Vieille croyance
Chapitre 01 : Une étrange trouvaille
Dans un bois, non loin d'un petit village perdu dans les terres du nord-est, quelqu'un semblait très affairé. Le printemps était déjà bien avancé et la saison du tourisme allait attirer les clients d'ici quelques semaines avec le redoux. Les arbres étaient encore en fleurs mais on pouvait déjà apercevoir les prémices de certains fruits. Les animaux se faisaient plus discrets, bien qu'on puisse parfois voir pointer un petit museau entre deux souches ou une boule de plume virevolter avec maladresse. C'est ainsi qu'un homme aux cheveux noirs de jais ramassait du bois mort, de toute forme, de toute teinte et de toutes essences, qu'il remontait dans une petite charrette laissée sur la route.
C'était le premier voyage de la journée, il faisait encore frais en ce mois d'avril, il était encore très tôt et peu de monde devait être réveillé au village, pas même son fils. C'était sa petite habitude, profité du calme ambiant avant que les bruits des habitants ne perturbent le son paisible du vent dans les arbres, avant que les bûcherons et les chasseurs ne viennent saccager œuvrer dans son havre de paix.
Alors qu'il guidait son cheval, marchant à côté de lui, quelque chose attira son regard. Une couleur qui ne devait pas se trouver là, au milieu du vert clair de l'herbe, dans petit chenal, quelque chose de bleu semblait avoir été oublié là. Il n'était pourtant pas dans les habitudes des villageois de laisser quoi que ce soit obstruer les fossés sinon c'était les inondations qui les attendaient aux prochains orages.
Bizarrement, ce bleu avait quelque chose d'attirant, presque hypnotique. Ralentissant, il délaissa sa monture pour examiner ce qui semblait ressembler à des algues bleue flottant dans la tranchée. Plus il s'approchait, plus il se sentait attiré par cette drôle de chose.
Méfiant, mais néanmoins trop curieux, il attrapa ce qu'il pensait être une nouvelle espèce d'algues, mais en soulevant sa trouvaille, il réalisa qu'il s'agissait en réalité de cheveux.
Pendue devant lui, une jeune fille presque complètement dénudée, au corps tuméfié, vêtue d'une simple culotte noire trouée aux hanches et d'un bandeau cachant sa poitrine de même couleur et dans le même état. Elle était dans un tel état qu'il lui fallut un instant avant de comprendre ce qu'il avait sous les yeux, avant de la poser sur l'herbe. Malgré son calme apparent, il bouillait de l'intérieur, ne comprenant pas comme on pouvait faire autant de mal à un être humain, tandis qu'il posa son oreille sur sa poitrine.
S'autorisant un souffle, il était rassuré de voir que malgré son apparence de mort, elle était bel et bien vivante.
Se relevant promptement, le sculpteur tira légèrement sur les rennes de son cheval, lui intimant l'ordre d'avancer. Depuis le temps, la bête connaissait parfaitement le chemin, elle s'arrêterait devant la maison sans problème, tandis qu'il s'emparait du corps agonisant avant autant de précautions qu'il pu avant de se diriger en toute hâte vers le village.
« Zeref ! » cria le brun à travers la porte, « Zeref, ouvrez, c'est Silver ! »
Des bruits de pas se précipitèrent de l'étage, puis la porte s'ouvrit, laissant apparaître un homme plutôt jeune malgré son âge, encore en pyjama, aux lunettes rectangulaires et à l'allure bienveillante.
« Silver ? Mais que se passe-t-il enf... » commença le médecin avant de voir ce que portait le villageois, « Entrez, posez-la sur la table ! » ordonna-t-il.
S'exécutant, il laissa ensuite l'homme faire son travail tandis qu'il se demandait encore comment ce genre de chose pouvait arriver.
« Où l'avez-vous trouvé ? » demanda-il alors qu'il examinait les jambes de l'inconnue.
