiser les bras, contrariée.

-Qu'est ce que ça peut vous faire ? Oui je vis avec mes parents, ainsi qu'avec ma grand-mère. Mes parents ont insisté pour nous garder à la maison mes sœurs et moi depuis quelques mois.

-Vous voulez dire qu'il y en a d'autres comme vous ? Des petites enquiquineuses qui ne peuvent pas s'empêcher de jacasser et qui aiment prendre le métro ?

-Vous êtes vraiment insupportable ! Sincèrement !

Son rictus était toujours dessiné sur ses lèvres, et Elizabeth détestait le voir avec un air aussi triomphant.

-Très bien, énoncez-moi vos règles, je vous dirai si je suis prêt à les suivre.

-Quoi ? Je…Vous…

Elle secoua la tête, pour essayer de reprendre ses esprits. Elle commençait un peu à le cerner, il ne fallait pas qu'elle entre dans son jeu.

-Ne touchez à rien dans cette maison. Il y a énormément d'objets de valeurs, marchande ou sentimentale. Si vous cassez quoi que ce soit qui a de l'importance à leurs yeux, vous allez le regretter.

Il leva les yeux au ciel. Il n'était pas idiot, il savait bien que dans une maison aussi grande et aussi belle, il y avait forcément des objets de valeurs.

-Ne faites pas attention à ma grand-mère. Elle est très gentille, mais elle commence à avoir des pertes de mémoires, ce qui la rend assez excentrique parfois. Ça lui arrive de parler par énigme, et puis de toute façon cela fait plusieurs mois qu'elle ne parle qu'en français, vous ne comprendrez rien de ce qu'elle va vous dire. Contentez vous de lui sourire et de hocher la tête si elle vous parle.

-Pardon ?

-Faites ce que je vous dis Sev…Professeur Rogue !

Il fronça les sourcils. Elle était culotée de lui imposer des règles, surtout des règles aussi absurdes que celle-ci alors que visiblement, elle même n'arrivait que difficilement à suivre la seule règle qu'il lui avait donné à leur rencontre, ne pas l'appeler par son prénom.

-Vous m'avez bien regardé ? Je ne souris jamais, je ne vais pas commencer à le faire pour les beaux yeux de votre grand-mère.

-Soyez courtois, c'est tout ! Ce n'est pas trop vous demander quand même d'être poli dans une maison où vous êtes invité, avec des gens que vous ne connaissez pas ! s'exclama-t-elle en croisant les bras de nouveau en colère.

-Il ne s'agit pas de ça je…

-Je me fiche que vous soyez désagréable, et à la limite du manque de respect avec moi ! Je peux le gérer, j'ai eu à faire à plus difficile que cela par le passé. Mais je ne veux pas que vous soyez ainsi avec ma famille. Je sais que vous ne m'appréciez pas, et que vous êtes furieux qu'Albus vous ait donné une tâche aussi dégradante que celle de m'accompagner, mais ce n'est pas la peine de leur faire payer à eux et si…Si vous ne vous sentez pas capable de rester poli quelques minutes, alors il vaudrait peut-être mieux que vous restiez dehors.

Severus lui lança un regard noir, mais il fut surpris de constater qu'elle n'était pas effrayée. Elle était seulement déterminée. Elle le prenait depuis le début pour un idiot, et maintenant pour un malpoli. Bien sûr qu'il n'allait pas faire de réflexion à sa famille. Il soupira.

-Je ne vais pas manquer de respect à vos proches Miss Davenport, je vous assure. Et je n'ai jamais dit que je ne vous appré…

Severus fut interrompu par un bruit sourd, un peu plus loin dans la rue. Elizabeth serra sa baguette dans sa main, prête à riposter au besoin mais tout ce qu'elle vit, c'est ses voisins passer main dans la main. Elle leur sourit et les salua chaleureusement, en cachant sa baguette furtivement.

Quand elle se tourna vers Severus, il avait un petit sourire en coin.

-Je vois que vous êtes aux aguets. Ce sera primordial pour mener vos futures missions à bien.

-Je vois que vous êtes finalement capable de sourire dans certaines circonstances, dit-elle amusée.

-Touché !

-Une dernière chose, j'y pense. Ma famille ne sait pas que j'ai rejoins l'Ordre du Phénix, j'aimerais que vous n'abordiez pas le sujet devant eux.

Le petite sourire de Severus disparu.

-Je vous demande pardon ? Vous ne leur avez rien dit ?

-Non, et je ne compte pas le faire !

-C'est impensable, vous ne pouvez pas…

Il fut de nouveau interrompu, mais cette fois par la porte d'entrée de la maison qui s'ouvrit à la volée. Une femme âgée d'une soixante d'années apparue sur le perron, avant de s'approcher d'eux les bras grand ouverts.

-Elizabeth, ma chérie ! Tu es enfin arrivée !

La femme était d'une incroyable élégance, élégance dont avait hérité sa fille. Comme Elizabeth elle avait une silhouette élancée, et malgré ses cheveux argentés au lieu de couleur ébène, et ses yeux bleus contrairement à ceux de sa fille qui étaient gris, on ne pouvait nier la ressemblance.

