DISCLAIMERS : Je ne possède ni ne gagne rien.

BLABLA DE L'AUTEURE : Voilà le nouveau chapitre. Bon, alors la durée de latence entre ce post et le précédent s'est révélée être deux fois plus longue que prévue mais j'avance lentement sur les deux derniers chapitres. J'avance, hein ! Mais lentement et ils vont surement être plus long que les autres. Donc, l'un dans l'autre, j'ai préféré ralentir le rythme de parution pour éviter de me retrouver à sec après le chapitre 6.

Merci à JaneWithTheKeyIsQueen et Artemis pour leurs reviews !

Jane : Je te l'ai déjà dit par MP, mais je précise au cas où ça intéresse quelqu'un, pour Hannibal, je me baserai uniquement sur ce qui est dit de son enfance dans les livres (que j'adapte à la temporalité présente). J'ignore les détails (trop peu nombreux) de la série.

Artemis : Merci beaucoup, je suis contente que ça te plaise. Pour ta question sur une suite... disons... oui et non. J'ai en tête l'idée d'une suite, oui. Elle se passerait pendant leur année de Terminale (donc ils auraient 17/18 ans donc ils ne seraient pas légalement adultes mais ils seraient psychologiquement plus ou moins comme ils sont montrés dans les séries, donc plus "accomplis" que dans mon histoire actuelle). Mais cette suite n'est qu'à l'état d'idée et je ne la développerai que si cette première partie est jugée suffisamment intéressante. Voilà, voilà !


CHAPITRE 3 : At least don't do the smiling.

Il y eu un lourd moment de silence, dans la classe d'anglais, tandis que tous les élèves essayaient tant bien que mal de réaliser le sens de la phrase qui venait d'être prononcée.

Et à mesure que la compréhension se faisait, Hannibal sentait de plus en plus de regards se tourner vers lui. Personne ne disait quoi que ce soit, mais tous pensaient la même chose. Brusquement une main se leva dans la salle de classe qu'aucun mouvement n'avait dérangée jusqu'à présent.

« Monsieur Holmes ?

-De quoi est-il mort ? »

Des chuchotements mécontents s'élevèrent des rangs. Apparemment, la curiosité du brun n'était pas très appréciée.

« Ça ne vous concerne pas, Monsieur Holmes. Oui, Mademoiselle Hopkins ?

-Il va se passer quoi maintenant ?

-Nous allons rester dans cette salle de classe un petit moment. Des personnes de la cantine vont passer pour nous apporter notre petit déjeuner ici et nous attendrons les consignes du chef d'établissement… Oui, Monsieur Holmes.

-S'ils nous tiennent retenus dans les classes plutôt que dans la cafétéria ou dans la salle de réunion, je suppose que c'est pour s'assurer que les élèves ne puissent pas discuter entre eux. Une telle précaution indique-t-elle qu'on soupçonne des élèves de l'établissement d'avoir tué Carl ?

-Ça suffit, Monsieur Holmes. Nous ne parlerons pas de ça, ni ici, ni ailleurs.

-Je prends ça pour un oui. Cela signifie que le tueur n'a pas été attrapé sur le fait et qu'il est toujours parmi nous.

-Vous venez de gagner une retenue, Monsieur Holmes ! Et je révoque votre droit de sortie de ce week-end. Maintenant, taisez-vous ! »

Sherlock ne répondit plus rien. Il avait toutes les informations qu'il désirait. Il sortit de la poche extérieure de son sac un carnet et un stylo et griffonna un mot rapidement avant de le montrer à Hannibal.

(Je sais que ce n'est pas toi.)

Hannibal parcourut des yeux la ligne écrite avant de prendre discrètement le carnet et le stylo des mains de Sherlock.

(Je croyais que tu n'aimais pas constater l'évidence.)

(Me suis dit que ça te rassurait d'avoir quelqu'un qui te croit.)

(Je pensais que tu avais une meilleure opinion de moi.)

Hannibal montra simplement le carnet mais le reprit tout de suite pour continuer à écrire.

(Tu sais qui est le camarade de chambre de C.P ?)

Sherlock n'avait pas encore pris le temps de lire la liste complète des répartitions des chambres mais il savait très bien qui dormait avec Carl Powers. Ce dernier était le neveu du coach de natation, il avait ses petits passe-droit avec l'administration et, depuis qu'il était au collège, il avait toujours partagé sa chambre avec le même garçon. Sherlock reprit son carnet et inscrivit rapidement le nom de l'élève en question avant de le montrer à Hannibal.

(Tobias Budge.)

(Quel genre d'élève ?)

(Aussi idiot et cruel que C.P. Ces 2 là se sont bien trouvés. T.B. est aussi dans l'équipe de natation.)

Sherlock réfléchit un instant avant d'ajouter.

(Si c'est vraiment lui, ils vont vite l'arrêter. C'est tellement évident. Mais impossible de savoir si c'est lui sans aucune info sur le meurtre.)

De nouveau, il réfléchit avant de couvrir de son écriture fine le morceau de papier.

(Il y a un truc étrange. Les membres des équipes sportives sont connus pour leur fête de début d'année. Hier soir, C.P. n'aurait pas dû être dans son dortoir mais au village à côté.)

