Chapitre 1 : Rêves

Période couverte par le chapitre : vendredi 29 et samedi 30 octobre 1976 ; vendredi 12 juillet 1996.

C'était un froide soirée d'automne, les feuilles mortes se balançaient au gré du vent pour s'arracher des arbres dénudés et former une chaude couverture à leurs racines. Le vent soufflait avec rage et le saule cogneur faisait cliqueter ses longues branches effrayante.

Lily Evans, préfète de Gryffondor, observait cette valse par les fenêtres de son dortoir vide à cette heure-là. Elle ramena ses pieds glacés sous elle et posa son devoir de métamorphose sur les Métamorphomage sur sa table de chevet. La jeune lionne s'allongea sur son lit à baldaquin pourpre et laissa vagabonder ses pensées. Un pli soucieux lui barrait le front alors qu'elle se posait une question. Qui était cet homme qui hantait ses rêves depuis un mois et vingt-neuf jours ?

Devant ses yeux clos défilaient les images, les scènes d'une vie. Était-ce la sienne ? Était-ce celles d'une autre ? Était-ce dû à son imagination ? Elle ne le savait pas et s'il y a une chose que Lily Evans ne supportait pas, c'était bien l'ignorance.

Une jolie petite et coquette maison se dessinait derrière un jeune homme, grand au traits flous, qui tenaient dans ses bras musclés deux valises une grosse verte et une plus petite en cuir brun. Cet homme déposa les bagages sur le perron et sortit de sa poche un trousseau de clé et ouvrit la porte.

- Bienvenue dans votre humble demeure le temps de deux semaines Miss Evans, souffla-t-il en déposant un rapide baiser sur son front.

- C'est extraordinaire ! s'émerveilla la jeune femme en découvrant le paysage qui s'étendait sous ses yeux par les grandes baies vitrées du petit salon.

- Je venais ici avec mes grands-parents au printemps, expliqua l'homme. C'est étrange de remettre les pieds dans cette maison je ne suis plus venu depuis la mort de ma grand-mère il y a des années.

- Et ça ne t'émeut pas les falaises abruptes ? Les vols des oiseaux ? La danse des fleurs ?

- Bah j'en avait un peu marre à la fin de voir toujours les mêmes panoramas mais si tu l'aimes tant, on pourra revenir dès que nous serons en congé et même... fonder une famille ?

- On a encore le temps, rit-elle en se blottissant dans ses bras, on a toute la vie devant nous !

- La vie est éphémère, c'est un cadeau empoisonné, répondit-il. Personne ne sait quand elle s'arrêtera, personne ne peut le savoir. Je rêve d'une famille Lily-Jolie, de deux, trois enfants, de petits-enfants qui courent partout en hurlant.

- Tu es un peu jeune pour songer déjà aux petits-enfants papy ! taquina Lily.

- On est jamais trop jeune Lily-Jolie ! contredit l'homme en déposant un baiser sur son front dégagé.

Harry Potter, le Survivant, l'Elu comme disait la Gazette, dormait très mal et ne cessait de s'agiter dans sa chambre dans la quatrième maison de Privet Drive. Il était comme cela depuis la mort de son parrain, il y a deux semaines.

Dumbledore avait insisté pour qu'il aille deux semaines chez les Dursley, lui rappelant sa protection par le sang de Lily Potter née Evans. Harry n'en revenait pas qu'il devait sa vie presque à Pétunia, sa tante honnie qui haïssait au plus haut point tout ce qui ressemblait de près ou de loin à un sorcier.

Il avait toujours les mêmes images en tête, Sirius, puis Cédric, puis encore Sirius suivi de très près par le souvenir du gentil et aimable Diggory. Ils revenaient lui dire que tout était de sa faute, qu'il les avait conduit vers la mort.

Horrible sentiment qu'est la culpabilité ! Selon les psychomages, il n'y a rien de pire que cette dernière.

Harry Potter replongea dans une vision atroce qui le laissa ressasser d'horribles moments.

Un fier manoir se dressait sur un éperon rocheux très escarpé et inaccessible par les voies moldues. Les habitants du village le plus proche l'appelaient le manoir maudit car les cris des vautours résonnent la nuit dit-on. On raconte aussi que les jours de pluies, des oiseaux invisibles et inconnus lancent des hurlements déchirants le calme relatif du domaine inhabité depuis de nombreuses générations. Les actuels propriétaires étaient les Yaxley mais ils n'étaient plus retournés sur la terre de leurs ancêtres depuis fort longtemps. Les femmes du village aimaient raconter que le châtelain devait sûrement être très étrange et mystérieux pour ne pas vouloir vivre dans l'antique bâtisse.