Elizabeth pris sa mère dans ses bras pour l'enlacer, avant que cette dernière ne fasse enfin attention à Severus.

-Et je vois que tu n'es pas seule, tu amènes des personnes à l'improviste maintenant ? demanda-t-elle sans véritable animosité dans la voix malgré tout, avant de saluer poliment Severus.

Elizabeth lui lança un regard inquiet, elle avait peur qu'il fasse une réflexion en réponse à sa mère. Severus avait bien vu son inquiétude, mais il lui avait promis qu'il serait courtois.

-Bonsoir Mrs Davenport, répondit-il en s'inclinant légèrement, comme l'aurait fait autrefois un homme de bonne famille devant une aristocrate. Je vous prie de m'excuser pour cette intrusion à l'improviste, j'ai simplement tenu à raccompagner votre fille pour m'assurer qu'elle rentrerait sans encombre, dit-il en exagérant sa courtoisie volontairement avant de lancer un petit sourire à Elizabeth alors que cette dernière levait les yeux au ciel à nouveau.

Mrs Davenport le regarda droit dans les yeux une fraction de seconde, avant de lui faire un grand sourire.

-Oh c'est tellement aimable à vous ! Quel vrai gentleman ! Vous travaillez à l'hôpital avec Elizabeth ?

-Non. Je m'appelle Severus Rogue, je suis…

-C'est un ami, maman ! le coupa Elizabeth.

Elle ne voulait pas qu'il parle de son poste à Poudlard, sa mère pourrait faire le rapprochement avec Dumbledore, et donc avec l'Ordre du Phénix.

-Ah oui, un ami, répéta Mrs Davenport avec un petit sourire et les yeux rieurs.

Severus ne comprit pas la nature de ce petit sourire. Etait-ce si peu plausible que sa fille puisse être amie avec un homme comme lui ?

-Et est ce que ton « ami » est…

-Oui il est comme nous, dit Elizabeth, lui confirmant le statut de sorcier de Severus.

-Parfait ! La maison est un vrai chantier, il y a de tout qui vole partout ! ajouta-t-elle avant de reprendre le chemin de la demeure. Cela fait un moment que tu ne nous as pas présenté d'« ami » Elizabeth. Est ce que vous vous connaissez depuis longtemps ?

-Maman ! s'exclama Elizabeth, les joues virant au rouge.

-Oh très bien je n'ai rien dit ! s'exclama sa mère avant d'entrée dans la maison.

Toujours sur le perron, Severus agrippa le bras d'Elizabeth, ses yeux lançaient des éclairs.

-Je croyais devoir m'inquiéter de vos sœurs, mais vous avez hérité cette curiosité horripilante de votre mère. Est ce qu'elle va poser encore beaucoup de questions comme cela ?

-Non…c'est juste que…, commença Elizabeth en se mordant la lèvre inférieure.

-Que quoi ? dit-il agacé.

-Elle pense que vous êtes mon petit ami, c'est normal qu'elle pose quelques questions.

Elle ne lui laissa pas le temps de réagir, et s'engouffra à son tour dans la maison. Après quelques secondes de stupeur, Severus entra à son tour, en prenant soin de refermer la porte derrière lui. La maison des Davenport était somptueuse déjà de l'extérieur, avec ses briques rouges, ses grandes fenêtres sur les deux étages que comptait la maison, son petit jardin parfaitement entretenu, et ses grandes grilles d'acier noir. Mais à l'intérieur, la demeure était encore plus impressionnante. À la droite de Severus se trouvait, dans une pièce baignée de lumière, une grande table et des chaises disposées autour, il s'agissait de la salle à manger.

De l'autre côté à gauche, il vit un grand feu de cheminée qui illuminait la pièce qui servait de salon. Dans un coin, près des grandes fenêtres qui donnaient sur le jardin de devant, par là où il était passé, il y avait une grande bibliothèque. Le reste de la pièce il ne pouvait pas la voir, mais de toute façon il était beaucoup trop occupé à essayer de ne pas se faire percuter par un des nombreux objets qui volaient au rez-de-chaussée. Il y avait des livres, des parchemins, de la vaisselle, des photos. Chaque objet volait d'une salle à l'autre, d'autres provenaient des étages et descendaient les escaliers toujours au dessus de leur tête, pour aller se ranger dans différentes malles et différentes valises posées dans le salon. Visiblement les Davenport se préparaient à un long, très long voyage.

-Maman, mais qu'est ce qui se passe ?

-Tu n'as pas reçu mon hibou ? demanda sa mère, en agitant sa baguette pour faire s'envoler d'autres objets.

-Non ! Tu sais bien que tous les hiboux envoyés à l'hôpital sont contrôlés maintenant avant qu'on ne puisse avoir nos messages.

-J'avais oublié…Enfin peu importe, tu es là maintenant. Tu vas pouvoir préparer tes affaires.

-Préparer mes affaires ? Mais enfin où est ce que vous allez ?

-Nous ma chérie…Nous retournons en France. Ton grand oncle nous hébergera, le temps que nous trouvions une maison.

-QUOI ?! s'écria Elizabeth. Mais enfin qu'est ce que c'est ce que cette histoire ? Quand est ce que vous avez décidé ça ?

