Avant tout, je tiens à m'excuser de mon retard. Ce chapitre m'a pris bien plus de temps que prévu. J'ai dû beaucoup réfléchir pour vous fournir une fin digne de ce nom.


Arya39 : Woooaaaah ! Merci pour ton commentaire ! C'est crooooo gentil ! Il est tout simplement génial ahah, je ne m'y attendais pas. Oui, j'ai fais mourir Krokmou mais… Pour de faux. Je suis donc pardonnable :D. Non ? Bon… Oui, j'ai fait ça pour surprendre un peu les lecteurs et puis, ça me trottait dans la tête depuis un certain temps.

J'ai un côté plutôt dramatique quand je m'y mets voir assez tragique :). J'aime bien me faire pleurer en fait… Ahaha, je t'ai fait pleurer ? *Jubile* Non ? C'est vrai ? Je ne croyais pas que j'allais arriver à faire quoi que ce soit. Moi qui ai toujours eu peur que mes histoires fassent trop « ado » et que personne ne les prennent au sérieux !

Oui ! Je t'assure que je suis en parfaite santé ! Physique bien entendu…

Par contre, ou as-tu senti le sarcasme de Krokmou ? J'ai beau me relire, je n'ai pas remarqué :D.

Je suis désolée de te décevoir mais j'ignore ce qu'il est advenu de cette fic. Aucune trace de l'auteur. Peut-être a-t-il tiré sa révérence :( ?


Llovechips4ever : Mouahahahahhahahahhahahah ! Je suis si cruelle !Bref, soyons un peu sérieux : ça me touche beaucoup que tu trouves l'épilogue « tellement bien écrit ». Je ne m'y attendais pas. En fait, j'ai du mal à faire ressentir les émotions dans mes textes mais je fais mon maximum. Merci beaucoup.

Yeah, j'ai volontairement ralenti le temps pour décrire au mieux les sentiments de Krokmou.

See you soon !


Matounet : Yeah,je vais continuer cette fic. Je t'ai fait rire ? ça n'était pas exactement l'émotion que je visais mais je suis tout de même contente que ça t'ai distrait :).

Et comment que j'ai vu la bande annonce de dragons 3 ! J'en parle d'ailleurs dans le chapitre 25 de « Au-delà des mots », mon autre fic. Je l'ai attendue pendant des mois, grappillant les miettes d'information à son sujet et finalement, elle est arrivée ! Je l'adoooooooooore !

/!\ Pour ceux qui ne l'ont pas encore vue : Alerte spoilers

Ceux qui n'aiment pas « dragons » -Boaf, il y a un nouveau méchant qui tient à éliminer tous les dragons et on apprend que toutes les furies n'ont pas disparues. Le procédé n'est pas nouveau… Ça fait cliché comme histoire…

Me - * Leur colle une patate en plein dans le visage * M'EN MOQUE ! Y A DES DRAGONS, Y A KROKMOU DONC C'EST FORCEMENT GENIAL !

Hum… Hum… Bref… J'ai vraiment hâte de voir le film !


Chapitre 13 : Un nouveau départ

Je sursaute brusquement et ouvre les yeux. Mon cœur bat la chamade. Quel cauchemar atroce… Je secoue lentement la tête. Je suis encore vivant ?Je jette un coup d'œil rapide à mon aileron. Au moins, je n'ai pas perdu celui qui me restait… Je regarde alors doucement autour de moi. Je suis sur un drakkar. Le doux vent marin me caresse un instant le museau puis s'engouffre frénétiquement dans les voiles. Je revois les vikings massés sur la plage, je me souviens encore de la chaleur des flammes contre mes écailles et de l'air étouffant qui régnait sur l'île. C'est donc bel et bien fini ? Çan'était pas un rêve ? Nous l'avons vaincue… Nos blessures vont enfin pouvoir se refermer. Nous avons gagné… Je n'ai ni cordes ni chaînes pour me retenir. Je suis… Libre… Ils me font confiance. Ça semble si irréel… Je me lève difficilement sur mes pattes tremblantes et laisse échapper un grognement douloureux. Mon flan gauche me fait encore souffrir.

, K« Du calme rokmou, du calme. Ça va aller. » Me souffle Astrid en me caressant la tête.

Je lâche un long grondement et me laisse retomber sur le sol. Elle est là… Près de moi… Le contact régulier et paisible de ses doigts sur ma peau m'apaise et me rassure. Elle semble si… Différente… Qui eut pu croire que la plus féroce des vikings se tiendrait à mes côtés, docile comme une brebis ?

« C'est incroyable… Un furie nocturne ! C'est un spécimen absolument magnifique ! Toute ma vie j'ai rêvé d'en voir un. Tu crois que je peux le toucher ? » Demande un adolescent rondouillet, émerveillé.

-Oui mais vas- y doucement, Varek. » Répond-elle.

Varek ? Tel serait donc son nom… Bien, c'est retenu. L'adolescent avance calmement sa main vers moi. Il n'a aucune intention hostile, je le sens. Dans un ultime effort, je soulève la tête et renifle sa paume. Effrayé par mon mouvement un peu brusque, il se recule aussitôt. Trois de ses camarades éclatent d'un rire bête qui m'insupporte au plus haut point. Agacé, je laisse entrevoir mes dents et pousse un léger grognement. Les jeunes vikings se taisent et le silence revient à bord. Le garçon retente donc sa chance et tend son bras vers mon museau. Sans attendre qu'il s'approche d'avantage, je frotte ma tête contre la sienne puis revient auprès d'Astrid.

« Woah… Il est vraiment unique… ça en fera des choses à ajouter dans le manuel des dragons ! J'ai tellement hâte qu'on soit de retour à Berk pour pouvoir noter tout ça ! » Ajoute t-il.

Ça semble si irréel… Nous sommes en paix. Plus personne ne fera de mal à mes frères, plus jamais. Berk sera notre refuge et en échange, nous protégerons les humains qui y vivrons génération après génération, j'en fais le serment. Je lève doucement les yeux vers Astrid. Elle ne me regarde pas, préférant fixer un point imaginaire droit devant elle. Elle a l'air soucieuse. Ses longs cheveux blonds, habituellement tressés en une grande natte, sont légèrement défaits et jouent avec le vent. Je lui lèche brièvement la joue ce à quoi elle répond par un bref sourire. Un plus loin, en face de moi, Sinnavild, Temme, Tage et Gnist et Ofell se reposent paisiblement. Le combat les a épuisés. Ils sont trop faibles pour voler mais je sais qu'ils récupèreront vite. Je tourne lentement la tête et aperçois les autres drakkars. Ils voguent tranquillement à côté de nous. La guerre a enfin prit fin et j'ai du mal à le réaliser.

« Vous… Vous croyez qu'Harold s'en sortira ? » Émet soudainement Varek.

Harold. Son nom résonne dans ma tête encore et encore. C'est comme si j'avais reçu une décharge électrique dans tout le corps. Comment ais-je pu l'oublier ? Je fouille nerveusement le pont du bateau du regard. Ou est Harold ? La bande garde le silence. Je sens la panique s'infiltrer dans tout mon être.

« Ne t'inquiète pas. C'est un battant. C'est le gars le plus maladroit de toute l'île de Berk et pourtant, aucune de ses gaffes n'a eu sa peau. C'est pas cette bestiole qui l'aura. Tu crois qu'il a fait comment pour survivre à sa poisse ? Il a gardé la tête haute, comme un vrai viking. Il s'en sortira. » Ajoute un adolescent dont le casque est orné de cornes de bouc.

-Wow… Rustik… Je ne pensais vraiment pas t'entendre dire ça un jour…

-Ouais… Mais s'il pose des questions, vous la fermez ! Je tiens pas à ce qu'il le sache. Compris ? Sinon, je vous tabasse ! »

-Ouh, Rustik se ramollit, Rustik se ramollit ! » Entonnent des jumeaux.

Alors qu'une rude bagarre commence entre les adolescents, je me lève et regarde par-dessus bord en poussant des grondements paniqués. Il n'a pas pu tomber, non… Ils seraient plus inquiets que ça… Tout à coup, je l'aperçois. Il est droit devant moi, sur l'autre drakkar. Son père le tient entre ses bras puissant, les yeux fixés sur son petit corps fragile. Il veille sur lui. Je dois le rejoindre. Il a besoin de moi. Je me hisse sur le bord du navire et secoue mon derrière pour prendre un peu d'élan.

