Épilogue
Un claquement régulier s'éloignait et revenait, s'éloignait à nouveau, puis disparut, ramenant le silence. Il faisait bon, enveloppé comme dans un cocon, pourtant, un froid léger, provenant de l'intérieur, ne se dissipait pas. Il bougea le bout des doigts. Ce simple geste…
Draco entrouvrit les yeux. Il était en vie… ?
Il se redressa dans le lit de l'infirmerie, agressé par une myriade de papiers colorés, de cartes de bon rétablissement, de Dragées surprises de Bertie Crochue, de chocolats, de baguettes en sucre – la confiserie de Honeydukes avait déménagé à son chevet ? Ou on essayait de l'assassiner par indigestion ?
Il y avait même un siège de toilette aux couleurs vert et argent de Serpentard – signé Gred et Forge Weasley – et quelqu'un avait eu le mauvais goût de lui offrir des roses. Sa baguette d'aubépine reposait à côté du vase.
Madame Pomfresh écarta les rideaux.
– Vous êtes réveillé.
Elle l'ausculta de longues minutes dans un silence appliqué. Puis elle le quitta et revint avec une série de flacons.
– Vous avez eu beaucoup de chance de vous en sortir. Nous avons dû vous placer dans un coma magique pendant plusieurs jours pour pouvoir vous débarrasser du poison – pour la première fois en sa présence, Madame Pomfresh sourit – enfin, peut-être que ce n'était pas entièrement dû à la chance. Votre antidote a joué un rôle crucial dans votre guérison. Le professeur Snape et moi-même sommes d'accord pour dire qu'il était remarquablement exécuté.
Draco accepta le compliment. Il savait qu'il était doué, tant mieux pour lui, mais pour l'instant, il ne rêvait que d'une chose : sortir de l'infirmerie. Réaliser qu'il vivait. Envisager toutes les possibilités qui s'offraient à lui. Son avenir, puisqu'il en avait un…
– Tenez.
Madame Pomfresh lui fit avaler les remontants, tous plus amers les uns que les autres. Après avoir posé la dernière fiole, vide, il voulut se lever.
– Restez allongé, monsieur Malfoy. La priorité est de vous reposer.
Draco se laissa retomber contre les oreillers.
– Est-ce que je vous apporte une potion de sommeil ? proposa Madame Pomfresh.
Il lui fit signe que non. Dès qu'elle eut disparu derrière les rideaux, il se leva, invoqua des vêtements plus dignes que le pyjama de l'infirmerie et sortit en emportant un paquet de chocolats qu'il termina en descendant les escaliers.
La lueur orangée du soir peignait les fenêtres, c'était l'heure du dîner. Il dévia donc vers la Grande Salle. Les rares élèves qu'il croisa se statufièrent sur place, aussi immobiles que les armures qui gardaient le château. Très bien. Donc personne n'ignorait les événements qui s'étaient déroulés au manoir Malfoy. À ce propos, il méritait une explication. Il se souvenait d'avoir vu un paquet de personnes qui n'avaient rien à faire dans sa propriété et dans son plan.
Lorsqu'il entra dans la Grande Salle, un Poufsouffle croisa son regard et sa fourchette tomba dans son assiette. Le silence glissa comme une vague entre les quatre tables. Draco n'eut aucune envie de rester. Oui, il voulait des explications. Mais pas à ce point-là.
Sans laisser le temps à qui que ce soit de réagir, il tourna les talons. Il franchit l'épaisse couche de neige recouvrant le parc pour atteindre la masse sombre de la forêt Interdite. Le soleil couchant ne traversait pas les branches épineuses. Il s'enfonça plus profondément sous le couvert des arbres, les aiguilles de pin craquant sous ses pas.
Après de longues minutes d'errance, Draco s'arrêta dans une clairière inondée de racines noueuses. Cette forêt le perdait encore, mais quelque part, non loin, se trouvait la colonne qui lui avait offert son Glyphe. Machinalement, il releva la manche de sa chemise.
Rien. Pas de marque rougeoyante sur sa peau pâle.
Il fronça les sourcils.
Où était le Glyphe ?
– Je savais que je te trouverais ici.
