Bonjour à tous

Ce chapitre est un peu spécial, parce que je le dédie à ma sensate pour son anniversaire. Je sais que tu aimes Peggy et j'espère lui avoir fait honneur.

L'idée de cette scène me traînait dans la tête depuis pas mal de temps. Elle fait partie, avec celle de Dernier, de celles qui ont pris vie dès le départ.

Comme je travaille sur une autre partie de la série, je pense qu'il n'y aura pas de chapitre sur cette fic avant quelques temps. Désolée de l'attente.

Bonne lecture à tous


Peggy n'avait pas vu Steve lorsqu'il était revenu de cette funeste mission dans les Alpes. Les commandos hurlants l'avaient accompagné jusqu'à sa tente et personne ne l'avait vu depuis.

Les membres de son équipes avaient assuré à tout le monde que Captain America allait bien et qu'il souhaitait juste ne pas recevoir de visite. Peggy avait essayé de pénétrer dans sa tente, mais les commandos montaient la garde à tour de rôle. Ils avaient refusé de répondre à toutes les questions qu'on leur posait au sujet de leur officier supérieur, se limitant à rendre un rapport complet de leur mission.

Personne n'avait insisté jusque là. Le sergent Barnes était mort et tout le monde savait la relation que les deux hommes entretenaient. Il ne faisait aucun doute dans l'esprit de Peggy que le comportement des commandos était lié à sa disparition.

Elle avait côtoyé Steve pendant des semaines alors qu'il n'était encore qu'un jeune homme chétif et maladroit. Il y avait toujours eu une mélancolie chez lui, une tristesse profondément ancrée et qui semblait ne jamais le quitter, malgré tous ses efforts pour lui apporter un peu de joie. Elle avait cru pendant longtemps que c'était un trait de caractère, quelque chose d'intrinsèque chez Steve, mais elle s'était trompé. En fait, il lui avait fallu moins de deux minutes pour se rendre compte que cette lueur de tristesse avait totalement disparu quand il était revenu d'Azzano, remplacée par une myriade de sentiments beaucoup plus joyeux.

Dans les jours qui suivirent, elle remarqua également qu'il souriait aussi, de grands sourires et parfois des éclats de rire qui secouaient ses épaules et lui mettait les larmes aux yeux. Et à chaque fois que cela se produisait, le sergent Barnes était à ses côtés.

La romantique en Peggy s'était tout de suite réjouie pour les deux hommes. Parce que ce qu'elle avait vu entre eux allait beaucoup plus loin qu'une simple amitié ou un amour fraternel. Et parce que la bigoterie n'allait pas l'empêcher de savourer un peu de bonheur par procuration. Cette guerre avait provoqué bien assez d'horreurs comme ça.

Et maintenant, ce satané conflit avait encore fait une victime et Steve avait perdu celui qu'il aimait. Il devait être effondré et à en croire le comportement des commandos hurlants, ils savaient pertinemment de quoi il retournait.

Peggy côtoyait assez d'hommes - militaires de surcroît - pour savoir qu'ils empiraient certainement les choses, plutôt que d'apporter un soutien quelconque. Steve avait besoin d'une oreille attentive et de mots de support, pas d'une bande de lourdauds qui allaient lui proposer de noyer son chagrin dans l'alcool ou les femmes.

C'était la raison pour laquelle elle était en train de se diriger vers les baraquements, bien décidée à passer quiconque serait de garde à cet instant.

Par chance, seul Dernier était présent devant l'entrée de la tente. Sa méthode habituelle d'évitement n'allait pas marcher, elle parlait couramment le français et avait bien l'intention d'obtenir des réponses. Il était en train de bricoler un mécanisme quelconque, assis sur un banc.

Il se leva quand elle approcha, visiblement mal à l'aise et regardant si un de ses camarades était autour de lui.

Quand il fut évident que Peggy n'avait pas du tout l'intention de s'arrêter, il se plaça sur son passage :

"Mademoiselle Carter."

Elle leva les yeux au ciel. Elle en avait plus qu'assez qu'on lui serve du Mademoiselle, elle était un agent avant tout. Et un bon agent en prime. Mais elle savait que, à la différence des autres machos qu'elle remettait à leur place tous les jours, Dernier n'utilisait pas ce titre pour tenter de diminuer ses capacités ou de cacher ses propres manquements, il était juste excessivement poli et révérencieux quand il s'adressait à une femme. Et puis le mademoiselle était tellement plus classieux que le miss dont abusait les hommes de son pays.

"Soldat Dernier. Cela fait trois jours que vous êtes rentrés. Ne m'obligez pas à prévenir le général Phillips."

