Un projet à rendre et pas assez de temps : le pire cauchemar de tout étudiant. Et avec toutes ces recherches à faire et ces textes à rédiger, on ne voit souvent pas plus loin que le bout de son nez…

Une nuit à la bibliothèque

La nuit est tombée, mais pas depuis longtemps; par une fenêtre du studio, une bande plus claire est encore tout juste visible à l'horizon.

Pourtant, lorsque Marinette ouvre la porte, elle trouve sa colocataire déjà couchée.

« Alya, est-ce que ça va? »

En guise de réponse, son amie s'enfonce plus profondément sous ses couvertures avec un grognement.

« Veux-tu bien éteindre cette fichue lumière? »

Marinette cligne des yeux, surprise, avant de réaliser de quoi il est question et de s'empresser d'actionner à nouveau l'interrupteur.

« Oh, désolée! » Le studio est replongé dans le noir – ou à peu près, puisqu'un réverbère est planté juste de l'autre côté de la rue, bien en face de leur fenêtre, fournissant assez de lumière pour que la nouvelle venue puisse se déplacer sans plus de maladresse qu'à l'habitude.

« Est-ce que ça va, Alya? Es-tu malade? » Demande-t-elle à nouveau lorsqu'elle a finalement réussi à se défaire de sa pile de livres et de son sac sans rien faire tomber et sans perdre les clés qu'elle a encore en main – un exploit, pour elle.

« J'ai eu une nuit presque blanche hier, j'avais deux examens ce matin, et j'ai passé le reste de la journée à couvrir l'affaire de la Sauterelle. Je veux juste dormir », réplique plaintivement son amie.

Oh. Bien sûr. Alya a passé tout l'après-midi à courir d'un bout à l'autre de la ville pour suivre les méfaits du dernier akumatisé en date. Il faut bien admettre que la jeune femme est devenue toute une athlète depuis quelques années, avec sa détermination à enregistrer les exploits des deux superhéros parisiens (et donc à les suivre partout dès qu'ils se montrent, y compris au milieu d'une bataille très mouvementée qui a bien dû faire le tour de la ville au grand complet avant d'être finalement résolue), mais même Ladybug est sortie épuisée de ce combat-là, et Alya, elle, n'a pas le bénéfice de la résistance physique accrue d'un hôte de Miraculous.

« Désolée. Je vais essayer de ne pas faire de bruit. » Elle aussi ne rêve qu'à son lit douillet, à dire vrai, mais elle ne peut pas encore se le permettre – il lui reste d'abord à envoyer un message d'excuses à son coéquipier pour la rencontre qu'elle a ratée, puis à vérifier si le professeur a répondu à sa question sur le projet à remettre le lendemain –

« Oh mince. Oh mince. Ce n'est pas vrai, comment ais-je pu oublier… »

La panique montante de Marinette pousse finalement Alya à se sortir le bout du nez des couvertures.

« Qu'est-ce qu'il y a? »

« J'ai oublié que mon projet sur l'histoire de la mode était à remettre demain! Je ne l'ai pas fini, il me reste toute une section à rédiger! »

« Ok, ok, du calme, ma grande. Il est à remettre à quelle heure, ton travail? » Sans difficulté malgré sa fatigue, Alya retombe dans ce rôle familier de gérante de crise qu'elle a si souvent adopté au cours des dernières années, non seulement avec ses petites sœurs, mais aussi avec sa meilleure amie.

« Huit heures tapantes », gémit Marinette. « Je n'y arriverai jamais… »

« Et qu'est-ce qu'il te reste à faire, exactement? »

« Minimum huit pages. » La jeune femme a baissé la tête, défaite. « Je n'ai même pas fini la recherche. »

Ok. Voilà qui ne lui laisse effectivement pas une grande marge de manœuvre.

« Pour combien de points? »

« Euh… la moitié? Le projet compte pour vingt-cinq pourcents du trimestre; je ne peux pas me permettre d'avoir une mauvaise note, surtout que je suis arrivée en retard au dernier examen… »

Bon… Tant pis pour ce qui est de la convaincre que ce n'est pas si grave, donc. Alya change de tactique.

