Helloooo à tous !

Je vous présente mon dernier-né Stucky, écrit pour le NaNoWriMo 2017. L'histoire est terminée et compte quinze chapitres que je publierai environ une fois par semaine. Elle est vaguement basée sur une fanvid que j'adore, qui s'appelle "Stucky/Evanstan : Animals (ABO Stalker)" que vous pourrez trouver en rajoutant ceci à la fin d'une page youtube : watch?v=54MVR7Rx7d8

Du coup, si vous la regardez, vous comprendrez l'avertissement suivant :

AVERTISSEMENT

Cette fic contient des éléments qui risquent d'agir comme des triggers si vous êtes sensible à ce genre de choses. Lisez la liste ci-dessous, et si ça vous paraît compromis,

NE.
LISEZ.
PAS.

Tags : Rupture, infidélité, dépression, harcèlement moral, stalking, événement traumatique, syndrome post-traumatique, pensées suicidaires, coercition (pas sexuelle), usage de drogue sur personne à son insu, narrateur pas fiable.
J'ai laissé les tags moins graves ou qui spoilent trop de côté.
La liste complète se trouve sur la version de cette histoire sur AO3.

En fait, quand j'ai écrit cette histoire, je pensais qu'elle serait si sombre que je ne la publierais que sur AO3... Mais malgré les horribles tags ci-dessus, c'est pas siii terrible que ça, au final, je crois ! Toujours est-il que si un des tags sur cette liste vous fait peur et que vous y êtes sensible, mieux vaut ne pas lire.

Le titre, "Animals", est tiré de la chanson éponyme de Maroon 5.
Les titres de chapitres sont basés sur les chansons qui m'ont inspirée au cours de l'écriture ou de la relecture ! Elles peuvent vous servir de bande-son si ça vous botte. ^^ Celle du premier chapitre est "Arriving Somewhere But Not Here" de l'album Deadwing de Porcupine Tree, qui a grandement contribué à l'ambiance de cette fic...

Le premier chapitre de cette histoire a été corrigé par Mégara, bêta extraordinaire, qui mérite qu'on se roule à ses pieds pour la vénérer !

Voilà. Si vous êtes toujours là, je vous souhaite une bonne lecture !


.oOo.

Chapitre 1 - Arriving Somewhere But Not Here

.

.

.

Lorsque Bucky pose le pied sur le tarmac de JFK, il inspire à pleins poumons. C'est l'odeur de New York. Bucky sait que c'est ridicule, que les villes n'ont pas d'odeur, mais il n'en démordra pas ; ça sent New York. Un parfum qu'il n'a pas respiré depuis trois mois. Dans le ciel, le soleil est tellement intimidé par son arrivée qu'il se cache derrière l'horizon, et les nuages rougissent comme des jeunes filles. Bucky inspire profondément, le nez en l'air, les yeux fermés. Ses bottes de cuir sont en symbiose avec le sol de béton. C'est un homme nouveau qui est de retour aux États-Unis, un homme transformé, tourné vers le futur, et même si l'odeur de New York n'est pas uniquement synonyme de bons souvenirs, Bucky ne compte pas se laisser abattre.

— Monsieur, avancez, s'il vous plaît, ne restez pas sur la piste.

Sa communion avec l'air et la terre prend fin de façon brutale, et Bucky ouvre les yeux. Un employé de l'aéroport vêtu d'une veste orange fluo lui adresse un regard désapprobateur et lui indique d'un geste du menton le bâtiment le plus proche, où ont déjà disparu les autres passagers.

Merde, pense Bucky, qui sent déjà la mauvaise humeur le gagner.

Ses bottines lui paraissent plus lourdes qu'il y a un instant, et les nuages roses ont déjà viré au gris. À pas vifs, il traverse la piste et entre dans le bâtiment, où il doit parcourir une infinité de couloirs avant de retomber sur ses voisins de vol, qui attendent leurs bagages à côté d'un tapis roulant, dans une pièce sombre et morne.

Sa valise met plus d'une demi-heure à arriver ; lorsqu'elle apparaît enfin, reconnaissable grâce au logo Stark Industries qui orne le devant, l'humeur de Bucky est encore descendue de quelques degrés, et il se demande si c'était vraiment une bonne idée de rentrer à New York. Trois mois, c'était peut-être trop peu. Tony aurait probablement accepté de rallonger son stage à Hong Kong s'il le lui avait demandé.

