Note : Hello tout le monde ! J'espère que vous avez passé d'excellentes fêtes, gâté·e par les gens qui comptent pour vous, que ce soit par des cadeaux, du bon manger ou des attentions diverses et variées. Je vous souhaite beaucoup d'amour, de bien-être et de paix intérieure et extérieure pour l'année à suivre :)

Le premier chapitre publié aujourd'hui fait partie du Secret Santa 2017 organisé par le génial Collectif NONAME. J'ai donc écrit pour mon amie… Nalou :D Comme qui dirait "Oh bah ça, ça tombe bien aloooors" (OS offert à celle·celui qui trouve en premier·ère la référence)(sauf toi Maya, ça serait de la triche.) La demande de Nalou est en résumé de cette histoire. Ma chouchou, j'espère que cette histoire te plaira... même si le fluff n'est pas immédiat :D

Rating : T pour l'instant… changera peut-être… mystère mystère.

Bêta : toujours, encore, parfaite Maya Holmes, que je remercie du fond du cœur.

Review : si vous avez déjà lu certaines de mes histoires, vous savez combien elles me motivent à publier sur ce site. Si vous passez pour la première fois sur mon profil : sachez que les reviews me motivent à publier sur ce site. Et que le manque de review est, de facto, démotivant. :3

Sur ce, bonne lecture !


Partie I
Post-it

Monstre infâme.

Ce n'est pas le genre de chose qui arrive tous les jours que de se faire insulter par un post-it, au milieu d'un livre sur le Droit du travail. Erik hausse un sourcil, décolle le papier jaune peu aimable, vérifie son verso (non, il n'y a rien écrit d'autre) puis le pose contre son bureau, un peu plus loin. Sur son carnet, il recopie les cinq pages qui l'intéressent pour le prochain cours. C'est sa façon de travailler depuis toujours, il écrit, réécrit et réécrit encore. C'est comme ça que son cerveau enregistre. Il y a tellement de choses à savoir en ingénierie, c'est impossible de se contenter de sa seule mémoire de lecture, il se doit d'être acteur. Ce qui est tout à fait en phase avec sa personnalité : Erik n'est pas passif, il agit, dès qu'il le peut. Il faut remercier son éducation et son histoire personnelle, pour ça.

S'il avait eu le choix, il n'aurait pas choisi des cours de Droit, préférant se concentrer sur son Master en Ingénierie en bâtiment. C'était sans compte la nouvelle politique de Cambridge d'imposer des cours communs à toutes les filières. Ce n'est pas extrêmement inintéressant, mais Erik ne prend pas de plaisir à l'étudier pour autant.

En fin de journée, il range son bureau, ce qui est un moyen concret de passer à autre chose. Il s'apprête à refermer le livre emprunté à la bibliothèque et, comme un bon élève, remet le post-il où il l'a trouvé. Il n'avait pas remarqué avant mais il y a une flèche qui pointe vers le coin haut et droit du livre. Il passe ses doigts sur le papier glacé et reconnaît la pliure qu'il avait faite il y a quelques semaines, en guise de marque-page. Soudain, c'est évident, l'insulte lui est destinée.

C'est complètement normal que ce livre passe de main en main, c'est le principe d'une bibliothèque commune alors c'est tout de même aberrant qu'on ose lui faire un commentaire sur ses petites manies. Bien, puisqu'Erik n'est donc pas quelqu'un de passif, il récupère, sur la petite tablette de son bureau, un autre post-it et y écrit :

C'est qu'un livre.
Respire, ça te fera du bien.


Charles n'en croit pas ses yeux. Il respire, ça oui, fort même, pour essayer de contenir cette pointe d'énervement qui n'est pas loin de le faire taper du poing sur la table. Il passait une bonne journée jusqu'à présent : il fait beau, il a un nouveau chandail tricoté par une amie de sa grand-mère écossaise dont il a toujours admiré le savoir-faire, il a mangé avec Raven, il a eu une très bonne note à son essai pour le cours de Linguistique et il est désormais installé à son bureau, avec une tasse de thé noir, prêt à étudier pour les trois heures à venir. Donc, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes jusqu'à ce qu'on lui écrive, petit un de respirer et grand deux, que ce n'est qu'un livre.

