Alors il parait que j'ai une mauvaise influence avec des écrits un peu olé olé... Donc voilà un recueil de petits OS sur le flirt (donc sans aucune cochonnerie...na!)
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Les rayons du soleil levant nimbaient l'intérieur du loft du 810 Baxter Street d'une lumière rouge-orangée. Reese n'avait pas souhaité faire poser de rideaux sur les gigantesques fenêtres de son appartement afin de pouvoir savourer ces petits moments de bonheur simple d'une vie presque ordinaire, comme être réveillé par le lever du jour. C'est donc tout naturellement qu'il ouvrit les paupières sans l'aide de son alarme, tous ses sens s'éveillant en même temps que le jour illuminait son domicile. Allongé sur le ventre, la tête toujours enfouie dans son oreiller, il jeta un coup d'œil à son radioréveil : cinq heure vingt-huit. Il poussa un long soupir avant de se retourner pour s'étendre sur le dos. Il s'étira comme un chat pour détendre ses muscles puis s'octroya encore deux minutes de repos en contemplant son plafond. Il sourit car il était, pour la première fois depuis bien des années, parfaitement bien.
Fort de ce constat pour le moins étonnant, au regard de son caractère plutôt taciturne et mélancolique, mais de moins en moins rare depuis quelques temps, il désactiva son alarme avant qu'elle ne se déclenche et se leva prestement de son lit pour se plier à ses rituels matinaux.
Simplement vêtu de son caleçon, il se dirigea vers son dressing pour enfiler un pantalon de jogging et un T-shirt large de l'équipe des Boston Red Sox, un cadeau de Finch juste après l'affaire des Drake, un couple en manque de communication. John ne put retenir un sourire en enfilant le vêtement. Il avait déjà reçu de nombreux cadeaux de la part de son patron : un loft tout équipé et ultramoderne, une garde-robe aussi chère que raffinée, un salaire qui dépassait ses espérances les plus folles. Mais ce petit bout de tissu, fabriqué sans doute dans un lointain pays du Sud-Est asiatique, était le premier cadeau totalement désintéressé de la part de Finch. Il ne lui avait ni acheté pour une couverture ni parce qu'il lui en avait fait la demande. Non, il lui avait offert parce qu'il le désirait. Il s'agissait donc d'une marque de confiance et peut être même d'amitié, qui voulait dire beaucoup aux yeux de Reese. Ce T-shirt dévoilait une toute petite parcelle de la personnalité de son très secret patron. Il voulait dire voilà l'équipe que je soutiens, voilà un de mes centres d'intérêt, quelque chose que j'aime. Il s'agissait d'une toute petite brèche dans la forteresse qui entourait son patron mais l'agent avait bien conscience du privilège qu'il lui avait accordé. Elle était aussi précieuse que le plus gros des diamants ou la plus prestigieuse des premières éditions que son patron affectionnait tant.
Il enfila ensuite ses chaussettes puis ses baskets. Une fois prêt, il sortit de son appartement et entama son footing matinal à travers Columbus Square puis fila sur Worth Street puis vers Broadway avant de revenir dans sa rue. S'il courait tous les jours, son itinéraire n'était jamais le même. On ne changeait pas les vieilles habitudes. Pour un ancien agent de la CIA, la routine était une faiblesse potentiellement dangereuse, surtout pour un homme qui était censé être mort et qui pouvait, à tout moment, être repéré et traqué par ses anciens employeurs. L'Agence était une maîtresse difficile à quitter, surtout si la rupture n'était pas de son fait…
Après une heure de course dans les rues de New York, John rentra dans son loft, fatigué, à bout de souffle, mais terriblement bien. Il se dirigea directement dans sa salle de bains tout en se débarrassant de ses vêtements trempés de sueur qu'il jeta dans sa panière de linge sale. Une fois nu, il se planta devant son lavabo pour se raser avec soin puis prit une longue douche chaude. Il se sécha rapidement et noua une serviette autour de sa taille avant de retourner dans sa chambre. Il ouvrit à nouveau son dressing pour prendre ses habits de la journée.
