NdA :

Oui, j'avais dit que ce serait un one-shot… Chat Noir ne m'a pas laissé faire.


Chapitre 2 : Une nuit sur les toits

Les dernières lueurs du jour trouvent Adrien Agreste confortablement assis sur un toit, Plagg roulé en boule sur les tuiles encore tièdes à côté de lui.

Entre les derniers examens et une attaque d'Akuma particulièrement mouvementée, la journée a été dure, et aucun des deux n'est particulièrement alerte.

Il faudra bien bouger éventuellement, Adrien le sait, car le temps rafraîchit et il commence à avoir faim; mais pour l'instant, il peut encore se permettre quelques instants de paix, perché aussi loin de la civilisation qu'on puisse l'être dans une ville aussi populeuse et mouvementée que Paris.

Dès qu'il rentrera, l'incessant tourbillon des mille-et-un devoirs placés sur les épaules d'Adrien Agreste reprendra, mais pour l'instant, perché anonyme et invisible sur le toit de son appartement, il savoure le soulagement de n'être personne.

Juste pour quelques minutes de plus…

Quelque part dans la direction de l'aéroport, une sirène de police déchire la nuit, et ce n'est qu'à ce moment qu'Adrien réalise qu'il s'est endormi. Il n'est pas si tard, encore, mais le ciel s'est complètement assombri à présent, et il est frigorifié – il est plus que temps de rentrer.

« Plagg? » Gentiment, il pousse le kwami du doigt.

« Oh, ça va, ça va, je me lève », grommelle la petite créature. « Tu as intérêt à avoir du camembert pour moi. »

Adrien secoue la tête avec un sourire. Plagg ne changera jamais.

« Tu as déjà mangé », lui rappelle-t-il.

« Et alors? »

Ils savent déjà tous deux que cette deuxième part, l'esprit l'aura de toute façon. Et puis ce n'est pas comme s'il risquait d'engraisser…

« Je te gâte trop », soupire le jeune homme.

« Je le mérite », riposte Plagg.

Il n'y a pas grand-chose qu'Adrien puisse répondre à cela, alors il se relève et s'étire sans un mot. L'esprit l'imite avec une grâce toute féline avant de léviter pour se mettre à sa hauteur.

Une explosion lointaine, brève et sèche comme un coup de fusil, les fait se retourner vivement tous les deux. Rien n'est visible d'ici, évidemment, mais…

« Qu'est-ce que c'était? »

« Qu'est-ce qui te fait croire que je le sais? »

Et il y a beaucoup plus qu'une seule sirène, à présent… Seraient-ce des cris qu'il perçoit faiblement?

Pour Adrien, la décision d'investiguer est toute naturelle. Même si ce n'est pas un Akuma (et comme il y en a eu un cet après-midi, il y a bien peu de chances pour que ça en soit un), il sait d'expérience que Chat Noir peut être utile, en situation de crise.

« Plagg, transforme-moi! »

En même temps que se forme le costume-armure si distinctif, ses sens s'affûtent et se déploient, et une force et une énergie surnaturelles l'emplissent. Presque imperceptiblement, l'étudiant s'efface, et Chat Noir prend les devants.

Oui, ce sont bien des cris que lui apporte le vent – des cris d'horreur et de détresse.

D'une torsion du poignet, il étire son bâton en une longue perche et s'élance dans la nuit.

Il n'atteindra jamais l'aéroport.


Chat Noir vient de se poser sur un nouveau toit lorsqu'il remarque une femme au beau milieu de la rue. Ce n'est pas une avenue très passante mais plutôt une petite rue secondaire, fort heureusement, si bien qu'elle n'est pas en danger immédiat de se faire happer, mais tout de même, ce n'est pas très prudent de sa part.

Tandis qu'il regarde, elle fait quelques pas, et il se rend compte qu'elle boite fortement. Sa posture est étrange, aussi – comme un peu affaissée.