-Cela fait plusieurs mois que nous en parlons avec ton père. On a bien compris en fin d'année dernière que quelque chose n'allait pas, que le Ministère ne nous disait pas tout. Et bien voilà le résultat, nous avions raison, ajouta-t-elle en brandissant un numéro de la Gazette du Sorcier.

Severus jeta un rapide coup d'œil au journal, en restant dans son coin sans rien dire. Il savait que le numéro datait d'il y a une semaine, la Une annonçait le retour de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom. C'était le numéro qui avait plongé le pays dans la torpeur, et dans l'angoisse.

-Heureusement que nous vous avions fait revenir à la maison toi et tes sœurs ! Mais il n'est pas question que l'on reste dans un pays où les autorités nous mentent. Qu'est ce qu'ils nous cachent d'autres ? Non non, nous n'étions pas là lors de la précédente guerre. Nous ne vivrons pas celle là non plus.

-Maman, ce n'est pas comme comme ça que ça fonctionne…

-Bien sûr que si ! Ce pays va bientôt être plongé dans le chaos. Il va y avoir des disparitions, des enlèvements, des meurtres. Nous avons la possibilité d'échapper à tout cela, on ne va pas se faire prier.

-Mais Maman…

-Il n'y a pas de mais ma chérie, ajouta Mrs Davenport en s'approchant d'Elizabeth.

-Ton père et moi nous vous aimons tellement vos sœurs et toi. Vous êtes ce que nous avons de plus chers. On ne peut pas rester ici.

-Je comprends. Mais vous ne pouvez pas décider pour nous.

-Bien sur que si ! s'exclama Mrs Davenport sèchement. Qui donc voudrait rester dans ce pays, maintenant que Tu-Sais-Qui est de retour ?

Elizabeth ouvrit la bouche mais elle ne la laissa par répondre.

-Et ne me parle pas de tes patients, et de ton travail à Ste Mangouste ! Il y a des hôpitaux en France aussi, tu pourras sauver des vies là-bas.

-Tu ne comprends rien ! s'écria Elizabeth. Ca n'a rien à voir avec Ste Mangouste.

-De quoi s'agit-t-il alors ? s'écria Mrs Davenport.

Avant qu'Elizabeth ne lui réponde, deux autres personnes firent irruption dans la pièce. Un homme d'une soixante d'années, tout aussi élégant que sa femme, avec un costume trois pièces et une pipe dans la bouche. Elizabeth avait les mêmes yeux gris que lui. Et une femme, qui avait l'air d'avoir une quarantaine d'année, même si son air très fatigué la vieillissait. Probablement une des sœurs d'Elizabeth, pensa Severus. Elle avait les traits tout aussi fins que la jeune femme, mais physiquement les deux n'avaient rien à voir. Si Elizabeth était d'une beauté rare, avec une poitrine que Severus devinait généreuse sous ses vêtements, une taille fine, des hanches marquées et des jambes interminables sa sœur, elle, bien que très grande et élancée, n'était pas vraiment attirante. Elle était même trop mince, le teint pâle, le visage creusé, et les cheveux coupés très courts qui durcissaient ses traits. Sa sœur aînée resta silencieuse, elle le dévisagea juste de la tête au pied, ce que Severus n'apprécia pas du tout.

-Mais enfin qu'est ce que c'est que tout ce raffut ? demanda Mr Davenport en entrant.

-Ta fille ne comprend pas pourquoi nous quittons le pays ! s'exclama sa femme.

-Je n'ai jamais dit ça ! J'aurais aimé être au courant de votre projet plus tôt c'est tout !

-La décision a été prise récemment. Tu sais bien qu'on t'en aurait parlé sinon. Ce qui a tout déclenché c'est l'article de la Gazette du début de semaine. Sans parler de l'état de ta grand-mère qui empire. Elle ne peut pas rester dans un environnement hostile et violent.

-Je…je ne savais pas, souffla Elizabeth en baissa la tête.

Son père s'approcha d'elle pour lui caresser délicatement le visage.

-Ce n'est pas grave Lizzie. C'est à nous de prendre soin de ta grand-mère, pas à tes sœurs et toi. Tu as été très occupée à St Mangouste dernièrement, et nous savons pourquoi. Tu es une Medicomage extraordinaire, tu as sauvé des gens que personne d'autre n'arrivait à soigner. Et nous sommes très fiers de toi.

-Merci papa, dit-elle en souriant.

Il lui rendit son sourire, avec que son regard ne se pose sur Severus. Il parut surpris.

-Et vous êtes ? demanda-t-il.

-Severus Rogue, répondit Severus en lui tendant sa main.

Mr Davenport la lui serra chaleureusement, en lui faisant un grand sourire.

-Ah le Professeur Rogue, le grand Maître des Potions d'Albus Dumbledore.

Severus fronça les sourcils, il ne savait pas pourquoi cet homme le connaissait quand visiblement sa femme ne savait pas du tout qui il était.

-Albus m'a beaucoup parlé de vous, ajouta Mr Davenport.

-Vous connaissez Albus ?

