Avant-propos

Ceci est ma première fanfiction.

L'histoire se déroule entre 1998 et 2015 et s'efforce de ne pas contredire le canon. Elle est centrée sur les relations tumultueuses entre Severus Snape et Harry Potter, mais d'autres couples sont évoqués en parallèle, entre-autre Harry et Ginny.

Avertissements :

Cette fanfic contient : des personnages homo, hétéro, bisexuels et polyamoureux ; des lemons solitaires, à deux, ou plus ; un langage occasionnellement cru ou vulgaire ; du BDSM.

Cette fanfic ne contiendra a priori pas : d'agressions sexuelles et autres formes de non respect du consentement ; de happy end.

Edit : Nouvelle version corrigée par ma beta-warrior. Dragsou, merci beaucoup pour toute ton aide.


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La fin des vacances

La nuit étendait ses ombres sur le domaine Malfoy dans le Wiltshire. Le manoir, autrefois brillant de faste et d'orgueil, était désormais triste et lugubre. Des fenêtres manquantes étaient calfeutrées tant bien que mal avec des bouts de tissus, des traces de feu léchaient la façade et le porche était encombré de meubles cassés.

Les Aurors n'avaient pas fait dans la dentelle quand ils avaient fouillé l'auguste demeure, mais ses propriétaires étaient bien trop heureux de ne pas avoir été envoyés à Azkaban pour oser s'en plaindre, ou en tout cas pas trop fort.

Tandis que les nuages orageux de juillet masquaient la lune et les étoiles, une silhouette sortit discrètement par une porte dérobée. Draco Malfoy, dissimulé par une grande cape noire, avançait à pas de loup. Le manoir n'était plus officiellement sous surveillance, mais on n'était jamais trop prudent. Son père s'était fait de nombreux ennemis lors de sa sinistre carrière et ceux-ci se délectaient de sa déchéance.

Le jeune homme longea les murs et rejoignit l'abris d'un petit bois. Il marcha plusieurs dizaines de minutes, aux aguets, le visage parcouru de tics nerveux. Les deux années de cauchemar qu'il venait de traverser ne l'avaient pas laissé indemne. Enfin, aux confins du domaine, il atteignit sa destination.

Les Aurors n'avaient prêté qu'une attention limitée à l'ancienne porcherie qui tombait en ruine : tout le monde savait que les Malfoy avaient une bien trop haute opinion d'eux-mêmes pour ne serait-ce que poser un orteil dans un endroit pareil.

Draco, pourtant, y posa un pied entier et puis l'autre. Il avançait cependant avec précaution : des poutres traîtresses menaçaient de le faire tomber à chaque pas. Il entra enfin dans l'avant-dernière stalle. D'un coup de baguette magique, il fit disparaître le tapis d'immondices qui recouvrait le sol, révélant une trappe. Il se pencha pour l'ouvrir silencieusement, descendit un petit escalier de bois et referma derrière lui. Il lança un sort pour allumer les torches qui entouraient la pièce souterraine.

L'endroit avait tout de l'antre d'un fugitif, mais il était vide. Un lit occupait l'un des murs, ses draps parfaitement en place. En face, des étagères regorgeaient de vivre et dans un coin on trouvait un nécessaire à toilette. Le fond de la pièce était plus insolite : des établis étaient couverts de chaudrons, de bocaux aux contenus douteux et d'alambics - tout ce qui est nécessaire à l'art subtil des potions.

Mais le plus étrange était ce qui recouvrait le guéridon qui trônait au centre de la pièce. Une grande urne ornée de motifs égyptiens était entourée de quatre récipients plus petits assortis, de papyri, de statuettes et de divers objets magiques.

Draco s'approcha de la table ronde en marmonnant à voix basse, comme s'il récitait une leçon. Il vérifia rapidement que tous les objets étaient en place et prit une grande inspiration pour se donner du courage.

Un Incendio amorça la combustion d'un cône d'encens et il se mit à psalmodier d'une voix claire - il s'était suffisamment entraîné pour qu'elle ne tremble pas :

— Le serviteur a effectué son voyage dans l'au-delà, il s'est purifié de sa vie précédente. Mais sa tâche ici-bas n'est pas achevée. Le serviteur a prêté le serment d'Osiris pour qu'il lui soit permis de revenir.

