Chapitre 6

Alors, faut pas s'étonner si c'est bizarre, gnangna, vanille ou tout autre qualificatif qui viendrait à l'esprit en lisant ce chapitre FINAL! Purée cela fait deux ans que ce texte dort dans ma clef fourre-tout et dans ma tête. Je sais qu'il me fallait la poster enfin mais la procrastination me l'a fait oublier. La vie aussi et le manque de temps. Mais une promesse est une promesse, et je voulais terminer cette fic que j'ai adoré écrire et que j'ai laissé me torturer si longtemps.

Alors que cela plaise ou non, moi elle me plait cette fin…. et puis vous savez, elle devait être beaucoup plus courte… je vous retrouve en bas pour vous raconter cela. J'espère que cela vous plaira (fiqueuse tremblante qui attend un retour positif... pfff)

Enjoy !

Lecter pénétra dans la pièce où le couvert était disposé pour trois personnes. Toute l'attention de la femme assise sur une chaise se porta sur lui. Il portait les cheveux plus longs que dans son souvenir, d'une manière où le gris et le blond se mêlaient intimement. Il s'avança vers la desserte près des rideaux protégeant la fenêtre des regards indiscrets et prit la bouteille de vin qui y été posé. Un grand cru argentin dont le nom le fit sourire, fut versé dans une carafe de cristal ancienne. La couleur de l'alcool apparaissait sombre comme le sang dans la lumière diaprée des bougies.

Bedelia attendait patiemment raide sur son siège. Elle frémissait de froid et de terreur mélangée. De dégoût également. De choc. De lentes constatations de son actuelle situation. Elle réprima un tremblement et se força à afficher une attitude détachée, dans ce tour de force impressionnant de rester digne auprès de sa propre jambe braisée aux feuilles de bananiers.

Elle étira ses lèvres en un mince sourire sans joie lorsqu'il lui versa un peu de vin d'un geste gracieux. Il servit les deux autres verres avant d'en porter un à son nez. Il huma le parfum qui s'en échappait subtilement. Il fit jouer le liquide rubis sur les parois de cristal avant d'en prendre une gorgée pour en goûter la douceur boisée. Avec des notes de réglisse, chocolat et fruits rouges, ce vin distillait une vitalité qu'il trouva tout à fait réjouissante. Il se pencha près de son oreille, respirant son parfum coûteux cachant des âpres notes de terreur, de douleur également éloignées par la toute puissante morphine. Un sourire carnassier apparut sur ses lèvres fines.

- Chère Bédélia, nous tenons toujours nos promesses. La viande est bel et bien de retour au menu.

- comment as-tu survécu ? La police a déduit que Graham et toi vous êtes battus jusqu'au bord de la falaise. Vous êtes tombés pour disparaître dans les flots.

- Personne n'a retrouvé nos corps, et cela a arrangé tout le monde.

- La mort de Will a bouleversé ses amis et ses collègues du FBI. La vôtre en revanche ... fut un délice, l'affronta-t-elle avec une grimace amère.

- Délice que nous allons partager.

- Qui est ton hôte ? Ce cher Will ? A-t-il enfin réussi à avoir la place qu'il recherchait ? Celle qu'il m'a volé ?

- Will ne t'a rien volé, car tu ne possédais rien, rien de plus qu'une infime place dans la chaîne alimentaire. A part égale avec le bœuf ou l'anguille dont tu partages l'art de l'esquive.

- Je m'estime plus savoureuse, minauda-t-elle, Et où se trouve cet homme ? Je ne le vois pas. L'aurais-tu déjà dévoré ?

Hannibal montra quelques signes d'agacement face à l'impertinence de cette femme. Il avait tout préparé en vue de sa capture dans cette petite île des Bahamas où Bédélia passait ses vacances, ses dernières vacances. Elle les avait cru morts, cela n'en avait que faciliter les choses.

Après le retour des derniers souvenirs manquants du profiler, ils avaient quitté le confortable chalet de leurs convalescence morale et physique. Will avait souhaité ne plus prendre de risque et compromettre sa guérison en le faisant voyager, même en première classe. Ensemble, ils avaient traversé la frontière américano-canadienne aussi facilement que prévu et pris l'avion pour l'Europe.

A peine arrivés à Paris, Hannibal avait repris contact avec certains individus qui lui avaient appris où se trouvait Bedelia, les Bahamas, une toute petite île des Biminis, au large de Miami. Cela ne lui avait pris que quelques heures pour la retrouver, heures qu'il avait mis à profit pour refaire leur garde-robe à l'aéroport même.