-Oui très bien. C'est un vieil ami de la famille. Je suppose qu'en tant que l'un des Professeurs de Poudlard, vous faites partie de son Ordre également ?

Severus jeta un rapide coup d'œil à Elizabeth, mais de toute façon, il ne pouvait pas mentir à son père.

-En effet.

-Le fameux Ordre du Phénix ? demanda la mère d'Elizabeth. Nous vous sommes très reconnaissants pour ce que vous avez fait jusque là Professeur Rogue. Car même si la Gazette du Sorcier et le Ministère n'en parlent pas, nous sommes certains que cette organisation a déjà fait bon nombre d'actions pour sauver des citoyens. Et je suis sûre que vous en sauverez d'autres, parmi ceux qui resteront dans le pays, ajouta-t-elle avant de fermer une des malles qui se trouvait dans la pièce.

-Maman, commença Elizabeth en se postant juste à côté du Maître des Potions. Severus n'est pas la seule personne dans cette pièce à faire partie de l'Ordre du Phénix.

Sa mère ouvrit la bouche, surprise, et son père fronça les sourcils.

-J'en suis membre aussi, acheva Elizabeth.

A la grande surprise générale, Mrs Davenport se mit à rire devant la révélation de sa fille. Elizabeth ne s'était pas attendue à cela, Severus pouvait voir la surprise dans ses yeux.

-Oh Elizabeth je t'en prie, arrête tes sottises. Il faut être sérieux. Va chercher tes affaires, nous quittons Londres ce soir.

-Ce n'est pas une blague. J'ai postulé il y a plusieurs semaines. Albus Dumbledore m'a fait passer les tests préliminaires, et j'ai été reçue. Je commence ma formation dans quelques jours.

-Mais enfin ma chérie, dit doucement Mrs Davenport ne la croyant toujours pas, tu ne sais pas te battre, pourquoi est ce qu'on te prendrait dans cette organisation ? Tu as peur de l'orage, tu ne supportes pas les insectes, tu…tu sursautes dès qu'il y a un bruit dans une ruelle sombre. Pendant longtemps tu avais même peur du sang, on se demandait bien si tu allais réussir tes études de medicomagie.

-Oui c'est vrai pendant longtemps j'ai eu peur du sang, et maintenant je suis une grande Medicomage reconnue. J'ai surmonté cette peur, et je surmonterai les autres. Je ne suis plus une gamine !

-Ca suffit, arrête avec tes sottises ! Ce n'est pas drôle.

-Mais je ne plaisante pas ! s'écria Elizabeth. Je comprends que vous vouliez quitter le pays. C'est parfait. Seulement je ne viens pas avec vous. Severus va m'emmener au Quartier Général, dès ce soir.

Mr et Mrs Davenport se tournèrent vers lui. Severus n'aimait pas la situation inconfortable dans laquelle il se trouvait à présent.

-C'est vous qui lui avez mis cette idée dans la tête ?! s'exclama Mrs Davenport

-Quoi ? Non, bien sûr que non !

Avant qu'il n'ait à se justifier davantage, Elizabeth prit la parole.

-Ca ne sert à rien de t'en prendre à Severus. Il y a encore une heure il ne me connaissait pas. Albus lui a demandé de m'emmener là-bas parce que c'est un endroit caché, je ne peux pas m'y rendre toute seule. Maman s'il te plait, essaye de comprendre, ajouta Elizabeth les larmes aux yeux.

Avant que sa mère puisse dire quoi que ce soit, une petite fille fit irruption dans la pièce.

-Tante Lizzie ! Tante Lizzie !

Elle se jeta dans les bras d'Elizabeth, qui essuya ses larmes avant de l'enlacer.

-Pourquoi est ce que tu pleurs ?

-Pour rien ma chérie, ne t'inquiète pas.

-Professeur Rogue, lança Mrs Davenport. Est ce que vous pouvez nous laisser seuls un moment ? Je pense que c'est une crise que nous devons gérer en famille.

-Bien sûr je comprends. Je vais attendre dehors.

Mais la petite fille ne l'entendait pas de cette oreille. Elle s'approcha de lui, et l'attrapa par la main.

-Vient jouer avec moi ! Il faut quelqu'un pour faire le monstre.

-Je ne suis pas sûr que…

Mais il croisa le regard d'Elizabeth, elle lui souriait, même si elle avait l'air triste, à cause de son récent échange au sujet de l'Ordre. Sa sœur juste derrière acquiesça, c'était à priori sa fille et elle lui donnait l'autorisation de rester avec elle. La petite fille n'attendit pas davantage et l'amena au 1er étage de la maison, dans un petit salon. Elle s'assit tout de suite par terre, pour jouer avec ses poupées. Severus lui, fut attiré par une peinture exceptionnelle à l'autre bout de la pièce. Ce n'était pas une peinture accrochée dans un cadre, non c'était un arbre gigantesque peint à même le bois du mur. En s'approchant il vit que ce qui était peint en dessous des différentes branches d'arbres, ce n'était pas des pommes ou n'importe quel autre fruit, c'était des portraits. Il avait devant lui l'arbre généalogique des Davenport.