En moins de deux, il est près d'elle sur le tarmac, maintenant tout de même une distance respectueuse pour l'instant – la rue n'est pas très bien éclairée, et il n'est pas garanti qu'elle le reconnaisse immédiatement. Il ne veut pas lui faire peur.

« Madame? Est-ce que ça va? Avez-vous besoin d'aide? »

La femme se tourne vers lui. Les yeux vitreux et dans le vague, la bouche entrouverte et le visage vide, elle n'a vraiment pas l'air bien.

Sans répondre, elle commence à s'approcher. Visiblement, elle a un sérieux problème quelque part au niveau de la jambe droite – la hanche, probablement, vu la façon dont elle se tient.

Est-elle sous le choc? Sous influence d'une drogue? Chat Noir hume l'air – et fige. Il ne le remarque pas, mais ses cheveux se dressent sur sa tête et les oreilles de son costume se couchent presque à plat. Sa ceinture-queue se raidit derrière lui.

Derrière un parfum bon marché, cette femme dégage des relents de terreur, des relents d'une mort récente que la décomposition n'a pas encore rejointe.

Et il y a autre chose, aussi, une odeur sous-jacente, horrible, qu'il ne connait pas mais que tous ses instincts lui hurlent de fuir à tout prix.

Malgré sa démarche pénible, grotesque, elle accélère, et tend vers lui des mains aux doigts crispés comme des serres.

Il ne s'en rend compte que maintenant, mais même son ouïe si fine ne perçoit ni le souffle de la femme, ni les battements de son cœur.

L'instant d'après trouve Chat Noir recroquevillé au sommet d'un réverbère, tremblant comme une feuille.

En contrebas, la chose qui a déjà été une femme s'acharne à escalader le poteau de métal, en vain – elle n'a ni la force ni la coordination nécessaires pour ce faire, mais cela ne l'empêche pas de s'acharner.

Il faut bien quelques minutes à Chat Noir pour qu'il reprenne ses esprits. Alors, sans quitter son perchoir, il déploie à nouveau son bâton et invoque un Cataclysme.

La petite boule de pure destruction, obéissante, y descend jusqu'au bout, et est libérée lorsqu'il touche la chose.

En quelques secondes, celle-ci est entièrement consumée, un peu de cendre qui flotte dans le vent.

Et finalement, Chat Noir peut respirer – la menace est passée.

Pour l'instant.

Ces choses-là n'apparaissent jamais seules.

Il va devoir trouver un toit sûr où se détransformer et nourrir son kwami, à présent. Lui aussi devrait manger un morceau, d'ailleurs (fort heureusement, il n'y a pas que du camembert dans le sac d'Adrien). Dans son esprit, l'idée de rentrer a été complètement effacée.

Ensuite, Chat Noir se mettra en chasse.


Des Chats, Plagg en a connu des intelligents et des plutôt sots, mais la vitesse avec laquelle son porteur actuel analyse et comprend la situation le surprend.

« Des zombies… la magie de Ladybug ne pourra pas grand-chose contre eux, pas vrai? »

Dès qu'il a laissé se dissiper la transformation, Adrien s'est remis à trembler. Blotti entre une cheminée et un mur coupe-feu, il essaie tant bien que mal d'avaler un mélange de fruits secs et de noix, sans grand succès.

L'esprit, en apparence imperturbable, continue à mâcher son camembert, assis un peu plus loin sur un parapet – vu l'état actuel de son porteur et les circonstances, c'est à lui de faire le guet.

« Pas directement, non », articule-t-il à travers une nouvelle bouchée. « Elle ne peut pas les guérir, en tout cas – crois-moi, il n'y a plus rien à guérir. Mais elle pourrait les détruire comme n'importe qui d'autre, je suppose. »

Autrement dit, avec grande difficulté et sans garantie que les dommages soient efficaces, ils le savent tous les deux.