Draco saisit l'une des petites urnes et la leva au dessus de sa tête.

— Le serviteur a sacrifié son corps pour sa tâche. Que son corps lui soit rendu, qu'il soit en vie.

L'urne fut précipitée par terre où elle se brisa. Draco s'efforça de ne pas regarder l'immonde viscère étalée à ses pieds.

Il contourna le guéridon et brandit la deuxième urne.

— Le serviteur a sacrifié son souffle pour sa tâche. Que son souffle lui soit rendu, qu'il soit en bonne santé.

Elle s'écrasa comme la précédente.

Vint le tour de la troisième urne :

— Le serviteur a sacrifié son verbe pour sa tâche. Que son verbe lui soit rendu, qu'il soit préservé.

Draco commençait à devenir vert quand il s'empara de la quatrième : malgré l'encens, l'odeur était insupportable.

— Le serviteur a sacrifié sa magie pour sa tâche. Que sa magie lui soit rendue, qu'il soit puissant.

Il ne restait plus que la grande urne au centre de la table. Le jeune homme pointa sa baguette dessus.

— Le serviteur a sacrifié son âme pour sa tâche. Que son âme lui soit rendue, qu'il soit parfait. Qu'il devienne le serviteur justifié d'Osiris, qu'il renaisse en tant que serviteur de l'ombre. Transfiguro !

Le vase éclata en mille morceaux. Une boule dorée se forma à son emplacement et commença à s'élever dans les airs. Au sol, les quatre viscères se changèrent en langues de fumées bleues qui vinrent former des volutes autour de la sphère resplendissante. Elles tournèrent autour de plus en plus vite alors que la sphère vibrait jusqu'à ce que soudain, tout disparaisse.

Draco relâcha le souffle qu'il avait inconsciemment retenu jusque là et se laissa tomber lourdement sur une chaise. Tout s'était passé conformément à ce qui était prévu. Les premières étapes s'étaient avérées plus difficiles.

Il avait dû batailler ferme pour obtenir la liberté conditionnelle, dans les jours qui avaient suivi la défaite de Voldemort, afin d'exécuter le testament. Il avait dû pleurer, supplier, menacer de se suicider et finalement implorer Potter d'intercéder en sa faveur. Mais Celui-Qui-Avait-Vaincu n'avait pas été difficile à convaincre : apparemment, lui aussi tenait à ce que le testament soit respecté.

Il avait alors récupéré le corps blême et avait procédé à l'embaumement. Sans la contrainte du Serment Inviolable, il n'aurait sans doute pas réussi à entailler le flanc du cadavre pour extraire les organes internes et les remplacer par des sorts de préservation. Il lui avait fallu prendre plusieurs douches pour finalement se débarrasser de l'odeur immonde qui s'était incrustée dans tous ses pores, et il avait brûlé ses vêtements. Le sortilège des bandelettes avait été assez facile à appliquer, mais il avait dû s'y prendre à plusieurs reprises pour les dissimuler convenablement sous les vêtements mortuaires.

Avant de rendre le corps pour les funérailles, il avait vérifié un nombre incalculable de fois qu'il n'avait pas oublié de mettre le Portoloin dans la poche de ce dernier, angoissé des conséquences qu'entrainerait une erreur de sa part. L'angoisse l'avait poursuivi durant toute la cérémonie et pendant les soixante-dix jours le séparant de ce soir.

Mais maintenant, il se sentait enfin libéré de son devoir. Il avait fait tout ce qu'on lui avait demandé et il ne lui restait plus qu'à attendre.

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Le soleil était radieux, aussi radieux que les visages rassemblés ce jour là à la Chaumière aux Coquillages. Pourtant le roi de la fête, lui, ne l'était pas. Harry Potter avait été très heureux de revoir tous ses amis pendant les semaines qui avaient suivies la victoire. Après tant de mois passés en étant coupé du Monde Sorcier, être de nouveau entouré de gens qui l'aimaient l'avait fait revivre, malgré la douleur des deuils. Mais aujourd'hui, pour son anniversaire, il n'en pouvait plus.