S'étalaient devant lui un nombre impressionnant de costumes et de chemises de matières et de couleurs variées. Même s'ils se ressemblaient tous plus ou moins, John réfléchit de longues minutes sur le choix de ce qui constituait désormais son nouvel uniforme. Il opta finalement pour son sempiternel costume noir assorti d'une chemise lavande. Après avoir enfilé ses sous-vêtements et un T-shirt en coton blanc, il passa ses vêtements parfaitement ajustés qui soulignait les courbes parfaites de son corps. Il veilla toutefois à ne pas boutonner les derniers boutons de sa chemise, s'imaginant déjà avec un frisson d'anticipation le regard de son patron s'attardant sur sa gorge exposée lorsqu'il détaillerait sa tenue dans quelques minutes. Il disciplina ensuite ses cheveux avec du gel. Une fois prêt, il jeta un dernier coup d'œil critique à son reflet dans le miroir de la salle de bain et sourit à nouveau. Parfait.
Ayant encore un peu de temps, il s'accorda un autre plaisir simple, un petit café. Il pénétra dans sa cuisine ouverte et se fit couler un expresso avec sa machine dernier cri puis il se posta devant l'une de ses fenêtres. En dégustant son breuvage de qualité, Reese contemplait la ville qui s'éveillait pour une nouvelle journée trépidante. Tout en regardant les cols blancs se presser vers leurs bureaux et les joueurs d'échecs s'installer sur les tables en béton du parc en contrebas, l'ex-agent pensait qu'il ne s'était jamais senti aussi bien que maintenant.
Malgré les risques et les dangers liés à son nouvel emploi, il aimait sa nouvelle vie et connaissait la cause de ce bonheur. Il avait les traits d'un homme d'âge mûr, plutôt petit et mince, en costume trois pièces chers, aux manières élégantes, très intelligent mais aussi terriblement secret : Harold Finch. Il l'avait sauvé, au sens propre comme au sens figuré. Il l'avait empêché de mettre fin à ses jours et il lui avait donné un but dans sa vie vide de sens. Il lui devait tout. Matériellement, il lui avait permis de retrouver un mode de vie plus que confortable. Émotionnellement, il constituait désormais sa nouvelle boussole morale, aux valeurs inébranlables et remarquables de justice.
Mais l'homme le fascinait plus que de raison. John se cessait de s'interroger sur son nouveau patron, sur son passé mystérieux, sur ses goûts, ses passions. En son for intérieur, il savait qu'il ne devait pas être trop curieux, qu'il devait respecter son intimité, ses secrets, qu'il devait attendre que Finch se livre de lui-même. Peut être était-il dangereux de vouloir en savoir trop? Malgré tout, il avait du mal à se raisonner et ne pouvait s'empêcher d'enquêter sur lui, comme un papillon de nuit irrésistiblement attiré par une flamme, à la fois sésuisante mais mortelle.
Depuis le début de leur partenariat, il avait donc cherché à mieux connaître Finch, qui lui, à l'inverse, semblait tout connaître de sa vie passée. Peine perdue. L'informaticien était passé maître dans l'art de la dissimulation et demeurait extrêmement méfiant vis-à-vis de lui, même après plusieurs mois de collaboration durant lesquels il s'était appliqué à être un employé modèle. Le reclus n'avait lâché qu'à contrecœur quelques bribes d'informations personnelles. En usant de stratagèmes ou lorsqu'il se retrouvait acculé, Reese n'avait réussi à découvrir qu'une petite partie de son passé. Quelle n'avait pas été sa surprise en apprenant l'existence de Grace. Grace…Reese avait été très étonné de constater que son patron avait vécu une histoire d'amour contrariée avec la jeune artiste. Étonné n'était pas vraiment le bon terme, mais il n'arrivait pas à mettre un mot sur le sentiment qu'il éprouvait en imaginant Finch dans les bras de la jolie rousse. Tel un diamant, Harold possédait de multiples facettes et l'agent n'avait réussi à en entrapercevoir que quelques unes, à son grand désarroi.
John devait donc déployer toutes les astuces qu'il avait apprises à la CIA pour essayer de mieux le connaître. A coups de filatures, de bavardages innocents en apparence et au gré des missions, Reese en apprenait de plus en plus sur son patron. A chaque découverte, John sentait son cœur bondir dans sa poitrine puis une douce chaleur l'étreindre. Lui, qui s'était cru incapable d'éprouver le moindre sentiment pour autrui, cassé par ses années passées à l'Agence, était très surpris de ressentir un intérêt aussi vif pour son patron. Il s'émerveillait de voir son cœur, qu'il croyait mort pour toujours, se réveiller à nouveau et battre la chamade à chaque fois qu'il était question de Finch. Et comme une cerise sur le gâteau dans cette nouvelle vie inespérée, l'ex-agent remarqua avec ravissement qu'Harold semblait sensible à ses taquineries. Il ne se privait donc pas d'user de son charme auprès de lui pour essayer de l'amadouer et gratter de nouvelles informations.