Non, se fustige Bucky intérieurement. Tu vas affronter New York, tout seul, comme un grand.

Personne ne l'attend à la sortie de l'aéroport, parce qu'il n'a dit à personne qu'il revenait. Ses amis sont extraordinaires, mais ils sont également tous très proches de Steve, et Bucky a préféré rester discret, le temps de se réhabituer à l'ambiance de la ville. Seul Tony est au courant, mais uniquement parce que c'est le patron de Bucky et qu'il savait pertinemment combien de temps durait son stage. Par ailleurs, c'est également lui qui lui a trouvé un nouvel appartement pendant qu'il était à Hong Kong.

Bucky sort son portable.

Mon avion a atterri. Rappelle-moi ma nouvelle adresse ?

Moins de trente secondes plus tard (Tony n'a décidément pas de vie sociale), son téléphone vibre.

Happy t'attend au niveau des taxis.

Bucky relève la tête brusquement. Lorsqu'il se dirige dehors, là où sont garés les taxis, une voiture de sport orange flamboyante attire tous les regards. Happy, l'homme à tout faire de Tony, est posté à côté, un bras sur le toit, occupé à jeter un regard menaçant à tous ceux qui s'approchent de trop près.

Bucky fulmine. Il voulait être discret, bon sang ! C'est certainement une façon mesquine pour Tony de se venger du fait que Bucky ait refusé d'utiliser son jet privé pour revenir. (D'ailleurs, rétrospectivement, il regrette de ne pas avoir accepté. Sa voisine de vol a passé tout le trajet endormie à baver sur son épaule.)

— M. Barnes, le salue Happy lorsqu'il s'approche.

— Bonsoir, Happy.

Sans attendre, il laisse sa valise à Happy et s'engouffre à l'avant. Une fois la valise en sécurité dans le (minuscule) coffre, Happy s'installe au volant.

— Je vous emmène à votre nouvel appartement tout de suite, ou vous préférez faire un détour avant ?

Bucky soupire. Il aurait préféré que Tony lui donne l'adresse directement. Un taxi aurait beaucoup moins attiré l'attention. Mais il ne veut pas se montrer malpoli envers Happy.

— Directement à l'appartement. Merci, Happy.

Après trois quarts d'heure de trajet poussif (non seulement à cause du trafic, mais aussi parce que Happy conduit une voiture de sport comme il conduirait un vieux tacot sur le point de tomber en panne, c'est-à-dire excessivement lentement), Bucky débarque sur le trottoir d'une rue de l'Upper East Side, et il regrette instantanément d'avoir confié à cet abruti de Tony Stark la tâche de lui trouver un nouvel appartement.

Furieux, il sort son téléphone portable pendant que Happy sort sa valise du coffre.

Je n'aurai jamais de quoi payer un loyer dans ce quartier ! Je t'avais demandé quelque chose dans le Queens ou un petit appartement du côté de Midtown !

Comme toujours, la réponse lui parvient comme une fusée.

Dommage pour toi, Barny Bucks. Vois ça comme la chance de commencer une nouvelle vie ! L'Upper East Side t'attend !

Bucky hausse un sourcil. Lui qui est né dans un petit quartier de Brooklyn, il se voit mal se mêler à la population favorisée qui marche d'un pas pressé sur les trottoirs propres et nets, sac Vuitton à la main et costume trois pièces Armani sur le dos.

Mais il lui a demandé de lui trouver quelque chose n'importe où sauf à Brooklyn, pour citer ses propres mots, et il ne peut s'en prendre qu'à lui-même.

Ça ne change rien au fait que je ne pourrai pas payer le loyer, répond Bucky.

Tu pourras, dit Tony, et ce pour deux excellentes raisons, mon petit robot : 1) tu bénéficies dès demain d'une augmentation de 15% sur ton salaire, parce que c'est moi ton chef et que c'est moi qui décide, et 2) ce n'est pas une location, j'ai acheté l'appartement à ton nom. De rien.

— QUOI ?! hurle Bucky au milieu de la rue. Putain !

Une dame qui promène son caniche, dont les poils bouffants au niveau des pattes et de la tête sont assortis à la coiffure de sa propriétaire (les deux sont ornés de petits rubans roses), le regarde d'un air absolument scandalisé. Bucky lui jette un regard sanglant avant de se tourner vers Happy.

