Voilà une petite histoire de vingt-trois chapitres plus ou moins courts.

Comme d'habitude les personnages ne m'appartiennent pas et l'univers de KHR non plus


01 : ÊTRE : XANXUS

L'incessante sonnerie du téléphone, stridence inacceptable dans les oreilles d'un homme épuisé, tranchait l'épais silence de la nuit seconde après seconde, minute après minute. Puis le répondeur se déclenchait, émettant la voix insupportable d'une personne haïe dans un message détestable et rempli de menaces, seconde après seconde, minute après minute. Une pause de quelques instants. Un répit, un espoir, qui s'envolait, retombait et s'enterrait quand la sonnerie retentissait de nouveau, qu'un autre de ces affreux messages rejoignait la messagerie, encore et encore, seconde après seconde, minute après minute.

Assis sur son canapé dans un inconfortable mutisme, l'homme tentait tant bien que mal d'ignorer cette atrocité. Réussissant presque à se convaincre que le tout n'était qu'une berceuse aux instruments désaccordés, il s'endormit entre les boites de pizza vides et autres déchets environnant, ivre mort.

Un bruit de casse suivi d'un juron, le tira un quart d'heure plus tard d'un sommeil non reposant. Il se leva, groggy par l'alcool qui n'en finissait pas de quitter son système, mais une main puissante le bouscula sur le canapé tandis qu'une autre déboutonnait sa chemise.

_Chut, rendors-toi Tesoro, lui susurra une voix d'un ton doucereux, faussement tendre.

C'était la même voix qui le harcelait jour et nuit.

Soudain pleinement éveillé, il se débattit violemment, repoussant son agresseur qui chuta tête la première sur la table en verre. Il alluma la lumière de la pièce, vérifia que l'autre n'était pas mort et lui cracha dessus.

_T'approche plus jamais de moi, feccia ! Fulmina-t-il en laissant présager quelques tortures sans nom.

L'intrus, évanoui, n'entendit malheureusement rien de ses sombres promesses.

Le chant infernal du téléphone résonna une fois de plus. Le répondeur se déclencha mais cette fois-ci, loin de la voix abhorrée de l'agresseur, ce fut celle d'un père aimant qui emplit la pièce de paroles inquiètes :

_Fils, que se passe-t-il ? Ça fait quinze fois que j'essaie de te joindre cette semaine mais ton téléphone sonne toujours occupé. De même que le portable que je t'avais offert. Quelque chose ne va pas ? Tu as des problèmes ? Tu peux m'en parler tu sais...

L'homme sortit un vieux portable de sa poche, le coinça entre son oreille et son épaule, et rappela son père, profitant d'avoir les mains libres pour faire ses bagages en vitesse. La rage menaçait de l'envahir et la panique aussi, néanmoins il était pris d'un calme surprenant.

_Padre... Oui c'est moi. Je t'appelle de cette merde parce que j'ai du jeter le nouveau. Non, ça ne va pas. J'ai déconné : un déchet s'est infiltrer chez moi... Hn... Évidemment que je me suis défendu ! Ouais, l'est blessé mais l'est pas mort t'inquiète pas. Ok. J'appelle l'ambulance et je me casse d'ici.

Une fois la conversation terminée, il prit son sac, appela le quinze et s'en alla sans un mot, abandonnant le portable sur la table brisée.

Le lendemain matin, le fessier sur la banquette arrière d'un taxi qui quittait la région, il repensa à sa misérable vie. Une mère droguée qui l'avait abandonné, malade comme un chien, devant la porte d'un orphelinat délabré, une matrone alcoolique qui battait les pensionnaires, un père adoptif qui l'adulait malgré tous ses défauts, un job qu'il adorait, une maison où il faisait bon vivre, une fiancée fière mais douce... Puis la descente aux enfers. Un déchet de patron pervers qui avait le bras long, sa fiancée qui le quittait devant l'autel après avoir empoché une belle somme d'argent de la part du dit déchet, les mains baladeuses, les propositions outrageantes, la perte du job parce qu'il refusait de céder aux avances, le commencement du harcèlement, la maison et ses biens saisis par des huissiers malhonnêtes... L'ire dans ses yeux rouges, la colère face à cette foutue impuissance et la rage terrible dont l'écho des grognements bourdonnait sourdement dans son esprit...

Un sourire malsain éclaira son visage, faisant transpirer le chauffeur qui le vit dans son rétroviseur : il aurait sa vengeance.

Un jour.

Pour l'instant il n'avait d'autre choix que de squatter l'appartement secondaire de son père.


Lexique du chapitre :

Tesoro : Trésor.

Feccia : Ordure.

Padre : Père.