L'homme sautilla d'un pied sur l'autre, tournant le mécanisme qu'il était en train de bricoler entre ses mains.

"Mademoiselle Carter."

"Agent."

Une fois pouvait passer, mais il ne faudrait pas qu'il prenne l'habitude.

"Agent Carter. Il va bien, je vous le promet. Laissez-lui quelques jours."

"Vous comprendrez que je veuille m'en assurer moi-même."

Elle commença à contourner le soldat, mais ce dernier se plaça à nouveau sur son chemin.

"Écoutez mademoiselle Carter", il grimaça avant de se reprendre lui-même, "Agent Carter. Il ne voudrait pas que vous le voyez ainsi. Laissez lui encore un peu de temps. Je vous promet que sa vie n'est pas en danger."

"Cela ne veut pas dire qu'il va bien. Je ne le redirai pas, laissez moi passer ou j'irai chercher le général Phillips."

Elle n'aimait pas utiliser cette carte, mais les commandos ne lui laissaient pas vraiment le choix.

Surtout quand cela marchait. Dernier se recula et leva les mains en signe de défaite. Elle s'avança sans lui laisser le temps de changer d'avis et franchit les quelques pas qui la séparait encore de la tente mise à la disposition de Captain America.

Ce n'était un secret pour personne que le sergent Barnes passait plus souvent ses nuits ici que dans son propre baraquement. Les rumeurs allaient bon train sur le sujet, au point que même elle en avait entendu parler. C'était habituellement le genre de propos que les hommes se gardaient bien de tenir quand elle était présente. Mais ces on-dit semblaient s'être calmés ces derniers temps.

Elle souleva l'épais tissu qui servait de porte et pénétra dans l'unique pièce. Il faisait sombre, la seule lumière provenant de l'extérieur. Ses yeux mirent quelques temps à s'adapter mais elle aperçut les contours d'une table, de tabourets et un lit adossé au mur du fond. Elle s'en approcha et y trouva l'homme qu'elle cherchait.

Il était couché en boule, tremblant de tout son corps, plusieurs couvertures empilées sur lui. Inquiète, elle glissa une main sur son front. Il était brûlant et moite et un gémissement s'échappa de ses lèvres quand elle le toucha. Elle avait cru trouver un homme accablé par le chagrin, supportant le deuil de la personne qu'il aimait. Mais cela semblait beaucoup plus grave : Steve avait de la fièvre. Pourtant les commandos avaient assuré qu'il n'était pas blessé et Erskine avait lui aussi été très clair : les maladies ne pourraient plus l'atteindre. Mais la preuve du contraire était devant elle.

Elle s'assit à côté de lui et passa la main dans ses cheveux humides. Steve gémit à nouveau :

"Bucky."

Le cœur de Peggy se brisa. Il y avait déjà plusieurs mois qu'elle avait abandonné toute idée d'une quelconque relation romantique avec Steve. Ce n'était pas un problème, mais cela ne l'empêchait pas d'éprouver une profonde affection pour lui. Le voir aussi malheureux lui faisait mal.

Au moment où elle voulu glisser une seconde fois ses doigts dans les mèches blondes, il s'écarta, contractant son visage, comme si le contact était douloureux. Quand elle posa une main sur son épaule, il s'éloigna en grognant.

"Steve. C'est Peggy. Tu peux ouvrir les yeux ?"

Rien ne laissa croire qu'il l'avait entendu. Elle insista :

"Steve. il faut que tu te réveilles."

Cette fois, il repoussa sa main quand elle la posa sur son front. Il lâcha une litanie de sons, une suite ininterrompue de syllabes sans queue ni tête.

Elle commençait à être inquiète. Ce n'était pas normal, Steve paraissait délirant et sa fièvre semblait avoir empiré. A quoi jouaient les membres des commandos ? Il devrait être à l'infirmerie, pas tout seul ici.

Elle se leva et réajusta la couvertures autour du blond. Ce n'était pas surprenant qu'il ait froid, elles étaient bien trop fines pour procurer assez de chaleur à un malade.

Au moment où elle allait sortir chercher de l'aide afin de le transporter, Dum Dum entra, suivi de Dernier.

Elle ne leur laissa pas le temps d'ouvrir la bouche.

"Il devrait être en train de recevoir des soins à l'infirmerie."

L'inquiétude avait laissé place à de la colère et elle était consciente que le ton de sa voix était bien trop sec. Dernier fixait son camarade, décidé à ne pas se mêler de la conversation. Comme toujours ils laissaient Dugan parler au nom de leur petit groupe.

"Ils ne peuvent rien pour lui. Ça va lui passer. Ce n'est pas la première fois."

"Et comment pouvez-vous le savoir ?"