— C'est quoi ce bordel ?! Il m'a acheté un appart ?!

— Je ne suis au courant de rien, dit Happy en haussant les épaules.

Bizarrement, Bucky n'a pas de mal à le croire. Tout est de la faute de Stark. Cet abruti.

Évidemment, il n'a pas d'autre choix que de monter ; il n'a nulle part où dormir cette nuit.

Excepté son ancien appart, lui murmure une petite voix dans son cerveau.

Hors de question, répond aussitôt sa raison.

L'appartement est à couper le souffle, comme Bucky s'y attendait. Une grande baie vitrée avec une vue sur les bâtiments de Manhattan et sur le Queens en face, une cuisine étincelante, un salon immense, avec un canapé en cuir crème et une télévision HD fixée au mur. Des tapis moelleux un peu partout, dans les tons crème et chocolat, des meubles assortis, des tableaux sur les murs (son estomac fait un bond, mais ouf, il n'y a que des artistes que Bucky ne connaît pas). La salle de bain est d'une blancheur absolue, avec une baignoire incrustée dans le sol au beau milieu de la pièce, assez grande pour tenir à quatre allongés dedans, une douche dans un coin, au cas où la baignoire ne serait pas suffisante, et deux vasques. Le sol et les plans de travail sont en marbre. Bucky est en pleine hallucination.

Les toilettes, évidemment, sont tout aussi ahurissantes ; surélevées sur trois marches, comme un véritable trône, avec des étagères creusées dans le mur de gauche, remplies de livres et de magazines, et une télé, rien que ça, sur le mur d'en face. Tony a l'air de penser que Bucky passera beaucoup de temps ici.

Il y a non pas une, non pas deux, mais trois chambres, dont l'une a toutefois été reconvertie en bureau. Dans les deux autres, des lits king size attendent, avec des draps propres et des oreillers moelleux.

Un peu partout dans l'appartement, Bucky trouve des objets dédiés à son usage personnel, un ordinateur portable posé sur le bureau, des vêtements dans les placards de la première chambre, des CD et des DVD à côté de la télé, et son cœur se serre. Il y a même son vieux fauteuil club en cuir marron craquelé. Ça veut dire que quelqu'un (probablement Tony, mais peut-être aussi Natasha ou Clint) est venu le prendre chez lui. Enfin. Chez Steve.

Il se demande comment Steve a réagi. S'il a protesté. S'il a pleuré. S'il a supplié qu'ils n'emportent rien. Ou s'il a donné le fauteuil de lui-même. Tout le reste de ses affaires, en tout cas, est toujours chez lui. Il faudrait qu'il les récupère, mais l'idée le fait frémir. Ça ne fait que trois mois – il n'est pas sûr d'avoir la force.

Pour se changer les idées, il prend son portable.

C'est Pepper qui a fait la déco, hein ? Dis-lui merci de ma part.

Tu restes, alors ? demande Tony.

Bucky soupire. Il avait prévu de refuser et de se chercher un autre appart, mais en voyant la façon dont il a été arrangé, il a changé d'avis. Ses amis ont fait ça parce qu'ils tiennent à lui, et il ne veut pas se montrer ingrat.

Je reste. Mais je te paierai quand même un loyer. N'essaie pas de me faire changer d'avis.

Et l'augmentation ?

Celle-là, je la prends.

Brave garçon.

Il pourra se trouver un ou une colocataire. Il pourra essayer de refaire sa vie à New York, sans Steve, cette fois.

Mais pour l'instant, il est absolument épuisé par le trajet et par le décalage horaire ; sans même tester l'énorme baignoire de la salle de bain, il rassemble toutes ses affaires dans la première chambre, celle au papier peint bleu, et il s'effondre tout habillé sur le lit. Avant même que sa tête ne touche l'oreiller, il s'est déjà endormi.

.oOo.

Quand Bucky se réveille, il est quatre heures du matin, et il ne comprend pas où il est. Pendant un instant, il a l'impression d'être dans sa chambre d'hôtel à Hong Kong, et il se lève pour se préparer pour son stage, mais en voyant la pièce, la mémoire lui revient.

Il est dans son nouvel appart. Il est revenu à New York. En cet instant même, il est probablement à moins de dix kilomètres de Steve.