Depuis presque trois mois il ne cessait d'être sollicité par tout le monde. Il passait beaucoup de temps à Poudlard et au Ministère, ne cessait d'être conviés à des banquets organisés en son honneur et, dans ses rares moments de repos, il était entouré d'attentions par la tribu Weasley. Depuis trois mois, il n'avait pas pu trouver un seul instant de solitude et il étouffait.

C'était sans aucun doute le plus bel anniversaire qu'il avait jamais eu. Toutes les personnes qui comptaient pour lui étaient là : ses meilleurs amis, son filleul Teddy Lupin, les membres de l'Ordre du Phénix, ceux de l'Armée de Dumbledore, ses camarades de classe ainsi que de nombreux combattants de la bataille de Poudlard, ses professeurs y compris.

Mais parmi ces derniers, il manquait trois personnes. Peut-être les trois seules qu'il avait envie de voir en cet instant : Albus Dumbledore, Remus Lupin et Severus Snape. Il n'y avait désormais plus personne pour le relier à l'époque de ses parents et, malgré la foule, il se sentait seul.

Armé d'une bouteille de whisky Pur Feu et de sa cape d'invisibilité, Harry s'éclipsa discrètement, laissant ses amis poursuivre la fête sous les dais qui avaient été plantés sur la lande pour les accueillir. Il grimpa jusqu'au grenier afin de boire un verre à la santé des disparus.

— A la santé de Dumbledore : puisse-t-il prendre soin éternellement de sa soeur Ariana et manigancer dans le dos des autres défunts en laissant les vivants tranquilles.

— A la santé de Lupin : puisse-t-il gambader joyeusement dans des forêts immatérielles avec les autres Maraudeurs en laissant d'autres que lui veiller sur son fils orphelin.

— A la santé de Snape : puisse-t-il…

Que pourrait faire Snape dans l'au-delà ? Ricaner seul dans son coin ? Est-ce que sa mère Lily l'avait accueilli chaleureusement, le remerciant pour tout ce qu'il avait fait pour son fils, ou bien est-ce qu'il était de nouveau persécuté par James et Sirius ?

La vie était vraiment injuste. Harry avait passé sept années à idéaliser son père et à détester de tout coeur son professeur. Il avait fallu que ce dernier meurt pour qu'il découvre qui il était réellement. Snape avait eu une vie atroce, n'avait connu que le malheur et pourtant il s'était comporté comme le plus courageux et le plus loyal des hommes. James Potter le bien-aimé était un héros bien fade à côté de lui.

Harry fut sorti de ses pensées par du bruit dans les escaliers. Il songea une seconde à se dissimuler sous sa cape mais se ravisa : ses amis avaient organisé cette fête pour lui, il ne voulait pas les offenser en s'absentant trop longtemps. Un adorable visage entouré de longs cheveux roux passa la porte.

— Coucou Harry. Je savais bien que tu serais là. Est-ce que tu veux que je te laisse seul, ou bien je peux me cacher avec toi ?

— Viens Ginny, cette cachette est assez grande pour nous deux.

Une fois que la jeune fille fut installée à côté de lui, Harry passa un bras autour de sa taille et posa sa tête sur son épaule en soupirant. Tous ses soucis s'envolaient en présence de sa petite-amie.

— Les autres ne m'en veulent pas trop d'avoir pris la poudre d'escampette ?

— Ne t'inquiète pas, nous comprenons tous que tu as besoin d'un peu d'air et, ceux qui ne comprennent pas, maman leur tire les oreilles.

Harry gloussa en imaginant Molly Weasley en train de sermonner Kingsley Shacklebolt, leur nouveau ministre de la Magie.

— C'est elle qui m'a envoyé voir si tu avais besoin de quelque chose, ajouta Ginny. Mais vraiment, Harry, si tu veux que je parte il n'y a pas de problème, tu sais.

— Reste.

Harry laissa sa main parcourir le dos de la jolie sorcière en doux effleurements et il releva la tête pour l'embrasser. Quand ils s'interrompirent, Ginny repris la parole en riant doucement :

— Harry James Potter, est-ce que tu ne serais pas ivre par hasard ?

— Un peu. Juste ce qu'il faut.

Il se pencha de nouveau vers ses lèvres tout en continuant ses caresses. Sa bouche glissa ensuite dans son cou pendant que sa main tentait de remonter sa robe coincée sous elle.