John avait toujours eu une conscience aiguë de son physique avantageux et de la beauté de ses traits. Il lui aurait d'ailleurs fallu être aveugle pour ne pas s'en apercevoir. Il sentait bien les regards des hommes comme des femmes qui le détaillaient plus ou moins ouvertement. Il avait souvent eu droit à des séances de dragues plus ou moins subtiles. Il ne pouvait pas dire qu'il aimait cela. Il ne le détestait pas non plus. Cela lui facilitait seulement les choses quand il voulait s'amuser un peu mais pour les relations plus profondes, il était comme tout le monde, timide, maladroit, sentimental à l'extrême et passionné. A vrai dire, il n'avait connu qu'une grande histoire d'amour : Jessica.
Malgré sa relative indifférence quant à son pouvoir de séduction, l'Agence avait rapidement vu tout le potentiel de son physique agréable et lui avait appris à l'utiliser pour soutirer des informations. A l'armée, il était bon pour obéir aux ordres sans discuter; A la CIA, il était doué pour user de toutes les techniques afin arriver à ses fins; aujourd'hui, pour la Machine, il mettait à profit toutes ses compétences pour mener à bien ses missions et protéger les numéros. Mais il était vrai aussi qu'à graviter autour de Finch jour après jour, un nouvel objectif avait vu le jour, subrepticement, presque sournoisement sans qu'il en prenne réellement conscience.
Vous avez besoin d'un but, avait dit Finch lors de leur première rencontre. L'homme faisait référence aux numéros et aux missions. Mais aujourd'hui, pour lui, son but était de percer à jour son patron, de mieux le connaître et peut être de se faire apprécier de lui. Pas en tant qu'employé mais en tant qu'homme.
C'était devenu comme une seconde nature chez lui, il ne pouvait s'empêcher de taquiner son patron, jubilant à l'idée de le désarçonner et de lui faire perdre un peu de sa belle assurance. Mais de fil en aiguille, les taquineries avaient laissé place à des paroles plus ambigües, à des regards plus appuyés, à des sourires énigmatiques et à des petits gestes équivoques comme une main qui traîne un peu trop longtemps sur le dos ou l'épaule de son employeur. Bref, Reese flirtait avec Finch.
Du coup, outre les missions, que John s'appliquait toujours à mener avec professionnalisme, il s'employait à taquiner Finch et il adorait ça. Sans doute bien plus que les missions. Il fallait dire que le défi était bien plus grand et bien plus séduisant que n'importe quel numéro. Il aimait voir les yeux bleus de son patron se troubler, ses joues prendre une adorable teinte rose, sa bouche esquisser un sourire timide avant de reprendre son pli sévère, comme s'il se rappelait soudainement qu'il ne devait pas se laisser aller. Il admirait son intelligence, son humour, ses traits d'esprit secs pour lui signifier la fin du jeu.
Et voilà ce qui le rendait si heureux. Son nouveau but dans la vie n'était pas de sauver des vies d'inconnus dont le numéro était donné par une obscure Machine mais de charmer son nouvel employeur. Sa fascination pour lui s'était progressivement transformée en obsession, en désir puis en quelque chose de beaucoup plus profond. Il s'employait donc, jour après jour, à flirter avec Finch, car il mourrait d'envie de détruire les barrières que son patron avait patiemment érigé entre lui et le reste du monde. Il voulait faire parti de son monde, de sa vie.
C'est donc avec un soin tout particulier qu'il s'apprêtait chaque matin, souhaitant l'impressionner par son allure. Satisfaisait par l'image que lui renvoyait son miroir, John sortit de son loft vers sept heure trente.
C'est d'un pas décidé et presque aérien qu'il sortit de son immeuble pour se rendre à la bibliothèque. Mais avant de rejoindre Finch, il se plia à un autre rituel. Il avait repéré que son patron avait un petit point faible, un adorable défaut qu'il s'évertuait à entretenir. Harold Finch était un bon vivant qu'il était facile d'amadouer avec quelques gourmandises, en particulier sucrées. En chemin, il s'arrêta donc au stand d'un vendeur ambulant près de Washington Square pour y prendre deux boissons chaudes : un café pour lui et un thé vert senchua pour son partenaire. A son approche, le commerçant lui adressa un large sourire avant de se pencher derrière son comptoir pour en sortir un sachet en papier marron. John lui rendit son sourire en s'accoudant au comptoir.