« Krokmou ! » M'appelle Astrid en se rendant compte de ce que je m'apprête à faire.

Je ne l'écoute pas et déplie mes ailes.

« Krokmou ! Reste ici ! » M'ordonne-t-elle.

Je saute et atterris sans encombre sur l'autre navire qui tangue brièvement. Les vikings ne réagissent pas. Certains rient même de cette courte interruption dans leur voyage. Je m'approche lentement d'Harold.

« Alors comme ça tu veux rester aux côtés de ton maître ? » Me murmureStoïk.

Il n'est pas mon maître, il est mon dragonnier mais je ne t'en veux pas. Tu as encore beaucoup de choses à apprendre, ô chef.

« Ramez plus vite, vous autres ! Il faut absolument que nous soyons à Berk avant la fin de cette journée ! » S'égosille-t-il brusquement.

Je renifle mon ami dont la poitrine se soulève faiblement. Son visage est toujours aussi pâle, ses mains sont moites et ses jambes… Sa jambe…. Je recule d'une patte, horrifié. Un frisson d'épouvante me parcourt l'échine. Son pied gauche est entouré d'un tissu maculé de sang. Que lui est-il arrivé ? Et soudain, un flash me traverse l'esprit. Je me revois descendre au milieu des flammes pour le sauver, je me souviens ouvrir la gueule, je me rappelle sortir mes dents tranchantes et mordre… Mordre beaucoup trop violemment… Et ce gout de sang… Ce gout de sang qui s'est répandu dans ma gueule et auquel je n'ai pas fait assez attention parce que j'avais trop peur de le perdre… C'est de ma faute…Tout est de ma faute… Je pousse un long gémissement et frotte mon museau contre sa joue glacée. Oh pardonne-moi… Pardonne-moi je t'en prie… Dis-moi quelque chose n'importe quoi ! Je t'en supplie ! Tu ne peux pas savoir comme je m'en veux. Je suis désolé…. Désolé… Désolé… Je commence alors à le lécher frénétiquement dans l'espoir qu'il se réveille mais Stoïk me repousse. Je soulève sa grosse main d'un léger coup de tête et continue de lécher Harold. Je pose une patte sur son torse. Réveille-toi, s'il te plait.

« Emmenez le dragon ! Il va l'étouffer ! » Hurle le chef.

Immédiatement, des hommes m'agrippent et me forcent à reculer. Je lâche un long cri plaintif. Vous ne comprenez pas ! Je dois rester avec lui ! Laissez-moi ! LAISSEZ-MOI ! Devant l'insistance des humains, je finis par abandonner et accepte de rester à l'écart. Je ne peux peut-être pas rester aux côtés d'Harold mais au moins, je suis dans le même drakkar. Je me couche sur le plancher en poussant un petit gémissement. Je n'arrive pas à détourner mon regard de son pied… Je me sens affreusement coupable. Pourra t-il remarcher un jour ? Est-ce que les autres ne vont pas le rejeter à cause de sa différence ? Je ramène presque instinctivement ma queue devant mon museau et observe mon aileron artificiel. C'est le gauche qui m'a été arraché… Exactement comme son pied… Je ne peux m'empêcher de songer que nous sommes désormais quittes. Mais ce n'est pas pour autant que nos chemins vont se séparer. Avant, j'étais assoiffé de vengeance. Je ne rêvais que de lui faire payer ce qu'il m'avait fait mais petit à petit, les choses ont changé et aujourd'hui, j'aurais aimé que jamais Harold n'ai à souffrir comme j'ai me souviens de la douleur que j'ai éprouvé ce jour-là, une douleur sans égal. Son âme pure ne méritait pas de passer cette épreuve… Mais j'ai survécu. Je suis même plus fort qu'avant. J'ai trouvé un ami, un but. Harold survivra. Nous sommes liés à jamais. Harold se réveillera, plus fort qu'avant. Oui, il se relèvera et ce jour-là, je serai là pour l'aider. Je serai là pour ses premiers pas dans ce nouveau monde, pour ce nouveau départ. Tu ne passeras pas cette épreuve seul, je te le promets. Je laisse échapper un long et sonore bâillement puis cligne des yeux. Je m'étire et commence à tourner en rond. Puis, après avoir reniflé pendant plusieurs minutes le bois du pont, je me couche et sombre dans un profond sommeil.

Tout à coup, une vive secousse ébranle le me réveille brusquement et regarde tout autour de moi, paniqué. Nous sommes arrivés. Je me détends et m'assois paisiblement. Berk… Et dire qu'hier cette île ne m'inspirait qu'angoisse et terreur. Tout est arrivé si vite… Je balaye lentement du regard les autres drakkars. Ofell se redresse doucement puis vacille, encore à moitié endormie. Elle tourne la tête dans ma direction et me lance un joyeux rugissement. Elle est si heureuse de me revoir et c'est réciproque. Tout à coup, je perçois de l'agitation parmi les vikings.

« Poussez-vous, nom de Thor ! Il doit voir la guérisseuse de toute urgence ! » Tonne Stoïk.

Je lève la tête et vois le chef sauter à terre avec son jeune fils dans les bras. Harold ! Il a besoin de moi ! Ou l'emmène-t-il ? Sûrement voir cette guérisseuse mais cela ne me rassure guère. Que va-t-elle faire à Harold ? Sans attendre un instant de plus, je secoue mon derrière puis déplie mes ailes. Je plane quelques instants au-dessus de l'immense embarcation et atterris sans peine sur le pont. Aussitôt, je me jette à la poursuite du puissant sans-écaille. Je le rattrape sans peine et le suis jusqu'à une hutte perchée tout en haut d'une colonne de pierre. J'ai souvent eu le loisir d'apercevoir cet endroit au cours de mes raids nocturnes mais jamais d'y entrer et honnêtement, bien qu'un peu curieux, je préfère me tenir sur mes gardes. Stoïk enfonce la porte d'un coup de pied et dépose Harold sur une table se trouvant au centre de la pièce. Immédiatement, je me lève sur mes pattes arrières et observe mon frère dont les paupières demeurent irrémédiablement é, je lui lèche frénétiquement le visage et pousse de longs grondements plaintifs. Réveille-toi, je t'en prie ! Il respire encore. Je frotte mon museau contre sa joue, sans résultats. Tout à coup, mes oreilles se dressent et se trémoussent. Des pas… Quelqu'un vient… Je me place alors en position défensive devant mon ami blessé et grogne furieusement. Personne ne l'approchera. Personne ne lui fera de mal, plus jamais. Soudain, une petite femme toute pleine de plis sort de la pièce voisine en levant injurieusement le poing face au chef des sans-écailles. Elle tient un mystérieux bâton orné d'une tête de dragon. De plus en plus inquiet et apeuré, je grogne de plus belle.

« Désolé Gothi mais c'est urgent ! Il s'agit de mon fils ! Viens vite, je t'en supplie. » Débitele puissant viking.

Gothi ? Tel serait donc le nom de cette humaine si ridée ? La vielle femme ouvre alors grand ses yeux de chouette et tourne la tête vers moi. En me voyant, elle ne pousse aucun cri mais fait un brusque bond en arrière et plaque sa main sur son cœur.

« Il n'est pas dangereux, il ne fait que le protéger. Je t'en prie, viens ! Il n'y a pas de temps à perdre !» Renchérit le père, paniqué.

Que va-t-elle lui faire ? Brusquement, la porte s'ouvre et l'homme unipattiste nous rejoint en clopinant aussi rapidement qu'il le peut. Maintenant que j'y réfléchis, il me semble l'avoir vu plusieurs fois aux côtés du chef. Il me bouscule sans la moindre gêne et me repousse derrière lui.

« Comment va-t-il ? » S'enquit-il.