Ils sont à Cambridge, l'une des meilleures universités du monde, ils connaissent donc la puissance et la symbolique des livres, ce qui fait que, de facto, ils ne peuvent pas penser qu'un livre n'est qu'un livre. Il a parfois vent des choses qui se disent sur son compte, on dit de lui qu'il est vieux avant l'heure, mais tant pis, Charles le pense quand même : les gens n'ont plus de respect.

Ce n'est pourtant pas difficile de prendre en considération, avec toute la décence nécessaire, certaines choses de valeur, sans ressentir le besoin de tout égratigner : les livres, la reine d'Angleterre, Noël et le mariage. Alors, non, il n'est pas acceptable de plier une page, ça laisse une trace indélébile, c'est énervant pour tous ceux qui emprunteront le livre ensuite, parce que oui, il y a ça aussi, il s'agit d'un livre à partager, quel égoïsme de se comporter comme s'il en était le seul propriétaire ! Ou elle, d'ailleurs, il s'agit peut-être d'une jeune femme.

Charles est un gentleman mais, avant tout, il est un féministe qui croit en l'égalité des sexes. Alors il ne va pas se gêner pour faire comprendre sa position :

Il ne s'agit pas "que d'un livre". Nous sommes plusieurs à l'utiliser, c'est le principe d'une bibliothèque. La marque que vous avez faite abime les fibres du papier, c'est donc un manque flagrant de respect que de vous autoriser à corner une page comme si cet ouvrage vous appartenait. Il semblerait toutefois que vous soyez doté d'un cerveau, puisque vous êtes en capacité de lire et d'écrire : faites-en bon usage et profitez plutôt d'avoir des post-it afin qu'ils fassent office de marque-page et que cela ne gêne nulle autre personne à l'avenir.
Cordialement.


"Est-ce que tu viens ce soir ?" chuchote Alex, au milieu de la bibliothèque du campus.

"Je pense passer, oui," répond distraitement Erik au jeune homme derrière lui.

"Si tu peux arriver pas trop tard, ça changerait."

Erik fronce les sourcils et se retourne, imité par son ami.

"Qu'est-ce que ça veut dire ?"

"Ça veut dire que si tu arrives à minuit et que vous disparaissez à minuit trente, Emma et toi, je n'aurais pas eu beaucoup l'occasion de passer du temps avec toi."

Il ne retient pas son sourire lorsqu'il lui fait ce demi reproche et Erik rit de bon coeur. Les "chut !" retentissent instantanément autour d'eux, Erik secoue la tête par réflexe, même s'ils sont seuls dans l'allée, et reprend ses recherches.

"D'accord, j'ai compris le message."

"Je ne sais pas comment vous faites. On dirait que vous passez plus de temps ensemble depuis que vous n'êtes plus ensemble," poursuit Alex, la voix encore plus basse.

"Emma est compliquée," brandit Erik comme la plus mauvaise des excuses et Alex le connaît assez pour lui adresser un regard incrédule. "Et moi aussi, je le suis un peu. Mais ça fait quelques semaines qu'on a vraiment arrêté de se voir. Elle a un nouveau mec. Elle veut lui être fidèle," appuie-t-il, moqueur.

"Tu peux parler. T'as jamais été autant voir ailleurs que quand t'étais avec elle."

"Elle aussi !" réplique Erik, sans baisser la voix et tant pis pour les râles d'exaspération qui trouvent écho autour de lui.

"Oui, oui, mais bon. Ça reste… particulier. Vous deux, vous êtes particuliers," conclut Alex avant de changer d'allée.

Erik lève les yeux au ciel, prêt à rejoindre son ami lorsqu'il se rappelle qu'il voulait s'avancer sur ses cours de Droit, puisque Mrs. Flower va s'absenter pour deux semaines et que même si elle a certifié qu'elle récupérera les cours annulés, lui ne veut pas avoir à tout rattraper au dernier moment. Le livre qu'il emprunte depuis le début du mois est sur l'étagère, il le prend avant de se diriger vers le bureau où il doit consigner son nom. Il y a la queue, ça l'exaspère jusqu'à ce qu'il se rappelle de l'aventure de la dernière fois. Sans y croire vraiment, il l'ouvre et son coeur bondit en voyant un nouveau post-it, encore plus long que le dernier :

Il ne s'agit pas "que d'un livre". Nous sommes plusieurs à l'utiliser, c'est le principe d'une bibliothèque. La marque que vous avez faite abime les fibres du papier, c'est donc un manque flagrant de respect que de vous autoriser à corner une page comme si cet ouvrage vous appartenait. Il semblerait toutefois que vous soyez doté d'un cerveau, puisque vous êtes en capacité de lire et d'écrire : faites-en bon usage et profitez plutôt d'avoir des post-it afin qu'ils fassent office de marque-page et que cela ne gêne nulle autre personne à l'avenir.
Cordialement.

