L'ambiance était celle que l'on pouvait attendre d'un bal de lycéen. Poudlard avait beau être une école de sorcier, les élèves restaient des adolescents classiques avec leurs soucis et leurs envies. La fête étant sous la surveillance de la ô combien respectable directrice Minerva McGonagall, il n'y avait ni alcool jaillissant à flots, ni nuages de fumées provenant de cigarette qui font rire. Mais les jeunes sorciers semblaient y trouver leur compte. La seule musique semblait les mettre en transe, rapprochant les corps de façon incroyable et libérant les esprits de toutes barrières préétablies. C'était le moment idéal pour essayer de conclure avec son/sa cavalier/ère. Chauffer les corps et épuiser les muscles au son d'un électro moldu en vogue qui par ses vibrations surpuissantes donnait naturellement envie de sauter en rythme.

Puis au moment des slows, la tension se relâcherait et profitant des endorphines libérées par la danse, les lèvres des adolescents chercheraient la rencontre tant attendue. Pour les plus entreprenant, quelques pas dans les jardins rapprocheraient les peaux brûlantes puis mèneraient aux lits des dortoirs. Le reste appartenant au silence bienveillant des amants en question. Toujours est-il que rien ne semblait troubler les plans ambitieusement romantiques des nombreux jeunes sorciers amoureux.

A part peut être deux musiciens cachés derrière un rideau de la scène attendant leur tour pour jouer, impatiens de troubler cette ordre musicalo-débilisant installé sur des bases solides. Albus et Scorpius affichaient un style vestimentaire entre uniforme classique de leur école et fringues de punks première génération. Leurs longues robes noires étaient customisées à base de patchs de groupes qu'ils adoraient. Rancid, Sex Pistols, Ramones, The Gun Club etc… S'ajoutaient des slogans dessinés grossièrement à la peinture blanche avec une typographie inégale. « Fuck the establishment » « Kill the posers » et autres provocations propres à un esprit à la rechercher d'un idéal à attaquer à coup de pierres et à détruire avec une fureur adolescente.

Albus arborait en plus une coiffure enduite de gel et de coloration bleu électrique. Scorpius avait gardé sa couleur naturelle, déjà bien assez anormale mais s'était rasé les côtés du crâne pour se faire une coupe iroquoise. L'effet était saisissant quand dans la même journée on les avait vu bien coiffés et en uniformes propres. Plusieurs de leurs camarades ne les avaient pas encore reconnus, les prenant pour un groupe externe à Poudlard.

Ils avaient découvert ce style lors de leur deuxième année à Poudlard, une boite de pandore ouverte par la cousine d'Albus, Daisy, fille moldue de Dudley Dursley et jeune fan de punk de son état (déglinguée). Accro dès les premiers powers chords d'un God Save The Queen toujours aussi enragé depuis 1977, les deux jeunes sorciers s'étaient lancés dans le vide de la musique punk-rock sans même un instant de réflexion. Depuis deux ans, leurs nuits se résumaient à des écoutes intensives de groupes d'horizons divers et au visionnage de documentaires sur ces groupes devenus leurs légendes personnelles. Puis un jour sur deux, ils se réfugiaient dans la salle sur demande pour y apprendre l'art des instruments véritablement magiques (même si crées par des moldues) : La guitare et la batterie.

Même si les débuts avaient été catastrophiquement prévisibles : Albus ne sortait que des crissements inaudibles de ses cordes de guitares et Scorpius n'arrivait pas à tenir deux mesures sans que son rythme se désagrège.

Mais, rien n'était plus fort que leur volonté de réussir à enfin ressentir cette foudre brutale qu'est un morceau joué à plein volume. Ils travaillèrent encore et encore, dans le plus grand secret bien sûr, ils n'étaient pas très populaires au sein de l'école de magie. Et jouer les rebelles ne les aiderait pas. Bien évidemment leurs résultats scolaires avaient chuté à plus grande vitesse qu'une Eclair de feu dernière génération. Face aux réprimandes, la réponse était toujours « nous préparons un projet personnel de grande envergure qui nous demande du temps, il en va de notre avenir ». Une phrase qui sonnait très Fred et George Weasley dans l'âme. La réussite de jumeaux était dans l'esprit de beaucoup de gens, c'était sans doute ça qui avait fait tenir leur excuse bancale.