L'idée lui contracte désagréablement l'estomac, et il s'efforce de l'évacuer dans la chasse d'eau de ses pensées. Steve n'a rien à faire dans sa tête. C'est bien pour ça que Bucky est parti à l'autre bout du monde : pour éviter de penser à lui. Tout bien considéré, ça n'a pas trop mal fonctionné : Hong Kong était tellement différente, tellement fascinante, que Bucky avait tous les jours quelque chose de nouveau à découvrir ; et le reste du temps, il était tellement occupé par son travail qu'il n'avait pas le loisir de penser à autre chose.

Mais New York possède une aura différente, une aura de familiarité, une odeur de souvenirs, et si Bucky pensait qu'il avait réussi à éradiquer Steve de son esprit, il se trompait.

Il soupire. Malgré l'heure, il a déjà eu son quota de sommeil (forcément, en tombant comme une masse à neuf heures du soir à peine) et il décide de prendre un bon bain pour se débarrasser de la crasse du voyage, puis il se dirige vers la cuisine pour se faire un café et commencer sa journée.

Je peux venir bosser aujourd'hui ?

Tony lui a donné la journée pour se remettre du décalage horaire, mais Bucky craint plus que tout de rester seul dans cet appart immense avec ses pensées pour seules compagnes. Il a besoin de distraction.

Pour une fois, Tony ne répond pas, et Bucky boit son café en regardant les lumières de la ville clignoter. Plus loin, au sud, se trouve l'appartement de Steve, et…

Non. Stop.

Il allume la télé. Tony l'a même abonné à Netflix, parfait. La saison 2 de Stranger Things vient de sortir.

À la fin du premier épisode, son portable vibre.

Je te manque tant que ça, Bucky boy ?

Bucky n'avouera jamais que la réponse est oui. Pendant trois mois, il s'est consacré à son travail uniquement, et n'a dialogué que de loin en loin avec ses amis.

Il sait qu'ils comprennent. Ce sont eux que Bucky est allé voir, complètement dévasté, quand il a trouvé Steve en train de le tromper, dans leur appart, leur putain de lit. Ce sont eux qui l'ont soutenu quand il a décrété qu'il avait besoin de partir, de changer d'air. Ce sont eux qui l'ont aidé à changer de numéro de téléphone quand Steve a passé la journée du lendemain et celle du surlendemain à essayer de le joindre. Ce sont eux qui lui ont tenu la main quand il a enfin répondu à un des appels de Steve (sur le portable de Natasha, cette fois) pour lui dire que c'était terminé entre eux et qu'il quittait l'appartement. Bucky n'a pas dit où il partait (seul Tony, qui lui a proposé le stage, était au courant), mais il sait que Natasha et Clint ne lui en tiendront pas rigueur, que Maria le soutiendra quoi qu'il arrive.

Malgré tout, ça fait trois mois qu'il ne leur a pas parlé, qu'il ne les a pas vus, et ses amis lui manquent. Même Tony et son insupportable caractère.

(Steve, surtout, Steve lui manque. Mais c'est une pensée qu'il s'interdit d'avoir, parce que Steve et lui ne sont plus ensemble, et qu'ils ne seront plus jamais ensemble. Avec le temps, Bucky apprendra probablement à le pardonner. Mais ça ne veut pas dire qu'il refera l'erreur de se mettre avec lui.)

Je veux juste mériter mon augmentation, répond-il à Tony.

Les bureaux sont ouverts. J'y suis déjà. Viens quand tu veux.

Au grand dam de Pepper, la femme de Tony, celui-ci passe la plus grande partie de son temps dans les bureaux de Stark Industries. Il y a toujours un nouveau projet à monter, une nouvelle machine à inventer. Pepper a l'air de supporter la situation sans trop de mal – Bucky se demande bien comment elle fait. D'un autre côté, elle a peut-être aussi besoin de passer du temps sans Tony, ce que Bucky n'a aucun mal à comprendre. Lui-même, il sature, après une journée entière de boulot.

L'avantage du nouvel appartement de Bucky, c'est qu'il est beaucoup plus proche de son travail. En trois arrêts de métro à peine, il y est déjà. New York a décidément toujours la même odeur. Il secoue la tête.

— Barnesy boy ! s'exclama Tony en le voyant entrer dans son bureau. Alors, ce décalage horaire ?

— Terrible, confirme Bucky. Tu as du travail pour moi ?

— Ooh oui, mon petit esclave personnel, sois sans crainte. J'ai de quoi remplir ta journée et les prochaines à venir.