A ce moment-là, des membres du personnel de cantine firent irruption dans la salle et Sherlock rangea rapidement son carnet et son stylo. Deux serveurs passèrent entre les rangs pour déposer devant chacun une assiette contenant deux tartines, un verre de jus d'orange, et un bol de lait ou de café pour ceux qui le désiraient. Les élèves se firent longuement sermonner afin de prévenir toutes miettes et toutes tâches d'être faites dans la salle qui venait juste d'être lavée puis, enfin, ils purent manger.

L'ambiance était très étrange. Irréelle. Tout le monde avait la mine grave et l'air sérieux et sobre, mais en même temps, chaque élève était très excité par les évènements. Personne n'était vraiment triste. Certains avaient peur, mais Carl Powers était aimablement détesté par la plupart des gens. La seule raison pour laquelle quelques-uns paraissaient touchés par la mort du tyran, c'était parce que le coupable n'était autre que le nouveau venu de Russie et qu'ils se sentaient presqu'insultés que l'étranger ose venir dans leur pays pour tuer leur tyran local.

Quand tous eurent fini leur assiette, le personnel de cantine revint pour tout débarrasser et pour sermonner quelques élèves moins propres que d'autres. Quand le calme fut de nouveau revenu dans la classe, le professeur proposa un petit jeu pour occuper les esprits mais personne n'était particulièrement concentré.

Au bout d'un moment, la porte s'ouvrit sur une surveillante :

« Bonjours, excusez-moi de vous déranger. Monsieur Lecter, si vous voulez bien venir avec moi. »

Tous les élèves se mirent à chuchoter en même temps, créant un étrange brouhaha silencieux et Monsieur Lloyd eut le plus grand mal à ramener le silence. Hannibal, de son côté, se leva et fit face à la surveillante :

« Dois-je prendre mes affaires ? »

La jeune femme eut l'air de réfléchir intensément avant de répondre :

« Oui, prenez vos affaires, Monsieur Lecter. »

Ce n'était pas la réponse la plus engageante des deux possibles, mais l'hésitation de la jeune femme montrait bien qu'il n'était pas encore en état d'arrestation. Il prit donc son sac, passa la bandoulière autour de son cou et suivit la surveillante dans le couloir, jusqu'à l'aile administrative.

Là, il passa devant le bureau du Docteur Bloom –qu'il commençait à bien connaitre – pour être directement introduit dans le bureau du directeur de l'établissement. Monsieur Thomas Harris était assis à son bureau, encadré par deux hommes en costume à la mine grave et à la plaque dorée ostensiblement accrochée à la ceinture.

« Monsieur Lecter, laissez-moi vous présenter les inspecteurs Lestrade et Crawford. Votre professeur vous a surement déjà appris le triste sort du jeune Carl Powers, ces deux hommes sont là pour l'enquête.

-Bonjour messieurs, articula poliment Hannibal avec un sourire aimable.

-Bonjour jeune homme, souffla le dénommé Lestrade qui paraissait très jeune pour être policier.

-Si nous pouvions avoir un lieu où nous entretenir tranquillement avec ce garçon ? demanda Crawford, bien plus âgé, et bien plus sûr de lui.

-Monsieur Lecter étant mineur, il peut parfaitement demander la présence de ces tuteurs lors de l'in…

-Je peux bien avoir une discussion avec ces messieurs de la police, intervint Hannibal à l'adresse de Monsieur Harris. Cela ne me dérange pas, et je n'ai rien à cacher. »

Le directeur sembla réfléchir longuement avant d'hocher la tête. Il indiqua aux policiers qu'il pouvait prendre son bureau pendant que lui-même aller briefer ses équipes. Quand l'homme quitta la pièce, le dénommé Crawford invita le garçon à s'assoir devant le bureau tandis qu'il prenait place dans le fauteuil directorial. Lestrade, quant à lui, prit une chaise et la tira dans un coin de la pièce. Il était évident qu'il était davantage là pour observer qu'autre chose.

« On t'a dit pourquoi tu as été convoqué, mon garçon ? demanda Crawford.

-Non, mais je peux aisément deviner.

-Comment ça ?

-Un élève avec qui j'ai eu une altercation avant-hier est retrouvé mort ce matin. Une petite heure plus tard, deux agents enquêtant sur le meurtre veulent me parler. Je n'ai pas beaucoup eu à réfléchir.

-Donc tu ne nies pas avoir eu une dispute avec la victime ?

-Pourquoi nierais-je ?

-Tu comprends que cela te rend suspect, non ?

-Oui, en effet. Mais, heureusement, dans ce pays, il faut plus que de la suspicion pour arrêter quelqu'un. Et vous ne trouverez rien de plus contre moi. »

Crawford hocha lentement la tête tandis que Lestrade griffonnait sur son carnet :

« Quel était le sujet de votre dispute ?

-Carl Powers est venu insulter un ami à moi et a renversé du yaourt sur la table et sur ma manche.

-Et tu n'aimes pas qu'on s'en prenne à tes amis.

-Pas plus que je n'apprécie qu'on joue avec la nourriture. »

Si cette déclaration étonna l'inspecteur Crawford, il n'en montra rien.

« Où étais-tu cette nuit ?

-Mais dans ma chambre, inspecteur.