Et l'arbre remontait loin en arrière. Il comprenait maintenant pourquoi ils avaient une maison aussi exceptionnelle. La famille Davenport devait être une grande famille de Sorciers, avec une grande fortune. Les portraits étaient animés pour les sorciers et statiques pour les moldus, le dernier d'entre eux remontant à plusieurs décennies, dans une branche de la famille relativement éloignée d'Elizabeth et ses parents. Et sous chaque portrait il y avait la date de naissance de la personne et pour les disparus, la date de décès également. En y regardant de plus près, il vit que tous les portraits des membres avec une date de décès étaient en noir et blanc, et les autres étaient en couleurs.

Piqué par la curiosité, il étudia l'arbre généalogique, surtout pour les dernières générations. Il vit le portrait d'Henry Davenport, le père d'Elizabeth. Puis celui de Suzanne, sa sœur ainée qu'il avait vu en bas. A côté d'elle, il y avait un portrait en noir et blanc. Son mari était décédé. Il avait laissé derrière lui deux petites filles, Pathy, 6 ans, qui l'avait amené jusque là, et une petite sœur Jessy qui avait 5 ans. Il vit ensuite le portrait de la deuxième sœur d'Elizabeth, Maggie Davenport. C'était visiblement la benjamine des trois. Elle était souriante, le regard angélique. Un peu plus rondes que les deux autres, mais elle respirait la joie de vivre. Elle n'avait pas de mari, ni d'enfants.

Et au milieu des trois portraits il y avait Elizabeth, la cadette. Severus se perdit dans son regard l'espace d'un instant, et il déglutit difficilement. Comment une femme pouvait-elle être aussi désirable ? Il n'avait encore jamais ressenti ça auparavant. Il fut soulagé de voir qu'il n'y avait aucun portrait à côté d'elle, ni mari, ni enfants. Pourquoi était-il soulagé à ce point de voir qu'elle n'était pas mariée, pour la deuxième fois de la journée ? Comme si le fait de la savoir célibataire pouvait lui laisser une chance. Il regarda sa date d'anniversaire, le 12 novembre 1962. Elle avait trois ans de moins que lui, à peu de chose près. Pourquoi n'avait-il jamais entendu parlé d'elle ? Pourquoi n'avait-il aucun souvenir de l'avoir croisé dans les couloirs de Poudlard ? Est ce qu'elle avait fait ses études à Gryffondor ? Il serra les dents, cette idée lui déplaisait.

Il fut interrompu dans ses rêveries par des petits cliquetis derrière lui. Les objets de la pièce commençaient à s'envoler à leur tour, par le sortilège de Mrs Davenport. Plusieurs photos volèrent au dessus de sa tête, des cadres de différentes tailles, et une en particulier attira son attention. Il l'attrapa en plein vol, mais le cadre ne resta pas gentiment dans sa main, Severus devait lutter pour garder sa prise alors qu'il essayait de s'échapper pour rejoindre la valise ou la malle où il devait aller.

Sur la photo du cadre il n'y avait qu'une personne, une jeune adolescente de 14 ou 15 ans. Severus reconnu tout de suite son regard, il s'agissait d'Elizabeth Et il reconnu l'uniforme qu'elle portait. Mais oui bien sûr. Il se tourna de nouveau vers l'arbre généalogique. Au dessus de Jenny Davenport, la mère d'Elizabeth, il y avait un couple. Le portrait de l'homme était en noir et blanc et celui de sa femme, la grand-mère d'Elizabeth était encore en couleur. Il se remémora alors ce qu'elle lui avait dit avant qu'ils n'entrent dans la maison, sa grand-mère parlait français. Nicole Beaumont et son mari, français tous les deux n'avaient eu qu'une fille, Jenny. Cette dernière avait épousé Henry Davenport et ils avaient eu Elizabeth et ses deux sœurs. Mrs Davenport avait dit qu'ils n'étaient pas au Royaume-Uni lors de la précédente guerre, ils avaient donc vécu en France pendant longtemps. Elizabeth avait fait ses études à Beauxbâtons et non à Poudlard. Et c'était bien l'uniforme de l'école française qu'il reconnaissait sur la photo.

Severus finit par lâcher le cadre, qui s'envola pour rejoindre le rez-de-chaussée.

-Il est joli notre arbre.

C'était la petite fille qui venait de parler.

-Oui, grogna faiblement Severus.

Il n'aimait vraiment pas les enfants. Il devait déjà côtoyer les élèves de Poudlard, et c'était largement suffisant.

-C'est tante Lizzie qui a tout dessiné.

-Ah vraiment ? demanda-t-il tout de suite beaucoup plus intéressé par les propos de la petite fille.

-Oui. C'est dommage qu'on ne puisse pas le garder. Elle va devoir tout repeindre dans notre prochaine maison.

-Pourquoi ça ?

-Le mur a été mal ensorcelé, du coup on ne peut pas enlever le bois sans abimer la peinture.

Elle lui montra le coin supérieur droit du mur. Il y avait quelques fissures là où quelqu'un avait visiblement lancé un sortilège pour découper les planches de bois afin d'enlever l'arbre généalogique. En vain. La petite fille était repartie s'asseoir. Après quelques secondes d'hésitation, Severus alla la rejoindre, et il s'accroupit à côté d'elle.