L'argent ne manquait pas, il lui avait suffi d'un appel depuis l'Ontario à une banque suisse pour retrouver ses fonds. Il avait pris plaisir à conseiller à Will de nouveaux vêtements qui alliaient chic et décontraction, le maître mot pour l'ancien profiler qui n'aurait jamais été à l'aise dans les costumes cintrés d'Hannibal Il y avait ajouté cependant un tuxedo en laine peignée anthracite qui n'avait nécessité que peu de retouches.

Il avait fait le choix, pour son usage personnel, de costumes plus légers aux couleurs claires idéales pour le climat des Bahamas. Il s'était cependant choisi un complet noir aux lignes pures qui épousaient sa forme retrouvée. Il maudissait Alana pour cette prise de poids non négligeable. Les repas de la cantine de l'institut lui avaient été insupportables tant au goût qu'à l'aspect et l'apport hautement calorique. Elle semblait partir du principe qu'un détenu nourri de gras et de sucre se rebellait moins, à moins qu'il ne s'agisse d'une vengeance mesquine, certes, mais efficace.

Il soupira, Will se faisait attendre. Il avait peu l'habitude des costumes et soignait évidemment son entrée pour savourer la première bouchée de sa nouvelle existence.

Bedelia capta cette minuscule expression d'agacement et s'en empara, virtuose dans sa partie.

- Comment être sûr qu'il t'a réellement choisi ? Qu'il ne va pas disparaître soudainement ? Persifla-t-elle.

- Il me l'a dit. Il sait désormais qui il est et ce qu'il souhaite désormais.

- Cela ne signifie pas qu'il veut de toi Hannibal. Nous savons tous les deux que ton existence ne peut être conditionnée à celle d'autrui. Ou seulement pour un temps déterminé.

Elle faisait référence à la manière dont elle l'avait accompagné à Florence à moitié pour expérimenter son mode de vie, à moitié par peur des représailles. Elle lui avait été d'un certain secours, remplaçant à ses côtés celui qu'il n'oubliait jamais malgré son départ en mode tabula rasa. celui qu'il n'était pas parvenu à oublier.

Elle savait combien il s'était langui de lui, combien il aurait préféré l'avoir à ses côtés. Elle n'avait été qu'un ersatz et le savait pertinemment. Elle l'avait jalousé, d'une certaine manière car il avait eu sa pleine et entière attention dès sa première apparition.

Will Graham…Elle l'avait découvert tout d'abord à travers les propres mots du psychiatre avant de découvrir l'animal lui-même, en cage, piégé par le tueur. Elle l'avait jugé capable de tenir tête au cannibale, entrant à son tour dans l'arène en assurant à Will qu'elle le croyait. Ce fut elle qui avait remis Will dans l'orbite du psychopathe. Elle était autant responsable de la métamorphose de Will qu'Hannibal. Elle avait amplement sous-estimé le désir latent et la reconnaissance instinctive qui liaient les deux hommes.

Elle en prenait lentement conscience sous le regard du Dr Lecter qui lui sourit narquois.

- Il est différent de toi, grinça-t-elle, il ne pourra jamais accepter toutes les facettes de ton être. C'est impossible pour un être humain.

- Je les accepte toutes, fit une voix qui la fit frémir de haine. Je les ai admises auparavant et je les accepte maintenant.

Will apparut dans la lumière. Il portait le costume offert par Hannibal d'une façon admirable. Pour un homme plus habitué aux jeans et chemise froissées, le complet mettait en valeur sa haute taille et découplait ses épaules. Ses cheveux coupés court attiraient l'attention sur son front collier de barbe encadrait ses mâchoires et mettait l'accent sur ses yeux clairs, brillants et moqueurs.

- Vous êtes un fou, Will Graham d'avoir permis à ce démon d'échapper de sa cellule.

- Je lui ai surtout permis d'échapper à un sort pire que la mort. Être en cage, enfermé avec des fous, livré à la vindicte de psychiatres qui cherchaient à le disséquer vivant…

Will marqua une pause, la gorge un peu étranglée par cette pensée. Il reprit après un bref regard d'Hannibal

- Je ne pouvais pas le laisser croupir ainsi.

- Vous avez donc choisi de le libérer, dit Bédélia, faisant claquer sa langue pleine de venin. En sachant qui il est, ce qu'il est. Quelle inconscience, quelle obstination dans votre aveuglement ! C'est un monstre.

- J'avais décidé de le tuer ou le faire tuer, s'exclama Will en serrant les dents, il ne me restait plus aucune autre option, je n'imaginais pas combien il m'était précieux.

- Vous ne pouvez ni vivre avec lui, ni vivre sans lui, cracha-t-elle, frémissante de haine. Vous ne pourrez pas tolérer ce qu'il est sans vous perdre vous-même.