— Attends, murmura Ginny en lui saisissant le poignet.

Harry se redressa vivement.

— Je suis désolé. Je ne voulais pas… je pensais que tu...

— C'est juste que...

Elle pris une inspiration.

— Avant d'aller plus loin, il faut que je te dise un truc.

Harry était maintenant parfaitement dégrisé et sentait son estomac se tordre d'appréhension alors que Ginny rentrait la tête dans ses épaules et regardait obstinément le plancher.

— Voilà. Je t'aime, Harry. Mais, le truc, c'est que j'aime aussi quelqu'un d'autre. Je vous aime tous les deux. Et je ne sais pas quoi faire.

Elle replia ses jambes devant elle et cacha son visage sur ses genoux.

— Est-ce que… est-ce que je peux savoir qui c'est ? croissa Harry.

— Alice Tolipan, répondit Ginny d'une toute petite voix.

Alice Tolipan. Une membre discrète de l'Armée de Dumbledore que Harry ne connaissait pas bien, de Poufsouffle, qui avait le même âge que Ginny. C'était…

— Une fille ?!

Ginny se redressa et lui jeta un regard de défi.

— Oui. Et alors ? C'est plus un problème que ce soit une fille ?

— Euh… non, non.

Harry était au comble de l'embarras.

— C'est juste que je suis surpris, reprit-il. Je croyais que tu aimais les garçons.

— Et bien j'aime les deux, apparement. Ou plutôt, je vous aime vous deux et le fait que vous soyez un garçon et une fille n'a pas d'importance pour moi.

— D'accord… mais, du coup, qu'est-ce que tu comptes faire ?

— Je ne sais pas. C'est bien le problème. Pendant cette horrible année, même si tu n'étais pas là et qu'on avait rompu, je ne voulais pas sortir avec un autre garçon, mais je suis devenue très amie avec elle et… Je suis désolée. Je n'arrive pas à choisir entre vous deux. Tu dois me détester maintenant.

Elle avait l'air tellement misérable que Harry ne pu s'empêcher de la prendre dans ses bras.

— Je ne te déteste pas.

Il la serra longuement contre lui en respirant l'odeur de ses cheveux. La nouvelle lui faisait un choc, mais il l'aimait, entièrement, telle qu'elle était. Elle avait si souvent accepté de passer après ses deux âmes damnées, Ron et Hermione, il pouvait bien accepter qu'elle aussi ait d'autres personnes dans son coeur. Il n'était plus dévoré par la jalousie comme deux ans auparavant : il savait qu'elle l'aimait, le reste n'avait pas d'importance.

— Écoute… Ce n'est pas grave. Ne choisis pas. Je t'aime et je ne te demanderai pas de ne plus la voir. On n'est pas obligé de prendre des décisions maintenant, ça peut attendre. De toute façon, nous n'allons pas beaucoup nous voir pendant l'année scolaire, alors on n'a qu'à dire que nous sommes ensembles pendant les vacances et que tu es libre le reste du temps. Et nous reparlerons de tout ça dans un an, je t'attendrai, d'accord ?

— Mais ce n'est pas juste ! Je ne veux pas que tu m'attendes pendant un an sans savoir. Toi aussi tu dois être libre.

— Mais personne d'autre ne… Bon ok. Deal. Nous sommes ensembles, mais nous sommes tous les deux libres. Cela te convient ?

En guise de réponse, Ginny se jeta à son cou pour l'embrasser passionnément et Harry sut qu'il avait pris la bonne décision. La rouquine le fit basculer en arrière et se retrouva à califourchon au dessus de lui, les mains glissées sous son t-shirt. Elle se pencha pour lui murmurer à l'oreille :

— Puisque tout ça est réglé, nous pouvons reprendre là où nous en étions, tu ne crois pas ?

Harry avait soudainement très chaud et se tortillait entre les jambes de la jeune fille.

— Hem… oui. Mais je ne suis pas sûr que c'est ce que ta mère avait en tête quand elle t'a dit de venir me voir.

— Harry, je te préviens, si tu évoques encore ma mère dans une situation comme celle-ci, je lance un sort Cuisant sur tes bijoux de famille.

Harry rigola et l'attira à lui pour poursuivre leur étreinte.