Le bout de ses oreilles et sa nuque chauffent, il ne faut vraiment pas grand chose pour agacer Erik Lehnsherr. Une fois rentré dans sa chambre et ses cours réécrits plusieurs fois, il récupère un nouveau post-it sur lequel il inscrit ce qu'il prépare mentalement depuis le début de l'après-midi pour répondre à ce message qui est tout sauf cordial.


Charles se retourne pour vérifier l'état de sa soeur. Elle est toujours allongée sur son canapé, son plaid en tartan étalé sur elle, quoi qu'un peu tombé au niveau de ses jambes. Il repose son stylo et s'approche le plus discrètement possible pour recouvrir tout son corps. Raven grogne mollement et cache ses yeux déjà fermés avec son avant-bras.

"Tu m'expliqueras le plaisir de boire autant, quand tu auras retrouvé l'usage de la parole," ne plaisante-t-il qu'à moitié en allant chercher de l'eau pour elle et un thé pour lui.

"Tu penses bien que ce n'est pas la gueule de bois que je cherche."

"Peut-être, mais c'est elle que tu trouves chaque lendemain de fête."

"C'est plutôt elle qui me trouve…"

Il entend Raven se retourner plusieurs fois sur le canapé en cuir. Elle finit par souffler et s'asseoir, la tête complètement renversée sur le dossier. Il lui apporte un verre qu'elle engloutit sans le remercier, tandis que lui se réinstalle à son bureau.

"C'était une bonne fête, au moins ?"

"Oui, sympa. Hank McCoy était là, tu vois qui c'est ?"

"Bien sûr, c'est avec lui que je me suis retrouvé à la conférence TedX, à Londres, sur l'écocatalyse."

"Ah oui, bien sûr, c'est un intello lui aussi…" bougonne Raven tout bas.

"Pardon ?"

"Non, rien. Je me recouche, réveille-moi s'il y'a le feu ou si Jude Law est à la porte. Aucune autre raison ne sera acceptée."

"Je ne savais pas que tu aimais les vieux qui ont trompé leur femme avec la babysitter."

"Jude Law a une bonne excuse. Il est Jude Law."

"Dors," lui lance Charles en riant.

Il l'entend derrière lui, elle se recouche. Lui baigne sa lèvre supérieure dans son thé, encore un peu trop chaud pour le boire entièrement. Il lit sur son ordinateur quelques articles intéressants qu'il a mis de côté au cours de la semaine. À vrai dire, il n'est pas très concentré. Tout ce qu'il fait à présent est pour gagner du temps. Et lorsque Raven dort vraiment (elle ronfle, c'est un gage de sommeil profond), il repousse son ordinateur pour faire de la place face à lui, ouvre son livre de Droit et passe rapidement les pages jusqu'à trouver un papier jaune.

1/ personne ne vouvoie un autre étudiant
2/ personne n'écrit de manière aussi compliquée depuis 1770
3/ j'en déduis que tu es soit le fantôme de Charles Stuart soit Charles Xavier
4/ si tu es la deuxième option, je réitère ma précédente proposition : RESPIRE

Charles n'en revient pas. L'Inconnu•e qui Plie les Pages a réellement déduit qui il est. Il en a mal au coeur, instantanément, ça commence à le peser sérieusement cette image qu'on a de lui : vieux et coincé. Est-ce si difficile à comprendre que Charles est un descendant de la famille Xavier, anoblie par la reine Victoria elle-même, garante d'une éducation qui, certes n'est pas des plus modernes, mais est le symbole de l'aristocratie anglaise ? Oui, il vouvoie les gens qu'il ne connaît pas, enfin, même ceux qu'il connaît puisqu'il vouvoie ses parents, mais c'est un signe de respect. Il s'exprime d'une façon assez soutenue mais… c'est comme ça. Il n'y est pour rien. À force de lire et d'être entouré de personnes qui possèdent un colossal champs lexical, ça l'a façonné.