- Qui vous dit que je ne l'accepte pas totalement ? demanda Will en s'approchant d'elle, le prédateur s'immisçant dans le moindre de ses pas, sous le regard gourmand d'Hannibal.

- Vous ne tolériez qu'à peine son existence, vous ne supportiez pas ce qu'il était. Rétorqua-t-elle. Vous avez tout fait pour le faire enfermer. Comme vous avez tout fait pour le libérer ?

- La volonté de le tuer m'a poussé à l'action, fit Will calmement avec un sourire ironique.

- Et pourtant il est vivant. Vous êtes un monstre, bien pire que celui-ci, de croire que vous pourrez le supporter.

- Je le supporterai, car je l'aime. L'amour fait tout accepter, n'est ce pas Mme Felt? Lui fit-il remarquer, lui rappelant leur vie commune à Florence.

Il s'approcha d'elle, la dominant de sa hauteur sous le regard chargé d'émotion de Lecter.

Vous l'aimiez pour ce qu'il vous apportait, acheva-t-il en prenant la main du psychopathe dans les siennes, je l'aime pour ce qu'il est.

Foutaises ! jeta-t-elle d'une voix hargneuse, incapable d'accepter la relation qu'ils entretenaient. Vous n'êtes rien pour lui, rien qu'un jouet qu'il brisera comme il a brisé tous les autres.

- quelle impolitesse , Bédélia, fit Hannibal, Will exprimait la profondeur de ses sentiments avec une telle maîtrise. C'est dommage que tu l'aies interrompu si vulgairement

- vous êtes monstrueux. Tous les deux.

Une larme coula le long de sa joue, se perdant dans son large décolleté.

- A des degrés divers l'humanité est monstrueuse, pérora Hannibal, invitant Will à s'approcher de la table. Ignorer les cris d'une population sous les bombes sous prétexte de jeux politiques est monstrueux. Ignorer les morts causées par des polluants est monstrueux. L'homme est un monstre pour l'homme. Je ne suis pas certain d'être exemplaire mais je vis selon les principes de la nature.

- Nature de psychopathe, rétorqua Bedelia, seul un autre psychopathe pourrait te comprendre, mais il serait irréel de croire que vous pourrez vivre heureux tous deux.

Elle semblait reprendre courage alors même qu'Hannibal retirait délicatement les feuilles de bananier dans lesquelles sa jambe avait été braisée pendant plusieurs heures au regard de la couleur caramel qu'avait pris la chair. Elle affichait pleinement une fascination de l'horreur, qui, elle ne l'ignorait pas, plaisait à Hannibal.

Elle se doutait qu'elle avait encore un peu de temps devant elle. Le psychiatre déchu n'avait pas pour habitude de gâcher la nourriture. Elle sentait qu'elle pouvait survivre encore quelques précieuses heures. Elle se devait de gagner du temps, trouver une échappatoire à sa situation. Elle sentait dans sa main le poids du petit couvert qu'elle avait dérobé avant l'entrée d'Hannibal dans la pièce. Ce poids, pourtant si léger, presque chaud au contact de sa peau, lui apportait paradoxalement du courage sous le regard narquois de Will. Il savait avoir gagné, elle le savait également mais ne pouvait l'accepter.

Hannibal officia à la découpe avec des gestes lents et mesurés, le parfum de la viande rôtie s'amplifia, acculant Bedelia à la nausée. Elle avait toujours su qu'il la dévorerait. Elle suffoqua et oscilla sur sa chaise.

Will vint la soulever sous l'épaule pour l'aider à s'asseoir. Elle agit impulsivement, instinctivement, le frapper, le tuer avant qu'ils ne la tuent. Elle planta de toutes ses forces la fourchette à dessert qu'elle tenait à la main dans la cuisse tendue derrière elle. Il retint un cri et s'écartant de la table appuya sur la blessure fraîche. Le sang ne tarda pas à sourdre entre ses doigts. Il releva la tête et regarda Hannibal qui s'était figé. Le sang coula plus vite, plus fort, rouge artériel, gouttant sur le parquet ciré. Hannibal se précipita vers Will qui s'effondra.

Bedelia avait frappé à l'artère fémorale, deux trous comme frappé par un cobra apparurent à la lumière lorsque Hannibal déchira le pantalon de soirée pour mettre à nu la plaie.

Un grondement menaçant échappa à sa gorge tandis qu'il épongeait le sang qui échappait du corps de Will. Ils avaient toute la vie devant eux, et une simple fourchette en argent le lui retirait. Il enragea littéralement sous l'œil pétrifié de Bedelia. Will posa sa main ensanglantée sur sa nuque et lutta pour l'approcher de son visage.