-Bonjour, annonça-t-il d'un ton enjoué.
-Bonjour, monsieur John, votre commande est prête, lui répondit le vendeur en lui tendant le sac.
-Merci, lui rétorqua l'agent en prenant le sachet après lui avoir laissé un billet.
Sur ce, il tourna les talons et se dirigea vers une petite boutique de viennoiseries sur la cinquième avenue. Lorsqu'il entra dans la petite échoppe, un carillon signala son arrivée aux vendeuses en uniforme aux couleurs pastelles.
-Bonjour, dit-il pour s'annoncer aux jeunes femmes qui s'affairaient derrière le comptoir en disposant les pâtisseries et autres viennoiseries tout juste sorties du four.
-Oh, bonjour monsieur John! Votre assortiment habituel ? demanda avec empressement une toute jeune vendeuse en arborant un sourire lumineux.
-Oui je vous remercie, répondit-il en s'accoudant à la vitrine élégamment achalandée.
La demoiselle s'éclipsa quelques minutes dans l'arrière boutique et revint les bras chargés d'une boite en carton fermée d'un ruban.
-Tenez, monsieur, dit-elle en lui tendant sa commande.
-Merci, répondit l'agent en réglant puis en prenant le paquet.
-Passez une bonne journée, monsieur, s'exclamèrent en cœur les vendeuses avant de retourner à leur ouvrage.
John sourit. Elles ne savaient pas à quel point ses mots étaient prémonitoires. Bien sur que sa journée allait être bonne puisqu'il allait maintenant voir celui qui illuminait sa vie depuis des mois.
-Merci, vous aussi, répondit-il poliment avant de sortir de la boutique.
Voilà ce qui constituait désormais sa routine quotidienne. Depuis que Finch l'avait sauvé, il se pliait avec bonheur à ses petits rites qu'il appréciait tant et qui lui donnait l'impression d'avoir une vie normale. Comme tous les anciens militaires, Reese était un homme d'habitudes et de discipline. Il se levait invariablement à la même heure et faisait son sport quotidien pour se maintenir en forme. Mais la grande nouveauté était l'arrêt à ces deux commerces. Juste pour lui. Juste pour Finch. Pour voir briller une lueur admirative dans ses yeux bleus, pour voir sa langue rose humecter ses lèvres de gourmandise et ses joues rosir de plaisir. Pourtant il le savait. La routine et les habitudes étaient dangereuses pour un homme comme lui. Mais toutes les précautions qu'il avait apprises et qui étaient presque intégrées dans son ADN grâce à ses années passées à l'Agence, avaient volé en éclat. Dès qu'il s'agissait de son patron, il mettait sa vie et sa propre sécurité entre parenthèses. Avec un brin d'ironie, John se demandait dans quelle mesure il n'aurait pas été jusqu'à aller lui chercher son thé préféré à Langley, au siège de la CIA, s'ils y servaient le meilleur, juste pour l'impressionner… Il ne put retenir un sourire face à cette pensée pour le moins incongrue.
C'est donc les bras chargés d'un sac et d'une boite que Reese prit le chemin de la bibliothèque abandonnée qui lui servait de nouveau QG. Après avoir gravi quatre à quatre les marches encombrées de livres de l'escalier central du bâtiment, il pénétra dans leur repaire à proprement parlé et perçut immédiatement la présence de son patron. Son parfum élégant flottait dans la pièce tandis que le bruit régulier des touches de son clavier sonnait comme une douce musique à ses oreilles.
Après avoir retiré sa veste, John se dirigea d'un pas nonchalant et assuré vers le bureau de Finch. Il était là, bien sur, aussi fidèle à son poste qu'un phare au milieu de la nuit. En entendant les pas de son agent, l'informaticien leva les yeux de son écran. Si son visage restait aussi impassible qu'une statue de marbre, ses yeux le détaillèrent de la tête aux pieds. Inconsciemment John bomba le torse et redressa le menton, flatté d'être ainsi contemplé. Lorsqu'il vit dans les yeux bleus de son patron s'allumer une lueur admirative et ses lèvres esquisser un sourire furtif, il sentit une douce chaleur envelopper son cœur.
-Bonjour, Finch, dit-il en déposant ses paquets sur le bureau.