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Les travaux de restauration de Poudlard avançaient bien. Harry, Ron et Hermione, ainsi que de nombreux autres volontaires, étaient venu donner un coup de baguette.

Minerva McGonagall se dressait fièrement, telle la capitaine d'un navire, au milieu des sorciers qui exécutaient ses ordres. Les murs effondrés étaient relevés, de nouvelles protections magiques étaient dressées et l'école était en bonne voie pour rouvrir ses portes le 1er septembre.

Hermione, évidemment, était impatiente de pouvoir enfin suivre sa septième année et passer ses ASPICs. Cependant, Harry et Ron avaient décidé de ne pas revenir.

Kingsley Shacklebolt avait déclaré que toute personne ayant participé à la bataille de Poudlard dans le bon camps avait prouvé ses capacitées et pouvait intégrer directement le Bureau des Aurors. Plus pragmatiquement, leurs effectifs étaient au plus bas, entre ceux qui avaient péris et ceux qui avaient été renvoyés pour collaboration avec le régime de Voldemort.

Malgré l'aide internationale dont bénéficiait la Grande-Bretagne, le Ministre souhaitait renflouer ses rangs au plus vite. De nombreux Mangemorts étaient encore en fuite et le désordre actuel était propice aux fauteurs de trouble. Il était donc convenu que Harry, Ron, Neville et d'autres frères et soeurs d'armes intégreraient l'unité d'élite début septembre, après des vacances bien méritées.

En outre, Harry et Ron avaient reçu une mission particulière de la part de Shacklebolt, à laquelle ils avaient déjà commencé à s'atteler : ils devaient aider Gawain Robards, le nouveau chef du Bureau des Aurors, à purger et réformer ce dernier. Ils avaient accompli la première partie ces derniers mois et cela n'avait pas été une tâche agréable.

Pour les résistants qui avaient aidé l'Ordre du Phénix, c'était facile, de même que pour ceux qui avaient clairement affiché leur sympathie pour le régime oppressif. Mais la plupart n'entraient dans aucune de ces deux cases. Ils étaient juste restés loyaux envers le Ministère et s'étaient contentés d'exécuter les ordres, avec plus ou moins de zèle.

C'était ce plus ou moins qui permettait de déterminer leur intégrité morale. Une vaste zone grise où il était difficile de discerner les collabos passifs de ceux qui étaient restés pour essayer de limiter les dégâts.

Pour l'heure, Harry prenait une petite pause dans son dur labeur et se promenait près du lac. Il s'arrêta près des tombes blanches jumelles, là où reposaient les deux derniers directeurs de Poudlard, Dumbledore et Snape. Il s'allongea dans l'herbe fraîche qui poussait entre les deux.

Il avait pu faire ses adieux à Dumbledore et éclaircir toutes les zones d'ombres que le vieil homme avait laissé à sa mort. Mais rien de tel avec Snape. Bien sûr, il avait laissé ses souvenirs, qui lui avaient permis de comprendre bien des choses, mais il restait frustré. L'ancien espion ne lui avait laissé aucune chance de réellement le connaître.

Harry reprochait à Snape de n'avoir jamais été capable de voir autre chose que l'image de son père et le souvenir de sa mère à travers lui, et lui-même culpabilisait de l'avoir autant méjugé. Toute cette haine qu'il avait ressentie à l'égard de l'homme en noir ! Pas une année il ne lui avait accordé la confiance que pourtant il aurait mérité. La seule exception avait été la période où il admirait le Prince de Sang-Mêlé sans savoir de qui il s'agissait.

Admiration. Le mot était faible. Pendant cette période particulière où il affrontait les émois de l'adolescence, le Prince avait été comme un ami invisible, un guide et un confident. Il s'était souvent imaginé discutant avec lui. Dans son esprit, c'était alors un jeune homme de son âge, aussi beau qu'avait pu l'être Jedusor en son temps, mais avec un caractère bien différent.

Alors que Jedusor était posé et charmeur, son Prince, lui, ne mâchait pas ses mots. Il pouvait être moqueur quand Harry lui parlait de ses sentiments pour Ginny, heureux pour lui quand il réussissait quelque chose et emporté quand il lui rapportait une injustice. Il était plus humain que Jedusor ne l'avait jamais été.