- Le sort, le sort nous est contraire. Hannibal ...

Le psychiatre se releva et s'arracha à la poigne faiblissante de Will. Son cœur se brisa en le faisant mais il n'avait guère le choix. Il se rua dans la cuisine et attrapa un torchon propre rangé dans les étagères. Il revint rapidement et confectionna un rapide garrot, étanchant le sang rapidement. Il s'accorda un instant pour se rassurer sur l'état de santé de Will et regarda l'heure exacte. Il n'avait que très peu de temps devant lui pour sauver Will. Mais il devait clore un chapitre de sa vie.

Il s'approcha sombrement de Bédélia qui avait mis à profit ce moment pour tenter de s'échapper. Elle s'était jetée sur le sol et rampait vers la sortie aussi rapidement qu'elle le pouvait. Il arrêta sa fuite d'un coup de pied sur son moignon. Elle hurla et pourtant accéléra le mouvement pour s'échapper.

Il attrapa un couteau et épingla son bras sur le parquet brillant. Son cri remplit l'espace.

- Pitié !s'écria-t-elle, pitié !

- Comme tu as eu pitié de Will? Pourquoi ?

- Pour m'impliquer autant que tu es impliqué. Tu m'as toujours demandé de m'impliquer. Ne me le reproche pas maintenant.

Elle cria à nouveau lorsqu'il retira le couteau.

Pourquoi ? répéta-t-il

Parce que j'ai toujours voulu avoir ton attention et que tu ne l'as jamais accordé qu'à cet homme, si faible.

Moins faible que toi, gronda-t-il, un rictus lupin déformant ses traits.

peut-être, mais j'ai visé juste, haleta-t-elle, maîtrisant sa douleur avec acharnement. il va crever, se vider de son sang, juste parce que tu n'auras pas su me prêter l'attention que je mérites.

tu ne mérites rien, cracha-t-il en lui brisant les cervicales et rejetant le corps sur le sol où elle s'étala comme un pantin.

Il ne lui accorda aucun regard, elle ne lui était plus rien, pas même le souvenir d'un excellent repas. Il se précipita aux côtés de Will, qui, depuis sa position allongée, n'avait pas manqué un seul geste de son docteur. Son visage était blanc, ses yeux assombris par de larges cernes. Il maitrisait difficilement les tremblements qui l'agitaient.

Encore une fois, tu me sauves, articula doucement Will alors que les mains du chirurgien se posaient sur sa cuisse sanguinolente.

- Crois-moi, je préférais ne pas avoir à le faire.

- Alors ne le fais pas… laisse-moi partir, dit Will en plongeant un regard embrumé dans les prunelles havanes qui se noircirent de colère contenue.

- J'ai passé trop de temps à te vouloir vivre à mes côtés pour te laisser mourir ainsi. Elle savait où frapper, cette si petite fourchette a fait d'importants dégâts. Je vais devoir suturer l'artère.

- Sans anesthésie, une nouvelle fois, constata l'ancien du FBI. Souffrir est une manière de se sentir vivant.

- Je peux t'assommer si tu le souhaites. Cela ne me prendra que quelques minutes. Minutes qui pourraient t'être précieuses.

Ils échangèrent un regard presque amusé et un sourire aimant fleurit sur leurs lèvres. Hannibal sortit un nécessaire de couture de sa poche intérieure.

- Tu m'auras caché ce talent de prestidigitateur, finalement. A moins que ce ne fusse ton côté fashion victime. Celui-ci pourtant, tu ne me l'as jamais caché.

- Tu te permettras de critiquer mes goûts vestimentaires lorsque tu seras tiré d'affaire. Ce qui ne risque pas d'arriver si tu ne te tais pas très vite.

- Aurais-tu l'intention de mettre fin à mes tourments, continua Will dont la tête tournait.

Hannibal, concentré, ne souhaita pas répondre et après avoir désinfecté une fine aiguille à la flamme de son briquet tempête, siglé YSL, entreprit de recoudre l'artère endommagée. La compression du garrot était important, peu de sang perla lorsqu'il piqua la première fois. Les conditions d'asepsie n'étaient pas idéales, mais il ne pouvait pas déplacer Will sans soin, ni permettre à des ambulanciers de découvrir ce diner sanglant. L'hôpital de la Barbade était bien trop éloigné et s'il ne permettait pas au sang de s'écouler à nouveau, Will risquerait de perdre sa jambe dans un premier temps et sa vie dans un second temps.