« Tu sais, il n'est pas si tard. La bibliothèque est encore ouverte. Tu dois avoir besoin des livres de référence, non? »

Marinette hoche la tête, au bord des larmes.

« Alors fais ta recherche ce soir, avant la fermeture. Comme ça, tu auras tout ce qu'il te faut pour la rédaction. Après, s'il n'est pas trop tard, tu pourras commencer à écrire, ou alors lève-toi très tôt demain matin si tu es trop fatiguée ce soir. Travaille étape par étape et tout ira bien, je t'assure. »

« Si tu le dis… » Marinette soupire, l'air peu convaincue mais plus aussi paniquée. Puis elle hoche la tête, déterminée à au moins faire de son mieux. Alya observe la transformation avec satisfaction.

« Bien. Maintenant, vas-y. » Et de grâce, laisse-moi dormir! (Mais ça, Alya ne le dira certainement pas à voix haute!)

Marinette la remercie profusément, rassemble ses affaires. Le temps qu'elle passe à nouveau la porte de leur studio, dans l'autre sens cette fois, sa colocataire dort déjà.

XXX

Elle n'a fermé les yeux qu'un instant, lui semble-t-il, mais quand Marinette relève la tête, les lumières de la bibliothèque sont éteintes, il fait nuit noire, et tout est silencieux.

Hein? Encore à moitié endormie, la jeune femme a du mal à faire le focus sur la petite forme rose qui volète à quelques centimètres de sa tête.

« Tu t'es endormie, Marinette! » couine la délicate créature. « La bibliothèque est fermée; je crois que l'employée ne t'a pas vue… »

Marinette se frotte les yeux. Il ne manquait plus que ça… En même temps, ce n'est pas si surprenant, vu le recoin reculé où elle s'est installée.

« Pourquoi ne pas m'avoir réveillée, Tikki? »

Le Kwami hausse les épaules, l'air embarrassé.

« J'étais dans ton sac; je n'ai pas réalisé tout de suite… Et puis, après, ça n'aurait rien donné de te réveiller. »

Marinette ne peut que geindre en réponse, laissant brièvement sa tête retomber sur l'épais volume de mode qui lui a servi d'oreiller improvisé. Et puis zut.

Elle se lève, s'étire – elle a le cou et les épaules en compote – et jette un coup d'œil sur son téléphone. 4h37. Moins de quatre heures pour finir son projet. Et lorsque, en se guidant avec l'éclairage de son portable, elle parvient à l'entrée pour constater qu'un robuste rideau de fer bloque le passage vers le corridor où se trouvent les ascenseurs, les escaliers et (ce qui n'est fort heureusement pas encore un problème) les toilettes…

Bon. Tant qu'à être coincée ici, autant continuer à travailler tout en espérant ne pas avoir d'ennuis le matin venu. Marinette retourne vers sa place, rallume son ordinateur tombé en veille, repêche la lampe de poche qui traîne toujours au fond de son sac à dos depuis l'époque lointaine où Chloé Bourgeois adorait éteindre (bon, d'accord, faire éteindre par Sabrina) l'éclairage des salles de bain lorsqu'il y avait du monde dans les cabines… Puis elle se remet à l'ouvrage.

XXXXXXX

Le ciel rosit, le soleil se lève.

Marinette, les yeux brûlants et la tête lourde, prend une petite pause pour admirer le spectacle. Cela va être une journée magnifique, avec juste quelques petits nuages pour décorer le ciel ici et là.

7h00. Il lui reste juste la correction et la bibliographie à faire. Enfin!

7h30. La bibliothèque ouvre à huit heures, mais les bibliothécaires doivent bien arriver avant, non? Les gardiens de sécurité devraient bientôt commencer à faire le tour pour ouvrir les portes fermées à clé durant la nuit, en tout cas.