-Est ce que ta tante a d'autres talents ?

-Elle joue du piano, elle me donne des leçons de français. Elle fait les meilleurs pancakes du monde. Elle prépare tout le temps plein de Potions. Est ce que tu es son amoureux ?

-Quoi ? Mais non ! s'insurgea Severus en se relevant.

La petite fille haussa les épaules, en reprenant son jeu avec ses poupées.

-Elle fait pleins de potions tu dis ?

-Oui c'est la meilleure en Potions !

-Alors ça tu vois ça m'étonnerait. Le meilleur en Potions c'est…

-C'est qui ?

Severus se tourna vers la personne qui venait de parler, c'était Elizabeth. Elle entra dans la pièce, un grand sourire dessiné sur ses lèvres, un sac de voyage sur son épaule.

-C'est moi, acheva Severus en se raclant la gorge.

-Ah vraiment ? demanda Elizabeth en s'approchant de lui, amusée.

La petite fille se releva, en attrapant la main de Severus.

-Vient jouer avec moi ! Tu peux faire le monstre qui attaque les princesses, dit-elle en lui tendant une peluche de monstre.

-Pathy laisse le tranquille. Je ne crois pas que le Professeur Rogue ait envie de jouer à la poupée avec toi.

La petite fille n'insista pas et retourna s'asseoir un peu plus loin.

-Vous êtes prête à partir ? demanda Severus.

-Oui, souffla-t-elle.

-Et vos parents ?

-Ils ne comprennent pas la situation, mais ça n'a pas d'importance. Au moins ils seront en sécurité en France.

-Peut-être que…

-Que quoi ?

-Peut-être que vous devriez partir avec eux, acheva Severus.

Elizabeth lui lança un regard noir, il s'y était attendu.

-Non mais je peux savoir pour qui vous vous prenez pour me dire ce que je dois faire ? Vous êtes ici pour m'escorter jusqu'au QG, pas pour me faire changer d'avis !

-Ca se voit qu'ils sont en colère parce qu'ils vous aiment. Et qu'ils tiennent à vous.

-Et c'est parce que je les aime aussi que j'ai décidé de rejoindre l'Ordre. Pour qu'ils puissent vivre à nouveau en sécurité dans ce pays.

-Cette guerre vous dépasse. Vous n'êtes pas faite pour vous battre.

-Ah oui ? Parce qu'il faut être cruel et sans cœur pour participer à cette guerre ? Il faut être seul, sans famille et sans amis pour devenir membre de l'Ordre ? Parce que ça doit être votre cas non ?

Severus serra les dents et les poings. Elle avait vu juste à son sujet, mais elle n'avait pas été obligée de lui lancer sa situation au visage comme cela de façon aussi cinglante.

-Je n'ai pas d'amis en effet, ni de famille. Et même si mes parents étaient encore en vie, ils se ficheraient bien de savoir que je risque la mienne, peu importe la cause que je défends.

-Et pourquoi est ce que vous le faite alors ? Si vous n'aimez personne dans ce monde, si vous n'avez personne à chérir et à protéger, pourquoi est ce que vous vous battez ?

-Quelqu'un comme vous ne pourra jamais comprendre mes motivations.

-Et quelqu'un comme vous ne peut pas comprendre les miennes, dit-elle.

-Parfait ! Je me fiche de connaître les raisons qui vous ont poussé à rejoindre l'Ordre de toute façon. Si votre décision est prise, je ne vais certainement pas utiliser mon temps et mon énergie à essayer de vous convaincre de faire autre chose.

-Comment faites vous pour être toujours aussi cynique et désagréable ?

-C'est un don que j'entretiens avec tout le monde, répliqua Severus, las de ses réflexions. Ce n'est pas pour rien si votre nièce veut que je joue un monstre dans son jeu stupide. C'est bien ce que tout le monde pense de moi, que je suis un monstre. Alors ce n'est pas la peine de vous fatiguer à essayer de voir autre chose en moi.

Elizabeth soupira, en secouant la tête.

-Pathy, tu peux venir ici deux minutes ma chérie ?

La petite fille se leva, elle n'avait pas du tout fait attention à leur dispute, la peluche de monstre dans une main, une poupée de princesse dans l'autre. Quand elle arriva à sa hauteur, Elizabeth lui caressa doucement les cheveux.

-Le Professeur Rogue n'est pas très content de voir que le monstre attaque les princesses. Il dit que ce n'est pas très gentil.

-Mais en fait ce n'est pas un vrai monstre.

-Ah bon ? demanda Elizabeth, en prenant un air exagérément surprise.

-Parce que le monstre, en fait c'est un gentil monsieur, qui a été ensorcelé. Il ne veut pas attaquer les princesses, mais on l'oblige à le faire.

-Et que lui arrive-t-il ensuite ?

-Ensuite, il tombe amoureux d'une des princesses, dit-elle en montrant sa poupée. Au début elle a un peu peur de lui, mais après elle l'aime aussi, et elle le sauve de la malédiction, ajouta-t-elle en rapprochant la poupée et la peluche, comme s'ils se faisaient un câlin.