Will glissait dans l'inconscience, ses yeux papillonnaient accrochant les iris sanglants d'Hannibal. L'homme ne laissait passer aucune inquiétude, aucune émotion en raccommodant peu à peu les dommages occasionnés par la femme dont le corps gisait toujours près de la table. Quelques minutes plus tard, Hannibal serra un dernier noeud sur son ouvrage. Will était exsangue et sa respiration trop superficielle.

Le visage d'hannibal n'exprimait aucune crainte, ni aucune émotion. Il agissait simplement, immédiatement, professionnellement. Il banda rapidement la plaie fémorale et s'accroupit pour soulever le corps amorphe de son amant et l'emporter dans la nuit vivante de la Barbade.

Il abandonnait le corps de Bédélia dans l'espoir de sauver Will. A peine installés dans leur voiture qu'il fit rugir le moteur en direction de la ville et de ses cliniques privées. Avec un compte en banque bien garni, il savait qu'ils bénéficieraient de toute la quiétude dont ils auraient besoin.

Will s'éveilla péniblement, il cilla dans la lumière dorée qui entrait à flot par la fenêtre aux stores levés. Une puissante odeur de désinfectant l'agressa et il éternua.

- A tes souhaits, lui souhaita la voix d'Hannibal aux accents soulagés.

Will se contenta de le fixer sans rien dire, d'une manière qui aurait pu mettre mal à l'aise n'importe qui. Hannibal ne broncha pas, il se contenta de lui rendre son regard.

- Merci, dit-il finalement en détournant les yeux.

Hannibal plissa des yeux, scrutant les lignes du visage de son compagnon qui ne semblait vouloir rien afficher. Il l'ignorait tout à fait. Une infirmière entra dans la pièce et s'occupa de faire boire le blessé et de l'installer plus à son aise.

Will se contenta d'obéir aux demandes de la jeune femme, à laquelle il dédia de charmants sourires. L'attitude d'Hannibal se glaçait au fur et à mesure que la présence de l'infirmière se faisait de plus en plus longue. Elle finit par partir, perturbée par le lourd silence qui régnait dans la petite chambre.

Hannibal se rapprocha de Will et lui prit la main, caressant d'un geste léger les doigts qui se crispèrent. Il marqua une hésitation avant de le relâcher et retourner s'asseoir dans le petit fauteuil de la chambre. Il lui sembla comprendre la situation. Will ne se souvenait de rien, une nouvelle fois. Cet air perdu peint sur ses traits était néanmoins délicieux. Il s'installa plus confortablement pour le contempler paisiblement.

- Tu es en sécurité, ici. Le chirurgien qui est intervenu sur ta jambe était un véritable artiste, lui expliqua-t-il après quelques minutes, voyant que Will cherchait à mouvoir ses membres sous le drap léger. Une légère amnésie dans ton cas précis est possible après une anesthésie générale et une perte de sang conséquente. Il a fallu plusieurs poches de sang pour te ramener à moi.

L'autre homme le regarda, comme surpris de le voir encore dans la pièce. Il le dévisagea longuement avant de sourire.

- Je vous reconnais.

Hannibal relâcha un air qu'il n'avait pas eu conscience de retenir.

- Tu me reconnais ?

L'espoir se mêlait inconsciemment à la question.

- Tu es Hannibal Lecter et je suis... Oh...

Il porta la main à son front, le visage grimaçant de douleur alors qu'il se remémorait son existence entière. Il rougit brusquement et jeta un regard spéculatif sur le tueur qui tordit ses lèvres en un sourire de confirmation. Will sembla vouloir plonger sous ses draps pour masquer son émotion.

- Il n'y a rien dont tu puisses avoir honte, reprit Hannibal doucement.

Will secoua la tête, et Lecter pensa que ses boucles raphaélites lui manquaient.

- Je n'ai honte de rien et surtout pas d'être tombé amoureux d'un tueur en série. Je me souviens de tout... Être amoureux de toi...

Will s'interrompit alors que le visage de Lecter s'éclairait. Ils n'avaient jamais véritablement parlé de leurs sentiments mutuels, tenant pour acquis des choses dont la plupart des couples aurait discuté durant des heures. Ils n'avaient pas de sujets de discorde - plus maintenant - et cette soirée auprès de Bédélia avait eu le mérite d'éclaircir les derniers points obscurs de leur relation.

- Etre tombé amoureux de toi, reprit Will la gorge serrée, est ce qui m'a certainement sauvé la vie. J'ai lutté contre ces sentiments, mais j'ai été incapable de les vaincre. Je t'ai vu dans cette cage de verre, cette même cage où je fus enfermé et j'ai compris que tu ne pouvais pas vivre dans ces quelques mètres carrés.