On leur demandait juste de ne pas montrer ouvertement que les cours ne les intéressaient pas. Ce soir le rideau tombait. Leur « grand projet » allait éclater la gueule des spectateurs abrutis aux hormones et au jus de citrouille. Bien sûr la directrice allait les convoquer dans la seconde où ils quitteraient la scène, mais ils allaient au casse-pipe avec la détermination des loosers magnifiques qui se plantent avec une détermination sans faille.

Ils n'avaient pas particulièrement de grief contre le dj, il faisait plutôt bien son job. Pour un Dj cela s'entends. C'était une septième année qui bossait à mi-temps au bar de ses parents moldus. Un gars cool, sympa et fêtard. Le bon adolescent branché de base. Il avait promis de leur laisser la place à partir de minuit sans même avoir écouter un morceau. Sans doute pensait-il à un simple groupe de petit glam rock pas trop agressif qui finirait de chauffer l'ambiance et ferait rire avec leurs looks improbables. Touchante naïveté.

-Albus…dit soudain Scorpius avec une voix tremblante.

-Quoi ? Tu as le stress ? Ne t'en fait pas, tu es le meilleur batteur que je connaisse.

Le fils Malefoy ne lui répondit pas qu'il était surtout le SEUL batteur qu'il connaisse.

-Non au contraire Al… J'ai toutes les raisons du monde d'être à cran et pourtant… J'ai qu'une envie c'est de monter sur scène et d'éclater mes fûts en frappant comme un démon. Les profs et nos parents vont péter un câble quand ils découvriront que c'est ce groupe qui prend les trois quarts de notre temps… Mais je m'en fous complètement, putain je veux voir les gueules de ces cons tomber en miette ! Je veux les voir se boucher les oreilles avec désespoir et je veux entendre le silence horrifié quand on aura fini notre set !

Cette phrase fit chaud au cœur du fils Potter. Lui aussi était déterminé.

La musique prit fin et le Dj prit son micro.

-Et pour la fin de cette soirée je vous demande d'accueillir un jeune groupe originaire des murs de nôtres école ! Ils ne sont peut-être qu'en quatrième année mais j'ai comme l'impression qu'ils vont vous faire bouger ! Veuillez accueillir les New Snakes !

Albus et Scorpion avancèrent sans frémir vers la scène alors que le Dj set laissait magiquement la place à un micro noir, une Gibson Les Paul à la peau écarlate branchée sur un empli Marshall grand format et un kit de batterie vert et argenté.

Le silence se fit quand la foule les vits débarquer. Albus aperçut son grand frère, James, en compagnie d'une fille de septième année. Il avait les yeux écarquillés et la bouche grande ouverte.

Le cadet Potter sourit de le voir aussi étonné. Son frère n'avait d'yeux que pour le Quidditch et les jolies filles qui vont avec, le reste de la soirée allait le secouer.

Il se remémora un instant la set liste du concert. Neuf morceaux. Sept compositions et deux reprises. Une pour ouvrir, l'autre pour conclure.

Se tenant face au public, le micro sous le nez, il ferma les yeux quelques secondes pour s'imprégner de l'ambiance et se ressourcer. C'était le moment qu'il avait tant attendu. Le moment de faire éclater sa musique et celle de ses idoles devant le monde entier. Ou plus précisément devant son monde.

Poudlard n'avait pas été accueillante, ni avec lui, ni avec Scorpius. Ils avaient été la nouvelle génération de Serpentard, et depuis la guerre, s'y retrouver n'y était pas bien vu.

Surtout pour un fils de mangemort et un fils de héros.

Il n'y avait pas de guerre ouverte, mais seulement un genre de tension générale. On les regardait mal, on les bousculait parfois mais en s'excusant à moitié, On rependait des rumeurs idiotes, les filles ne s'approchaient pas, les binômes dans les cours étaient souvent désagréables et râleurs.