Jane Austin, Moldue fraichement débarquée de la grande ville faisait sa popote du soir quand son regard fut attiré vers un éclat blanc et lumineux sur le domaine du Manoir. Ses nouvelles voisines lui avaient immédiatement parlé du propriétaire fantôme et de l'abandon déplorable du Manoir, ce à quoi Jane n'avait guère prêté attention. Elles lui avaient aussi raconté certains évènements bizarres et surnaturels racontés au coin du feu de bouche en bouche, de génération en génération.

Elle avait toujours été une femme raisonnable et les deux pieds sur la terre ferme ainsi que son époux et ses trois enfants. Mais cette fois, sa curiosité fut mise à rude épreuve et elle prit son châle pour sortir.

- Ma chérie, héla son mari depuis la salle à manger, où vas-tu ?

- Prendre un peu l'air, mentit effrontément Jane.

- Rentre vite ma puce, il est déjà 22h25 et la popote est sur le feu, grogna-t-il.

- Tu n'auras qu'à mélanger les pâtes dans cinq minutes et je reviens juste après, rit-elle en embrassant son chéri.

La soirée était tiède et fraîche en ce 12 juillet 1996. Jane inspira une grande bouffée d'air et partit vers le Manoir en faisant un détour par l'abri de jardin pour y chercher une lampe torche afin d'éclairer les sentiers couverts de ronces et de nids-de-poule.

- Macnair ! Lestrange ! Petitgrow ! Rogue ! Nott ! Et toi Bella ! Venez vers moi, susurra-t-il d'une voix glaciale, venez...

Les Mangemorts se dirigèrent vers leur maître et se mirent à genoux, la tête basse, devant Lui.

- Lève-toi Bella et Rogue aussi, ordonna l'homme. Petitgrow, misérable, un Mangemort n'a pas peur ! Un Mangemort est fier de servir le plus grand mage noir de tous les temps, moi !

- Maître, commença méchamment Bellatrix, il ne comprend sûrement pas l'honneur de vous servir.

- Sûrement Bella, répondit-il distraitement. Je vous ai fait avancer car vous allez faire partie d'une mission très importante dont l'enjeu est notre victoire.

A ces mots, les sbires en retrait se redressèrent et furent très déçus de ne pas être dans les bonnes grâces du maîtres. Beaucoup d'hommes se dirent avec des regrets que si leur femme était une catin comme la Lestrange, ils auraient pu faire partie du cercle proche du Seigneur. Il était vrai que Rodolphus Lestrange n'était pas un sbire d'exception, ni Petitgrow mais, lui, il avait donné sa chair pour maison maître et il y un an de cela.

Harry entendait des murmures, des bouts de conversation sans queue ni tête. Les mots se mélangeaient dans sa tête mais un retint son attention ; Horcruxe.

Horcruxe tout simplement.

Qu'était-ce ? Harry n'en avait pas la moindre idée mais se doutait que ça ne devait pas être blanc comme neige pour être sorti des lèvres inexistantes de Voldemort.
Il chassa la question de son cerveau et tenta de se rendormir, il était cinq heure du matin.

James Potter s'étira après une bonne nuit de sommeil comme un chat dans un flaque de soleil. Il tâtonna dans le dortoir sombre dont les épaisses tentures rouges étaient obstinément closes pour mettre enfin ses fines lunettes sur son nez. A l'aide d'un discret sort de lévitation, il lança son oreiller sur Sirius qui bondit comme un diable hors de sa boîte en réveillant tout le dortoir.

- Putain Potter, gémit Londubat en se recouchant, on est samedi à 8h30.

- Où est le Potter qui se lève à pas d'heure ? grogna Beaumaucoeur en imitant Londubat.

- James a raison de se lever tôt ! s'exclama Sirius en enfilant un T-shirt qui traînait dans sa malle désordonnée. Plus vite on sera prêt, plus vite on ira jouer au Quidditch !

- S'entraîner tu veux dire, corrigea machinalement ce dernier.

- Non non Jimmy ! Jouer avant de s'entraîner ! L'entraînement n'est qu'à 10h30 avec le reste de l'équipe ! Donc Londubat tu bouges ton cul sinon je raconte à Fortescue que tu flirte avec Finley ! déclara Sirius impérieusement.

Londubat grogna et ronchonna mais finit par se traîner dans la salle de bain attenante au dortoir.

Baumaucoeur nullement concerné referma ses rideaux et repartit au pays du sommeil. Remus et Peter, par compassion, se levèrent à leur tour et s'habillèrent dans un calme religieux.