- Je me suis rendu de mon plein gré, lui rappela Lecter, s'approchant à nouveau du lit, comme aimanté par ces yeux embrumés de souvenirs.

- Pour que je sache toujours où te trouver, quelle charmante attention, ironisa Will avant de reprendre lui aussi son sérieux. J'ai toujours su où te trouver, à Florence, comme à Paris, je savais où tu étais. Tu hantais mes pensées. Je savais ce que tu pensais, j'ai compris ce que tu voulais. Je ne voulais pas te l'accorder aussi simplement. Je regrette maintenant.

Hannibal caressa la peau tendre entre le pouce et l'index, écoutant attentivement l'homme qui épanchait son coeur pour la première fois.

- je t'aime, Hannibal, peut-être pas de la meilleure façon, peut-être que nous nous blesserons, surement d' je ne peux plus vivre sans toi. Je veux continuer à vivre avec toi.

- je ne l'imaginais pas autrement, répondit le cannibale bien plus soulagé qu'il voulait bien l'avouer. J'ai compris que tu avais préparé quelque chose avec le Dragon lorsque tu es apparu dans ma cellule.

- pour te demander de faire l'appât.

- si gentiment demandé que je n'ai pu refusé. Et puis, j'ai vu l'anneau que tu avais retiré. C'est là que j'ai compris que tu avais fait un choix, j'ignorais lequel mais le jeu en valait la chandelle.

Will se troubla et caressa la marque plus claire qui marquait encore légèrement sa main.

- Il était le symbole d'un lien dépassé avec Mary. Je n'aurais pas pu continuer de toute manière.

- Je ne voudrais pas la défendre, mais elle t'offrait pourtant une stabilité et un réconfort indéniable.

- je ne peux pas le nier en effet. Elle m'offrait une famille et le calme dont j'avais besoin. Mais dès que je t'ai revu, je n'ai pu continuer. Nous nous serions éloignés à force. Te revoir m'a seulement permis d'ouvrir les yeux et comprendre que je me leurrais depuis des mois. Je ne cherche pas la simple stabilité et le réconfort. J'ai dépassé cela depuis longtemps.

- Que veux-tu alors ? demanda le psychopathe d'un ton doux.

- Rester à tes côtés, si tu le souhaites évidemment.

- Même si je prévois de voyager ? demanda Lecter.

- Mon passeport est prêt, répondit Will en le dévorant des yeux.

- Il n'est pas complet, dit l'homme quelque peu embarrassé.

Will leva les yeux face à cet incompréhensible embarras. Hannibal ne faisait pas l'embarras habituellement.

- Nous avons pourtant pu accéder à l'aéroport des Bahamas facilement, s'étonna-t-il.

- Bien sûr mais il manque une information capitale, continua l'homme qui semblait expérimenter une nouvelle gamme d'émotion. Notre nom.

- Notre nom ? s'interrogea Will avant que la compréhension illumine son cerveau.

Lecter profita de cet instant pour mettre la main dans la poche de son veston et de retirer deux bagues accrochées à une chaîne en or délicatement ouvragé. Will rosit, les pommettes soudain cramoisies, les yeux brillants tout à coup. Hannibal se gorgea de cette vue qui le ravissait. Il prit un des joncs de métal gris poli et le glissa à la main de Will, qui le regardait abasourdi.

- Tu souhaites m'épouser ? demanda-t-il stupidement.

- Techniquement, nous sommes déjà mariés, répondit Hannibal en posant le deuxième anneau sur sa main et sortant de sa poche deux passeports au nom de Grecter. Tu aurais peut-être préféré une cérémonie... je n'accorde pas beaucoup d'importance à cela, mais...

- Non, c'est parfait. Se marier à la Barbade, dans une chambre d'hôpital après une opération, c'est l'image que je me faisais de mon remariage.

-Tu oublies qui tu épouses.

- Oh que non. A la différence de mon dernier mariage, je sais parfaitement qui est mon époux.

Il grimaça. Cette phrase était difficile à prononcer, semblait-il.

- manque d'habitude certain, sourit Hannibal.

- Tout à fait mais je pense que je vais m'habituer à ce nom.

- pas totalement étranger, lui fit remarquer le plus âgé.

- Dommage que Bédélia ne soit plus pour commenter acidement ce choix de patronyme.

- Elle n'a jamais su de moi que ce que je lui laissait voir. Elle a pu déduire habilement certaines vérités, reconnut Hannibal, mais toi seul sait interpréter mes idées.

- Je les devine, amoindrit Will, se déplaçant pour lui permettre de s'allonger à ses côtés.