Adrien frissonne.

« Alors c'est à moi qu'il revient d'agir. » Il a déjà pu constater le potentiel de son propre pouvoir.

Plagg se force à simplement hocher la tête et à ignorer la détresse dans la voix du garçon, le poids de la terrible responsabilité qui vient de s'ajouter à ses épaules déjà bien trop chargées.

Il commence à comprendre la véritable raison d'être de son Miraculous.

Ça devait bien arriver un jour ou l'autre, mais ça n'en est pas moins un moment difficile à passer – et ce, pour chaque Chat que le kwami ait connu et qui ait vécu assez longtemps pour qu'une crise de cette catégorie ne survienne.

Un long moment de silence s'écoule. L'esprit commence à penser que son humain ne posera pas la question qui le taraude – beaucoup ne le font pas sur le coup, après tout. Plusieurs ne le font jamais.

Mais pas celui-là, on dirait.

« Qu'est-ce que tu es vraiment, Plagg? »

« Tu le sais déjà. » Sa réponse habituelle, peu importe le véritable niveau de compréhension du Chat impliqué. Dans ce cas-ci, cependant, c'est la plus pure vérité.

Adrien se tait, réfléchit, fronce les sourcils. « La Destruction… ce n'est pas qu'un titre. Pas seulement une description des pouvoirs du Miraculous. Tu m'as déjà dit que ton pouvoir me protégeait des effets néfastes du Cataclysme… C'est ce que tu fais, pas vrai? Toi – le Chat Noir – est une sorte de rempart contre ces choses… les horreurs contre lesquelles personne d'autre ne peut quoi que ce soit.

Le Chat Noir est le dernier recours, celui qui intervient quand il n'y a pas d'autre option. Et le zombisme… » Il déglutit péniblement. « Le zombisme, ça ne pardonne pas. Tout ce qu'on peut faire, c'est détruire les victimes et espérer ne pas en oublier une quelque part. »

Plagg hoche sombrement la tête. « Et ça, ça relève de notre domaine », conclut-il. « Il va bientôt falloir s'y mettre, d'ailleurs. Ce genre de saleté se répand vite. » Ébahi par son sérieux inhabituel, Adrien le fixe du regard.

« Et tu ne t'en plains pas? »

Le kwami soupire. « Pourquoi est-ce que je me plaindrais? C'est mon boulot. Rien à voir avec tes petites aventures avec Ladybug; là, c'est du sérieux, pour une fois. »

« Du sérieux? » Son humain est bouche bée, incrédule – et indigné. « Es-tu en train de dire que le combat contre Papillon n'a pas d'importance?! »

Cette fois, Plagg lève les yeux au ciel. Ce Chat-là est peut-être intelligent, mais ce qu'il peut être bête parfois!

« Bien sûr que non. Il en a après les Miraculous : il faut bien riposter. Et il n'a aucun droit d'être un porteur après avoir perverti sa mission comme il l'a fait. Mais franchement, les problèmes qu'il cause sont plutôt du ressort de Ladybug. Nos talents seraient mieux utilisés ailleurs. »

« Tu es en train de dire – » Avant qu'Adrien ne puisse aller plus loin, l'esprit lui coupe la parole.

« Que contrairement à Ladybug, Chat Noir est mal équipé pour se battre contre Papillon – tout comme elle est mal équipée pour répondre à une épidémie de zombisme. Chaque Miraculous a sa spécialité, Adrien. Cette fois, c'est à nous de jouer. »

Après une courte hésitation, le garçon hoche la tête, une nouvelle lueur déterminée dans les yeux. Il ne tremble plus.