Draco fit volte-face, persuadé d'être seul. Comment Potter l'avait retrouvé, en plein milieu de la forêt ? Il ne pouvait pas deviner… En guise de réponse, il croisa un regard vert, à côté des genoux de Potter. Un regard rempli de culpabilité.
– Dobby… Dobby est heureux que Draco Malfoy aille mieux. Dobby… Dobby voulait…
L'elfe s'étrangla. Draco fronça les sourcils.
– Dobby ?
– Dobby est désolé. Dobby ne voulait pas !
Sans prévenir, l'elfe se jeta vers l'arbre le plus proche. Par réflexe, Potter attrapa son poignet maigre, l'empêchant de l'assommer contre l'écorce.
– Tu obéis à mes ordres, Dobby ? lança Draco.
Dobby détacha à grand peine son regard de l'arbre et acquiesça.
– Bien. Dans ce cas je t'interdis de te punir. Et maintenant, j'aimerais que tu m'expliques le problème.
– Il s'en veut, dit Potter. Tout Poudlard sait pour l'affrontement avec Voldemort, le rôle que tu as joué. Le reste du monde aussi, mais… disons que la presse préfère retenir qu'un elfe de maison a vaincu le Seigneur des Ténèbres. C'est plus… vendeur.
Donc pas de gloire pour son superbe génie tactique qui avait épargné de nombreuses vies. Très bien. Draco baissa son regard gris vers Dobby qui attendait sa réaction en tordant son pull d'hiver.
– Ça ferait un bon conte. Le brave petit elfe maltraité qui sauve le monde sorcier et devient un héros. Et si le brave petit elfe n'est pas stupide, il tient l'occasion parfaite d'améliorer la condition des siens.
– C'est amusant, dit Potter avec un sourire, Hermione pensait la même chose. Elle a déjà commencé une biographie de Dobby, histoire de donner du poids à la S.A.L.E..
– La salle ?
– La Société d'Aide à la Libération des Elfes.
D'accord. Dire qu'il avait fini par trouver Granger intelligente… Ses ambitions restaient très étranges. Sûrement son côté moldu qui ressortait.
– Dobby… Dobby répète aux journalistes que Draco Malfoy et Harry Potter et leurs amis ont affronté Celui-Dont-Le-Nom-Ne-Doit-Pas-Être-Prononcé bravement. Que Dobby n'a pas tout fait, Dobby aidait juste. Mais les journalistes n'écoutent pas Dobby.
– C'est normal, tu ne leur dis pas ce qu'ils veulent entendre, répondit Draco d'un ton traînant. Tu sais quoi, Dobby ? C'est toi qui nous a débarrassé de Voldemort, alors utilise la gloire, pour toi. Tu peux être égoïste, compris ? Allez, ne fais pas languir ta horde de fans. Moi, j'ai deux ou trois détails à discuter avec Potter.
Notamment de quel droit il s'était permis de modifier ses plans.
Sentant l'orage approcher, Dobby s'inclina et disparut dans un « crac ! ». Draco lança un regard sombre à Potter.
– Explications.
– Évidemment. La reconnaissance, ça te dit quelque chose ? Ce n'est pas la première fois qu'on te sauve la peau, pourtant je ne me souviens pas d'un seul « merci ». Et arrête de faire ces mimiques « je-suis-hautement-supérieur-à-vous-et-je-vous-crache-à-la-figure ».
– Je ne fais pas ce genre de mimique.
– Oh si, absolument tout le temps.
– Mon père entendra parler de ça, Potter.
Potter éclata de rire. Sauf que ça retardait encore les explications et Draco sentait sa patience s'effiler.
– J'attends.
– La nuit tombe, on devrait rentrer.
Draco ravala son irritation. Les derniers rayons de soleil peignaient la forêt de bleus et de gris sombres, bientôt, il ne resterait que les silhouettes spectrales des troncs et des branches, et il ne tenait pas tant que ça à s'y attarder. Potter lui fit signe de le suivre et ils prirent la direction du château – si on pouvait s'orienter dans ce labyrinthe.
– On faisait juste la même chose que toi, au final, dit-il enfin.