-Non, tu les vis, tu les ressens comme moi je les ressens. Tu es un être phénoménal. Un être sculpté dans la chair juste pour moi, un esprit juste comme moi.

Il posa la main sur la jour de Will qui s'y appuya quelques instants avant qu'elle ne se perde dans les cheveux de sa nuque. Ses ongles griffèrent le cuir chevelu, tirant sur les mèches fines qui repoussaient.

Will le regardait comme si le monde venait de lui être offert, les yeux brillants de larmes contenues, la gorge serrée sur des mots qu'il n'avait jamais prononcé.

- Je t'aime Hannibal. Je n'imagine pas ma vie autrement qu'avec toi.

Le souffle qu'ils partageaient se mêla plus intimement dans un baiser lentement incendiaire. Un gémissement prononcé fit ralentir Hannibal.

- Je peux arrêter si tu veux.

- Rien que je ne peux supporter. Je me souviens de tout désormais. Souffla-t-il à l'oreille ourlée de lecter. Je ne veux me souvenir que de ta douceur.

- L'infirmière ne repassera que dans quelques heures. Nous pourrions parler du futur ou profiter du présent sans se soucier du passé. Qu'en dis-tu ? Lui proposa t il en nichant sa main sur son ventre.

Il remonta sur les aplats des abdominaux pour caresser sous l'étoffe de la camisole bleue les tétons déjà frémissants. Ses longs cils ombraient le désir qui assombrissait ses yeux.

Hannibal déposa délicatement des baisers le long de la ligne de sa mâchoire. Il fit crisser de ses longs doigts la fine barbe qui adoucissait les angles de son visage. Il attendit la réponse qui vint dans un souffle rauque et un mouvement vite stoppé.

Sa cuisse devait le faire souffrir mais ses doigts se perdirent sur le tissu - tendu- de son entrejambe. Hannibal siffla de plaisir tandis qu'il taquinait sa hampe dure. Son pantalon lui fut ôté avec dextérité et il précipita ses hanches en avant à la rencontre de Will. Il maintint son bassin d'une main de fer tandis qu'il touchait à son tour le membre désireux. Will gémit, presque un râle, un demi sanglot.

Hannibal reprit sa bouche violemment, l'emportant dans un maelström de baisers et de morsures. Il se sentait proche et rua pour précipiter son orgasme. Hannibal se retira légèrement le temps de faire redescendre la pression. Il récupéra le liquide qui sourdait de leur membres pour se préparer sommairement. Will retint un cri lorsqu'il sentit son sexe être lentement avalé par les profondeurs d'Hannibal. L'homme ne s'arrêta que lorsqu'il atteignit la base. Il contrôlait son souffle, son corps et Will dans un abandon d'une rareté absolue. Il accrocha le regard de Will et amorça un mouvement qui relança le plaisir après quelques douleurs.

Concentrés, les yeux dans les yeux, le souffle partagé, ils eurent l'impression de partager le même esprit, une connection profonde causée par la chute volontaire de leurs barrières. Ils s'aimaient de toute les manières possibles. Dans l'acceptation de toutes ces définitions. Hannibal sentait ses reins vibrer d'une pression, d'une passion terrifiante, un besoin terrible d'exploser. Will posa les mains a cet instant sur son gland, caressant la colonne écarlate et saisissant ses bourses. La vulnérabilité d'Hannibal à cet instant le fit basculer. Celui-ci irradiait d'anormalité, chevauchant Will, creusant ses reins pour plus, plus d'extase. Il n'était pas seul, il était vivant, compris, complet. Il atteignit le climax à cette pensée et explosa entre les doigts de Will marquant sa bouche d'un jet que l'homme lécha avec gourmandise.

Un éclair supplémentaire de plaisir secoua le corps d'Hannibal quand Will le renversa sur le côté et changeant d'angle frappa une zone qui ne se laissait plus être ignorée. Il gémit sous l'afflux de sensations supplémentaires et Will mordit son épaule dans un dernier va et vient. Ils retombèrent le souffle court les membres emmêlés, béats. Abasourdis par cette puissance qui les avait saisis puis rejeté comme une vague sur une plage. Après avoir savouré les brumes post orgasmiques qui les emportaient très loin de l'hôpital, Hannibal se dégagea et se releva pour les nettoyer puis aida Will à prendre une meilleure position de repos. Il le prit dans ses bras, sachant combien l'homme aimait ces instants de paix partagé. Le silence les berça, quelques sons venus du couloir annonçaient l'heure du repas.

L'air conditionné chassa les odeurs de corps poussés à bout. Will s'endormit presque, épuisé par cette joute jouissive qui l'avait amené au bout de ses forces, lové dans l'étreinte protectrice du cannibale.