Plagg s'autorise un sourire en coin et incline la tête lui aussi, solennellement. Pas besoin d'une réponse plus articulée : ils se comprennent, tous les deux. Adrien ne cédera pas sous la pression; le Chat Noir remplira sa mission. Plus qu'une simple acceptation de la situation, c'est en quelque sorte aussi un serment, le renouvellement du pacte passé lorsque le Miraculous du Chat est tombé entre les mains d'Adrien; pour le kwami, il s'agit probablement d'un moment encore plus important que ce dernier, car cette fois, son humain comprend réellement ce dans quoi il accepte de se lancer… et il endosse pleinement son rôle.

Pleinement, mais pas aveuglément. Adrien a remballé son sac et semble presque prêt à partir, mais une question lui brûle encore les lèvres.

« Plagg? »

« Mmmh? »

« Est-ce que le pouvoir du Miraculous me protégera du zombisme si j'y suis exposé? »

Momentanément et bien malgré lui, le kwami se raidit.

« Non », assène-t-il sèchement, « alors ne t'avises pas de te laisser mordre. » Le garçon, rabroué, baisse les yeux.

Puis il poursuit d'une voix faible mais insistante. « Compris. Mais même si je fais attention, ça reste une possibilité, tu sais. Et Chat Noir… »

« Tu as peur de devenir une sorte de super-zombie? »

Adrien acquiesce sans lever les yeux.

« Ne t'inquiètes pas, nous ne laisserons jamais aller les choses aussi loin. »

Alerté autant par son ton que par ses propos, son humain relève la tête brusquement.

« Que veux-tu dire? » Plagg grimace. Il n'a jamais eu l'intention d'en révéler autant – dans toute son existence, il peut compter sur ses doigts le nombre de fois où il a été obligé de le faire – mais si cela peut rassurer son jeune ami…

« Tu portes le Miraculous de la Destruction, Adrien. Et la transformation en zombie n'est pas instantanée, tu sais… » Il attend une puis deux secondes, histoire de voir si le garçon tirera des conclusions lui-même. Il n'est pas déçu.

« Cataclysme », souffle Adrien d'une voix blanche, l'air un peu nauséeux. Tu veux dire que je pourrais… L'utiliser sur moi-même, pour détruire le virus avant qu'il ne se propage? »

Plagg hésite. En voilà une qu'il n'a jamais entendue!

« Je ne sais pas – ça n'a jamais été tenté. Peut-être, si tu réagis immédiatement et que l'infection est encore très localisée… » Mais franchement, il est dubitatif. Adrien ne peut pas le savoir, évidemment, mais utilisé sur un être vivant, Cataclysme cause des niveaux d'agonie qui à eux seuls suffiraient à tuer. Et une opération d'une telle précision demanderait une grande concentration de la part de Chat Noir… Utilisé sur lui-même, il perdrait inévitablement le contrôle de son pouvoir et serait consumé.

« Alors de quoi voulais-tu par – oh. »

Oui, oh. Plagg confirme d'un sourire triste.

« C'est… c'est déjà arrivé? »

Le kwami frissonne. « A cause d'une infection de zombisme? Une fois. Ma porteuse… Elle s'était fait mordre, et elle savait qu'il n'y avait rien à faire… Alors elle a retourné le Cataclysme contre elle-même. »

Le garçon déglutit péniblement. Sans doute espère-t-il avoir le courage d'en faire autant, s'il se retrouve un jour dans la même position. « Et les autres fois? »

« Tu veux vraiment le savoir? »

Adrien acquiesce.

« Tu l'auras voulu. Parfois, mes porteurs se retrouvent dans une position où les seules options disponibles sont pires que la mort… la plupart agissent en conséquence. Fin de l'histoire. Je ne veux pas en parler, d'accord? Et nous avons du travail à faire. »

Le garçon hésite, mais finit par hocher la tête. Plagg croise les doigts pour qu'il ne remette jamais le sujet sur le tapis. Pour qu'il ne réalise jamais combien de ses prédécesseurs ont subi cette fin tragique… ni quelle proportion d'entre eux ne s'en sont pas remis à un Cataclysme fatal de leur plein gré.