Gothi, méfiante, me contourne et se précipite vers le garçon. Stoïk me passe devant à son tour. Ils s'affairent tous autour de lui. Je ne vois plus rien. Je me dresse sur mes pattes arrière en espérant l'apercevoir mais il n'y a rien à faire. C'est à peine si je distingue le haut de sa tête. Je me laisse donc lourdement retomber et essaie de glisser ma tête entre les cuisses du chef et celles du gros gaillard unipattiste. Le chef me repousse aussitôt de sa grosse main.

« Pas maintenant, dragon. » Tonne-t-il sans même me regarder.

Tu ne comprends pas ! Je ne peux pas l'abandonner ! Il a besoin de moi ! Et…Et j'ai besoin de lui. Je recommence en émettant de nombreux grondements plaintifs. Il doit me laisser le voir ! Sans succès. Stoïk me repousse à nouveau en grognant. Très bien. Ce n'est pas toi qui m'empêcheras d'être à ses côtés. Je le contourne et me place à côté de la vieille femme. Aussitôt, je me soulève et pose mes pattes avant sur la table. Harold ne bouge toujours pas. J'approche mon museau de son visage et sens sa faible respiration sur ma peau écailleuse. Je le lèche tendrement. Réveille-toi… Réveille-toi… Le chef et l'autre homme laissent échapper un râle à la fois agacé et inquiet.

« Gueulfor, occupe-toi de lui ! » Ordonne Stoïk.

Presque immédiatement, je sens une main ainsi que quelque chose de froid et dur m'enserrer le cou. Du métal… C'est le crochet de l'homme. Il essaye de me faire reculer mais je me débats avec rage. LAISSEZ-MOI !

« Allez, coucouche panier, la furie ! » Grommelle l'unipattiste.

Gothi plonge ses mains dans un bac d'eau puis s'approche du pied de mon ami. Elle commence à retirer délicatement le bandage. L'odeur du sang séché mêlée à celle du sang frais se répand rapidement dans la piè ïk se circule, masquant ainsi complètement la silhouette frêle de mon ami. J'ai l'impression de devenir fou. C'est tout bonnement insupportable. Je vous en prie… Laissez-moi le voir ! Je lâche un long et sonore gémissement et tout à coup, sens l'homme faiblir. J'en profite pour lui asséner un coup de queue et bondis vers la table. Au moment où Stoïk essaie de me chasser, Gothi enlève complètement le bandage. Aussitôt, nous nous figeons, horrifiés.

« Par Odin… » Souffle le chef.

J'ai fait ça… Un frisson d'épouvante me parcourt l'échine. La plaie est monstrueuse. Un véritable carnage… Son pied est presque sectionné… L'os est à nu et des lambeaux de chair pendent sur sa cheville. Le sang ne cesse de couler sur la table et goute sur le sol. C'est abominable. J'ai fait ça… L'odeur est si infecte que même moi qui ai reniflé de nombreuses charognes ne peut le supporter. J'ai fait ça… Tout à coup, la porte s'ouvre en grinçant. Je tourne immédiatement la tête. Il s'agit d'Astrid et de sa bande.

« Ah, vous tombez bien, vous ! Rustik, Varek, donnez un coup de main à Gueulfor et Astrid, occupe-toi de démon ! L'odeur du sang le rend complètement fou ! » S'époumone Stoïk resté au chevet de son fils.

Les adolescents obéissent. Varek et Rustik accourent immédiatement et viennent aider l'unipattiste. Les jumeaux les rejoignent également et tous m'éloignent impitoyablement d'Harold. Je pousse alors un long cri déchirant mais ils y restent insensibles. Je suis sur le seuil de la hutte. Laissez-moi, je vous en supplie… ça y est, je suis dehors. Gueulfor me lâche et, d'un bond habile, retourne à l'intérieur.

« Merci les jeunes, on vous tiendra au courant ! » Assure-t-il avant de fermer la porte.

-Gueulfor, attends !» Crie Astrid.

Trop tard. Aussitôt je me mets à gratter frénétiquement le bois en espérant qu'on m'ouvre à nouveau. La blonde soupire et me caresse doucement la tête.

« Laisse tomber. Il est plus têtu qu'un troupeau de yack entier. Harold va s'en sortir, ne t'inquiète pas. » Me murmure-t-elle nerveusement.

Elle essaie de rester forte devant les autres mais je ressens sa peur au fond de moi. Elle ignore ce qu'il va se passer à présent. Je repose mes pattes sur le sol et frotte mon museau contre sa joue.

« Allez venez, on s'arrache. On ne devrait pas rester ici. » Rajoute-t-elle fermement.

Je me détourne à contre cœur de la hutte et suis la bande en baissant la tête.

« Qu'en penses-tu, mon ami ? »

C'est la voix de Stoïk. Je m'arrête immédiatement et dresse les oreilles.

« Je crains malheureusement qu'on doive amputer… » Répond gravement Gueulfor.

-Est-ce qu'il souffrira ?

-Sans doute mais c'est la seule façon… »

J'ai l'impression d'avoir reçu une hache en plein cœur. Tout ça est de ma faute…

« Krokmou ! » M'appelle Astrid.

Je jette un dernier regard vers la hutte. Je suis impuissant… Je n'ai pas d'autre choix que de la suivre. Lentement, je rejoins la jeune fille qui, une fois que je suis à ses côtés, me grattepaisiblement le cou. L'atmosphère est étrangement lourde parmi les adolescents bien que le vent soit assez frais. Pas un ne parle. Nous ne tardons pas à rejoindre le village dans le silence le plus total. Tout à coup, un grognement que je connais bien retentit. Ofell ! Je relève la tête et la voit courir à notre rencontre avec les autres. Ils se précipitent dans les bras de leurs dragonniers respectifs et s'étreignent tendrement ce qui me rappelle douloureusement que mon ami est entre la vie et la mort et ce, à cause de moi. Je relève la tête vers la hutte de Gothi et pousse un grondement plaintif. Je devrais être à tes côtés, mon frère et pourtant je suis ici, loin de toi. Tout à coup, je sens un museau chaud et écailleux se frotter contre le mien. Ofell. Je lève aussitôt les yeux. Elle se recule et se trémousse en secouant sa queue. Elle veut jouer. Comme je me sens horriblement mal, je décline l'invitation en détournant lentement la tête. Mais la dragonne insiste. Elle approche sa gueule de moi et fait claquer sa mâchoire juste à côté de mes oreilles. Effrayé, je sursaute bêtement puis lui jette un regard noir. Elle laisse échapper un son guttural et saccadé et renouvelle son invitation. Alors comme ça, elle se permet de se moquer de moi ? C'est ce qu'on va voir ! Amusé, je me mets à la courser en laissant pendre ma langue sur le côté. Je l'ai presque rattrapée ! Jamais, même dans mes rêves les plus fous, je n'avais imaginé jouer paisiblement sur l'île de Berk. Tout s'est passé si vite. Du coin de l'œil, j'aperçois des groupes de dragons voler et atterrir calmement sur les toits des huttes pour s'y reposer. Aucun viking ne bronche. Quelques enfants essaient même d'approcher Temme qui ne refuse pas les caresses des plus courageux. Rien n'est plus comme avant… les choses ont changé mais pour un monde meilleur. Tout le monde a changé. Enfin… Peut-être sauf ce vieil homme hideux qui me fixe bizarrement avec son mouton... Je n'y prête pas longtemps attention et bondis sur Ofell qui n'a pas le temps d'esquiver mon attaque. Et c'est un combat sans pitié qui s'engage ! Tandis que je lui griffe faussement le museau, elle me mordille impitoyablement l'aile. Tout à coup, j'aperçois Astrid et sa bande s'éloigner. Je me relève aussitôt et les suis en me dandinant. La nuit ne tarde pas à tomber et les adolescents se décident enfin à manger. Ils montent dans une catapulte et s'y installent sans un mot. Je me couche aux côtés d'Astrid qui demeure immobile, le regard perdu dans le vide. Tandis que Rustik et les autres mordent voracement dans leur cuisse de poulet, elle, ne bouge pas. Au bout d'un moment, elle finit par baisser la tête et, voyant son repas, soupire. Elle ne semble pas avoir faim. Elle tourne lentement la tête vers moi et me l'offre ce que je ne refuse pas. Le son du feu qui crépite doucement dans le brasier m'apaise. J'ouvre grand la gueule et laisse échapper un long et sonore bâillement. Je crois que je vais dormir un peu… Je pense à Harold une dernière fois avant de sombrer dans le sommeil et ferme les yeux. Mais soudain, j'entends la catapulte grincer. Je redresse aussitôt la tête et vois Gueulfor monter à son tour sur la catapulte. Il s'assoit aux côtés des jumeaux et enserre le garçon de son crochet.