Les minutes passèrent tandis qu'ils partageaient l'instant présent. Will reprit la parole.

-Il y a une très belle exposition sur les peintres préraphaélite à St Pétersbourg à partir de septembre. Que dirais-tu d'un appartement face à la Neva ?Je pense que nous pourrions trouver un immeuble à notre goût.

-J'en suis persuadé dit Hannibal en le serrant plus fort, posant son menton sur la tête de l'homme qui le comprenait si bien.

Il se rappelait l'attaque subie au large des côtes canadiennes. Son caractère n'appréciait guère l'offense, même s'il occultait tout à fait volontiers le fait d'avoir tué le légitime propriétaire et fait disparaître ses sbires dans une explosion. Cela ne lui suffisait pas. Il lui fallait la tête de l'organisation, celle qui avait envoyé des tueurs à ses trousses pour récupérer le yacht qu'il avait volé, il fallait l'avouer.

Néanmoins il avait l'intention de ne pas regarder derrière son épaule. Ils devaient déjà échapper au FBI, Interpol et les polices nationales, autant éviter de se retrouver sur le radar de la mafia russe.

Pour éviter cela, il n'y avait qu'une solution, retrouver les personnes qui avaient donné l'ordre de retrouver Sokolof et de les tuer. Prendre un appartement sur la Néva était une très bonne idée... Ce serait une retraite active en quelque sorte. Il embrassa la tempe de Will qui sombrait dans un sommeil lourd.

- Ne t'inquiète pas, je m'occupe de tout.

Une nouvelle vie s'offrait à eux, un frisson d'anticipation lui parcourut l'échine. Il avait enfin l'occasion de s'exercer à la cuisine russe. Quoi de plus normal que d'apprendre les recettes directement sur le sol qui les a produit... Son esprit s'évada sur les rives de la Neva, visitant en mémoire les magnifiques lieux qu'il connaissait déjà, se délectant à l'idée de les faire découvrir à Will.

Oui, Passer quelques mois en Russie serait intéressant. C'était un pays à la mesure du démiurge qu'il projetait d'être. L'art et la vie se mêlent si intimement dans ce pays que cela serait un plaisir de s'y établir... un fois résolu les tracasseries habituelles. Il ne se faisait guère d'inquiétude, Ils y seraient sans aucun doute, plus en sécurité que sur le sol américain.

Il caressa les boucles brunes qui repoussaient. Will serait toujours en sécurité auprès de lui. L'homme lui avait appris l'amour et la couleur des sentiments. Il était son pays, sa contrée, sa région préférée, le monde qui lui appartenait. Il l'aimait tout simplement, il lui était aussi vital que le souffle qui soulevait sa poitrine, le sang qui coulait dans ses veines, les os qui soutenaient ses muscles et sa chair. Il l'aimait et ne souffrirait pas qu'on le lui arrache. Il le serra plus fort entre ses bras, retenant un grondement animal. Son amour bousculait toutes ses barrières, toutes ses limites. Il était un être nouveau à ses côtés, ni tout à fait lui, ni tout à fait un autre. Un être pour lui.

FIN

Hé bien cela était ma dernière fic... je pense que j'en écrirais plus beaucoup, j'ai fait un peu le tour et je voudrais me mettre enfin sur une idée de roman qui me traine dans l'esprit depuis ... le début de cette fic. et comme je me refusais de travailler sur autre chose que cet Hannigram, je suis passé à autre chose. La procastination c'est la maladie des écrivains. mais parfois elle a du bon car le cerveau travaille toujours, parfois tout seul et parfois exige d'être vidé de ce qui le hante. Et dans ce cas, je suis inarrétable, un vrai robot ccapable d'enchainer les phrases et les chapitres en peu de temps. Le plus long après, c'est la P. de correction (j'espère que vous n'avez pas trop souffert de mes positions dysorthographiques) mais j'ai tenu ma promesse, cette fic est finie et j'espère qu'elle vous aura plu. N'hésitez pas à le dire ou l'aimer (le salaire de la ficqueuse, c'est le feel, baby !)

Bref, je vous laisse sur cette idée : cette fic devait s'achever avec Hannibal face à Bédélia, prenant conscience que Will vit uniquement dans sa tête... et bim la tue alors qu'elle l'attaque à coup de fourchette (méfiez vous toujours des fourchettes).Puis Hannibal s'évade dans son palais mental, rejoindre Will au milieu de la Chapelle Palatine. fin.

Quand je vous disais que ça devait être plus court. Cela aurait été moins... glamour, non ?

Merci à vous qui avez suivi cette fic sur la durée ou ceux qui ont tout lu d'un trait ! merci biz R