-C'est vrai ?

-Oui ! Et après, il épouse la princesse, alors il devient un prince. Et ils vivent heureux dans leur château.

-Et ils ont pleins d'enfants ?

-Non ! fit la petite fille avec une mine de dégout. Seulement un seul ! C'est trop nul d'avoir un petit frère ou une petite sœur !

Elizabeth rigola devant son air sérieux, et elle l'autorisa à retourner s'asseoir pour continuer à jouer. Elle se tourna ensuite vers Severus, qui restait sans voix.

-Je…Je ne m'attendais pas à ça, avoua-t-il en regardant la petite fille.

-C'est parce que vous avez une mauvaise image, de tout le monde et tout le temps. Y compris de vous même. C'est peut-être un mécanisme de défense mais vous avez tord de réagir comme cela.

Elle lui tourna le dos pour sortir du petit salon mais il lui attrapa délicatement le bras.

-Je reconnais que je suis désagréable avec tout le monde pour me protéger. J'agis comme cela depuis longtemps, et je ne vais pas changer de si tôt mais...Je vous accorde le fait que certaines personnes mériteraient que je les connaisse davantage.

Elle lui sourit, elle pensait probablement que c'était un bon début.

-Mais à mon tour d'être franc avec vous, et de vous montrer une chose que vous ne semblez pas voir. Vous ne devriez pas partir en étant fâchée avec votre famille. Vous ne devriez pas les laisser quitter le pays en les laissant penser qu'ils ont raison, et vous tord de rester ici. Vous pourriez le regretter. Et eux aussi.

Elle acquiesça, lui donnant finalement raison et elle sortit de la pièce. Severus décida de lui laisser un peu plus de temps pour faire ses au revoir dans les règles, et il se tourna de nouveau vers l'arbre généalogique des Davenport.

oOo

Harry se trouvait dans un long couloir, sombre et humide. C'était un endroit qu'il ne connaissait pas, qu'il n'avait jamais vu. Au loin il entendait des cris, des hurlements de personnes qui étaient en train de se faire torturer. Il voulait partir d'ici, il voulait courir et s'enfuir mais son corps ne lui répondait plus. Il ne faisait que marcher, lentement, très lentement, dans ce couloir qui ne semblait pas avoir de fin. Quand enfin il s'arrêta, se fut pour se poster devant un mur recouvert d'une substance visqueuse, d'où s'échapper du verre rouge pâle, qui ressemblait à des pics de cristaux. Harry sentit son pouls s'accélérer, et sa mâchoire se contracter. Il tendit la main pour caresser ce mur, qui avait été légèrement détruit pour révéler une porte en bois sombre, qu'on ne pouvait pas encore ouvrir. Il fut surpris de voir sa peau si pâle, et ses doigts si longs quand il posa sa main sur la pierre froide.

-Maître vous êtes là, s'exclama quelqu'un à côté de lui. Je suis désolé, nous n'avons pas encore réussi à ouvrir le passage.

-Je vois ça…et qu'est ce que vous attendez pour le faire ?

-La protection est plus résistante que nous le pensions. Nous…

L'homme encapuchonné à côté d'Harry ne termina pas sa phrase, il venait de l'attraper au niveau de la gorge. Il s'approcha et lui susurra à l'oreille.

-Ouvrez-moi-ce-passage !

Il lâcha l'homme, qui tomba par terre, en toussant frénétiquement, tentant tant bien que mal de reprendre son souffle.

Harry se réveilla en sursaut, trempé de sueur. Il comprit rapidement qu'il était dans sa chambre à Privet Drive, et qu'il venait d'avoir une nouvelle connexion avec Voldemort. Sans hésiter, il attrapa la petite fiole autour de son cou et il en but le contenu d'une traite, sans faire attention au goût immonde de la substance. Il resta ensuite assis dans son lit un long moment, la respiration saccadé, effrayé à l'idée de fermer à nouveau les yeux.

oOo

-Tante Lizzie ! Tante Lizzie ! Il a réussi !

La nièce d'Elizabeth venait de débouler dans la cuisine après avoir descendu les marches en courant, suivit de près par Severus. Quand il entra dans la cuisine, il vit qu'Elizabeth et sa famille avaient pleuré mais l'atmosphère semblait totalement apaisée ses parents avaient finalement accepté l'idée qu'elle reste à Londres.

Devant le regard interrogateur de la sorcière, il leva sa main tenant un grand rouleau de…de bois. Il avait réussi à entièrement décrocher le pant de mur où avait été peint l'arbre généalogique, pour qu'ils puissent l'emporter avec eux, et il avait réussi à l'assouplir pour qu'il puisse être enroulé.

-Désolé. Je sais que je ne devais rien toucher, dit-il alors qu'Elizabeth s'approchait de lui. Mais ça aurait été dommage de laisser ça ici.

-Vous avez réussi ! s'exclama Elizabeth en attrapant l'objet. Mais comment ?

-Ce n'était pas bien compliqué. J'ai juste utilisé un sortilège de mon invention.

-Merci infiniment, Professeur Rogue, ajouta la mère d'Elizabeth. Vous ne savez pas ce que ça représente pour nous.