-Personne ne peut l'affirmer, je suppose.

-Si, celui qui était dans la chambre avec moi.

-Sherlock Holmes, c'est ça ?

-Lui-même.

-Il était réveillé ?

-Nous l'étions tous deux puisque nous parlions ensemble.

-Toute la nuit ?

-Une majeure partie, en tout cas. »

L'inspecteur Crawford se tut un instant, jaugeant le garçon du regard, essayant de trouver une hésitation ou une faiblesse. Quand il ne trouva ni l'un ni l'autre, il reprit l'interrogatoire :

« C'est quand même bien fait, les choses, n'est-ce pas ?

-Comment ça, inspecteur ?

-Eh bien, le garçon, que tu as menacé de mort devant toute l'école, est tué dans sa chambre pendant la nuit. Pendant cette même nuit, tu es resté éveillé avec un autre élève. L'alibi ne pouvait pas mieux tomber, n'est-ce pas ? Par ailleurs, cet élève qui peut témoigner de ton innocence, c'est justement l'élève que tu as voulu protéger en menaçant la victime. Et il est de notoriété public dans cet établissement que cet ami qui pourrait t'innocenter a déjà eu de nombreuses altercations avec Carl Powers. C'est quand même tout un petit monde qui s'organise étonnement bien, tu ne trouves pas ?

-Que j'ai voulu protéger ? Moi ? J'ai voulu protéger quelqu'un ? »

Crawford fut un peu désarçonné par l'étonnement d'Hannibal qui avait l'air sincère.

« Le Docteur Bloom m'a dit que tu t'étais disputé avec Carl Powers parce qu'il avait insulté Sherlock et que tu as voulu prendre sa défense.

-Ah, je vois. De toute évidence, elle n'a écouté de mon explication que ce qu'elle voulait entendre. Je ne me suis pas disputé à cause ou pour Sherlock. En réalité, je ne me suis même pas vraiment « disputé » avec Carl, je dirais plutôt que…

-Pourquoi vous êtes-vous battus si ce n'était pas pour Sherlock ? »

Hannibal fut prodigieusement agacé qu'on lui coupe la parole ainsi, mais il n'en montra rien, répondant simplement à la question de l'inspecteur Crawford :

« J'étais pris dans une conversation intéressante, je passais un bon moment avec un futur ami et autour d'un repas tranquille. Il est venu et, très discourtoisement je dois ajouter, nous a interrompu et à briser cet agréable moment sans prendre la peine de s'excuser de quelque manière que ce soit.

-Bon d'accord. Il t'a agacé parce qu'il t'a interrompu, et tu l'as frappé parce qu'il a insulté ton ami. Je ne vois pas ce que ça…

-Non, vraiment inspecteur, oubliez cette histoire d'insulte. J'ai parlé de Sherlock avec Carl parce que c'était à son propos qu'il nous avait interrompus et j'ai jugé bon de retourner contre lui la menace qu'il avait lui-même utilisée. Mais ce n'est vraiment pas pour Sherlock qu'il y a eu cette altercation. Pour être honnête, j'étais beaucoup plus contrarié par le yaourt.

-Le yaourt ? Qu'est-ce qu'il avait ?

-Il était par terre, inspecteur. »

Hannibal avait dit cette phrase comme s'il agissait de la plus facile des évidences mais qu'il prenait quand même le soin de l'articuler pour que son interlocuteur, visiblement très lent, le comprenne. Crawford resta un moment interdit. Est-ce que ce gamin était en train de se fiche de lui ? Il jeta un regard à son cadet qui, dans un coin de la pièce, continuait à prendre des notes sans se poser de question sur les propos tenus par leur suspect. Finalement, le plus vieux des deux policiers reprit la parole, bien qu'on pouvait toujours entendre de l'incrédulité dans sa voix :

« De quoi avez-vous parlé qui vous ait tenu toute la nuit, Sherlock et toi ?

-De musique.

-De musique ? Vraiment ?

-Vraiment, inspecteur. »

Crawford tapota le coin du bureau de ses doigts. Visiblement agacé. Si seulement ce gamin pouvait ne serait-ce qu'avoir l'air de prendre sérieusement ce qui était en train de se passer ! Soupirant pour extérioriser son énervement naissant, l'inspecteur ouvrit le dossier devant lui et le feuilleta un instant :

« Tu as eu une scolarité chaotique. »

Hannibal ne répondit pas. Ce n'était pas une question. Pourtant, Crawford aurait aimé lire quelque chose dans le regard havane qui lui faisait face. De la colère, de la peur, de la fierté. Mais rien de plus qu'une indifférence courtoise brillait dans les yeux étonnement rouge du garçon.

« Depuis que tes parents ont déclaré ton adoption en France, il y a de cela trois ans, tu t'es fait expulser de neuf établissements, tous plus réputés les uns que les autres. La moitié d'entre eux ont voulu engager des poursuites contre toi mais l'argent et la persuasion de ton oncle et de ta tante ont mis fin à ces volontés. Tu as commencé par une simple bagarre, et, en fin d'année dernière, tu as mis feu à la chambre d'un de tes camarades alors qu'il était encore dedans. Sacré escalade, tu ne trouves pas ? Un meurtre paraitrait l'étape suivante logique, non ?