7h40. Puisqu'il n'y a toujours personne dans les environs, Marinette se permet un petit cri de victoire. Son projet est fini! Il n'est pas aussi soigné qu'elle l'aurait voulu, bien sûr, mais elle est à court de temps : dès que l'impression est terminée, elle rassemble ses affaires et va se poster près de l'entrée, prête à se ruer dehors dès que quelqu'un viendra ouvrir, ce qui ne devrait vraiment plus tarder maintenant.

7h50. Toujours personne à l'horizon. Même dehors par la fenêtre, le campus semble désert. Il devrait au moins y avoir une bibliothécaire présente à cette heure… Ou s'est-elle trompée quelque part, et aujourd'hui est en fait un jour férié, une journée de congé? Marinette est de plus en plus anxieuse. Si les choses continuent ainsi, elle n'aura pas le temps de se rendre au bureau de son professeur avant l'heure limite. Peut-être devrait-elle envoyer une copie de son travail par courriel, histoire de prouver qu'elle l'a bien terminé à temps? Ou peut-être… Son regard glisse sur Tikki, qui tente de la rassurer.

« Non, Marinette », répond le Kwami à sa question muette. « Ce serait un abus de tes pouvoirs, tu le sais. »

« Oui, je sais », soupire sa compagne, dépitée. Mais ce serait tellement facile pour Ladybug de sortir par une fenêtre, même si la bibliothèque est au deuxième étage

À moins que…

« Chat Noir m'a déjà dit que son Kwami savait forcer les serrures. Est-ce que tu pourrais m'ouvrir, toi? »

« Marinette! » Proteste vivement Tikki. « Ça ne serait pas honnête! Et non, je ne peux pas faire ce genre de chose. »

« Désolée, tu as sans doute raison… »

7h53. Finalement, finalement! Par une fenêtre entrouverte, Marinette entend du bruit au-dehors, des pas traînants, des clés qui sonnent. Le gardien de sécurité n'est pas visible d'ici, mais ça ne peut être que lui. En bas, une porte s'ouvre, puis se referme. La jeune femme espère juste qu'il ne prendra pas trop de temps pour arriver jusqu'ici, parce que sept minutes pour se rendre jusqu'au quatrième étage d'une bâtisse à l'autre bout du campus, ça risque d'être très serré même si elle court tout du long…

Huit heures. Son projet est officiellement en retard. Hé merde… Et toujours pas de bibliothécaire en vue non plus. Se serait-elle trompée sur les heures d'ouverture?

Mais non. C'est bien indiqué là, sur un écriteau collé au comptoir de prêt : on est jeudi aujourd'hui, et la bibliothèque aurait dû ouvrir à huit heures. Ce n'est pas un jour férié non plus, d'après le calendrier posé sur le bureau de la bibliothécaire. Alors pourquoi n'y a-t-il encore personne?

Puis l'ascenseur grince et craque, des sons discrets qui, dans le silence tranquille de la bibliothèque vide, sont beaucoup mieux perceptibles qu'à la normale : le gardien de sécurité est en train de monter. Elle va enfin pouvoir sortir!

Mais soudain, Marinette n'a pas du tout envie qu'on sache qu'elle a passé la nuit ici. Et puis, son projet est déjà en retard : qu'elle attende un peu plus pour se faufiler dehors sans être vue ne fera aucune différence, et peut-être gagnera-t-elle-même un peu de temps puisqu'on risque de la questionner sur sa présence si elle se fait remarquer.

Quand l'ascenseur sonne et que les portes s'ouvrent, la jeune femme a pris ses affaires et s'est retirée dans le recoin où on l'a oubliée hier soir, hors de vue de l'entrée. Immobile, le souffle silencieux, elle tend l'oreille.

Des pas traînants, le tintement à voix multiples d'un trousseau de clés. C'est presque amusant de se cacher ainsi alors qu'il n'y a en fait rien à craindre, pour une fois.

(Bon, d'accord; elle doit être plus fatiguée qu'elle ne le croyait si elle en est à trouver ça drôle.)