Elle se tourna ensuite vers sa fille, en lui souriant tout en replaçant une de ses mèches de cheveux.

-Je pense que notre Elizabeth sera en sécurité avec vous. Vous me promettez que vous prendrez bien soin d'elle ?

Si n'importe quelle autre femme lui avait posé la question, Severus aurait répondu que devenir membre de l'Ordre du Phénix c'était accepter de mettre sa vie en jeu à chaque mission. Et que même si ces membres s'entraidaient toujours, il ne pouvait pas garantir la sécurité de sa fille, pas plus que n'importe quel autre de ses camarades. Mais cette fois là, parce que la question avait été posée par la mère d'Elizabeth, alors que cette dernière était juste à côté de lui et qu'il la trouva adorable avec ses joues rougies, démontrant la gêne qu'avait provoqué en elle la question de sa mère, il renonça à tenir des propos aussi froids. Quand son regard se posa sur Elizabeth, il sentit, au plus profond de lui, et pour une raison qui lui échappait totalement, qu'en toute circonstance, il serait prêt à donner sa vie pour sauver la sienne. Alors sans mentir, et le regard plein de détermination il répondit :

-Oui, je vous le promets.

oOo

Narcissa Malefoy marchait d'un pas rapide dans les couloirs sombres de son sous-sol. Elle était plus pâle que d'habitude, mais elle gardait un visage impassible, avec ses cheveux éternellement attachés, et ses vêtements impeccablement repassés. Elle entendit un bruit sourd un peu plus loin, au niveau d'une intersection, qu'elle atteignit après avoir marché sur de nombreux cristaux qui jonchaient le sol. Elle se retrouvera rapidement devant une lourde porte en bois, alors que deux Mangemorts finissaient d'en extraire les quelques morceaux de cristaux qui restaient.

-Ca y est vous avez fini ? Ce n'est pas trop tôt ! s'exclama Narcissa

-Qu'est ce que tu fiches ici ? grogna un des Mangemorts.

-Vous êtes chez moi je vous rappelle.

-Ce Manoir a été réquisitionné par le Maître lui-même comme lieu de rassemblement pour tout le monde. Ce n'est plus votre propriété. Et vu le fiasco de la mission au Département des Mystères et l'enfermement de Lucius à Azkaban, je te conseille fortement de ne pas faire la maline, ajouta l'homme en s'approchant d'elle l'air menaçant.

Narcissa ne répondit-rien, mais elle garda une posture bien droite, la tête haute. C'est vrai qu'il y a quelques jours, la famille Malefoy était un peu tombée dans la disgrâce aux yeux de Voldemort. Mais tout cela avait changé désormais. Cette salle secrète, cachée depuis des siècles, avait été trouvé dans le Manoir Malefoy, ce qui avait redoré le blason de la famille, même si Narcissa savait pertinemment que les erreurs et les échecs du passé n'étaient pas encore oubliés. Il fallait qu'elle reste prudente.

Le Mangemort lui lança un regard mauvais, avant de se tourner vers son acolyte.

-Viens, allons prévenir le Maître. Il sera ravi d'apprendre que le chemin est dégagé.

Le deuxième Mangemort hocha la tête avant de qu'ils ne commencent à s'éloigner. Personne ne savait ce que cette salle secrète contenait. Les Mangemorts avaient simplement reçu comme ordre de se relayer pour faire tomber les nombreuses protections magiques qui en bloquaient l'accès. Mais Voldemort devait être le premier à y pénétrer.

Narcissa les regarda s'éloigner, avant de se tourner, ayant entendu un bruit derrière elle. Elle fut surprise de voir la personne qui se trouvait là.

-Drago ? Qu'est ce que tu fais ici.

-Rien, je me balade.

-Dans les sous-sols ? A cette heure aussi tardive ?

-Et alors ? Je l'ai toujours fait ! Je me fiche de ce que ces idiots disent, c'est toujours notre maison !

-Attention Drago, lança Narcissa tout en s'approchant de lui. Attention aux propos que tu tiens. Nous ne sommes plus dans les bonnes grâces du Seigneur des Ténèbres désormais. Nous devons faire très attention.

-Tout ça à cause de père…

-Il a échoué c'est vrai, mais il est en train d'en payer le prix. Nous ne pouvons plus compter sur lui, plus pour le moment. C'est pour ça qu'il faut que nous soyons irréprochables. Tu peux comprendre ça n'est ce pas ?

Drago acquiesça.

-Bien. Maintenant remonte dans ta chambre. Il faut que tu te reposes. Le grand jour approche pour toi...

Elle n'ajouta rien. Elle n'eut ni sourire rassurant, ni geste de tendresse. Seulement ce visage impassible, face à la situation de son fils. Une situation qu'elle ne comprenait pas totalement, car comme elle, Drago gardait un visage totalement impassible, vide de toute émotion, en toute circonstance. Mais au plus profond de lui même, il était déboussolé, il était perdu et légèrement effrayé même s'il ne voulait pas le reconnaître. Et la seule personne qui pouvait le comprendre n'était pas à ses côtés pour pouvoir l'aider.