— Midoriya-shonen ! Je-je suis désolé…

All Might, les yeux rouges et creusés, me regardait tristement. Il avait longtemps dû hésiter avant de venir me voir et il frissonna lorsqu'il aperçut l'expression pleine de haine que j'affichais depuis que mes yeux s'étaient posés sur le cercueil. Pourtant, il ne recula pas.

— Reste fort, mon garçon. Je sais à quel point c'est dur mais-

Alors que j'étais jusque là resté assis sans rien dire, sourd à son discours semblable à celui de tous ceux que j'ai croisé avant lui, je me suis brusquement levé, faisant tomber ma chaise avec fracas et attirant les regards surpris mais désolés des proches en deuil qui nous entouraient.

— Vous savez ? Vous savez ? me suis-je enragé. Sa mort, la mort de Katsuki Bakugō, est uniquement de votre faute, All Might, ais-je craché, en m'assurant que tout le monde ici m'entendait. C'est vous qui avez laissé Shigaraki Tomura s'échapper maintenant trois fois. C'est vous qui êtes allé le rencontrer tout seul sans en parler à personne. C'est vous que Kacchan a protégé de son attaque. C'est vous qui l'avez tué.

Autour de moi, les anciens élèves de la classe A du prestigieux lycée héroïque de Yūei s'agitaient. Sans regarder autre chose que l'homme qui un jour avait été mon idole, je pouvais les sentir murmurer. Sentir leur peur, leur surprise, leur tristesse. Ils s'étaient tous réunis à l'occasion même si la plupart ne s'étaient pas revus depuis la remise des diplômes, trois ans auparavant.

Plus loin encore, je pouvais entendre les journalistes et leurs cameramen se presser pour s'approcher un peu de l'incident que j'étais en train de créer. La cérémonie n'était pas privée, loin de là. Ground Zero, le grand héros à l'alter explosif, méritait tous les honneurs, après son sacrifice héroïque. Quelle blague. Ses parents avaient quitté le corps de leur enfant dès l'arrivée des médias et des autres héros, ne pouvant supporter l'afflux de questions.

Et moi, j'aurais dû faire pareil, pour mon propre bien. Sauf que j'en avais été incapable. Dès que le cercueil avait été apporté et déposé sur la large estrade, dès que le prêtre s'était mis à parler, dès que la pluie s'était mise à tomber, je suis resté paralysé. Ochako et Iida, mes deux meilleurs amis, avaient cherché les mots, en vain. Et le voilà qui arrivait, lui parmi tous les autres, pour me dire qu'il me comprenait. Je ne pouvais l'accepter.

Ochako s'approcha doucement de moi et commença, sous le regard inquiet d'Iida, son mari, à essayer de me calmer. Ochako et Iida, ceux-là même qui avec l'aide d'Eraserhead, m'avaient empêché à tout prix d'aller rejoindre All Might et Kacchan là où ils étaient. Ils m'avaient empéché de le sauver. Et, lorsque j'étais arrivé sur les lieux de l'accident, Katsuki baignait dans son sang, mort. Il m'avait adressé un sourire, un seul, celui qu'il avait avant de succomber à ses blessures. Shigaraki et ses acolytes s'étaient sauvés et All Might avait eu la vie sauve.

— LA FERME !

A mon cri, Ochako, qui parlait doucement, s'était brusquement interrompue, ses deux mains se posant sur sa bouche alors que ses yeux s'écarquillaient avec peur. All Might avait baissé la main avec laquelle il s'apprêtait à me toucher la tête ou l'épaule. Tous me regardait avec stupeur et effroi, comme si un monstre vil et terrible venait de sortir du corps du doux et calme Izuku Midoriya. Moi-même je ne me reconnaissais plus. Cette colère irrationnelle me brûlait terriblement le ventre et ma tête me faisait mal, comme si on tapait dessus.

— LA FERME ! LA FERME ! LA FEEEERME !

A force de crier comme un damné, ma tête s'était mise à tourner et pendant quelques secondes, j'eus l'impression que tout ceci n'était qu'un rêve absurde. Que tous ces gens aux actions et réactions surnaturelles n'étaient que le produit de mon esprit malade. Que si j'y croyais assez fort, Kacchan allait sortir de son cercueil, un sourire moqueur sur le visage, et me prendrait dans ses bras.

J'ai levé ma tête vers ledit cercueil, juste à côté de moi. Rien ni personne n'en sortit. Le visage sur lequel je venais de me pencher affichait toujours la même expression auto-satisfaite que depuis une heure. La même que depuis sa mort.

Tandis que sur mon propre visage apparaissait un sourire torturé, dans un ultime cri de douleur, j'ai activé le One For All pour bondir et m'échapper de cet endroit et de ces gens qui me rendaient malade, avec pour seules pensées une image de mon amour perdu et une envie sauvage et irréductible de me venger.