Parfois, le Prince était blond avec un visage pointu. Harry était tellement obsédé par son enquête sur Draco Malfoy que le Serpentard envahissait son esprit, mais il chassait rapidement l'image dérangeante. Il préférait encore les traits de sa vision humanisée de Jedusor.

Car il y avait ces autres choses qu'il avait imaginées, seul dans son baldaquin, les fantasmes qui l'avaient fait se détester lui-même et encore plus détester Snape après la mort de Dumbledore. C'était à l'époque où il était rongé de jalousie contre Dean et où il essayait de ne pas penser à Ginny, même quand ses hormones le travaillaient.

Le Prince se glissait silencieusement dans son lit et posait un doigt sur sa bouche pour l'inviter à ne pas faire de bruit tout en lui faisant un clin d'oeil malicieux. Ce doigt dessinait ensuite les contours de ses lèvres avec douceur puis il se penchait lentement pour s'en emparer.

Le Prince était délicieusement sadique : souvent, il attachait Harry à l'aide d'un sort qu'il avait inventé spécialement pour lui et il le torturait longuement avec sa langue. Harry finissait par éjaculer dans sa bouche experte, puis il se retrouvait seul et un peu honteux dans ses draps souillés. D'autres fois, il essayait d'imaginer ce que ce serait d'entendre ses gémissements alors qu'il lui rendrait la pareille, de le voir abandonner sa morgue.

Ils n'étaient jamais allé au-delà de la fellation. Harry ne savait pas trop ce que deux garçons pouvaient faire d'autre ensemble. Il avait entendu des rumeurs mais cela lui semblait vaguement dégoûtant et il ne pensait pas qu'il pourrait prendre du plaisir ainsi. Après tout, ce n'était qu'un fantasme, il restait un garçon qui aimait les filles, quelqu'un de normal, non ?

Depuis, il avait révisé sa vision de la normalité. Dumbledore avait eu des amants, même si l'un d'entre eux était Grindelwald. Et surtout il y avait les révélations de Ginny. L'amour, ce n'était pas forcément entre un garçon et une fille. Un seul coeur pouvait aimer plusieurs personnes. Il avait encore du mal à s'habituer à ces idées, mais elles lui semblaient justes.

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— Mince, c'est laquelle déjà ?

Charisma Hudson testait les différentes clés de son trousseau sur la serrure pendant qu'Harry et Ron patientaient sagement derrière elle. Quand elle mélangea pour la troisième fois les clés qui avaient déjà été essayées avec les autres, elle se résolut à lancer un Alohomora.

— Bon, je ferai changer la serrure et vous pourrez ajouter les sorts de protection que vous voudrez. Enfin, évitez quand même tout ce qui est sanglant ou salissant. Une fois, j'ai eu un locataire paranoïaque qui avait doté sa porte d'un maléfice qui faisait vomir quiconque s'approchait à moins de 5 mètres. Ce qui était fort incommodant pour les habitants des étages supérieurs obligés de passer devant chez lui.

La porte s'ouvrit sur un grand appartement vide. Elle agita sa baguette pour faire disparaître la poussière et ouvrir les rideaux.

— Donc là vous avez le salon-cuisine - avant il y avait deux pièces séparées, mais j'ai cassé le mur, les jeunes préfèrent ça comme ça maintenant. Comme vous le constatez, les fenêtres donnent sur le parc. J'ai entendu dire que vous aimiez le Quidditch, alors vous serez content : on a le droit d'y jouer, à condition de ne pas dépasser le couvert des arbres.

Harry n'en fit pas la remarque, mais il était déjà au courant, c'était même la principale raison qui l'avait incité à choisir cet immeuble, le 221B Chemin de Traverse.

Madame Hudson les emmena dans un petit couloir.

— Là vous avez la chambre, dit-elle en ouvrant une porte, et là la salle de bain, en en ouvrant une autre.

Harry jeta un oeil à la première pièce, assez spacieuse pour installer un bureau en plus d'un lit, et découvrit avec plaisir une baignoire dans la salle de bain.

— J'ai d'autres appartements plus grands, si vous voulez une pièce en plus pour le travail, ou pour faire une chambre d'amis, par exemple.

— Non, c'est parfait, répondit Harry. Je n'ai pas besoin de beaucoup de place.