« Ça va, les jeunes ? Vous tenez le coup ? » Demande-t-il en les dévisageant.

Varek hausse les épaules. Rustik hoche doucement la tête et Astrid, qui n'avait pas une fois brisé le silence, relève soudainement ses grands yeux bleus vers le blond.

« Comment va-t-il ? »

-Il est hors de danger. »

A cette révélation, les adolescents, hormis la jeune fille, poussent des cris de joie.

« J'suis tellement soulagé ! » S'exclame Varek.

« J'vous avais dit qu'il survivrait ! C'est qu'il est solide, notre boulet ! » Renchérit Rustik.

Les jumeaux se contentent d'être… Les jumeaux… C'est-à-dire qu'ils se tapent bêtement casque contre casque. Ça doit être une façon de montrer qu'ils sont heureux…

« Bon eh bien je vous souhaite une bonne nuit. J'ai un matelas qui m'attend. » Conclut Gueulfor, le sourire aux lèvres.

Tandis que les garçons continuent de plaisanter et de rire, Astrid descend promptement de la catapulte et rejoins l'unipattiste qui s'éloigne en clopinant. Sans perdre un instant, je me jette sur ses talons.

« Gueulfor ! » L'appelle-t-elle.

Celui-ci se retourne doucement.

« Oh, Astrid ! Y a- t-il quelque chose que je puisse faire pour toi ? »

« Oui, comment va Harold ? »

Le blond hausse les sourcils, surpris.

« Comment ça : "Comment va-t-il ?" ? Je vous ai dit qu'il était hors de danger. »

-ça ne répond pas à ma question.»

Je m'assois calmement à côté de l'adolescente. Ou veut-elle en venir ?

« Il s'en sortira, tu n'as pas à t'en faire. » Bredouille Gueulfor sur un ton qui se veut rassurant.

Il esquisse un sourire gêné puis s'étire et baille de façon exagérée.

« Bon, c'est pas tout ça mais 'faut vraiment qu'j'aille me coucher ! A demain, gamine ! » Termine-t-il en reprenant le chemin de sa hutte.

Astrid, déterminée, le double et se poste en face de lui.

« Gueulfor, explique-moi ! Je veux savoir ! Qu'est-ce que tu veux dire par "Il s'en sortira" ? » Lâche-t-elle.

Elle est terrifiée. Elle ne sait plus quoi faire. L'unipattiste secoue la tête et soupire :

« On ne s'est pas encore très bien ce qu'il s'est passé mais… Lors de sa chute… »

-Lors de sa chute quoi ? Parle, Gueulfor ! Je suis en train de devenir folle !

-Son pied gauche était dans un sale état.C'était vraiment pas joli. On a dû le lui amputer. »

Choc. Astrid tremble, recule puis se fige complètement.

« Ça va mettre quelques jours à cicatriser alors Gothi le garde chez elle pour surveiller que la plaie ne se réinfecte pas. Cette vieille chouette possède tout un tas de pommades et d'onguents qu'elle appliquera sur sa blessure pour qu'elle guérisse plus vite mais pour le moment, tout ce que nous pouvons faire est d'attendre. » Poursuit-il.

La respiration d'Astrid devient plus haletante et saccadée.

« Attendre ? Rester les bras croisés alors qu'il est là-haut, tout seul dans une hutte moisie avec un moignon en guise de pied ? » Crache-t-elle.

Elle s'arrête un instant et reprend son souffle.

« Je dois le voir, maintenant. » Articule-t-elle fermement en courant vers la hutte.

Gueulfor se jette à sa poursuite et lui empoigne le bras. Je les laisse faire, ne sachant vraiment comme réagir. La jeune fille se débat frénétiquement et hurle à n'en plus pouvoir. Jamais je ne l'avais vue dans un tel état.

« Astrid ! Astrid, calme-toi ! Je t'en prie ! » S'égosille l'unipattiste.

Comme l'adolescente reste sourde à ses supplications, le blond la place devant lui et la force à le regarder.

« Harold n'est pas encore réveillé. Il a besoin de repos et toi aussi. Je te promets que tu pourras le voir demain. » Lui dit-il d'une voix douce.

Les sourcils d'Astrid finissent par se défroncer et celle-ci se calme doucement. Gueulfor lui rend donc sa liberté et essuie tendrement une grosse larme qui coule sur la joue de la jeune fille.

« Est-ce…Est-ce qu'il pourra remarcher un jour ? »

-Pour ça, j'en fais mon affaire. N'oublie pas que tu parles à un expert. » Répond-il en désignant ses prothèses.

Astrid renifle et se caresse nerveusement le bras.

« Je… Je suis désolée, Gueulfor… »

Délicatement, il passe son crochet derrière sa tête et la colle contre sa poitrine. Il la câline doucement puis murmure :

« Ne t'en fais pas. Ça va aller. Harold a survécu à trop de catastrophes depuis sa naissance pour abandonner maintenant. »

Astrid hoche doucement la tête. L'unipattiste se détache paisiblement d'elle et, lui donnant une tape sur l'épaule, ordonne :

« Allez file au lit tout de suite ! Tu dois être en forme pour voir Harold demain. »

L'adolescente sourit puis court jusqu'à sa hutte. Quant à moi je reste là, perplexe. J'ignore qui suivre. Je tourne la tête vers Gueulfor qui pousse un gros soupir. Il prend alors la direction du bâtiment dans lequel Harold m'avait emmené pour réparer ma selle il y a quelques temps. Je crois qu'ils appellent cela une forge… Je le suis en me dandinant. Gueulfor entre à l'intérieur mais ne s'y arrête pas. Je l'observe boiter jusqu'à une petite porte qu'il pousse délicatement. Est-ce qu'Harold sera réduit à marcher comme cela lui aussi ? Je baisse la tête tristement. L'unipattiste et moi pénétrons dans une pièce étroite ou se trouve un petit établi avec des dizaines de dessins. Je relève la tête et les renifle, curieux. Cette odeur qui me chatouille les naseaux m'est agréable… Familière… C'est celle d'Harold ! C'est donc là ton nid, mon ami. Je jette un coup d'œil aux gribouillis de mon dragonnier et sens mon cœur se gonfler de joie. Il m'a dessiné plusieurs fois et sous des angles différents. Il a également fait des croquis de mon aileron et de mécanismes étranges dont j'ignore l'utilité. Gueulfor, de son œil vif, les observe attentivement. Il tourne sa tête vers mon aileron factice puis reporte son regard sur les esquisses.

« Ingénieux… très ingénieux… » Marmonne-t-il dans sa moustache.

Il hoche lentement la tête puis plus rapidement comme pour acquiescer à une réflexion personnelle.

« Pour Harold, il va falloir du spécial Harold alors j'ai intérêt à me mettre au boulot. » Ajoute-t-il mystérieusement.