-Bonjour, Mr Reese, répondit l'informaticien en regardant son employé sortir du sac en papier deux gobelets en carton fumant.
L'agent en déposa délicatement un à côté de son clavier et garda le second pour lui. Puis, il ouvrit la boite de pâtisserie et la plaça sous le nez de son patron.
Le reclus se pencha légèrement pour loucher sur le contenu de la boite mais garda ses mains ostensiblement posées sur son bureau. Après avoir froncé les sourcils, il leva vers son agent un regard suspicieux avant de demander :
-Cherchez-vous à me rendre diabétique, Mr Reese ?
Surpris par cette inhabituelle hésitation, John haussa les épaules avant de répondre le plus naturellement du monde :
-J'essaie juste de me faire apprécier de mon patron.
Finch ignora le sourire désarmant de son agent et garda le silence quelques secondes en fixant les pâtisseries. Mais la tentation était bien trop grande et il ne put résister plus longtemps à l'appel de la gourmandise. Après avoir hésité un instant, son choix se porta sur un beignet fourré au chocolat et aromatisé à la fraise. John était attendri par cette image de son patron, hésitant comme un enfant dans un magasin de confiseries. Une bouffée de tendresse le submergea en voyant cet homme tellement intelligent, tellement torturé par son passé, tellement élégant et réfléchi avoir un comportement aussi enfantin. Et soudain, l'agent fit une entorse à sa routine et osa pousser plus loin le flirt en posant une question bien plus téméraire.
-Est-ce que j'y arrive ? demanda-t-il avec une étincelle de malice dans les yeux et un sourire innocent.
-A quoi ? demanda Finch à qui la gourmandise avait fait perdre le fil de la conversation.
-Est-ce que mon patron m'apprécie, répéta l'agent en insistant sur le dernier mot.
Finch eut subitement des difficultés à avaler sa bouchée. Après avoir dégluti péniblement, le reclus lança à son agent un regard acéré avant de répondre d'une voix froide et professionnelle.
-Vous faites parfaitement bien votre travail, Mr Reese.
John, dont le sourire s'était agrandi en constatant que son patron évitait soigneusement son piège, déambula autour de lui comme un fauve autour de sa proie, lançant sa main dériver sur le dossier du fauteuil, à quelques centimètre seulement de sa nuque. Ses doigts et son regard étaient irrésistiblement attirés par la petite bande de peau visible entre le col serré de son costume et les courts cheveux bruns. Il dût se faire violence pour ne pas caresser cette peau pâle qui semblait appeler ses caresses.
-Je ne pensais pas seulement à mes compétences professionnelles… répondit Reese dans un soupir en laissant sa main glisser distraitement sur le long du bras de son patron qui se raidit, visiblement peu habitué à voir son espace personnel ainsi envahi.
Satisfait de voir Finch réagir à ses effleurements, John s'écarta pour lui laisser un peu de répit. Les épaules du reclus s'affaissèrent légèrement avant de se redresser, comme s'il reprenait un peu de poil de la bête après un moment de flottement. Aussi rigide que la justice, l'informaticien répondit d'une voix glaciale en soutenant son regard:
-Je connaissais déjà vos compétences avant de vous employer.
La réponse était courte, nette, aussi tranchante que le regard qu'il lui lançait. John avait conscience que son patron n'aimait pas du tout la tournure de la conversation. Mais poussé par on ne sait quelle force irrésistible et malgré tous les signaux d'alerte qui s'allumaient dans son cerveau, l'ex-opérateur poussa encore plus loin son jeu de la séduction. S'adossant à une étagère remplie d'ouvrages anciens située juste en face du bureau de son patron de manière à pouvoir l'observer sans retenue, il but une gorgée de café avant de déclarer, le ton faussement concerné :
-J'espère ne pas avoir déçu vos attentes.
Finch, qui avait posé son beignet sur une serviette en papier, but une gorgée de thé avant de reposer brutalement son gobelet sur son bureau, signe on ne peut plus clair d'agacement. Reportant son attention sur son écran d'ordinateur, Harold décida de conclure la conversation avec une de ses tirades bien choisies dont il avait le secret :
-Quand vous me décevrez, Mr Reese, vous en serez le premier averti.
D'instinct, John savait que le flirt était terminé, qu'il avait poussé trop loin sa chance et qu'il devait cesser son petit jeu sous peine de nuire à leur relation. C'est alors qu'il remarqua une photographie scotchée sur la vitre transparente. Trouvant ici l'opportunité de changer de sujet, l'agent se détacha de l'étagère et s'approcha lentement du portrait.