— Comme vous voulez. Prenez le temps de visiter, je vous attends sur le pallier.

Une fois que Madame Hudson fut sortie, Harry se tourna vers Ron :

— Tu en penses quoi ?

— La vue est chouette. Mais c'est quand même vachement moins grand que le square Grimmaurd. Tu sais, on tiendrait tous là-bas sans problème.

— Je n'ai vraiment pas envie de retourner là-bas pour le moment. Sirius, Lupin, Dumbledore, Fol-Oeil, Snape… il y a trop de fantômes pour moi dans cette maison.

— Quand on l'aura retapée, tu ne reconnaîtras plus les lieux, promit Ron d'un ton assuré. Mais quand même, j'ai l'impression de te chasser de chez toi…

— Ne dis pas de bêtises. Le Terrier a toujours été comme une maison pour moi. C'est normal que je vous prête la mienne.

Les Mangemorts n'avaient laissé qu'un tas fumant à l'emplacement de la maison des Weasley. Harry avait été ravi de ce prétexte pour leur confier celle qu'il avait héritée de Sirius en attendant la fin de la reconstruction.

Bien sûr, ils avaient protesté, alors Harry leur avait proposé de restaurer l'antique demeure en guise de loyer. Molly Weasley avait été enchantée à cette idée et il lui faisait confiance pour transformer la maison des Black en un endroit chaleureux où il ferait bon vivre.

Les deux amis rejoignirent Madame Hudson.

— C'est parfait, déclara Harry. Est-ce qu'il y a d'autres choses que je dois savoir ?

— Seuls les animaux de petite taille sont autorisés. Je ne veux plus jamais voir d'hippogriffe dans cet immeuble. Je préfère être prévenu si vous hébergez d'autres personnes, sorciers ou créatures intelligentes, sur de longues périodes.

— Il y aura un elfe de maison, répondit Harry.

Madame Hudson en fut étonnée : seules les plus riches familles avaient un elfe de maison. Ses locataires n'avaient pas le profil, c'étaient majoritairement des jeunes qui se lançaient dans la vie, comme Harry, ou des étrangers en séjour prolongé à Londres.

Harry avait songé à laisser Kreattur au Square Grimmaurd pour aider les Weasley car ils auraient fort à faire, mais ce dernier avait appris que Molly avait tué sa chère maîtresse Bellatrix et une lueur dangereuse s'allumait dans son regard à chaque fois qu'il la regardait.

Il avait finalement cédé aux supplications de l'elfe et accepté qu'il vienne vivre avec lui. Même s'il gardait encore une certaine rancune envers lui, il ne voulait pas répéter les erreurs de son parrain en ne prenant pas en compte ses sentiments.

Madame Hudson lui fournit quelques informations complémentaires pendant qu'ils descendaient les trois étages. Arrivés dans le hall d'entrée, elle donna rendez-vous à Harry pour la signature du contrat et lui serra la main avant d'ouvrir la porte.

— Ha, vous devez être Monsieur Prince, s'exclama-t-elle. Bonjour, bienvenue. Vous êtes en avance mais ça tombe bien, je viens juste de finir avec un autre nouveau locataire. Si vous emménagez ici, vous aurez la chance d'avoir pour voisin le célèbre Harry Potter ! Venez, je vais vous faire visiter.

Un homme vêtu d'une redingote indigo entra et Harry se figea en croisant son regard. Il lui semblait étrangement familier. Pourtant, en le détaillant, il ne voyait pas où il pouvait l'avoir déjà rencontré.

Il était très grand, avec de longs cheveux noirs attachés en queue de cheval et des yeux perçants de couleur claire. Son long visage pâle avait des traits durs, avec un nez aquilin et des pommettes saillantes. Une grande cicatrice barrait le côté droit de son visage, de sa tempe jusqu'à sa mâchoire. Il ne paraissait pas très vieux, moins de 40 ans, mais tout dans son allure montrait qu'il avait vécu beaucoup de choses.

L'homme le dévisagea quelques secondes, comme tous ceux qui rencontraient Harry pour la première fois. Pourtant, son regard ne chercha pas la célèbre cicatrice sous les mèches de cheveux en bataille. Finalement, il salua les deux jeunes hommes d'un bref hochement de tête et suivit Madame Hudson.

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