Lily Evans à moitié endormie se dirigea d'un pas lourd vers la bibliothèque presque déserte en cette heure matinale. Elle avait très mal dormi cette nuit-là.

Lily Evans était dans sa chambre avec ses meilleures amies Mary McDonald et Alice Fortescue-Londubat. Assise en peignoir devant sa coiffeuse, Mary tressait adroitement ses cheveux et les relevait en un somptueux chignon bas. Pendant qu'elle mettait une dernière touche à sa coiffure, Alice la maquillait sobrement dans les tons pastels de circonstance.

Son regard émeraude s'attarda sur sa robe blanche. Elle était d'une coupe simple et champêtre. Des petites fleurs vertes garnissait le décolleté et une traîne vert pastel terminait le tout.

En toute logique, cette scène était la préparation de son mariage mais elle n'était pas mariée et encore moins en couple avec quelqu'un.

Elle arriva dans son sanctuaire et havre de paix sur le coup de dix heures et avisa Mrs Pince assise devant un énorme livre poussiéreux.

- Mrs Pince, demanda-t-elle, où pourrais-je consulter les livres sur la divination par les rêves ?

- Septième section, allée 71, première colonne, planches 6 à 8, répondit-elle sans même lever les yeux vers son interlocutrice.

- Merci madame, passez une bonne journée !

- Vous aussi miss Evans, répondit la bibliothécaire.

Elle prit quelques livres qui lui semblaient intéressants et marcha jusqu'à sa table de le habituelle. Une Serpentarde y était déjà installée et lisait un volumineux livré en même temps qu'elle prenait des notes à côté d'elle. La lionne observa quelques instants son homologue chez les vert et argent avant que cette dernière ne remarque une présence.

- Qu'est-ce que tu me veux ? Tu vas encore me lancer un de mes. livres ? Les abîmer ? Renverser mes affaires ? demanda Eleanor Well avant de relever la tête. Oh désolé Lily, je pensais que c'était des autres qui venaient encore m'ennuyer.

- Ce n'est rien Eleanor, répondit Lily. Mais dis-moi, qui vient t'ennuyer ?

- Ça n'a pas d'importance, murmura l'autre préfète.

- Si c'est important ! trancha Lily en claquant ses bouquins sur la table.

Elle tira avec force une chaise et se laissa tomber dessus avant de soupirer :

- Tu ne veux vraiment pas me le dire hein ?

- Pas envie, répliqua Eleanor.

- En tant que préfète de l'école, je dois m'assurer que tous les élèves se portent bien et n'aient pas de soucis mais il se trouve que tu vas mal et que mon rôle ne se limite pas à ma maison, déclara Lily en la regardant droit sans les yeux.

- Mais par le plus grand des hasards, rétorqua-t-elle en soutenant le regard, il se trouve que je suis aussi préfète et que je sais parfaitement me gérer.

- Mais bien sûr ! fit-elle ironique. S'il te plait Lea, dis-le moi ! Sinon je serai obligée par mes devoirs envers Poudlard de le signaler à Slughorn.

- Sans façon, commenta la Serpentarde. Je suppose que tu connais les pro "anti-mangemorts" ?

- Euh... oui, dit Lily un peu déboussolée par la question.

- Et bien ce sont eux, excepté Potter et Cie qui ne font que de très mauvaises blagues.

- Il faut le dire à un prof !

- Non merci Lily, répondit calmement Eleanor.

- Mais enfin c'est insensé Eleanor.

- Non, que du contraire, ça m'évite des ennuis supplémentaires. Si tu as lu la gazette cet été, tu as peut-être vu que ma très chère et aimée famille à fait un premier pas dans le reniement.

- C'est à dire ?

- C'est à dire que je continue à porter mon nom de famille mais que je n'ai plus de droit sur l'héritage, que je n'entre plus en compte dans la ligne de succession et que je suis à peine plus qu'un botruc, déclare-t-elle d'un ton dégagé qui glaça le sang de Lily.

- Ils t'ont déshéritée, un peu comme Black si j'en crois les rumeurs ?

- Si tu veux mais c'est légèrement différent.

- Ah bon ? s'étonna Lily.

- Bah si Black est le dernier membre masculin de sa famille, il touchera quand même son héritage, même s'il n'est plus sur son arbre généalogique. Moi, ils ont fait le nécessaire pour que ça n'arrive jamais et que je ne puisse jamais leur coller un procès sur le dos si l'envie me prenait.

- Donc c'est qui maintenant...

- L'héritier ?

Elle hocha la tête.

- Je suis fille unique donc c'est mon petit cousin Grégory de 5 ans.

- Il est jeune, constata la Lionne.