-Surement. Si on ne prend pas toutes les données en compte, je suppose qu'un esprit un peu prompt peut arriver à cette conclusion.

-Quelles données ?

-Entre temps, j'ai fait une promesse.

-Une promesse ? A qui ?

-A une dame de ma connaissance. Je lui ai juré que cette année ne serait pas comme les précédentes. Je lui ai pratiquement promis de mettre fin à cette… escalade comme vous l'appelez.

-Je veux bien croire que tu étais sincère au moment où tu as promis ça. Mais peut-être que c'est plus difficile à faire que tu ne le croyais.

-Ça ne l'est pas.

-Tout ça, c'est plus fort que toi, mon garçon, je peux le comprendre.

-Ça n'est pas plus fort que moi.

-Tu as eu beau lutter…

-J'ai comme l'impression que vous ne m'écoutez pas, inspecteur, interrompit Hannibal. Ce n'est pas une lutte. Ce que j'ai fait par le passé, j'ai décidé de le faire. Et tout aussi aisément, je peux décider de ne plus le faire. Quoi qu'il en soit, quels que puissent être vos soupçons, vous n'avez strictement rien contre moi. Alors, arrêter de m'insulter en supposant que ce genre d'interrogatoire me fera avouer un acte que, de toute façon, je n'ai pas commis. »

Le silence s'installa dans la pièce. Malgré les mots employés, Hannibal n'avait l'air ni en colère, ni excédé. Crawford le jaugea en silence pendant encore quelques minutes, espérant que l'attente atteigne les nerfs du garçon. En vain. Hannibal restait toujours aussi imperturbable, son aimable sourire en place. Finalement, ce fut l'entrée du directeur qui brisa cette scène à la tension presque tangible.

« Excusez-moi, vous avez bientôt terminé ? Vous devez encore nous donner les consignes, quant aux autres élèves.

-Nous en avons terminé. Raccompagnez ce garçon dans sa classe. Et envoyez-moi son camarade de chambre. Faites en sorte que ces deux-là ne puissent pas se parler avant que je n'ai fini de l'interroger. D'ici à ce que nous ayons fini de prendre sa déposition, nos renforts seront surement arrivés. En attendant gardez vos élèves dans vos classes. Quand toutes les équipes seront sur place, je vous fournirai une liste plus complète des élèves que nous souhaitons interroger. Tous ceux qui ne sont pas sur cette liste pourront reprendre leurs activités normales. »

Le directeur hocha la tête et appela un surveillant pour qu'il raccompagne Hannibal dans sa classe. Crawford, de nouveau seul avant son collègue, regarda l'adolescent partir la mine soucieuse :

« Vous pensez que c'est lui ? demanda Lestrade.

-Je ne sais pas. Mais ce dont je suis certain, c'est que ce gosse a un sacré problème.

-Peut-être qu'il n'a vraiment rien à cacher…

-Même les innocents ont peur d'être cru coupable. »

Quelques minutes plus tard, une surveillante revint accompagné d'un autre élève, grand et mince, les boucles brunes tombant en rangées anarchiques devant ses yeux bleus perçants, sa chemise débraillée et sa cravate à peine noué lui donnant en petit air rebelle et insolent qui déplut immédiatement aux policiers.

« Assieds-toi, mon garçon . »

L'interpellé s'exécuta de bonne grâce. Au moins à l'inverse de son camarade, il avait l'air plus expressif. Si seulement son visage n'exprimait pas une excitation heureuse, Crawford aurait pu songer à ce détail comme à une bonne nouvelle.

« Comment est-il mort ?

-Je te demande pardon ?

-Powers. Comment est-il mort ?

-C'est à moi de poser des questions, jeune homme.

-Mais vos questions vont être idiotes et inutiles. Les miennes ne le sont pas. Comment est-il mort ? »

Crawford retint sa colère avec énormément de professionnalisme. Il prit une profonde inspiration et décida d'ignorer la remarque de l'adolescent :

« Hannibal Lecter nous a dit que tu étais en mesure affirmer sa présence dans votre chambre au cours de la nuit dernière.

-Alors vous accusez Hannibal ? Êtes-vous donc incompétent à ce point ?

-Concentrez-vous sur la question et gardez vos commentaires ! ordonna Crawford tout en maitrisant parfaitement le ton de sa voix. »

Sherlock poussa un soupire exagérément dramatique avant de finalement consentir à donner une réponse :

« Hannibal a été présent à tous les cours de la journée d'hier, vous pouvez demander aux professeurs. A la fin du dernier cours, nous sommes tous les deux allés dans le parc derrière le bâtiment C, au bord du lac. Ensuite il s'est rendu à son rendez-vous, vous pouvez demander au Docteur Bloom. Ensuite au réfectoire, comme pourra le confirmer le personnel qui assurait le service ce jour-là, ensuite il est retourné à l'internat où j'étais déjà. A l'extinction des feux, le surveillant passé nous avertir l'a vu. Nous nous sommes couchés. Puis nous nous sommes réveillés tous les deux peu de temps après, à minuit huit, exactement. Je sais qu'entre l'extinction des feux, qui est à vingt-deux heures trente, et minuit et demi, Steven, qui est le surveillant qui était de garde cette nuit-là, ne dort jamais. Il pourra donc confirmer qu'Hannibal n'a pas quitté la chambre pendant cette période de temps. Et s'il était passé par la fenêtre, je l'aurais entendu. Comme je l'ai ensuite dit, à minuit huit, nous étions tous les deux réveillés. Nous avons discuté toute la nuit, jusqu'au matin.