Albus pensa à son père qui tentait malgré tout de le motiver à poursuivre ses études. Pour lui ces gamineries cesseraient avec le temps et la maturité grandissante. Mais il avait sous-estimé à quel point toutes ces petites choses pouvaient faire mal à un enfant de douze ans.

Peut-être que c'était pour ça que le punk lui avait retourné l'estomac à ce point. C'était la solution que la vie avait offerte à lui et à Scorpius. Une bouffé de rage remplie d'énergie nihiliste et joyeuse.

Quand il réouvrit les yeux, il se sentait plus grand, plus fort et résolument taré. Il regarda le public et murmura au bord du micro :

-Is she really going out with him?

Scorpius martela ses toms avec force, les faisant bouger sur le plancher. Un rythme lourd et primitif. Albus hurla dans le micro et après un break d'une demi-seconde, son ampli cracha le riff tout aussi épais qui allait avec. Il avait ajouté magiquement plusieurs réglages. Le son de sa guitare était ainsi doublé dans les basses de façon à masquer l'absence d'une vraie basse et construit par plusieurs effets comme de la fuzz et de la distorsion qui rendait le tout plus constant et plus organique.

Le résultat frappa le public avec la puissance d'un boulet de démolition. Grâce à un autre habile sortilège, le son restait au-delà des 120 décibels sans attaquer les tympans, évitant ainsi que les premiers rangs ne perdent l'usage de leurs oreilles au moment du choc.

Il attaqua le couplet avec ténacité, enivré par le son qui lui parvenait aux oreilles. Son monde était là, concret et omnipotent. Rien d'autre ne comptait. Seul la musique vivait.

Quand il chanta, ce fut en sentant ses hurlements sortir de sa gorge pour frapper la foule. Il ne chantait pas faux, mais nul doute que beaucoup de sorciers n'avait jamais entendu quelqu'un chanter comme ça, en mettant ses cordes vocales sur le fil du rasoir.

Quand ce morceau fut terminé, personne n'applaudit. Mais Albus ne s'en formalisa pas. Ils étaient tous sous le choc, ça se voyait.

Autant continuer. Les choses bougeraient en cours de route.

Le deuxième morceau commença à faire bouger les têtes, et quelques Poufsouffles, un peu têtes brulées, commencèrent à remuer.

Au troisième les Serpentard se joignirent à eux.

Au quatrième tout le monde sautait et plusieurs personnes esquissaient un pogo malhabile et intuitif.

Au cinquième, McGonagall ne put que regarder l'ensemble de la salle se transformer en une gigantesque explosion de jeunes sorciers et sorcières surexcités. Devant la scène c'était le chaos absolu, on ne pouvait garder la même personne dans son champ de vision plus de quelques secondes tant ils se bousculaient avec entrain. Certains montaient sur scène pour danser puis se jetaient dans la foule qui les rattrapaient avec plus ou moins de succès.

Lorsque quelqu'un tombait, on le relevait aussitôt et il disparaissait dans l'amas de chemises et de robes de soirées.

Albus devait se battre pour garder le micro à portée. Il se faisait bousculer et devait riposter par de grands coups d'épaules, ses mains toujours occupées à gratter les cordes et plaquer les accords.

Quand il se tournait vers Scorpius, il le voyait presque toujours mettre de grands coups de cymbales près de ceux qui sautaient en direction de sa batterie.

Il n'avait pas menti quand il lui avait dit qu'il était le meilleur batteur qu'il connaissait. Il était le seul à jouer exactement en accord avec son propre jeu. Ses moments de tempêtes duraient sans jamais s'arrêter et les accalmies sentaient l'appel du crescendo à plein nez. Ils avaient grandi ensemble musicalement, ils étaient les deux facettes d'une même pièce. Les New Snakes ne seraient jamais les mêmes si quoique ce soit venait à changer.

Voyant son ami en difficulté face à un sorcier qui tentait de lui voler sa caisse claire, il écourta sa partie vocale et partit à l'assaut du perturbateur qu'il jeta hors de la scène à grands coups de pied. Un solo plus tard, leur huitième morceau se terminait sous les cris enthousiastes et les applaudissements frénétiques.