Sans perdre un instant, il saisit plusieurs dessins et les emmène dans la pièce principale de la forge. Il ne fait même pas attention à moi. Qu'est-ce qu'il lui prend ? Il accroche les croquis de mon ami après le mur et remue les tisons afin de ranimer le feu qui se mourrait. Ensuite il se dirige énergiquement vers un établi rempli d'armes qui semblent incomplètes. J'incline légèrement la tête sur le côté, désorienté. Mais que fait-il ? Il attrape son crochet et… AAAAAAAAAAAAH ! Il se l'est arraché ! Je recule, paniqué et me cogne dans un baril rempli d'épées et de masses de toutes tailles. Le tonneau virevolte et son contenu se déverse dans un fracas épouvantable. Je pars me cacher derrière des escaliers et observe l'unipattiste remplacer son crochet par une grosse masse. Il ne semble pas souffrir… Peut-être est-ce normal… De sa main restante, je l'observe prendre une grosse épée et la jeter sans hésitation dans le feu. Les flammes rugissent et les étincelles volent tout autour de Gueulfor qui reste debout sans ciller. Je décide de m'approcher. Prudemment j'avance une patte puis l'autre et m'arrête un peu en retrait. La chaleur me lèche les écailles mais j'y reste indifférent. L'unipattiste, quant à lui, fixe de son regard vide l'arme qui rougit dans le brasier. Après quelques minutes, il saisit l'épée fondante avec une pince et la pose rapidement sur une masse de fer. Et maintenant ? Il lève son marteau et l'abat lourdement sur l'épée. Le bruit métallique qui en résulte retentit dans toute la forge. Un frisson me parcourt l'échine. Je secoue la tête et recule. Il lève de nouveau son marteau et assène à l'arme un autre coup qui la déforme un peu plus. Il est en train de la détruire. Pourquoi ? Sans prendre le temps d'essuyer la sueur qui perle sur son front, Gueulfor martèle l'épée de plus en plus rapidement jusqu'à ce que finalement, elle ne ressemble plus à rien. Effaré, je me laisse tomber sur le flan. Mais l'homme ne s'arrête pas là. Il saisit sa pince et commence à plier la plaque de métal obtenue dans divers sens absolument fantaisistes. Lorsqu'il a enfin terminé, il se rue dans l'antre d'Harold avec le fruit de son dur travail. Aussitôt, il se met à fouiller l'établi avec ardeur. Je le regarde faire silencieusement. Il renverse les pots contenant les pinceaux et les crayons puis s'attaque aux paniers se trouvant sous l'établi. Ensuite ce sont les étagères qui sont passés au peigne fin. Cri de victoire. Il a trouvé. Il tient dans sa main un petit morceau de métal enroulé sur lui-même. Je me souviens qu'Harold utilise souvent ce genre de pièces pour créer des mécanismes. Il appelle ça un ressort. Gueulfor s'extirpe de la petite pièce et regarde fébrilement autour de lui. Il cherche autre chose. Me rendant compte que je n'aurais pas plus d'informations, je me couche. Je laisse échapper un long et sonore bâillement puis ferme les yeux. Tout à coup, je sens quelque chose secouer mon attirail. J'ouvre brusquement les yeux et suis surpris de voir Gueulfor en train d'essayer de m'ôter ma selle.

« Du calme, dragon, du calme. Je ne te veux pas de mal. C'est pour Harold. » Me murmure-t-il.

Pour Harold ? Je me laisse faire docilement. Il m'enlève doucement mon équipement ainsi que mon aileron. Je me sens plus léger et bien moins serré. Je me secoue rapidement. Aaaah, ça fait du bien. Merci. L'unipattiste me caresse rapidement la tête puis retourne dans le nid de mon dragonnier. Il s'assoit sur un minuscule tabouret et poursuis son œuvre. Je me lève calmement et me couche à ses côtés.

Le lendemain, je suis réveillé par les doux rayons du soleil. Je me lève d'un bond et jette un œil à l'extérieur. Le ciel est coloré de sublimes nuances rouge et oranges que les nuages rosés mettent en valeur. Le vent est frais et je meurs d'envie d'aller voler bien que je sache pertinemment que je ne peux pas. Je me sens incomplet… Comme un oiseau sans ailes… Comme la lune sans étoiles… Comme un dragon sans dragonnier ; comme un Krokmou sans son Harold. Je retourne paisiblement dans l'antre de mon ami. Gueulfor est là, affalé sur l'établi, et ronfle bruyamment. Je l'observe tendrement puis m'approche doucement de lui. Je lui lèche le visage, recule et m'assois. J'attends qu'il se réveille. Le blond fronce les sourcils pour ensuitelentement se redresser. Il se frotte les yeux de sa main restante et regarde longuement autour de lui.

« Qu'est-ce que je fais là ? » Marmonne-t-il.

Ses yeux se posent sur moi. Il laisse échapper un cri.

« Ah oui… C'est vrai… » Souffle-t-il.

Il se lève, titube, manque de s'écraser dans les étagères. Il essaie ensuite de faire un pas ; Il chancelle. Aussitôt, je me précipite et le rattrape de justesse.

« Merci, euh… Comment est-ce qu'il t'a appelé, déjà ? Euh… C'est un truc qui ressemble à Krokmachin… Krokmou ! C'est ça ! Merci, Krokmou !» S'écrie-t-il joyeusement en me caressant la tête.

J'émets un doux grondement puis m'assois à ses côtés. L'unipattiste relève alors la tête et regarde brièvement dehors. Sans perdre un instant de plus, il s'élance à l'extérieur de la forge. Je le suis tranquillement. Il se rend auprès d'une hutte, celle d'Astrid, puis frappe délicatement la porte avec son gros index. La jeune fille ouvre et, telle une couleuvre, se glisse silencieusement à l'extérieur.

« Mes parents dorment encore, je ne voulais pas les réveiller. » Explique-t-elle. « On y va ? »

-On y va. »

Nous nous rendons donc au nid de Gothi, perché tout là-haut dans les nuages. Le soleil se lève doucement sur le village endormi ainsi que sur mes frères dont la légère brise emporte les rugissements. Si l'on m'avait dit que je verrais cela un jour, je n'y aurais jamais cru. L'unipattiste tambourine contre la porte de la hutte. La vieille femme ouvre avec une vitesse surprenante et assène le blond d'un prodigieux coup de bâton. Comme d'habitude, elle ne dit pas un mot mais brandit son poing avec fureur.

« Mais espèce de vieille chouette ! Si je n'avais pas frappé si fort, tu ne m'aurais jamais entendu ! » S'égosille Gueulfor en faisant de grands gestes.

Gothilui fait signe de se taire puis incline la tête pour nous inciter à entrer. L'unipattiste laisse l'adolescente passer devant lui puis pénètre à son tour dans la hutte. Je fais un timide pas en avant et guette la réaction de la vieille femme. La dernière fois, on m'avait arraché d'Harold. La scène était encore très fraiche dans mon esprit et je ne voulais pas la revivre. Gothi ne me regarde pas. Profitant de ce moment d'inattention de sa part, je me jette à l'intérieur. Surprise, elle tombe sur les fesses mais je ne m'en préoccupe pas. Harold est toujours là, allongé sur la même table mais cette fois-ci, on lui a mis une couverture. Je me précipite vers lui et le renifle. Ses paupières ne frémissent pas. Je soulève sa main du bout de mon museau en poussant un faible gémissement. Elle retombe. Rien ne semble avoir changé… Il est dans le même état qu'hier. Je sens mon cœur se serrer. Je n'ai qu'une envie : me laisser mourir. Tout ça est de ma faute…

Astrid s'approche lentement, soutenue par Gueulfor qui lui tient paternellement l'épaule. Ils regardent mon dragonnier sans un mot, étreints par le chagrin. Aucun des deux ne veut pleurer mais leurs yeux mouillés parlent pour eux. Tout à coup, la vieille femme tape doucement sur le bras de l'unipattiste. Il tourne la tête. Gothi commence alors à faire des signes sur le sol avec son bâton. Gueulfor hoche la tête et la suis dans une petite pièce en clopinant. La jeune fille les regarde s'éloigner puis pose ses yeux sur mon ami. Elle baisse la tête et soupire.

« Je ne sais pas si tu m'entends mais… On a besoin de toi, Harold Haddock ! Tu n'as pas le droit d'abandonner ! Pas maintenant ! Les dragons… Tout… Tout a changé si vite… On n'y arrivera pas sans toi ! Il y a tant de choses qu'on ne sait pas ! Alors tu vas bouger un peu tes fesses et te lever, tout de suite ! » Débite-t-elle.

Mon dragonnier ne bouge pas.

« Je t'en prie, Harold… On a besoin de toi… J'ai besoin de toi… » Sanglote-t-elle en serrant sa main inerte.

Je ressens en elle un sentiment puissant… Un sentiment enfoui que jamais elle n'avait laissé pleinement s'exprimer jusqu'alors. Elle tient à lui. Je frotte ma tête contre ses jambes en poussant un léger grondement. Je suis là… ça va aller... Soudain, je dresse les oreilles. J'entends les pas de Gueulfor. Astrid aussi. Elle essuie promptement ses larmes et se retourne, se retrouvant face à face avec l'unipattiste.