-Vous vous êtes tous les deux réveillés en même temps...

-Pour être précis, j'étais réveillé un peu avant Hannibal.

-C'est étonnant, tout de même. Que s'est-il passé ?

-C'est la rentrée. Il n'y a rien d'étonnant à ce que des élèves aient du mal à dormir.

-Et qu'avez-vous fait cette nuit-là ?

-On a parlé, je vous l'ai déjà dit. Vous n'écoutez pas ?

-Parlez de quoi ?

-De musique. »

Crawford se tut tandis que Lestrade inscrivait les réponses du garçon et ses impressions sur son carnet. Ça collait. Mais c'était quand même bien étrange…

« Il a été empoisonné ? »

Les deux policiers sortirent de leurs pensées et jetèrent un regard étonné à l'adolescent qui les dévisageait de ses yeux perçants.

« Comment sais-tu cela ? demanda Crawford, suspicieux.

-Merci, votre réponse a confirmé mon hypothèse.

-Dépêche-toi de répondre, avant que je ne t'rrête. Seul le coupable peut savoir ça, nous n'avons rien dit à personne.

-Ne soyez pas ridicule. Si j'étais réellement le coupable, je n'aurais jamais dit cela. D'ailleurs, si j'étais réellement le coupable, croyez-moi, vous ne seriez pas en train de m'interroger en ce moment. Quant à la question « comment je sais », c'est plutôt évident. Vous soupçonnez Hannibal. Ce qui signifie que Tobias Budge, le coupable tout trouvé, n'est pas suffisamment suspect pour que vous n'alliez pas chercher ailleurs. Pourtant, il dort avec Carl et Carl a été retrouvé mort dans sa chambre, pendant la nuit, et n'a été signalé qu'au matin. Ce qui veut dire que Tobias a une explication valable qui justifie le signalement si tardif du corps de son camarade de chambre. La première possibilité, c'est que Carl soit mort pendant que Tobias dormait. Ce qui est très peu probable, d'autant plus que nous étions la nuit après le premier jour d'école, et que l'excitation ou le stress rendent généralement les sommeils très légers. Il existe très peu de mort qui ne réveillerait pas quelqu'un endormi juste à côté de la victime. Rien que le fait d'entrer dans la chambre aurait dû les réveiller. L'autre possibilité est que Carl était déjà mort quand Tobias est venu se coucher. Etant donné que Tobias est connu pour faire le mur et aller en soirée dans le village à côté, ce ne serait pas étonnant qu'il rentre tard et, voyant la silhouette de son camarade sur son lit, qu'il ne se pose pas de question. Mais cela veut dire qu'il n'y avait pas de sang. Il existe plusieurs manières de tuer sans verser la moindre goutte de sang. La strangulation en est une mais, vu le gabarit du sportif, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'élèves dans cette école qui ait été en mesure de le faire. La deuxième méthode la plus répandue est le poison. Il y en a d'autres, évidemment, mais votre réaction à ma question m'a appris qu'en effet, Carl Powers avait été tué à l'aide d'un poison. »

Sherlock prit une grande inspiration pour réapprovisionner son cerveau en oxygène après le discours qu'il venait d'enchaîner. Respirer, quelle plaie.

Crawford et Lestrade s'observèrent un moment avant de retourner leur attention vers le gamin en face d'eux. A choisir, ils préféraient encore l'impassibilité d'Hannibal. C'était un peu moins impressionnant et dérangeant. Cependant, les policiers ne savaient pas ce qu'ils jugeaient le plus inquiétant. Que cet adolescent soit capable de deviner tout ça, où qu'ils connaissent les différentes façons de tuer sans faire de bruit et sans verser de sang.

« Tu… Tu sembles avoir beaucoup réfléchi à la question, jeune homme.

-Ce n'est que du bon sens, inspecteur. »

Il avait un immense sourire qui n'avait rien à faire dans cette situation.

« Tu connaissais bien Carl Powers ?

-Vous m'accusez maintenant ?

-Je ne fais que poser une simple question. Pourquoi ? Tu te sens menacé ?"

Le garçon eut un petit rictus, comme si l'idée l'amusait profondément.

-Je le connaissais autant que tout le monde ici le connait.

-C'est-à-dire ?

-C'est-à-dire que la première chose qu'on apprend au nouveau, c'est à ne pas s'approcher de lui, et c'est pour une raison qu'on fait ça.

-Tu te sentais en danger ?

-Non.

-Pourtant, Carl Powers t'a déjà envoyé à l'infirmerie.

-C'est un grand parleur qui sait se servir de ces poings mais ça ne va pas au-delà de ça. Et puis, cela fait des années qu'on ne s'est pas battu. Aujourd'hui, il n'aurait plus été en mesure de me battre. Je crois qu'il le savait. Il m'insultait, parfois, mais il n'allait pas vraiment plus loin que ça.

-Qu'est-ce que ça t'a fait de voir un autre élève se dresser entre toi et le tyran de l'école ?