« Dans le ruisseau d'irrigation, entre le bois et le village. »
« Mon ami, je crois qu'en plus de lui avoir sauvé la vie, vous avez trouvé une rareté. » expliqua-t-il tout en continuant son examen, « Cette petite est une élémentaire primaire. C'est quelque chose de très rare, mais aussi sujet à de nombreuses superstitions ridicules, ce qui expliquerait son état. »
« Une élémentaire primaire ? Vous voulez dire comme dans les vieux contes ? »
« Exactement mon cher, et avant que vous ne me disiez le contraire, sachez qu'ils existent puisque cette petite en est une. » reprit-il avant de s'expliquer, « A en juger par l'état de ses blessures elle se trouvait dans le canal depuis au moins une heure avant que vous ne la trouviez. De plus, ses extrémités ne sont pas fripées comme cela nous arrive après un bon bain. Mais nous en reparlerons plus tard, ses blessures sont très importantes, je vais peut-être avoir besoin d'aide. »
Réfléchissant un instant, il demanda au bon samaritain de bien vouloir l'aider, la demoiselle ayant une épaule luxée qu'il fallait remettre en place, ainsi que plusieurs fractures.
Ses deux jambes étaient dans un piteux état, Zeref annonçant rapidement qu'il lui faudrait des semaines pour s'en remettre et qu'il lui faudrait quelques temps pour remarcher normalement. Quelques côtes aussi étaient touchées, mais fort heureusement, aucun organe ne semblait atteint.
En détaillant un peu plus le nombre de blessures, ils remarquèrent que l'arrière de sa tête avait été en partit rasé, laissant des trous sans cheveux avec un étrange code, « JBA 8643 », et que de nombreuses plaies superficielles recouvrait l'entièreté de son corps.
Après plus de deux heures autour de la jeune fille, le médecin demanda un dernier effort à son ami, afin d'enfiler une vieille chemise à l'inconnue, avant de la couvrir d'un manteau, le médecin n'ayant plus de couvertures pour le moment.
« Eh bien, cette petite est tout de même bien mal en point… Que vas-tu faire, Silver ? » questionna le brun, curieux, « Ce n'est pas dans tes habitudes de ramasser les gens, il me semble que justement, tu abrèges leurs souffrances. »
« A t'entendre, on croirait que je suis un meurtrier… » souffla le brun, « Mais pour tout te dire, je me pose encore moi-même la question. Quelque chose m'a poussé à te l'amener, je suppose donc que je vais devoir m'en occuper, au moins jusqu'à ce qu'elle se remette de ses blessures. »
« Hum. Peut-être que c'est elle qui te l'a demandé. Le pouvoir de ces êtres est bien plus grand que ceux des mages normaux. Bien qu'inconsciente, peut-être a-t-elle réussis à t'appeler pour que tu l'aides. » songea-t-il à haute voix.
« Je ne sais pas trop comment annoncer ça à mon fils, tu sais comment il est depuis la mort de sa mère… » reprit tristement Silver, le regard assombris.
« Mika nous a quitté il y a près de 10 ans maintenant. Il serait temps qu'il s'y fasse. L'arrivé de cette petite l'aidera peut-être. »
Ils parlèrent encore un moment, jusqu'à ce que l'horloge du cabinet ne sonne 8h00. Zeref proposa au sculpteur de prendre sa propre charrette pour emmener la jeune fille chez lui, son fils n'aurait qu'à a lui rapporter dans la journée.
« Parfait. Je passerais demain voir comment vont ses blessures. Avec un peu de chance, elle sera réveillée. » salua l'homme aux lunettes après l'avoir aidé à installer la bleue dans la voiture de bois.
Après une vingtaine de minutes à marcher sous un ciel clair mais nuageux, il arriva à la barrière en bois qui clôturait la cours de sa maison. Poussant la porte, il tira le cheval jusqu'à la porte de la bâtisse de vieilles pierres, et entra dans la cuisine.
« Grey ! Lève-toi et viens me rejoindr, j'ai besoin de toi ! » appela-t-il d'une voix forte en se dirigeant vers les escaliers.
Dans le couloir, à l'étage, il s'arrêta devant la porte de bois et toqua avant de l'ouvrir.
« Grey, lève-toi. J'ai à te parler. » ajouta-t-il, restant dans l'encadrement.