- Il a une soeur de 10 ans mais elle ne peut pas prétendre à l'héritage car elle est Cracmolle. Mon oncle ne l'a pas reniée uniquement pour conserver les apparences qui leur sont si chères, dit-elle avec un petit rictus méprisant.

- Si ce n'est pas trop indiscret, hésita la lionne, je pourrais savoir en quel "honneur" tu as eu droit à ce traitement ?

- Refus de mariage. Tu sais Lily, les Moldus ont beaucoup plus de libertés matrimoniales que les Sang-purs et que certains Sang-mêlé. Toi par exemple, tu pourras te marier avec qui tu veux quand tu veux mais dans la haute société sorcière britannique, une famille est très mal vue si une des femmes n'est pas mariée ou fiancée avant son dix-huitième anniversaire.

- C'est affreux ! s'offusqua la née-Moldue en apprenant les us et coutumes des hautes sphères de la société.

- C'est ce qui m'a poussé à refuser purement et simplement. Maintenant, ma mère me regarde de haut dès qu'elle m'aperçoit et ne peut pas s'empêcher de me rabaisser.

- Et pourquoi tu ne pars pas de chez toi ? Tu as eu ta majorité il y a six jours !

Eleanor la regarda tristement.

- Je ne peux pas. Si je pars je suis tout simplement à la rue. Je n'ai rien et il est hors de question que je m'impose chez quelqu'un ou que je demande un prêt.

- Passe au moins les vacances chez moi !

- Je ne veux pas m'imposer, répéta si fermement Eleanor que Lily abandonna et se mit à travailler.

- Tu lis quoi ? questionna la Serpentarde après cinq minutes de silence.

- Des livres sur la divination par les rêves, répondit Lily, et toi ?

- Un ouvrage très intéressant, La métamorphose métamorphosée à travers les âges de Arcturus Hugson, un livre génial si tu veux mon avis. La divination, vraiment ? Ton troisième il s'est ouvert ? demanda-t-elle avec une voix éthérée.

- Pas le moins du monde je pense, rit Lily. Enfin, je ne sais pas mais comment fais-tu pour imiter le prof de divination alors que tu ne fais pas le cours ?

- Je pourrais te retourner la question ! Noémie Brouck m'a raconté le caractère extravagant de Têtenjoy.

- Je l'ai su par le biais de Dorcas Meadowes.

Elles se remirent à leurs ouvrages, commentant de temps à autre un passage qui leur semblait soit absurde, soit horriblement compliqué.

- Hey salut Lily et la Mangemorte !

- Je ne vois pas de qui tu parles, répondit calmement et posément Well.

- De toi sale Serpentarde ! renifla avec dégoût Sirius.

- J'ai pris une douche ce matin, déclara-t-elle pince-sans-rire. Si je regarde bien ta tenue, c'est moi ici qui ait le droit de te qualifier de "sale".

- Dégage Potter, s'énerva Lily. Va jouer à la baballe et crâne sur ton balais hors de prix comme tu le fais si bien !

- Tu me vexes Lilou ! Je ne suis pas bien sur un balais, je suis un dieu ! se vanta James en bombant le torse.

- Evidemment, rétorqua la préfète des Gryffondors alors qu'il bombait le torse de plus en plus satisfait, moi je suis la reine de France ! Va voir ailleurs si je n'y suis pas !

- Façon un peu plus polie que "Dégagez de là, vous faites chier tout le monde avec vos blagues à deux noises", commenta Eleanor retournée à ses notes.

- Calme-toi le serpent, siffla Petitgrow.

-Et toi ferme ta grande face, je ne suis pas à tes ordres !

- C'est vrai que tu n'obéis qu'à Tu-Sais-Qui, persifla méchamment Black.

- Non vraiment, je ne vois pas qui.

- Ton maître ! cracha avec haine Potter.

- Je n'ai pas de maître, répondit avec une voix dure Eleanor. Alors si vous ne voulez pas être collés toute l'année pour "accusation sans preuves" et "incivilités envers les autres quels qu'ils soient" vous ferez mieux de ne pas ramener votre fraise et Lupin et McGonagall seront avertit de votre comportement irrespectueux.

- Pourquoi Remus ?

- Parce qu'il est le préfet de votre année et que Lily est déjà au courant puisqu'ayant assisté à toute la scène, ça vous va comme justification, sourit hypocritement la Serpentarde.

Les trois Maraudeurs déglutissèrent difficilement et partirent sans demander leur reste.

- Tu es sacrément effrayante quand tu te mets en colère.

- Ils l'avaient cherché et avaient poussé le bouchon bien trop loin ! trancha la demoiselle à la chevelure brune et aux yeux bleu-gris posés délicatement sur son teint de porcelaine.