-Vous parlez d'Hannibal ? »

Crawford hocha la tête sans détacher ses yeux de ceux de Sherlock, guettant la plus petite des micro-expressions :

« Je n'ai pas vraiment eu l'impression qu'il se dressait entre moi et Carl. Qu'il se dressait contre Carl, oui, mais je ne vois pas ce que je viens faire dans l'équation.

-Eh bien, c'est après que Carl t'ait insulté qu'Hannibal s'est énervé.

-Il n'avait pas l'air énervé. Et je pense que c'est davantage après que Carl ait dérangé son repas qu'il s'est levé, plutôt qu'après qu'il m'ait insulté. Vous auriez dû poser ces questions à Hannibal, il aurait eu des réponses plus intéressantes et pertinentes… A moins bien sûr que vous ne l'ayez déjà fait. Et que vous vouliez comparer ses réponses aux miennes. Vous l'accusez vraiment ? Je croyais que je venais de vous fournir son alibi ?

-Les dires de son camarade de chambre de seize ans n'ont pas beaucoup de poids.

-Alors pourquoi vous m'avez posé la question ? Parce que si j'avais démenti, là, les paroles d'un camarade de chambre de seize ans auraient eu du poids ?

-Cet interrogatoire est terminé, Monsieur Holmes ! interrompit Crawford en tentant d'ignorer le sourire victorieux de Sherlock, ravi de l'agacement qu'il entendait dans la voix de l'inspecteur. Tu peux retourner en classe. Il est possible que des policiers viennent te réinterroger dans les prochains jours. »

Sherlock se leva, récupéra son sac qu'il avait négligemment fait tomber à ses pieds et se dirigea vers la porte avant d'être interrompu par Crawford, de nouveau :

« Mon garçon ! Sois certain que nous découvrirons ce qui est arrivé à Carl Powers. »

Sherlock fit volte-face et offrit un large sourire aux policiers :

« Bien sûr, inspecteurs. Si vous avez besoin d'aide, surtout, n'hésitez pas à m'appeler. Je verrais ce que je peux faire. »

Et après un salut de la tête, Sherlock quitta le bureau pour rejoindre la salle de classe.

Les jours suivant filèrent dans une ambiance étrange. Tous les professeurs faisaient en sorte de continuer comme s'il ne s'était rien passé, mais tout semblait différent à présent. La police piétinait. Au bout d'un mois, aucune arrestation n'avait été menée et il était à présent évident qu'au train où allaient les choses, le coupable n'allait pas être découvert. Pourtant, tous les élèves de l'Académie savaient bien qui avait fait le coup.

A mesure que les jours passaient, la tension montait d'un cran autour d'Hannibal. Il y avait de plus en plus de regards à la dérobée, de murmures sur son passage. Et l'indifférence de l'adolescent vis-à-vis de toutes les accusations silencieuses ne faisait que renforcer le jugement de ses camarades de classe. La tension et l'ambiance électrique ne semblait pas vouloir se calmer. Tous, même les anciennes victimes de Carl, paraissaient en vouloir au lituanien et condamnaient jusqu'à sa simple présence dans leur école. Certains des anciens amis de Powers avaient fait le serment de le venger. Quelques pièges et embuscades avaient été tendus à l'intention d'Hannibal mais tous échouèrent. Personne ne posait jamais de questions sur les bleus et les membres cassés des élèves de dernières années. Pourtant, le fait qu'Hannibal lui-même n'eut jamais à se rendre à l'infirmerie et n'arbora jamais la moindre marque de coup ne dissuada pas les vendettas contre lui. Au contraire, on commençait à lui en vouloir d'être aussi intouchable, aussi supérieur, aussi sûr de lui.

Sherlock, lui, se fichait de ce que les autres élèves pensaient. Il appréciait chaque jour davantage son camarade de chambre. Il avait enfin trouvé quelqu'un d'intéressant et d'intelligent dans cette école de fades idiots. Il passait ses journées à l'observer en essayant de déduire des choses, et ses nuits à discuter avec lui et à se livrer. Hannibal lui donnait cette étonnante et nouvelle impression qu'il existait enfin quelqu'un qui serait en mesure de le comprendre. Ainsi, même si lui-même n'avait rien appris de nouveau sur le lituanien, il lui racontait ce qui lui passait par la tête, que ce soit ses suppositions sur le nom des amants d'Irène, la plus belle fille du lycée, ou ses accès de fureur après chaque nouveau coup de fil de son frère. Hannibal écoutait, comprenait, admirait l'intelligent et apaisait les doutes. Avec le temps, Sherlock commença évidemment à se rendre compte que cette relation n'était qu'à sens unique. Lui-même n'aidait absolument pas Hannibal –quand bien même le lituanien semblait avoir beaucoup plus de problèmes, surtout à l'école, que le britannique-, ne connaissait finalement pas grand-chose de lui et de sa famille, et ne l'écoutait pas aussi attentivement que lui-même était écouté. Mais après tout, Sherlock n'avait pas une réputation d'égocentré pour rien, et cette relation à sens-unique lui allait très bien. Il se contentait simplement de réveiller Hannibal avant que ne commence réellement chacune de ses terreurs nocturnes et, pour ça, son camarade de chambre semblait lui en être particulièrement reconnaissant, quoi qu'il ne soit pas aussi reconnaissant que pour le fait que Sherlock n'ait jamais posé la moindre question sur cette « Mischa » qu'il appelait toutes les nuits sans exception.