-Un nouveau numéro, Finch?
Comme ce dernier ne répondait pas, Reese se retourna vers son patron et se figea. L'informaticien venait de mordre à nouveau dans son beignet et du sucre s'était égaré sur sa bouche. John déglutit péniblement, subjugué par les trainées blanches sur les lèvres du reclus. Interpelé par la question de son employé, Finch reposa sa pâtisserie et se leva de son siège pour venir se poster à côté de John et contempler le visage de leur nouvelle mission.
-Oui son numéro est tombé ce matin, il s'agit de James Leroy. Il est à la tête d'un atelier de maroquinerie de luxe dans l'Upper East Side, boutique que je connais pour y avoir mes habitudes. Je compte donc m'y rendre dès ce matin pour établir un premier contact.
John écoutait les explications de son patron d'une oreille distraite. Il ne regardait même pas la photographie de leur nouvelle cible. Toute son attention était focalisée sur la bouche de son partenaire qu'il fixait comme un affamé. Finch prit soudainement conscience du silence pesant qui régnait dans la bibliothèque. Il se tourna et se figea en voyant la lueur prédatrice dans les yeux de son agent. Gêné par l'intensité du regard d'acier sur sa bouche, il se passa la langue sur ses lèvres dans un geste inconscient et récupéra ainsi, sans le savoir, un peu de l'excédent de sucre mais pas tout. En effet, une légère trace persistait sur sa lèvre inférieure.
John, dont les yeux ne quittaient plus la trace, fit un pas vers son patron tout en avançant la main vers son visage. Finch, comme hypnotisé, ne fit aucun geste lorsque les doigts de son agent effleurèrent délicatement sa joue, se contentant de le fixer de ses grands yeux interrogateurs.
Reese caressa tendrement la joue de son patron alors que ses doigts glissaient lentement sur sa bouche qui s'entrouvrit spontanément. Du bout du pouce, l'agent recueillit les grains de sucre restant sur la lèvre inférieure de son patron mais son doigt s'attarda plus longtemps que nécessaire.
Finch semblait tétanisé, les yeux écarquillés, les joues écarlates et la bouche entrouverte de surprise. John eut l'immense satisfaction de voir les belles prunelles bleues se troubler alors qu'il laissait son pouce caresser ses lèvres tentatrices. L'agent pensa qu'il pouvait très facilement se perdre dans le bleu de ses grands yeux qui le dévisageaient sans comprendre, et même s'y noyer s'il n'y prenait pas garde. Le pouls qu'il voyait battre de manière erratique dans le creux de son cou lui prouvait que le trouble était réciproque. Sa raison lui hurlait de désamorcer la situation, de s'écarter de son patron le plus rapidement possible, de détourner les yeux, sous peine de perdre totalement le contrôle. Et comme à son habitude, John trouva son Salut dans une phrase énigmatique, à mi-chemin entre le sérieux et l'humour.
-Faites attention à votre allure si vous allez sur le terrain. Il ne faudrait pas apparaître trop négligé, murmura Reese d'une voix rauque en portant son pouce à sa bouche pour y goûter le sucre récupéré sur celle de son patron, savourant ce baiser par procuration…
Si le ton était moqueur, la lueur dans ses yeux d'acier témoignait du profond émoi chez John. Finch déglutit avec difficulté, le regard un peu perdu. Après quelques secondes d'un silence chargé d'une tension terriblement érotique, les deux hommes reprirent progressivement pied avec la réalité.
-Heu…merci, répondit simplement Finch en s'essuyant inutilement les lèvres du revers de sa manche, geste hautement improbable pour quelqu'un d'aussi maniéré que lui, mais qui traduisait sa confusion.
-A votre service, répondit John en le fixant toujours aussi intensément.
Finch se tourna alors à nouveau vers la photographie. Il sembla hésiter puis reprit par le menu la liste des informations qu'il avait recueillies sur leur nouveau numéro. John fixait le profil de son patron sans rien dire, se contentant de l'observer reprendre sa posture rigide et professionnel. Si le débit un peu trop rapide de ses paroles était le seul indice de son trouble, ses joues reprenaient progressivement leur couleur pâle habituelle.
Un sourire rêveur étira les lèvres de Reese. Voilà une journée qui commençait bien. Oui, il aimait vraiment sa nouvelle vie.