À l'oreille, elle continue à suivre les mouvements du gardien. Très lentement (en voilà un autre qui aurait bien besoin d'une tasse de café, on dirait!), celui-ci s'approche de la grille, prend ses clés, déverrouille, raccroche son trousseau à sa ceinture, puis s'éloigne dans l'autre sens, par le corridor qui dessert l'autre aile du pavillon. Bientôt, ses pas traînants disparaissent du paysage auditif.

Bingo. Marinette est libre –

… Et son téléphone vibre.

« Allô? »

« Marinette? Finalement! Ça fait des heures que j'essaie de t'appeler, le réseau est surchargé – où es-tu?! Est-ce que tu vas bien?! »

Oups… Alya. Elle a dû s'inquiéter en réalisant que Marinette n'était pas rentrée de la nuit.

« Je vais bien, ne t'inquiète pas, je me suis juste endormie – »

« Tu es encore à la bibliothèque? Tu es seule? »

« Euh… Oui pour les deux. Qu'est-ce qui se passe, Alya? » Son amie semble… surexcitée? Voire un brin hystérique, on dirait. Rien de très inhabituel, sauf que Marinette sait de source sûre que Ladybug n'a rien fait d'intéressant cette nuit, ce qui serait normalement l'explication la plus probable. Chat Noir, peut-être? Mais après l'Akuma, hier, il avait l'air tout prêt à aller se coucher direct, lui aussi… Autre chose, alors? Un nouvel akumatisé? D'ici, rien ne paraît…

« Tu n'es pas au courant?! »

« Au courant de quoi? »

« Ok… Bon, écoute : reste où tu es, ne bouge pas, ne fait pas de bruit, et surtout, ne laisse personne te voir. J'arrive tout de suite! » Et Alya raccroche sans plus de cérémonie.

Marinette reste un moment à regarder son téléphone, perplexe. Que peut-il bien se passer? Elle échange un regard médusé avec Tikki, puis hausse les épaules. Elle le saura bien assez tôt.

Pour patienter, elle va jeter un coup d'œil sur Internet... Ou du moins, elle essaie : la roue de chargement tourne et tourne pendant deux minutes, puis cinq. Qu'elle cherche à accéder au Ladyblog ou au site de nouvelles locales, son téléphone finit par jeter les armes et l'informer qu'il lui est impossible d'accéder à la Toile. Zut. Frustrant mais pas bien étonnant, dans ce vieux bâtiment aux murs trop épais.

Devrait-elle aller rejoindre Alya, maintenant qu'elle n'est plus enfermée?

Nah. Son amie lui a dit de ne pas bouger, et si elle sort, elle risque de la rater. Marinette va plutôt s'installer à la fenêtre.

Dehors, baigné dans la lumière dorée d'un début de matinée frais mais magnifique, le campus est calme, tranquille… désert. Les premiers cours de la journée doivent être commencés à cette heure, c'est vrai, mais la fenêtre étant ouverte, elle aurait dû entendre le brouhaha des étudiants qui se rendaient en classe il y a quelques minutes, non? Bizarre. Peut-être y a-t-il une grève, une manifestation à laquelle participe l'université, ou alors une activité spéciale… Entre son emploi du temps trop chargé et sa distraction habituelle, ce ne serait pas la première fois que Marinette ne prend conscience d'évènements de ce genre qu'après qu'ils aient eu lieu. Malheureusement, elle ne peut pas aller vérifier sur le site de l'université... Mais à dire vrai, elle est trop fatiguée pour avoir vraiment envie d'investiguer, de toute façon, et Alya sera sûrement au courant, elle : elle n'a qu'à l'attendre.

Au-delà de la grille déverrouillée mais toujours fermée, la porte de l'escalier s'entrouvre. Alya s'étire le cou au-delà pour observer les lieux d'un air méfiant, puis s'élance, s'arrêtant devant le rideau de métal et son amie médusée. Sa blouse est tout de travers et elle a l'air d'avoir couru.

« Salut..? »

Alya a l'air… pas exactement excitée, mais plutôt… quoi? Nerveuse? Effrayée, même? Difficile à dire, et la surprise efface tout le reste lorsqu'elle remarque la grille.