Et puis, Charles n'est pas coincé. Il est même tout le contraire, si on y réfléchit bien. Il est ouvert, il ne juge personne, jamais. Il prononce rarement le mot "non" car il est curieux de tout et de tout le monde, et il voit dans le "oui" les merveilleuses et infinies possibilités qu'offrent les êtres humains qu'il a la chance de pouvoir rencontrer.

Il utilise le même post-it puisqu'il reste de la place et écrit simplement :

Bien, je vais te tutoyer alors, puisque ça semble être si risible pour toi, d'utiliser le vouvoiement.
Qui es-tu ?

Il relit la dernière phrase, se fait la réflexion qu'il aurait pu écrire "T ki ?", peut-être que son interlocuteur ou son interlocutrice mystère serait plus à l'aise avec une écriture SMS, mais il se fustige tout aussi vite. Il n'est pas question que ce drôle d'échange épistolaire ne le transforme.


Dans l'amphithéâtre, Erik laisse ses yeux glisser sur la dizaine de têtes un peu partout devant lui. Mr. Groomberg est long lorsqu'il écrit au tableau, c'est l'équivalent d'une pause pour l'ensemble des étudiants. La plupart des écrans d'ordinateurs allumés dévoile des murs Facebook. Des mains s'activent sous les bureaux, à tapoter sur des téléphones. Les quelques rares étudiants qui n'utilisent pas les nouvelles technologies pour prendre leurs cours, eux, regardent par la fenêtre.

Alex, accro à son smartphone comme au premier jour, se penche vers Erik pour lui montrer un message :

Est-ce qu'Erik a ramené la fille blonde, avec qui il parlait, à sa chambre, l'autre soir ?

"Qui te demande ça ?" l'interroge-t-il, la mine contrariée.

"Mon pote Hank."

"C'était lequel ?"

"Le grand, avec des lunettes. L'air un peu bêta, même si c'est une tronche."

"Je vois. Pourquoi est-ce que ça l'intéresse ?"

"Je crois qu'il a des vues sur elle."

"Ah. Donc non, elle n'était pas intéressée. Elle a l'air chiante, de toute façon."

"Ok, je lui réponds que tu te l'es tapée, pour le faire flipper".

Erik fronce les sourcils une seconde mais sourit bien vite en se penchant vers son meilleur ami pour le regarder écrire un mensonge qui les amuse tous les deux. La réponse d'Hank ne tarde pas.

Ok… C'est sérieux entre eux ?

Alex adresse un immense sourire à Erik puis tape :

Ouais je crois qu'elle veut le présenter à ses parents.

Elle veut présenter Erik Lehnsherr à ses parents ?! Tu te fous de moi, c'est pas DU TOUT le style de la famille.

"Et pourquoi, c'est quoi le style de la famille ?" demande Erik, piqué au vif.

"Anglican, pété de thunes. Pas toi, quoi."

Erik ne commente pas et le cours reprend. Lorsqu'il passe à la bibliothèque pour rendre un livre sur le béton, il se demande si un nouveau mot l'attend. Il cherche et ouvre le livre pour tomber sur son propre morceau de papier où a été inscrit :

Bien, je vais te tutoyer alors, puisque ça semble être si risible pour toi, d'utiliser le vouvoiement.
Qui es-tu ?

Oh, il a eu un bon pressentiment : le maniaque du livre est Charles Xavier. Ça c'est très drôle, ils ne peuvent pas être plus diamétralement opposés et voilà qu'ils se retrouvent par le biais d'un livre qui date de 1975, qui n'a pas dû être ouvert depuis l'année suivant sa publication. Ils ne se connaissent pas, à proprement parlé. Ils ne font pas partie du même cursus, n'ont pas les mêmes amis, ne fréquentent pas les mêmes clubs et n'ont, a priori, pas de points communs. La situation est assez amusante pour qu'Erik se décide à rajouter :

Ton parfait contraire.