— Merci, répond Bucky sans aucune ironie.

Tony a raison : il a de quoi faire. À commencer par un rapport de stage qui, il le sait pertinemment, sera complètement inutile, mais Tony tient à savoir ce qu'il a pu observer au cours de ses trois mois à Hong Kong. Puis il doit prendre connaissance de tous les plans que Tony a mis en chantier pendant son absence et se remettre au goût du jour. Heureusement qu'il a JARVIS, qui est bien plus efficace que Tony pour lui expliquer ce qu'il a raté.

C'est donc sans avoir le temps de penser à Steve un seul instant qu'il voit passer la journée, mais le contrecoup du décalage horaire commence à se faire sentir vers 17h, et il pique du nez dans ses papiers jusqu'à ce que Tony lui assène un coup de magazine roulé sur la tête.

— Rentre chez toi et va te coucher, Barnes. Et demain, viens à l'heure normale.

— C'est quoi, l'heure normale, pour toi ?

Lui et Tony ne suivent jamais le 9h-18h des travailleurs classiques. Ils peuvent se pointer au bureau à six heures du matin comme ils peuvent le quitter après minuit. Ça leur est déjà arrivé d'y passer la nuit.

— Pas avant au moins neuf heures. Tu m'as bien compris ?

— Ok, ok, soupire Bucky, vaincu.

Pour l'instant, il n'a qu'une envie : rentrer dans son nouvel appartement, s'effondrer sur son grand lit et dormir pendant une semaine.

Malheureusement, quelqu'un là-haut doit décider qu'il n'en est pas digne, car lorsqu'il arrive devant chez lui, Natasha attend dans le hall, les bras croisés, l'air menaçant. Bucky s'efforce de retenir une grimace.

— Hello, Nat, dit-il comme si de rien n'était. Quelle surprise.

Elle le fixe toujours, les sourcils froncés, et Bucky se dit que si elle ne parle pas, c'est qu'il est probablement foutu.

— Tu comptes me dire ce que tu fais là ? Comment tu as eu l'adresse ?

— Ce que je fais là ? dit-elle enfin, abandonnant son silence effrayant pour prendre un ton de voix encore plus terrifiant. Je devrais plutôt te demander ce que tu fais là ! Tu disparais pendant trois mois on ne sait où, d'accord. Tu ne donnes pas de nouvelles, d'accord. Mais tu pourrais au moins prévenir quand tu reviens, Barnes.

Ouh là. Si elle l'appelle Barnes, c'est qu'elle est encore plus en colère qu'il ne le croyait. Et Bucky n'a pas la force d'affronter une Natasha en colère avec le décalage horaire dans les pattes.

— Je suis rentré hier, Nat, dit-il d'une voix lasse. Hier soir, même. Laisse-moi le temps de me remettre.

Elle le fixe pendant cinq secondes, sans rien dire, les bras toujours croisés.

— Quoi ? finit par demander Bucky lorsque le silence s'éternise.

— J'attendais que tu te remettes. C'est bon, là ? Tu t'es remis ?

Bucky s'efforce de ne pas lever les yeux au ciel. Il adore ses amis, vraiment, mais parfois, ils sont un peu envahissants.

— Comment tu as su que j'étais rentré ?

— C'est Stark qui me l'a dit.

Le cœur de Bucky s'arrête. Merde, Tony. Incapable de garder un secret ! Il baisse les yeux et demande d'une voix hachée :

— Est-ce que… Est-ce qu'il l'a aussi dit à… Est-ce que vous l'avez dit à…

À cet instant seulement, le visage de Natasha s'adoucit, et toute sa colère semble fondre comme neige au soleil. Ses traits prennent une expression compatissante – le genre d'expression que Bucky hait du plus profond de son âme, et qui constitue une des raisons pour lesquelles il est parti du jour au lendemain à Hong Kong. Natasha semble s'en apercevoir, et elle s'efforce de l'effacer de son visage.

— Je ne lui ai rien dit, et je ne pense pas que Tony lui ait dit quoi que ce soit non plus. Mais il finira bien par l'apprendre, Bucky.

— Tant que je suis prêt à ce moment-là, dit il d'un ton fataliste. Je ne suis pas prêt, là.