"Parce qu'il nous a prévenu. Il nous a dit que ça allait arriver. Il nous a demandé de l'amener ici, il ne veut pas aller à l'infirmerie."

"Nous parlons d'un homme qui est retourné au combat moins de vingt-quatre heures après s'être fait extraire une balle de l'épaule. Évidemment qu'il ne veut pas aller à l'infirmerie. Vous auriez dû l'y obliger !"

La colère était en train de prendre le dessus et sa voix gagnait en volume. Dugan essayait de rester calme, mais il commençait à montrer des signes de frustration.

"Et comment vous voulez accomplir ce miracle ? Il est plus têtu qu'une mule. Le seul à pouvoir lui faire entendre raison, c'était le sergent. Et il n'est plus là, c'est pour ça qu'on est dans cette situation."

Il coupa sa phrase brusquement, regardant Dernier avec remords.

Elle plissa les yeux : ces deux-là lui cachaient quelque chose. Elle posa ses poings sur ses hanches avant de parler le plus fermement possible :

"Vous allez me dire tout de suite ce qu'il se passe ici."

Sa demande fut accueillie par un profond silence.

"Vous allez me le dire sinon je vous fait manger vos couvre-chefs respectifs et je vous colle en cours martiale."

Le hochement de tête que Dugan fit à Dernier était pratiquement imperceptible, mais il suffit à faire parler son camarade.

"Le captain et le sergent, ils ont ce lien vous savez..."

Il fit un geste vague en direction de Steve qui frissonnait encore dans son lit. Elle n'était pas la seule à s'être rendue compte de la relation entre les deux hommes, mais elle était surprise que les commandos semblent aussi ouverts à cette idée.

"Je sais ce qu'ils représentaient l'un pour l'autre. J'ai déjà vu des gens faire le deuil de l'être aimé. Cela n'explique pas pourquoi Captain America – un super-soldat - est délirant de fièvre dans son lit."

Dernier frottait ses mains l'une contre l'autre, l'air gêné.

"Pas ce genre de lien. Autre chose. Quelque chose de plus primal."

Elle leva un sourcil devant le mot utilisé. Elle n'était pas prude, loin de là, mais cela n'expliquait toujours pas ce qu'il se passait. Dernier rougit jusqu'aux oreille, puis il balbutia :

"Non, non, pas dans ce sens là. Ils ont un lien spécial, comme si leurs vies étaient liées, mais au sens littéral. J'ai toujours cru que l'un ne pouvait vivre sans l'autre. Il semblerait que notre Captain y arrive. C'est juste difficile et douloureux, surtout au début."

Peggy se remémora les premières semaines où elle avait connu Steve. La manière dont il marchait, dont il se tenait toujours replié sur lui-même, sa mâchoire invariablement serrée et la tristesse qui était constamment présente. Il était séparé du sergent à cette époque, comme maintenant.

Toute la colère l'avait quitté et elle s'approcha doucement du lit. Elle n'avait pas vraiment de contact avec les commandos hurlants, seulement avec Steve, mais elle connaissait la réputation de Jacques Dernier. Elle n'était pas certaine de croire à toutes ces histoires, mais celle-là lui paraissait plausible. Elle n'aurait jamais su l'expliquer, pourtant elle y croyait.

Elle se rassit au bord du matelas et plaça une main sur le front de l'homme qui y était allongé. Il grogna et s'éloigna à nouveau. Elle entendit la voix de Dugan derrière elle :

"Il vaut mieux éviter de le toucher. C'est douloureux."

Elle se tourna vers lui.

"Qu'est-ce qu'il a exactement ?"

Le soldat haussa des épaules :

"Je ne sais pas et Dernier non plus. Tout ce que je sais, c'est que ça ressemble à ce qui arrive à ces mecs qui abusent de l'opium et qui n'y ont brusquement plus accès."

"Une drogue ?"

Il haussa à nouveau des épaules.

"Ca y ressemble en tout cas. Comme si son corps devait apprendre à vivre sans le sergent."

"Je voudrais l'aider."

"il n'y a rien à faire. Et il sera en colère quand il apprendra que vous êtes venue."

En effet, Steve n'aurait pas voulu que quiconque le voit dans cet état.

Elle se leva et se prépara à quitter la tente. Elle se redressa, élimina toute hésitation ou douceur de sa posture et de sa voix :

"Ne lui dites pas que je suis venue. Mais tenez moi au courant."

"Bien m'dame."

Elle ne revit Steve que quelques jours plus tard, au milieu d'un bar détruit par les bombardements et un verre à la main. La douleur semblait avoir disparue mais la profonde tristesse était de retour. Et cette fois, elle n'essaya pas de la faire partir.