« Alors ? » S'enquit-elle.

« Gothi m'a expliqué que le sang avait cessé de couler et que sa blessure,bien qu'encore fragile, commençait à cicatriser. Elle voudrait d'ailleurs que nous sortions pour lui appliquer l'onguent. Elle a aussi une autre bonne nouvelle : Si l'état d'Harold se maintient, on pourra le transporter chez lui dans trois jours. »

L'adolescente se force à sourire puis tourne la tête vers mon ami. Gueulfor l'enlace doucement avec son crochet et souffle :

« On doit y aller. »

Astrid hoche calmement la tête et s'éloigne lentement. Alors qu'elle se trouve sur le seuil de la porte, elle se fige et jette un dernier regard à Harold.

« Elle veille sur lui, ne t'en fais pas. On reviendra le voir demain. » Assure l'unipattiste à mon amie.

Elle lève ses yeux vitreux vers Gueulfor puis se remet à marcher. Je les suis en baissant la tête. Tandis que Gothi ferme la porte, j'aperçois la frêle silhouette d'Harold. Vu d'ici, il semble mort. Un frisson d'épouvante me parcourt le corps. Non. Harold est vivant, Harold est vivant. Aussitôt, je reprends la longue descente nous menant au village.

Lorsque la nuit tombe, je ne dors pas dans la forge comme je le pensais mais dans la hutte de Stoïk qui accepte que je me couche dans ce qu'il appelle « le salon ». Je l'ai entendu dire à Gueulfor que je fais désormais partie de la famille, qu'Harold voudrait qu'il prenne soin de moi et je lui en suis grandement reconnaissant. Okay… Il m'appelle encore « dragon » ce qui est assez bizarre mais bon… Il a un grand cœur.

Le lendemain, je suis réveillé par de lourds pas qui retentissent juste à côté de moi. Après avoir longuement baillé, je me redresse. Stoïk est là, posté fermement sur le seuil de sa hutte. Je m'approche lentement de lui. Les yeux noyés sous ses sourcils froncés, il scrute le village. Soudain, le puissant viking se met à courir. Je me jette aussitôt à sa poursuite. Qu'est-ce qu'il lui prend ? Est-ce qu'il est devenu fou ? Il descend la pente menant à la place du village et arrête un homme qui poussait une charrette d'armes.

« Björn ! Je veux que tu fasses descendre les torches, que tu en ôtes le charbon et le bois et que tu les remplace par du veux qu'elles en débordent, tu entends ? Qu'on en sente l'odeur jusque de l'autre côté de l'archipel ! Arrange toi avec Mulch, dis-lui que c'est urgent. Ça doit être fait pour aujourd'hui ! » Lui ordonne-t-il.

-Bien, chef !»

Mais Stoïk ne s'arrête pas là. Il se dirige à grandes enjambées vers l'une des huttes de la place. Sans même prendre la peine de frapper, il entre à l'intérieur. Une femme est là, assise devant le feu central. A la fois surprise et enthousiaste, elle se lève d'un bond.

« Chef ! Je ne m'attendais pas à vous voir ici ! Que p…»

-Ah, Helga ! Ou est ton mari ?» La coupe-t-il.

« A l'étage. »

L'imposant viking lâche alors un vague merci en inclinant son casque puis se rue dans les escaliers. Il ouvre la porte d'une chambre à l'étage et s'exclame :

« Halvar, je voudrais que tu me fasses une hutte sur la place qui ai deux étages mais qui ne possède aucun mur. Elle devra être remplie de fourrage. Comme ça, les dragons pourront s'y reposer les jours de pluie et peut-être même, qui sait ? Y nidifier. Je viendrai voir ou en sont les travaux dans deux jours. Salut ! »

Stoïk redescend immédiatement et quitte la hutte. Dehors, sur la place, c'est l'effervescence. Varek, qui vient à peine de sortir de chez lui, se retrouve aussitôt pris au piège au milieu d'un groupe de villageois qui l'assomme de questions sur les dragons. Pourquoi les dragons vipères poussent-ils des cris si aigus le matin ? Comment faire pour que mon gronk se sente bien chez moi ? Comment dresser un dragon ? Comment apprendre à voler ? Et bien d'autres questions que je n'ai pas le temps d'écouter, trop occupé à suivre Stoïk qui reste imperturbable. Le chef prend la direction de la hutte de Gothi. Il va voir Harold. Une fois au sommet, il pousse délicatement la porte et fais quelques pas à l'intérieur. Les jumeaux sont ici, chacun assis sur un tabouret. Pour une fois, ils sont étrangement silencieux. Aucun ne braille ni ne ricane.

« C'était vraiment d'enfer ce que t'as fait, vieux. Voler sur un dragon, c'est juste woaaah. C'est encore plus dingue que tout ce qu'on aurait pu imaginer et ça, c'est grâce à toi. Tu ne peux pas nous laisser maintenant, Harold. »Souffle Kranedur, son casque entre les mains.

Se rendant compte que sa présence n'avait pas été remarquée, Stoïk se racle la gorge pour attirer leur attention. Surpris, les adolescents sursautent et se redressent aussitôt. Il y a un instant de flottement. Le garçon finit par remettre son casque. Il rit de façon gênée puis lance à mon dragonnier :

« Bon ben à plus, mon pote. Repose toi bien et… Et… Et à bientôt ! Ouais, c'est ça, à bientôt ! On repassera te voir un de ces quatre. »

Les jumeaux passent devant nous et lâchent un « bonjour, chef » faible et rapide. Une fois qu'ils sont sortis, Stoïk s'approche de son fils. Il se laisse lourdement tomber sur l'un des tabourets et l'observe sans un mot. Je m'assois à ses côtés et frotte ma tête contre son bras aux muscles saillants. Ça va aller… C'est dur pour moi aussi…

Tout à coup, des bruits de pas retentissent. Stoïk se retourne lentement. Gothi est là, un pot à la main.

« Comment va mon fils ? » Demande le chef.

La vieille femme s'approche doucement du pied… Enfin… Du moignon de mon dragonnier et en ôte délicatement le bandage. Mon estomac se serre brutalement. C'est moins éprouvant que la première fois mais ça reste dur… Elle le soulève de sa main ridée et le présente au père. La blessure est encore rouge mais le sang ne coule plus et une légère cicatrice commence à se former. Harold guérit. Gothi repose alors doucement la jambe de mon ami et ouvre le petit pot. Elle trempe ses doigts dedans et applique la pommade sur la plaie de mon dragonnier. Alors qu'elle continue d'étaler l'onguent, elle tend brusquement sa main sur le côté. Stoïk sursaute et la regarde, perplexe. Puis il finit par comprendre et lui fournit le bandage qui se trouve sur le meuble à côté de lui. La vieille femme le saisit sans même regarder le chef et entoure précautionneusement le moignon. Stoïk soupire puis et bredouille :

« Bon… Et bien je… Je vais y aller… Prend bien soin de lui, Gothi. »

Il recule, hésitant et fait tomber le tabouret

« Oh, désolé… Je… Hum… A plus tard… »

Stoïk incline son casque puis sort. Je laisse échapper un bref grondement en direction d'Harold puis me jette à la poursuite du chef. Arrivés au village, j'ai à peine le temps de faire un pas qu'Ofell me bondit dessus en rugissant joyeusement.

« Hey ! je te cherchais partout ! Astrid vient seulement de me libérer. On a été faire un vol au-dessus du village. C'était… magique ! Avoir son poids de plume sur mon dos, entendre son cœur battre, sentir qu'elle ne me veut aucun mal et qu'elle tient à moi, c'est tellement agréable ! Tu avais raison, Aata. »

Je souris.

« Où plutôt devrais-je t'appeler « Krokmou ». » rectifie-t-elle en émettant un rire rauque et saccadé.

-Au moins, moi, j'ai un nom humain et pas toi ! Na nananèèère !

-Et bien figure toi que si. Pour les habitants de ce village, je me nomme désormais « Tempête ». Sympa, non ? C'est Astrid qui me l'a donné en remarquant à quel point je vole vite.

- Effectivement, ça te correspond plutôt pas mal mais « prétentieuse » aurait été plus appropriée.