Charles ne se souvient pas souvent de ses rêves. Il a lu un nombre incalculable de livres sur le sujet, ce qui n'empêche pas qu'il a toujours du mal à comprendre qu'est-ce qui fait qu'il imagine, parfois des choses très précises, durant son sommeil. La plupart du temps, ses songes n'ont rien de spécial, il revit ses journées de façon nébuleuse. Quelques fois, ce sont les cauchemars qui le marquent : une pièce vide, de l'eau qui s'infiltre sans que lui n'arrive à s'échapper.

Et un nombre infime d'autres fois, il rêve. Et fantasme.

Lorsque ça arrive (quasiment jamais, vraiment), Charles est plongé au centre d'une situation où il est amoureux depuis longtemps et on est amoureux de lui, en retour. L'homme ne ressemble jamais à quelqu'un que Charles a déjà croisé (peut-être parce qu'il ne voit pas son visage). Il n'y a rien de précis dans ces rêves, sauf les perceptions qui traversent Charles. La façon dont l'homme le regarde, lorsqu'ils se croisent. La manière dont ils se serrent l'un contre l'autre, au détour d'un couloir. La sensation de ses doigts sur son visage, sur son corps, puis le baiser qui réduit tout le reste de la vie à un semblant de rien.

Lorsque Charles se réveille après un rêve de la sorte, il se sent bien. Il pourrait se sentir triste que cela n'ait eu lieu que dans sa tête mais c'est tout le contraire. Il est heureux de l'avoir vécu, d'une certaine manière. Et ce matin ne fait pas exception à la règle. Il sourit, s'étire dans son lit et passe sa main sur son membre avant d'ouvrir les yeux. Il se demande si l'inconnu·e du livre a dévoilé son identité.

Il passe à la bibliothèque avant midi, puisqu'elle ferme pour le reste du samedi et dimanche inclu. Il n'ouvre le livre qu'une fois rentré et découvre, avant même que ses yeux ne fassent le point, le même post-it déjà utilisé, ce qui veut dire que l'inconnu·e n'a pas beaucoup écrit.

Ton parfait contraire.

C'est tout ce qu'il y a d'inscrit. Charles sourit pour la forme, parce qu'il a remarqué que c'était difficile de jurer la bouche étirée, puis il retourne le post-it en vérifiant qu'il n'y a vraiment rien écrit d'autre, avant de le jeter. Le papier est léger, le coin s'est accroché au bout de son doigt, si bien que la chute n'a rien de violente. Il retombe mollement devant lui et Charles secoue la tête.

L'inconnu·e veut jouer à ça ? Très bien. Charles prend les choses sérieusement : fini les post-it, une feuille A4 à petits carreaux sera bien plus pratique. Il fait deux colonnes, Charles Xavier et Inconnu·e. Il lui suffit de noter ce qu'il est puis de trouver le parfait contraire comme stipulé sur le papier jaune.

Homme - Femme

C'est la première chose qui lui vient en tête. Si lui-même est de sexe masculin, l'inconnu qui est son parfait contraire doit donc s'orthographier l'inconnue.

Etudiant en science de l'éducation…

Qu'est-ce qui est le contraire d'un métier tourné vers les autres, la jeunesse, le partage et la vie ?

Etudiant en science de l'éducation - Etudiante en quelque chose de froid et de mort. Taxidermie, peut-être ?

Anglican - Athée

Charles s'arrête avant d'écrire les prochains mots qu'il a failli écrire : Riche - Pauvre. Il rougit en se rendant compte que cette caractérisation lui est venue très facilement en tête. C'est assez honteux et ça lui fait se demander s'il ne devrait pas arrêter ce jeu stupide et compliqué. Oui, ça l'est, car il pourrait être à la fois très vague sur ce qu'il est mais également très précis. Ça pourrait lui faire du bien de montrer enfin ce qu'il ressent au fond de lui, mais ça pourrait également être dangereux si l'inconnue décide d'utiliser ce qu'elle sait et de se moquer de lui. Encore.