« Plagg, transforme-moi! »


Le truc pour se débarrasser efficacement de zombies quand on est Chat Noir, le jeune héros réalise très vite, c'est d'en assembler une horde très compacte, puis de lâcher un Cataclysme dans le tas – comme son pouvoir ne se propage qu'entre objets en contact direct les uns avec les autres, cette proximité entre les morts-vivants est essentielle.

(Il a aussi essayé d'utiliser le Cataclysme sur le sol et de le faire passer dans les zombies par les jambes, bien entendu. Le problème avec cette tactique, c'est que la terre absorbe inévitablement une grande partie de l'énergie, et du coup, il n'arrive pas toujours à couvrir une aire assez importante pour que cela fonctionne très bien.)

Évidemment, en travaillant de cette manière, il doit se détransformer très souvent; Plagg tombe à court de fromage presque aussitôt.

Assis sur le palier d'un escalier de secours, tremblant de fatigue, Adrien jure en trouvant le sac de camembert vide. Ils sont dans un quartier résidentiel; il n'y a pas un commerce à proximité, et tout est fermé à cette heure de toute manière. Le regard qu'il jette à son kwami fait pitié à voir, vraiment.

« Relaxe, gamin. Il y a toujours une solution. »

Il y a des bennes à ordures plutôt pleines juste un peu plus loin dans la ruelle. « Ne t'avise pas de penser que je suis prêt à faire ça en permanence, quand-même. »

Et sans un mot de plus, Plagg plonge dans les déchets, laissant derrière lui un Adrien bouche bée.

Quand il revient, le garçon ne s'est toujours pas remis.

« Quoi? Tu ne pensais tout de même pas que tous mes porteurs ont toujours eu accès à quelque chose d'aussi raffiné que du camembert, tout de même? » Il renifle dédaigneusement. « Les humains ne sont pas les seuls à pouvoir manger quasiment n'importe quoi en cas de nécessité, mais ça ne veut pas dire que c'est agréable. On y retourne? »

Adrien s'étouffe sur sa salive, les yeux toujours ronds comme des billes.

« … D'-d'accord. Plagg, transforme-moi! »


Au petit matin, l'armée entre en ville, dressant lentement mais sûrement un périmètre sécuritaire qu'elle travaille ensuite à faire croître. En coordonnant avec les soldats et la police, Chat Noir arrive à rassembler et détruire encore davantage de zombies… Jusqu'à ce que, peu après l'aube, l'Officier Raincomprix le prenne à l'écart, l'attrapant par un bras avant qu'il ne puisse s'éclipser pour nourrir son kwami.

« Chat Noir. »

« Monsieur? » Le jeune héros, épuisé, tient à peine debout.

« Tout est sous contrôle ici, jeune homme. Prenez une pause. Allez manger un morceau, reposez-vous. La fatigue est source d'erreurs, et c'est une chose que personne ne peut se permettre dans les circonstances actuelles. Je ne veux pas vous revoir sur le terrain avant midi au plus tôt. » Le policier, qui a organisé l'évacuation des civils une bonne partie de la nuit, a lui-même l'air au bout du rouleau; Chat Noir doute qu'il soit encore présent lorsque sonnera midi.

Sans répondre verbalement, il hoche la tête – en travaillant avec les soldats et policiers, cette nuit, il a beaucoup eu à crier, et sa gorge est douloureuse.

M. Raincomprix le fixe un instant de plus pour s'assurer que son message a bien passé, puis relâche son bras; aussitôt, Chat Noir vacille.

Instantanément, la main du policier est de retour sur son bras.

« Ça va? »

« Je… oui. » Une faible quinte de toux. « Je devrais y aller. » Cette fois, Chat Noir parvient à s'éloigner sans tituber.


Le soleil du matin trouve Adrien recroquevillé sur un toit à la limite du campus universitaire, plus inconscient qu'endormi, Plagg roulé en boule contre son cou. Dans leur état, on pourrait croire qu'une bombe ne suffirait pas à les réveiller.