– C'est-à-dire, Potter ?
– Tu essayais de nous sauver, nous, on essayait de te sauver. Dobby était avec nous, d'ailleurs. Il nous a dit tout ce qu'il savait de ton plan. Tu ne parlais jamais de ce qui adviendrait de toi, pas besoin de divination pour deviner que tu n'espérais pas survivre. Alors on a repris l'idée du faux Gallion pour communiquer. La poudre instantanée du Pérou, c'était une diversion pour prévenir Ron et Hermione qu'ils pouvaient nous rejoindre.
– Ils n'auraient pas fait grande différence.
– Seuls, non. C'est pour ça qu'on a cherché du renfort. Bien sûr on a évité l'Ordre et les professeurs parce qu'ils t'auraient empêché de mener ton plan à bien et je ne tenais pas tant que ça à ce que tu m'assassines. Mais Ginny, Luna, Neville, Fred et George ont tous accepté de nous prêter main forte. Pour toi, ajouta-t-il.
Draco haussa les sourcils. Cependant, l'information était notée.
– Et puis, Dobby nous a aussi permis de contacter Kreattur. Il a accepté quand on a dit ton nom. On mettait les derniers détails au point avec lui quand tu es entré dans la Salle sur Demande.
C'était donc ça, le bruit de transplanage que Draco avait entendu.
– Et ton parrain ? Je croyais que vous ne demandiez pas d'aide à l'Ordre.
– Sirius a surpris nos préparatifs. Il a promis de garder le silence à condition qu'on le laisse participer.
Le bruissement des feuillages s'accentua. Il n'avait pas obtenu la gloire, ni l'attention de la presse, pourtant… Il était surpris. Surpris que tant de personnes soient prêtes à risquer leur vie pour lui donner une chance…
– Draco ? – Potter rectifia précipitamment – Malfoy ? Désolé, l'habitude. Ton père était présent pendant la bataille, et on a fini par t'appeler Draco, parce qu'entre Malfoy et Malfoy, c'est pas facile de savoir de qui on parle. Enfin, tu devrais savoir qu'il nous a soutenu face à Voldemort et ses Mangemorts.
Ce n'était pas une hallucination, donc.
– Ça a allégé sa peine, poursuivit Potter. Il a gardé sa liberté, sous surveillance. Est-ce que tu comptes… retourner chez lui ?
– Non. Tu ne vas pas aller ramper chez tes Dursley non plus ?
– Sirius m'a proposé de vivre chez lui.
À présent qu'il avait rempli son contrat, l'Ordre du Phénix n'avait plus de raison de chercher à le surveiller. Ce qui signifiait qu'ils ne l'hébergeraient plus. Il devrait trouver autre chose.
– Quoi que tu choisisses, ajouta Potter avec un haussement d'épaules, Sirius te fait savoir que le manoir des Black te sera toujours ouvert.
Un silence s'installa, pas gênant, juste paisible. Draco songea qu'il pourrait accepter la main tendue de Sirius – après tout, le sang des Black coulait dans ses veines de par sa mère. Et une fois ses diplômes brillamment obtenus, il redonnerait à son nom le prestige qu'il méritait. Oui, ça sonnait comme un bon projet.
À travers les arbres, Draco distingua les lueurs du château.
– Pour une fois, on aura peut-être une fin d'année tranquille, commenta Potter.
– Oh, je te fais confiance pour nous ramener des problèmes.
Nous y voilà, donc. C'était le dernier chapitre :')
Je vous remercie de tout cœur d'avoir suivi cette histoire jusqu'à la fin ! J'espère qu'elle vous a plu autant que je me suis amusée à l'écrire, et à lire vos réactions, encouragements et attentes !
Et aussi, merci Ordalie dal Lugar pour avoir inlassablement déniché les fautes et les incohérences, chapitre après chapitre ^o^ Je te décerne l'Eotofidh (c'est comme l'Écusson Non-Officiel de Traqueuse Officielle de Fautes et Incohérences Dans les Histoires, mais officiel, voilà x) )
Sur ce, je vous souhaite un bon après-midi et à une prochaine fois !
Lynn Aya