Il laisse la feuille, le livre, son stylo et quitte sa chambre. Il rejoint Raven en ville, elle le lui avait proposé la veille. Ça le fait sortir et penser à autre chose. Ils font les magasins mais n'achètent pas grand chose. Ils ont encore le temps avant l'anniversaire de leur mère, ils en profitent pour noter des idées dans les enseignes de décoration. Chez le disquaire, ils tombent par hasard sur Hank McCoy qui a un sourire radieux en les voyant. Charles trouve ça charmant et encore plus lorsqu'il se rend compte que les yeux de Hank pétillent un peu plus que d'habitude, lorsqu'ils se posent sur Raven. Charles ne le connait pas bien, ils ont juste dîné ensemble à Londres, après s'être retrouvés côte à côte lors de la conférence TedX, mais il ressent quelque chose d'agréable en présence de l'étudiant en Chimie. Ils s'étaient dit qu'ils devraient se faire un déjeuner, de retour à Cambridge, et c'est l'occasion de caler une date. Hank est ravi, il le note dans son téléphone et vu les coups d'oeil discrets qu'il adresse à Raven, Charles décide de lui proposer de venir également. Elle accepte, sans vraiment d'excitation dans la voix et il y a déjà un certain décalage entre Hank et elle. Ça n'inquiète pas Charles, parfois l'amour prend des chemins tordus.

Elle voit de loin une amie et s'excuse auprès d'eux avant de se lancer à sa poursuite en leur disant qu'elle en a pour une seconde. Charles et Hank en profitent pour papoter un peu plus. Le courant passe facilement entre eux, c'est comme s'ils se connaissaient depuis longtemps. Charles adore ce sentiment. Ils estiment cependant qu'ils vont devoir continuer leur shopping avant que les magasins ne ferment et se mettent à la recherche de Raven. Ils la retrouvent devant le rayon Soul, à côté d'une étudiante de sa classe que Charles a déjà croisé sans se rappeler de son nom, d'une autre jeune femme qui ne lui dit rien et surtout, d'Erik Lehnsherr.

L'homme est reconnaissable entre mille. Il est grand sans avoir l'air inquiétant, fin sans avoir l'air malade et beau sans avoir l'air humain. Il a les mains dans les poches avant de son pantalon et le visage un peu penché vers Raven. Son sourire n'a rien de naturel, c'est un loup, Raven le Petit Chaperon Rouge de Tex Avery. Et Charles a toujours détesté ces dessins animés à la culture du viol à peine déguisée.

Hank et lui s'approchent à grands pas, poussés par la même crainte, il semblerait.

"Raven, on y va ?" propose-t-il, à la limite de l'ordre.

"Bonjour," les salue Hank, plus poli que lui sur ce coup-là.

"Oui, pardon," répond sa soeur en se rendant compte du temps qu'elle a passé avec ce groupe-ci.

Elle ne semble pas particulièrement affectée de quitter Erik et Charles en est infiniment soulagé. Elle le salue, puis les deux autres femmes, avant de faire la bise à Hank pour lui souhaiter un bon weekend. Erik Lehnsherr se rapproche de Charles et prononce d'une voix doucereuse :

"Tiens, Charles Xavier."

"Erik Lehnsherr," répond le concerné en évitant son regard.

"Comment se passent les cours ?"

"Bien, je vous remercie."

Il sent le regard gris d'Erik sur lui et met quelques secondes avant d'oser l'affronter, avec l'air d'un homme qui ne sait pas quoi dire d'autre. Erik sourit, réellement, ça provoque une fossette profonde sur sa joue. Charles se déteste de l'avoir remarquée.

"Toujours aussi… Charles Xavier," conclut Erik comme si son nom était devenu un adjectif… qui signifie quoi ? Charles ne veut pas le savoir.

Sa soeur et lui payent leurs achats et rentrent au campus. Elle lui propose qu'ils dînent ensemble mais il refuse. Il veut être seul pour la soirée. Une fois dans son petit appartement, la porte fermée à clé, il retire sa veste, ses chaussures, respire bruyamment par la bouche pour repousser l'air infecte qui l'oppresse et se dirige vers la salle de bain. Sur le chemin, il a dans son champ de vision son bureau. Il s'y arrête, lit le papier qu'il a commencé et, debout, déchire la feuille A4 avant d'écrire sur un nouveau post-it :

Tu es Erik Lehnsherr.

Il regarde ses mots et sait qu'ils sont vrais. C'est clair maintenant, il avait découvert en début d'année que Lehnsherr aussi avait Mrs. Flower en professeur. Il est du genre à plier les coins des pages d'un livre et à critiquer ce qu'est Charles. Il inscrit en plus :

P.S : Je n'aurais jamais écrit le mot "parfait" te concernant.