En réalité, Sherlock n'avait jamais été aussi heureux au lycée. Le fait d'avoir trouvé un genre d'alter ego, un égal mais différent de lui, rendait sa vie à l'Académie supportable, voire passionnante même s'il l'admettait difficilement. Il en venait même à apprécier les cours et les devoirs quand il pouvait les faire avec Hannibal et que son esprit pouvait enfin être challengé. La seule ombre sur ce magnifique tableau était le meurtre de Carl Powers dont il ne savait toujours rien et qui le rendait malade de curiosité. Pourtant, les jours et les semaines passaient facilement et agréablement, malgré ses trop nombreuses questions sans réponses, malgré l'antipathie des autres élèves, malgré les doigts pointés dans le noir, malgré les agressions ratées de plus en plus fréquentes à l'encontre d'Hannibal.

Cependant, cette situation, quoi que plaisante, ne pouvait pas durer et arriva un jour où la tension autour du lituanien fut trop forte. Pas pour le lituanien. Pour les autres élèves. Excédés par l'échec de toutes leurs tentatives d'intimidation, ils se mirent en tête de confronter directement et ouvertement leur adversaire. A plusieurs.

Le samedi, à l'Académie privée de Conan Doyle, était réservé aux options. Le matin à l'option artistique, l'après-midi à l'option sportive. Ce samedi matin-là, Hannibal était donc dans l'un des studios du bâtiment D, assis sur le banc du grand piano à queue qui se dressait au centre de la pièce. Avec lui, il y avait Sherlock qui jouait distraitement de son violon, et trois autres élèves qui complétaient le groupe des rares élus à être suffisamment à l'aise avec leur instrument et le solfège pour être dispensés de cours et avoir la possibilité d'accéder, en autonomie, à ce studio afin de pratiquer comme ils l'entendaient. Hannibal était donc tranquillement assis ce jour-là. Il faisait danser ses doigts sur le clavier de l'instrument, caressant sensuellement les touches et se concentrant sur sa mélodie, ignorant celles qui s'élevaient des autres instruments autour. C'était assez pénible de devoir partager la pièce avec d'autres élèves qui apprenaient des morceaux différents, mais Hannibal était parfaitement capable d'ignorer totalement le monde qui l'entourait. Il jouait donc le troisième mouvement de la Sonate bien connue de Beethoven, les yeux fermés, si bien qu'il aurait pu ne pas voir les dix élèves qui entrèrent en même temps dans le studio. Mais comme ils avaient la discrétion d'un troupeau de bovins, Hannibal les entendit et ouvrit les yeux. Dans sa vision périphérique, il put voir les trois élèves qu'il ne connaissait pas quitter discrètement le studio, effrayés. Sherlock, lui, et bien qu'Hannibal supposait qu'il savait très bien ce qui était en train de se passer, n'avait pas bougé et, les yeux fermés, avachi sur un rebord de fenêtre, il continuait à pincer aléatoirement les cordes de son violon, lui arrachant des notes disharmoniques.

Hannibal détailla enfin les nouveaux arrivants. Il s'agissait d'élèves de dernière année. Le groupe des sportifs, ceux qui avaient l'honneur de porter les couleurs de l'Académie lors des compétitions inter-établissement, formait une caste très fermée et très solidaire. Alors, quand Carl Powers, l'un des leurs, avait été tué, tous les idiots de dernières années qui faisaient des études sportives s'étaient promis de venger leur frère tombé au combat. C'était eux, principalement, qui avaient attaqué Hannibal ces deux derniers mois, depuis la mort de Powers. Le lituanien avait pensé qu'avec le temps et les échecs ces idiots seraient passés à autre chose. Il avait eu tort, de toute évidence.

« Sherlock ? »

L'interpellé leva les yeux vers son ami. Hannibal savait très bien comment tout ceci allait se finir et il n'avait pas spécialement envie d'avoir Sherlock à ses côtés quand viendrait le temps de rendre les coups. S'il était honnête avec lui-même, il était obligé d'avouer que Sherlock l'inquiétait davantage que les dix jeunes adultes qui lui faisaient face. Il redoutait un peu que sa manière de se battre, sa violence, son comportement face au danger, sa cruauté même, n'aident son ami à faire quelques déductions sur son passé qu'il n'avait pas envie qu'il fasse. C'était une chose de savoir qu'il s'était fait viré de son ancien établissement et qu'il était capable de se battre, s'en était une autre de le voir tabasser des gamins de son âge sans aucune forme de sentiment ni de réaction.