En lui-même, il a l'impression qu'il ne risque pas d'être prêt avant un long moment. Trois mois à l'autre bout du monde n'ont pas encore suffi à le convaincre que Steve n'est pas l'amour de sa vie, comme il en est persuadé depuis des années ; dans la même ville, à quelques kilomètres de distance à peine, avec son souvenir ancré dans chaque rue, chaque bâtiment, ça risque de prendre un temps incommensurablement plus long.

— Ça te dit d'aller boire un verre ? demande Natasha. Est-ce que je peux dire à Clint et à Maria que tu es rentré ? Ça leur ferait plaisir de te revoir.

Bucky hausse les épaules. On dirait bien qu'il ne retrouvera pas son lit tout de suite.

— Ok. Mais n'en parle pas à Sam, ou il le dira à Steve.

— Il ne ferait jamais ça sans ton autorisation.

— Il est plus proche de Steve que de moi.

— Peut-être, mais ça ne change rien. Il ne dira rien si tu lui demandes de tenir sa langue.

Sam est un type adorable, et Bucky l'apprécie beaucoup, mais c'est le meilleur ami de Steve, pas le sien. En cas de différend, c'est son devoir de se ranger du côté de Steve, et Bucky comprend tout à fait, mais il ne peut pas se permettre de laisser à Steve la possibilité d'apprendre son retour. Pas tout de suite.

— Ne le dis pas à Sam, répète-t-il simplement.

Natasha lève les yeux au ciel.

— C'est toi le patron, patron.

Une heure plus tard (Natasha a tout de même accepté de le laisser remonter chez lui pour qu'il prenne une douche), ils sont assis dans un bar. Maria et Clint les ont rejoints, et malgré la fatigue extrême que ressent Bucky et la migraine terrible qui enflamme son cerveau, il est tout de même heureux de les revoir. Maria travaille avec lui dans l'entreprise de Stark, mais dans un tout autre service (vente et communications), ce qui fait qu'il ne l'a pas vue de la journée. Quant à Clint, il est flic, tout comme Natasha, ce qui ne se voit pas du tout dans le bas de jogging troué et la veste en jersey qu'il porte.

— Merde, vieux, t'es revenu ! s'exclame-t-il en le serrant dans ses bras dès qu'il passe la porte du bar. Je croyais qu'on ne te reverrait plus jamais. T'étais passé où ?

— Hong Kong, dit Bucky d'un ton hésitant.

— Hong Kong ? s'exclament ses amis. Mais qu'est-ce que t'es allé faire là-bas ?

— C'est Tony qui m'a trouvé un stage.

— Alors il le savait, le salaud, grogne Natasha. Je l'ai harcelé pendant trois mois pour savoir où tu étais, et il a dit qu'il n'en avait pas la moindre idée.

— Je suis surpris qu'il ait réussi à garder le secret, dit Maria.

— Je lui ai dit que je démissionnais s'il le disait à qui que ce soit. Apparemment, il avait envie de me garder.

— Et c'était comment, Hong Kong ?

Bucky leur raconte. Il a beaucoup de choses à dire, et il en parle avec enthousiasme, mais au fond de lui-même, il n'arrive pas à oublier que la dernière fois qu'il a vu ses amis, c'était parce qu'il venait de rompre avec Steve.

Steve, Steve, Steve. Le mot tourne en boucle dans ses pensées. Parfois, il aimerait que Stark invente une paire de ciseaux à couper les sentiments. Le cordon d'amour qui le relie à Steve depuis des années, et qui n'arrive pas à disparaître en dépit de tout ce qu'il y a eu entre eux, il aimerait pouvoir le couper à la racine et en être débarrassé une fois pour toutes.

De temps en temps, il aimerait qu'on supprime tous ses souvenirs, comme dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Oublier Steve, leur histoire commune, les disputes, l'infidélité. Oublier la douleur. Mais il connaît Steve depuis qu'il a huit ans ; toute leur relation a contribué au développement de sa personnalité. Oublier ça, ce serait comme s'il s'oubliait lui-même. Finalement, ce n'est pas plus mal que ce soit impossible.

Il réalise qu'il n'est plus en train de raconter son aventure à Hong Kong lorsqu'il voit les regards inquiets que lui jettent ses amis. Sans s'en rendre compte, il s'est abîmé dans le silence, en faisant doucement tourner sa bière dans son verre.

Il se racle la gorge.

— Désolé, marmonne-t-il. Je pensais à… à autre chose.