Pourtant, lorsqu'un hurlement retentit non loin, le jeune homme est debout en une fraction de seconde, en mouvement avant même d'être complètement conscient. Qu'est-ce que…?

Là, en bas dans la rue, Alya Césaire pivote avec un cri d'effort et, tout son poids derrière le mouvement, assène un coup de couvercle de poubelle (en métal, le couvercle!) à l'un des deux éboueurs zombies qui lui bloquent le chemin. La créature est projetée en arrière à une distance plus que respectable, considérant sa taille et son poids probable; l'étudiante en journalisme profite de l'instant pour lancer son arme improvisée sur l'autre zombie et s'enfuir en courant.

« Plagg, transforme-moi! » Il a peut-être eu droit à une heure et demie de sommeil au maximum et il est encore épuisé, mais pas au point de laisser une amie en danger.

Dans la rue, les deux zombies se sont relevés et lancés à la poursuite d'Alya, qui est cependant trop rapide pour eux : elle a déjà tourné le coin lorsque Chat Noir leur tombe dessus.


Aussitôt les deux éboueurs réduits en poussière, le jeune héros se hisse sur une corniche inaccessible, laisse se dissiper sa transformation et tend à son kwami une barre énergétique récupérée un peu plus tôt au centre d'opérations temporaire de l'armée.

« Fais vite », intime-t-il à Plagg. Il aurait préféré se lancer à la poursuite d'Alya tout de suite, mais sans Cataclysme à disposition et sachant qu'il aurait été forcé de la laisser au bout de quelques minutes pour se détransformer de toute manière, permettre à son kwami de reprendre des forces d'abord lui a semblé plus sage.

Il ne peut qu'espérer qu'elle n'ira pas se mettre dans le pétrin pendant ces quelques minutes… Mais la connaissant, c'est assez peu probable. Et pourquoi diable a-t-elle pris le chemin de l'université? Le périmètre sécurisé, c'est dans l'autre direction!


Il n'aurait peut-être pas dû laisser filer Alya, admet Chat Noir en son for intérieur quelques instants plus tard. Où est-elle passée?

Quelque part sur le campus, probablement, mais il a beau avoir le nez fin, il n'est pas un chien de piste : impossible de retrouver sa trace.

Pas à l'odeur, en tout cas.

Les fausses oreilles de chat perchées sur son crâne pivotent d'elles-mêmes – depuis le bâtiment de la bibliothèque tout proche, dont plusieurs fenêtres sont entrouvertes, un claquement métallique lui parvient. On dirait une porte de secours qui se referme.

Alya, ou un zombie? L'alerte a été lancée il y a des heures maintenant : aucune personne sensée ne se sera pointée à l'école ce matin.

Mais qu'irait faire son ancienne camarade de classe à la bibliothèque en pleine invasion zombie? Chercher des informations sur le zombisme? C'est vrai que les réseaux – autant internet que le téléphone – ne fonctionnent pas très bien, voire pas du tout depuis des heures, avec tous ces Parisiens paniqués qui tentent de communiquer avec leurs proches et vice versa (sans parler du fait que, d'après ce qu'il a entendu de la part des soldats, il y aurait eu du sabotage d'impliqué), mais c'est tout de même terriblement dangereux…

Ce qui n'a jamais arrêté Alya, Chat Noir ne le sait que trop bien. Et puis, elle a peut-être un point : s'il y a bien un endroit qui risque de contenir des informations inédites sur un tel sujet, c'est sans aucun doute une bibliothèque universitaire comme celle-ci, avec ses imposantes archives de documents rares.

Et si ce n'est pas elle… cela fera toujours un mort-vivant de moins.

Des cris soudains, deux voix que le jeune héros reconnait instantanément.

Alya et… Marinette?!

Chat Noir s'élance.