« La matinée est pratiquement finie. Tu penses que tu pourrais aller réserver une table à la cafeteria pendant que je m'entretiens avec nos camarades ? J'ai peur que toutes les places ne soit prise si nous attendons trop longtemps. »

Sherlock n'était pas idiot. Il savait exactement qu'Hannibal voulait l'éloigner poliment. Pourtant, il hésita un moment. Cette situation lui rappelait à quel point Hannibal le tenait éloigné de lui. Il se demandait s'il ne devait pas braver les défenses de son ami et lui porter assistance. Mais l'air aimable et décontracté d'Hannibal le poussa à ranger son violon et à se diriger vers la sortie sans rien dire. Il était reconnaissant au lituanien de l'accepter tel qu'il était, la moindre des choses qu'il pouvait faire était de faire preuve de la même courtoisie à l'égard de son camarade. En passant devant le groupe d'élèves de terminale, Sherlock essaya de jauger, d'après leur attitude et leur comportement, leurs intentions… Ca ne s'annonçait quand même pas bien pour Hannibal.

Une fois que la porte se fut refermée sur Sherlock, Tobias, qui guidait le groupe, prit la parole :

« Les flics sont trop cons pour t'arrêter. Mais nous, on sait que c'est toi. »

Hannibal n'avait pas arrêté de jouer. Que ce soit pendant l'arrivée du petit groupe, pendant sa discussion avec Sherlock, pendant le départ de ce dernier ou pendant les accusations de Tobias. Encore à présent, les doigts d'Hannibal courraient avec grâce et fluidité sur les touches du clavier, alors que ses yeux se baladaient paresseusement d'un de ses adversaires à l'autre, sans jamais avoir l'air soucieux ni même concerné par ce qui était en train de se dérouler.

« Tu nous entends, connard ! cria Tobias, visiblement furieux par l'attitude de son cadet. On sait ce que t'as fait !

-Quel effet cela fait-il, Tobias ? »

Les élèves de Terminale se regardèrent, désarçonnés par le détachement de leur future victime.

« De quoi ? lâcha finalement l'interrogé.

-Quel effet cela fait-il ? De savoir qu'on a dormi toute une nuit à côté du cadavre de son meilleur ami ? Qu'est-ce que ça t'a fait quand tu l'as appris ? Tu te sentais… souillé ? Apeuré ? Coupable ? Ou en colère, peut-être. Mais contre qui te sentais-tu en colère, Tobias ? Contre le tueur ? Ou contre toi-même ? Ou peut-être même que ça ne t'a rien fait. Peut-être que tu te trouves monstrueux d'avoir dormi à côté du corps encore chaud de ton meilleur ami sans que cela ne perturbe les beaux rêves que tu faisais.

-FERME-LA ! »

Tobias, fou de rage, abattit de toutes ses forces ses deux poings gigantesques sur le piano à queue qui se brisa aussitôt dans une explosion de copeaux de bois, de touches d'ivoires, de cordes rompues et de notes de musiques dissonantes. Hannibal resta quelques secondes interdit, au milieu des restes de ce piano qu'il avait appris à aimer au fil des samedis, ses mains toujours tendues devant lui, ne caressant à présent plus que du vide. Il sentit quelque chose de froid, de calme mais d'implacable monter en lui. Tobias ne casserait plus jamais un piano de sa vie. Lentement, Hannibal se leva. Il défit le bouton de sa veste, ôta cette dernière, la plia soigneusement et la posa sur le banc couvert de velours. Puis, d'un geste si rapide que personne ne put le comprendre et encore moins le prévoir, Hannibal saisit un morceau de bois au sol, fit un bond en avant et le planta de toutes ses forces dans la main de Tobias. Ensuite, il se redressa et envoya son poing dans la mâchoire du garçon le plus près de sa victime.

Le reste fut une explosion confuse de coups et de violences. Du moins pour les élèves de terminales. Car l'esprit d'Hannibal resta clair et concentré, parfaitement conscient de ce qui se passait tout autour. Il était d'ailleurs le seul à la présence d'esprit suffisante pour ramasser des armes autour de lui et, par conséquent, il faisait des dégâts beaucoup plus importants que ses adversaires. Par ailleurs, il savait se battre. Et il savait ce que c'était que la violence, la vraie. Ses adversaires, élevés dans un cocon protecteur, qui prenaient la bagarre pour un sport et qui considérait un coup de poing comme le summum de l'agression, n'avaient strictement aucune chance contre lui. Le sang vola, les cris retentirent et l'insupportable manifestation de violence ne prit fin que quand trois surveillants, affolés entrèrent en même temps dans la pièce et virent Hannibal, au milieu des Terminales au sol. L'élève de Première était assis sur le ventre de Tobias et le ruait de coup, méthodiquement, calmement, réduisant son visage à des lambeaux sanguinolents sans la moindre trace d'émotion sur le sien.

Les surveillants durent s'y mettre à trois pour séparer le bourreau de sa victime mais, dès qu'Hannibal se sentit partir en arrière sous la force des adultes, il cessa aussitôt de se battre et se tint, droit et calme, au milieu du chaos, regardant les surveillants d'un air aimable, totalement indifférent aux gémissements qui s'élevaient autour de lui.

Et, entre l'effroi dans les yeux des surveillants, la douleur sur le visage des élèves et les morceaux de piano ensanglantés, Hannibal était bien le seul élément calme du tableau.

« S'en est fini de toi ! fit l'un des surveillants, aussi terrifié que furieux et dégouté. »


Voilà pour ce chapitre. J'espère que ça vous a plu. N'hésitez surtout pas à laisser des commentaires, bons comme mauvais. Vous savez que c'est le seul salaire des auteurs de ce site ;) Sur ce, à la prochaine !

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