Maria baisse les yeux vers ses genoux, Clint fait une grimace désolée, et Natasha secoue la tête. Il sait qu'ils savent parfaitement à quoi il était en train de penser, et c'est ce qui le pousse à poser sa question quand même.

— Est-ce que… Est-ce que Steve…

Dieu, que le mot a du mal à sortir de sa bouche, ces derniers temps.

— Est-ce que Steve va bien ?

De toute façon, Bucky ne pourra pas toujours éviter le sujet de son ex-meilleur ami, devenu ex-petit ami, devenu coup de poignard dans le cœur à chaque fois qu'il apparaît dans ses pensées. Un jour, il parviendra à penser à Steve sans avoir mal, il arrivera même à lui parler sans avoir envie de hurler, il arrivera à lui pardonner son erreur (car Bucky sait que c'était une erreur, ce qui ne rend en rien la chose plus supportable), un jour, même, ils pourront être amis de nouveau, peut-être.

Mais pas aujourd'hui.

Ses amis ne répondent pas tout de suite, remarque-t-il. Ils s'échangent des regards. Finalement, Clint hausse une épaule.

— On ne peut pas dire qu'il va bien, dit-il. Il va.

Il a assez mal vécu ton départ, ajoute Maria. Il n'a pas arrêté de nous harceler pour savoir où tu étais. C'est pour ça que tu as préféré ne rien nous dire, pas vrai ? Pour qu'on ne puisse pas lui répéter.

— On ne lui aurait pas répété, proteste Natasha. On aurait gardé le secret.

— Je crois que je lui aurais dit juste pour qu'il me foute la paix, avoue Clint. Il était vraiment lourd. Mais ça va mieux, ces dernières semaines, je crois. Il me semble qu'il s'est remis à manger normalement.

Bucky le fixe. Son cœur s'arrête.

— Qu'il s'est quoi ? Il ne mangeait plus ?

— Il oubliait, dit Maria. Il sautait des repas, il n'avait pas d'appétit. Comme je te disais, il a mal vécu ton départ.

Le problème de cette histoire, c'est que Bucky a quitté Steve parce qu'il lui en voulait. Mais pas parce qu'il a cessé de l'aimer. Et quand il imagine Steve en train de s'affamer, tout seul dans leur... dans son appartement, c'est comme si des dagues de glace lui transperçaient l'estomac.

Et quelque part, dans un autre coin de son esprit, une voix rugit : bien fait ! Bien fait pour lui ! Ça lui apprendra. Il n'avait qu'à ne pas nous tromper !

Mais même la rancœur virulente ne parvient pas à effacer entièrement des années et des années d'amour et d'amitié.

Du moins, c'est ce qu'il se dit jusqu'à ce qu'il entende un cri, plus loin dans le bar.

— Bucky !

En entendant cette voix, une nouvelle fois, le cœur de Bucky s'arrête, et son sang se fige dans ses veines. Le réflexe de Pavlov reste de se tourner vers Steve et de se jeter dans ses bras ; mais lorsqu'il lève la tête vers lui et qu'il voit son visage, il se rappelle de ce moment où il est rentré du travail, même pas plus tôt que d'habitude, comme c'est souvent le cas dans les histoires d'infidélité, et qu'en ouvrant la porte de la chambre, il a découvert ce même visage aux portes de l'orgasme avec quelqu'un d'autre que lui. L'expression a hanté ses cauchemars.

Et à présent, quand il regarde Steve, il a l'estomac qui se tort. Il a la nausée.

— Bucky ! répète Steve en se rapprochant de lui.

Derrière lui, il y a Sam Wilson, qui a l'air tendu. Il n'est pas le seul ; les amis de Bucky n'en mènent pas large non plus.

Il se lève. Qui a vendu la mèche ? Il a confiance en Maria, Clint et Natasha, et Sam n'était pas au courant. Il ne reste donc que Stark, comme d'habitude, qui a probablement lâché le nom du bar aussi, et Bucky, pendant un instant, a envie de l'étrangler. Une fureur aveuglante parcourt son épiderme, ses terminaisons nerveuses. Il baisse les yeux vers le parquet du bar, parce que sinon, il va reporter cette colère sur Steve, et ça risque de mal se terminer. Évidemment, Steve sait se défendre, surtout avec un tel gabarit, mais Bucky est très en colère.

— Bon dieu, Bucky, je suis tellement content de te revoir, soupire Steve.