-Oh ! Je vais te faire payer ton insolence !

-Pour ça, il faudrait déjà que t'arrives à m'attraper ! »

C'est à ce moment qu'une folle course poursuite a commencé. Au bout d'un moment, j'ai fait volteface et ai sauté sur Ofell qui ne s'y attendait pas du tout. Une belle bagarre a débuté.

En soirée, j'ai appris que tous mes amis avaient été rebaptisés. Sinnavild se fait appeler « Krokchefer », Temme « Bouledogre » et Tage et Gnist « Pète & Prout ». Ouais… C'est pas fameux et assez puéril mais ils n'ont pas l'air de s'en plaindre. Chacun ont désormais « fait le lien » avec leurs humains. Eux ils appellent ça, nous dresser mais ça va tellement plus loin que ça… Ils ont encore de nombreuses choses à apprendre mais je sais qu'ils y arriveront.

Le lendemain, je suis réveillé à l'aube par les doux rayons du soleil qui se sont glissés sous la porte de la hutte. Les ronflements sonores de Stoïk me suffisent pour comprendre que le chef dort encore. Il est complètement épuisé et après la journée qu'il a eu hier, c'est parfaitement compréhensible. Je décide donc de ne pas le réveiller et me lève doucement. Je pousse la porte du bout de mon museau et sort dehors. Je balaye les environs de mes grands yeux verts. Le village sommeille encore. Rien ne bouge. Soudain, je vois quelque chose remuer au loin. C'est Gueulfor ! Il est en bas de l'immense colonne de pierre qui soutient le nid de Gothi. Il va voir Harold ! Enthousiaste, je me jette à sa poursuite. Une fois que je l'ai rejoint, je pousse un long grondement amical.

« T'es déjà levé, toi ? » Lance-t-il en me caressant la tête.

Je suis plutôt matinal. Tiens, il a quelque chose dans ses mains. Je le renifle instinctivement et me rend compte qu'il s'agit du morceau de métal que l'unipattiste a trafiqué quelques jours plus tôt. Que compte-t-il en faire ? Sans perdre un instant de plus, Gueulfor reprend sa route. Intrigué, je le suis docilement. Une fois en haut, l'unipattiste ne prend pas la peine de frapper. Il pousse la porte le plus délicatement possible et scrute prudemment l'intérieur de la hutte. La vieille femme est installée dos à nous devant un immense chaudron. Elle ne nous a pas vus et Gueulfor ne semble pas vouloir l'avertir de notre venue. Aussi discrètement que le lui permet sa jambe de bois, il avance vers mon ami toujours endormi. Arrivé auprès de lui, il commence à se tourner nerveusement les doigts. Il veut lui parler mais il ne sait visiblement pas par ou commencer. Il jette un rapide coup d'œil en direction de la pièce ou se trouve Gothi puis souffle :

« Salut, Harold… J'ai quelque chose pour toi. »

Prudemment, il commence à enlever le bandage qui entoure son moignon. Une fois que c'est fait, il lui attache doucement le morceau de métal sur lequel il a travaillé toute une nuit.

« Voilà. Je sais que ça ne remplacera jamais ton vrai pied mais au moins, tu pourras marcher. » Murmure-t-il.

Un pied ! Il lui a fabriqué un nouveau pied ! Cet homme est un génie ! Je me précipite vers mon dragonnier et renifle sa prothèse. Elle est tellement différente de celles de Gueulfor ! Elle est à l'image d'Harold. Je suis si heureux. L'unipattiste se retourne et tombe nez à nez avec la vieille femme qui la regarde les sourcils froncés. Silence. Contre toute attente, un léger sourire fait son apparition sur sa face ridée. Elle incline la tête puis tape maternellement l'épaule de Gueulfor. C'était comme si elle lui disait : « Tu as bien fait ». Brusquement, Harold se redresse en poussant un hurlement déchirant. Nous sursautons puis nous figeons. Il…Il est étrange… Il nous observe, la bouche entrouverte, les yeux vitreux. On dirait qu'il ne nous reconnait pas… Qu'il ne me reconnait pas… Ses membres tremblent mais il demeure immobile.

« Harold ? » Chuchote Gueulfor, effrayé.

Et soudain, ses yeux roulent au ciel et il retombe lourdement sur son oreiller. Aussitôt l'unipattiste se précipite vers mon ami et soulève son petit corps fragile. Il colle l'oreille contre son cœur et soupire, soulagé :

« Il est vivant. »

Bientôt, la nouvelle du « premier réveil » d'Harold, si l'on peut le nommer comme tel, se répand dans le village comme le gel de Sinnavild alias Krochefer. Tout le monde ne parle plus que de ça. Il parait que c'est bon signe et qu'il devrait reprendre ses esprits dans les jours qui suivent… Lorsqu'on a annoncé la nouvelle à la bande, Astrid a hurlé de joie. Les jumeaux et Rustik ont fait une danse de la victoire et Varek a laissé un grand sourire illuminer son visage rebondi. Le chef, lui, a serré Gueulfor si fort qu'il n'arrivait presque plus à respirer. Jamais je ne l'avais vu aussi heureux. Moi je ne sais quoi trop en penser… Pour le moment, mon dragonnier est toujours endormi et je ne serai véritablement heureux que lorsque je le verrai se mettre debout à nouveau.

Le lendemain, comme annoncé , Harold est transporté chez lui. Je suis fidèlement le cortège jusqu'au bout puis, quand mon ami est déposé dans son lit, je me couche paisiblement à côté de lui.

Deux jours s'écoulent. Je passe la plupart de mon temps auprès de mon dragonnier. Je me trémousse comme un fou à chaque fois que je le vois bouger la tête mais ce ne sont que des fausses alertes. Tous attendent son réveil avec impatience et moi bien plus encore. La bande aide du mieux qu'elle peut. Astrid donne un coup de patte aux vikings qui le désirent à faire le lien avec des dragons. Depuis qu'elle a commencé, douze villageois ont rejoint le rang des dragonniers et leur nombre ne cesse de croître. Et même si la plupart ne se sentent pas encore près, ils acceptent notre présence avec joie. Varek, lui, m'a beaucoup observé et a rajouté tout ce qu'il pouvait sur les furies nocturnes dans le livre des dragons, un manuel auquel apparemment il tient beaucoup. Rustik fanfaronne devant leurs femelles avec Sinnavild qui en fait tout autant. Et contrairement à ce que l'on pourrait penser, les jumeaux se sont montrés extrêmement matures. Ils n'hésitent pas à montrer aux plus jeunes enfants que nous sommes sans danger et qu'ils peuvent nous approcher sans crainte. Bon… Okay… Ils ont essayé de faire bruler leurs cuisses de poulet grâce au gaz inflammable de Tage et Gnist. Okay, ils ont failli faire exploser le grand hall mais on ne peut pas leur en vouloir. La paix règne sur l'île de Berk, enfin…

Subitement, je dresse les oreilles. Stoïk descend les escaliers. Il se dirige vers la porte et, une fois sur le seuil, se retourne vers moi :

« Veille sur mon fils, dragon. »

Je le fixe intensément. Je ne le quitterai pas, je te le promets. Aussitôt, je me couche aux pieds de son lit. Rassuré, le chef quitte la hutte. Je secoue la tête et souffle l'air de mes naseaux. C'est encore une journée bien ordinaire qui s'annonce… Soudain, j'entends Harold tousser. Je me relève promptement mais c'est déjà fini. Il est à nouveau immobile… Je m'approche lentement de lui et pousse un long grondement. Je le renifle tendrement puis me recule. Tout à coup, je vois ses paupières frémirent. Je laisse échapper un grognement.

« Harold ? »

Il ouvre lentement les yeux. Il ne les referme pas. Ça y est ! Il se réveille pour de bon ! Il scrute doucement les alentours puis pose son regard sur moi. Je me trémousse et frotte mon museau contre sa joue. Enfin ! Tu m'as tellement manqué !

« Salut Krokmou… » Dit-il faiblement.

Je me frotte contre lui de plus en plus fort jusqu'à le pousser tout au bord de son lit. Je suis si heureux que je ne me fais même plus attention à ce que je fais.