Dans la pénombre d'une pièce visiblement jonchée de vêtements et de diverses choses, une forme commença à bouger dans ce qui se trouvait être un lit. Après quelques instants, la forme d'un jeune homme se distingua, assis.
« Qu'est-ce que t'as à me réveiller aussi tôt ? » demanda-t-il, la voix encore ensommeillée.
« Habille-toi, j'ai besoin de toi. On a une nouvelle pensionnaire. » déclara-t-il.
« Une quoi ?! » demanda le plus jeune, incertain, « Attends, d'où elle sort et pourquoi t'as accepté ?! » s'écria-t-il soudainement.
« Je l'ai trouvé en rentrant du bois. Elle est dans un sale état, elle va rester ici le temps de se rétablir. » expliqua Silver, fermement, « Je sais que ça ne t'enchante pas, mais c'est provisoire, dès qu'elle sera capable de marcher, elle rentrera chez elle, plus tôt encore si on retrouve sa famille. »
« Tu te démerdes tout seul alors. Je ne veux pas à avoir à m'en occuper. » grogna-t-il, mécontent en enfilant un pantalon.
« Si j'ai besoin de toi, tu m'aideras. Aux dernières nouvelles, tu n'es pas spécialement débordé il me semble. » décida la père, « Mais pour le moment, viens m'aider à la porter dans le salon. On va l'installer dans la pièce du fond, mais il faut virer quelques cartons et ouvrir un peu. »
De mauvaise humeur, il se leva tout de même, vêtu d'un simple pantalon, et suivit son père jusqu'au rez-de-chaussée, mais la surprise prit le dessus quand il vit le visage tant abîmé de la jeune personne. Même ses cheveux avaient été coupés très courts et ses yeux étaient bandés. Voyant l'étonnement sur le visage de son fils, Silver souleva le manteau qui recouvrait l'inconnue, laissant apparaître d'autres blessures bandées. A ce moment, et en voyant les plâtres et bandages qu'elle avait, il n'osait pas imaginer ce qu'il y avait sous la vieille chemise rapiécée qu'elle portait.
« Je pense que tu comprends pourquoi je ne l'ai pas laissée dehors ou adressée à l'auberge. » argua le plus âgé.
D'un hochement de tête, il affirma, tandis que Silver attrapa la planche sur laquelle reposait l'inconnue, Grey l'autre côté, puis ils la transportèrent dans le salon, posant la planche sur la table.
« Qu'est-ce qu'elle est lourde ! » grommela l'adolescent.
« Elle a les deux jambes et un bras dans le plâtre. » rappela le vieux.
Sans rien répondre, il emboîta le pas de son aîné vers la pièce de l'étage qui servait de remise, à côté de sa chambre. Ouvrant les fenêtres, ils emportèrent une partie des cartons au grenier, avant d'installer un futon provisoire avec de la paille.
« Pourquoi tu l'installes pas dans l'autre chambre ? »
« Parce qu'elle a déjà un occupant, même s'il n'est pas là actuellement. » répondit-il tranquillement, un carton dans les bras.
Le reste du déménagement s'effectua dans le silence, Silver connaissant parfaitement la raison pour laquelle son fils ne voulait pas toucher à cette pièce. Et Grey ne se gênait pas pour traîner, jugeant que l'inconnue n'avait rien à faire ici. C'était une sorte de sanctuaire auquel personne n'avait à toucher.
« Tu sais, ce n'est pas parce que ta mère n'est plus là que je ne pense pas à elle. Et un jour, il sera à nouveau temps d'accrocher ses œuvres dans la maison, mais pour le moment, on a besoin de son atelier, temporairement. »
Après quelques heures de travail et de dépoussiérage, ils installèrent leur nouvelle invitée sur un matelas improvisé fait de paille. Donnant le manteau qui la recouvrait à son fils, il lui demanda de le ramener avec la charrette au médecin en fin de journée tandis qu'il cherchait une couverture et un oreiller dans le placard de gauche.
« Je ne sais pas trop ce qu'elle a vécue, mais il est clair que quelqu'un s'est acharné sur elle. Pour le moment, elle est inconsciente, mais une fois qu'elle sera réveillée, j'aimerai que tu fasses un effort. »
« Hum. »
Fin du chapitre 01