Il tend la main, comme s'il voulait prendre celle de Bucky, et Bucky se recule si vivement qu'il percute la table basse autour de laquelle lui et ses amis étaient installés et qu'il renverse le fond de son verre de bière. Il s'en fiche complètement.

— Ne me touche pas, dit-il à voix basse.

Il avait ses mains sur les fesses d'une fille. Rien que l'idée qu'il puisse le toucher avec ces mains-là lui donne des frissons.

Steve s'immobilise aussitôt.

Le silence qui s'installe est loin, très loin d'être agréable.

— Bucky, reprend Steve au bout d'un long moment, je veux… Je voulais te… présenter mes excuses…

Il a changé, Steve. Ses cheveux ont poussé, ainsi que sa barbe. Il a l'air négligé. Amaigri. Même sa voix a changé : elle est faible, éteinte. Tout au fond de lui, le cœur de Bucky saigne, mais ce n'est pas suffisant pour le pardonner.

— On va vous laisser, dit Natasha en se levant.

Les autres l'imitent aussitôt, mais Bucky tend la main.

— Non, restez, dit-il froidement. On n'a rien à se dire, Steve et moi.

Il ne se sent que légèrement coupable lorsque le visage de Steve prend une expression bouleversée.

— Bucky…

— La ferme, Steve, rétorque-t-il avec une voix acide qu'il ne se connaissait pas.

Sa migraine ne fait qu'empirer. Il a l'impression que les veines qui pulsent sous ses tempes vont exploser. Que toute la pièce est enveloppée d'un brouillard épais. Il a juste envie de dormir.

— Pas besoin de te fatiguer, continue-t-il sur le même ton tranchant. Je sais déjà ce que tu vas dire. Que c'était une erreur, qu'il faut que je te pardonne, que tu m'aimes, bla, bla, bla. J'ai raison, pas vrai ?

Sans qu'il ne s'en rende compte, les autres sont quand même partis. Même Sam. Il ne reste plus que lui et Steve, et tout le poids de leur passé qui pèse au-dessus d'eux comme une chape de plomb suspendue dans le ciel.

Steve lui adresse un regard désolé.

— Bucky…

— Tu vois ? J'ai raison. Alors autant que je te donne ma réponse tout de suite : non, Steve. Je me fiche que ça ait été une erreur. Je n'ai aucune envie de te pardonner. Je ne te crois plus quand tu me dis que tu m'aimes. Je vais te redire ce que je t'ai dit il y a trois mois : je ne veux plus te voir, je ne veux plus que tu m'appelles, je ne veux plus que tu m'adresses encore la parole. C'est fini entre nous.

— On ne peut pas se séparer comme ça ! s'exclame Steve. On est ensemble depuis six ans !

— Fallait y penser avant de foutre ta bite dans un autre trou. Tu savais que je n'étais pas partageur.

— C'était une erreur ! s'exclame Steve, désespéré. J'étais complètement bourré, je venais de me faire virer ! Bucky, c'est juste une horrible erreur que j'ai regrettée immédiatement. Il faut qu'on en parle, qu'on en discute ensemble. Tu ne peux pas me quitter comme ça.

— Ah oui ? C'est drôle, parce que c'est ce que je suis en train de faire, rétorque Bucky d'un ton mauvais.

— Mais…

— Arrête, coupe Bucky froidement. Arrête de parler. Arrête d'essayer de me voir. Arrête de demander à mes amis où je me trouve. Sinon, je vais voir la police et je porte plainte. Tu comprends ?

Le mot "police" semble à peine calmer Steve. Il a le regard sauvage et les joues rouges, et avec son air débraillé en plus, il ressemble à un clochard alcoolique. (Un beau clochard alcoolique, malheureusement.)

— Tu ne peux pas me quitter, répète-t-il tout bas, d'une voix que Bucky sent au bord des larmes.

Pendant un instant, il a envie de céder, de dire d'accord, on oublie ce qui s'est passé, on reprend de zéro, ok. Puis il se souvient de la culotte de satin rouge sur la moquette de leur chambre, du gémissement d'extase de Steve, et il serre les dents.

— Au revoir, Steve, dit-il fermement.

Il ramasse ses affaires sur la chaise et s'éloigne sans attendre. Steve ne proteste pas.

Bucky rentre chez lui et s'effondre sur son lit comme il en a rêvé toute la journée.

Mais le sommeil ne vient pas.