« Ouais, content de te voir moi aussi, mon grand. »

Je le lèche affectueusement puis pose malencontreusement une patte sur son estomac. Il laisse échapper un cri de douleur et se redresse subitement en se serrant le ventre. Aïe… Désolé… Mais je suis si content que tu sois réveillé ! J'ai tellement de choses à te raconter !

« Qu'est-ce que… Je suis chez moi ? Ooooh… Tu es chez moi ? Mon père sait que t'es là ? » Réalise-t-il subitement.

Et comment qu'il le sait ! Il m'a chargé de veiller sur toi. En gros, je suis ta nounou, ahah ! Je me trémousse de plus en plus et me passe la langue sur le museau. On t'a amené ici pendant que tu dormais. Je bondis tout autour de lui et renverse joyeusement la marmite qui brulait sur le feu central. Regarde ! J'ai le droit de vivre ! Je suis dans une hutte viking ! Est-ce que tu aurais imaginé que ça puisse être possible, il y a ne serais-ce qu'un mois ? Regarde-moi ! Mon cœur tambourine si fort que j'ai l'impression qu'il va sortir de ma poitrine. Je m'approche à nouveau de mon dragonnier en grognant.

« Oh mais… Euh… Okay… Okay… » Balbutie-t-il.

Tu n'as pas l'air de comprendre. Notre monde a changé, Harold. Nous sommes libres ! Et c'est grâce à toi ! Enfin… Un peu à moi aussi… Mais surtout à toi ! Oooh, mais par où commencer ? Je ne peux pas rester en place ! Je sens une énergie nouvelle courir dans mes veines. Impossible de la contrôler. Je secoue mon derrière et saute sur l'une des poutres qui soutient le toit.

« Krok, non ! Non ! » Débite-t-il.

Harold est bel et bien de retour, ahah ! Toujours à geindre à chaque fois que je grimpe quelque part ! Je mets ma tête à l'envers afin de le voir. Par où commencer ? Le mieux à faire, je crois, c'est de te montrer !

« Krokmou ! Oh c'est bon, quoi ! » Râle-t-il encore une fois.

Il soulève la couverture pour se lever. Brusquement, il s'arrête. Ah… J'avais failli oublier… Je descends aussitôt de la poutre et le rejoins lentement. Il ne dit pas un mot, fixant sa prothèse d'un regard étrangement serein. Doucement, il pose la première jambe… Puis la deuxième. Un cliquetis mécanique retentit. Je m'approche lentement de son pied factice et le renifle. Gueulfor a vraiment fait du bon travail. Je redresse calmement la tête et interroge mon ami du regard. Il prend une grande inspiration puis souffle longuement. C'est dur mais le plus gros est passé. Ça va aller, je suis là. Harold s'appuie sur le pied de son lit et se lève courageusement. Il ne pousse pas un cri, ne laisse couler aucune larme. Il bombe le torse et fait un pas. C'est bien… Très bien… Continue comme ça. Je me recule mais demeure aux aguets, le couvant du regard. Il fait un autre pas mais cette fois-ci en s'appuyant sur la prothèse. Il chancelle. Aussitôt je me précipite et le rattrape de justesse. Ça n'est pas grave. Tu vas y arriver. N'abandonne pas.

« Ça va, merci, mon grand. » Souffle-t-il en s'appuyant sur mon cou.

Je serai toujours là pour toi, toujours. Je me retourne doucement et replie mon aile derrière lui afin de l'empêcher de tomber au cas où il basculerait. Alors qu'il commence à trottiner vers l'entrée, je ramène presque instinctivement ma queue près de son pied. Je comprends ta douleur. On s'en sortira, ensembles. Harold se détache lentement de moi et ouvre la porte. J'aperçois alors Sinnavild qui pousse un puissant rugissement. Effrayé, mon ami referme aussitôt la porte et se plaque contre celle-ci.

« Krokmou, reste ici. » M'ordonne-t-il.

Tu n'as rien à craindre, Harold. Tu es en sécurité ici, je te le promets. Il ouvre de nouveau la porte.

« Ben alors ? Vous venez ? C'est partiiiit ! » S'écrie joyeusement Rustik aux nouveaux dragonniers qui le suivent dans sa course au cœur des nuages.

Harold fais quelques pas à l'extérieur et balaye le village d'un regard abasourdi.

« Quoi ? » Laisse-t-il échapper.

Ça te plait ?

« C'est ce que je craignais, j'suis mort ! » S'exclame-t-il.

« Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Non mais c'est pas faute d'avoir essayé ! » Rit Stoïk en arrivant aux côtés de son fils. « Alors, qu'est-ce que t'en dis ? »

« Hey regardez ! C'est Harold ! » S'égosille un villageois en voyant l'adolescent debout.

Tous les vikings présents sur la place se ruent alors vers mon ami et se massent fébrilement autour de lui. Je ne peux même plus le voir !

« On s'est rendus compte qu'il nous fallait un peu plus de… ça. » Déclare tendrement le chef en montrant le garçon.

-Tu sais qu'c'est moi tout entier que tu pointes ? »

Il hoche la tête avec un regard empli de fierté.

« Ben presque entier. Ce pt'it bout c'est mon œuvre avec une touche à la Harold. C'est à ton goût ? » Ajoute Gueulfor en se mêlant à la foule.

-Deux, trois modifs et ça ira.

Tout le monde se met à rire de bon cœur. Soudain, Astrid se faufile entre les villageois et se glisse juste derrière Harold. Aussitôt, elle lui frappe brutalement l'épaule. Il laisse échapper un cri de douleur puis se retourne.

« Ça, c'est pour m'avoir fait peur ! » Explique-t-elle.

-Qu… Mais pourquoi ? ça va être ça tout le temps parce que… » S'insurge immédiatement mon dragonnier.

Mais il n'a même le temps de terminer sa phrase. L'adolescente le tire par le col de sa tunique et lui fais une léchouille passionnée.

Bon, t'as fini de l'étouffer avec ton affection ?

« Si c'est ça, je signe tout de suite. » Répond Harold encore un peu sous le choc de l'émotion.

« Tu nous as manqué. » Murmure l'unipattiste en posant dans les bras de mon ami un nouvel aileron.

Allez, j'en peux plus de rester ici ! On s'arrache, maintenant ! Aussitôt, je bondis sans scrupules sur plusieurs villageois pour rejoindre mon ami.

« Furie nocturne ! » Hurle-t-on faussement.

Que c'est bon que de se sentir enfin chez soi !

« Couchez-vous ! » Réplique Gueulfor.

Les adolescents me regardent en riant. Ben quoi ? Vous avez jamais vu un dragon se frayer un passage avec classe au milieu d'une foule d'humains ? Harold lance à Astrid un regard complice. Elle hoche la tête puis part en courant. Sans perdre un instant, mon ami m'installe mon attirail. Ofell et sa dragonnière nous rejoignent rapidement. Harold grimpe sur mon dos et pose son pied dans la pédale. Mon aileron se déplie. Enfin ! Je fixe le ciel d'un regard dévorant.

« T'es prêt ? »

Et comment ! Harold regarde une dernière fois le village ou dragons et vikings sont en paix puis nous nous envolons à une vitesse fulgurante. Libre ! Nous sommes libres. Ni reine, ni personne d'autre ne nous vaincra, plus jamais. Harold hurle de joie. Nous exécutons différentes acrobaties au-dessus des huttes puis plongeons vers le port. En jetant un œil à cette île nouvelle, je songe :

« Ça, c'est Berk. Il neige neuf mois par an et il grêle le reste du temps. La viande des moutons qui naissent ici est rude et sans saveur, les dragons qui y grandissent, bien plus encore. La seule bonne note, c'est les bêbêtes. Ailleurs, les dragons récoltent des flèches, des bolas, des haches et parfois même des pierres… Nous, on a des dragonniers. »

Fin


Voilàààà ! Ça me fait vraiment bizarre d'écrire le mot « fin »… J'ai l'impression d'oublier quelque chose… Enfin, bref. Merci à vous tous qui ne m'avez pas forcément mit de review mais qui m'avez suivi à chaque chapitre ! Merci à tous les followers et ceux qui ont mis mon histoire dans leur favoris.

A dans une autre aventure, dragonniers !