Albus considéra la masse d'étudiant trempés de sueur et haletants. Il avait envie de sourire jusqu'aux oreilles en voyant ce spectacle. Il se tourna vers Scorpius qui attendait, la crête aplatie par les efforts et les mouvements brusques. La tête baissée, il reprenait son souffle pour l'ultime morceau.

Albus changea d'un coup de baguette les réglages de son ampli, puis, il fit signe à son ami de venir.

Ses baguettes à la main, ce dernier s'approcha du micro.

-Ceci sera notre ultime morceau ! hurla-t-il. Alors je compte sur vous pour foutre un max de bordel !

La foule rugit d'enthousiasme et il y eu plusieurs sifflements dignes des supportes des matchs de Quidditch et de Foot.

Albus se retourna vers son ampli et commença à jouer des sons étranges, des notes sonnant à moitié ou résonnant de façon électrique.

-Come on people now, smile on your brother and everybody get together! Hurla Scorpius d'une voix rocailleuse. Try to love one another right now!

Albus plaque des power chords avec la subtilité d'un bucheron sous amphétamines. Son ami courut vers son kit et se calla en vitesse pour commencer à mitrailler sa caisse claire.

When I was an alien,

cultures weren't opinions

Gotta find a way, to find a way, when I'm there
Gotta find a way - a better way - I had better wait

Albus sentait ses cordes vocales souffrir alors qu'il hurlait comme un possédé. Son corps bougeait tout seul, il sautait comme un fou et se balançait d'avant en arrière en utilisant ses jambes.

La salle explosait à nouveau comme un volcan en éruption. Oubliant le reste de la chanson, il continua à hurler le refrain à s'en déchirer la gorge.

Gotta find a way, to find a way, when I'm there
Gotta find a way - a better way - I had better wait

GOTTA FIND A WAY ! FIND A WAY ! I'M THERE !

GOTTA FIND A WAY AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHH.

Sa voix s'éteignit et il prit une décision alors que de l'endorphine pure se rependait dans son crâne. Il prit sa guitare, la souleva et l'éclata au sol, provoquant un larsen monstrueux.

Puis il sauta dans la foule qui l'accueillit comme elle pût.

Du coin de l'œil, il vit Scorpius éclater son kit à grand coups de pieds avant de se jeter lui aussi dans la foule.

Quelques secondes plus tard ils étaient côte à côte, porté par un public conquis et joyeusement féroce. Chacun vit dans les yeux de l'autre la réponse à ce qu'ils pensaient.

Ils avaient réussi. Le punk renaissait de ses cendres, et Poudlard était son berceau.

Voilà voilà, j'espère que ça vous a plu. Cet Os devait à l'origine être une fanfiction en plusieurs chapitres, comprenant des scènes de harcèlement, d'affrontements avec les parents, d'entrainement dans la salle sur demande, de doute… Puis sur un coup de tête dans un aéroport à trois heures du matin (non ce n'est pas une blague c'est vraiment comme ça que j'ai écris la moitié de ce que vous venez de lire) j'ai commencé à écrire cette scène qui passait en boucle dans ma tête. Peut-être que j'écrirais une suite ou pas je ne sais pas, en tout cas je me suis bien amusé et j'espère que vous aussi.

Quelques explications et détails : Le personnage de Daisy Dursley vient d'un fan art que j'ai trouvé sur facebook, elle était sensée jouer un rôle important dans l'histoire et était appelée à devenir la bassiste des New Snakes. Ce nom de groupe signifie deux choses : Premièrement c'est une renaissance, pour les personnages d'Albus et de Scorpius, qui deviennent adolescent dans le punk et deuxièmement, c'est simplement un hommage à leur maison.

Les deux reprises qu'ils jouent sont New Rose des Damned, qui commence par le fameux « Is she really going out with him ? » et Territorial Pissing de Nirvana. Ce que Scorpius hurle et l'intro du morceau chanté par Chris Novoselic (le bassiste de Nirvana) qui est à la base, les paroles d'un hymne hippie.

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