« Tu es enfermée?! »

« Euh… Plus maintenant; le gardien de sécurité vient de passer, il a déverrouillé… »

Mais Alya, visiblement, ne l'écoute pas : elle a sorti de son sac… Dis donc, c'est une panoplie de cambrioleur, ça?

Voilà qui expliquerait comment elle arrive à suivre Ladybug dans certaines de ses escapades, en tout cas…

Alya tente d'insérer un instrument dans la serrure.

« C'est déjà déverrouillé, je te dis! », répète Marinette en poussant la grille sur le côté; celle-ci se replie obligeamment en accordéon.

« Oh. » Son amie cligne des yeux, un instant interdite, puis récupère son instrument et se faufile par l'ouverture à toute vitesse.

« Le gardien est passé? Tu l'as vu? » Oh oui, elle a définitivement l'air inquiète.

« Non. » Marinette hésite, gênée. « J'avais peur d'avoir des ennuis; je n'ai pas osé me montrer… »

« Ah. Bien… Et il est toujours dans les parages? »

« Il est parti – Alya, qu'est-ce que tu fais? » Plutôt que de ranger son instrument, son amie s'est retournée, a refermé la grille, et s'applique maintenant à… quoi? La reverrouiller!?

« Toi, tu n'as pas vu les dernières nouvelles, hein? » Venant d'Alya, c'est une question normale, presque routinière : étant souvent aux premières loges sous son identité secrète, Marinette ne suit généralement pas les actualités avec grande assiduité. Aujourd'hui, toutefois, le ton de son amie semble un peu trop agressif, tendu. Et ses mains se sont mises à trembler, si fort qu'elle a du mal à manipuler son instrument.

Pour la première fois de la journée, son travail écrit sur l'histoire de la mode n'est plus le principal souci de Marinette. Ce n'était pas dans son intention, mais lorsqu'elle répond, c'est avec l'intonation autoritaire caractéristique d'une Ladybug qui veut des réponses, et qui les veut maintenant.

« Qu'est-ce qui se passe? »

Son amie paraît un instant interloquée par son ton, mais a visiblement plus important en tête : elle se remet aussitôt.

« Je ne sais pas trop comment ça a commencé : mes sources sont un peu confuses… mais on a un début d'épidémie de zombisme en cours. »

Marinette s'étouffe avec sa salive.

« P-pardon?! »

« Oui, je sais… » Un petit rire nerveux, forcé.

« Tu es sérieuse?! »

Alya hoche la tête. Elle a l'air de quelqu'un qui voudrait que la réponse puisse être n'importe quoi d'autre.

« Mais il n'y a pas eu le moindre cas d'infection en sol européen depuis cinquante ans, au moins! »

« Berlin en 1945, si on ne compte pas les évènements en URSS dans les années soixante-dix », corrige son amie machinalement. « Et rien en France depuis 1917. »

Un court silence tandis que Marinette digère la nouvelle. La grille à nouveau verrouillée, son amie fait disparaître son instrument dans le sac à dos qu'elle porte encore sur les épaules et tire sur les barreaux pour s'assurer que rien ne bouge.

« Tu es sûre? » demande-t-elle finalement d'une petite voix. Le zombisme, ce n'est pas matière à rigolades.

« Plutôt, oui », lui répond Alya avec une pointe d'humour noir. « J'ai failli me faire bouffer en venant ici. Deux fois. »

Marinette ouvre des yeux ronds, horrifiée.

« T'inquiètes, ils ne m'ont pas touchée », Alya s'empresse de préciser pour la rassurer. « C'est passé un peu près, quand-même », admet-elle ensuite avec un frisson.

« Tu es sûre que ce n'est pas le résultat d'une nouvelle attaque d'Akuma? » Marinette préfèrerait. De beaucoup. Papillon est peut-être un fou, mais ses supervilains, aussi terrifiants fussent-ils, n'ont jamais été la cause directe du moindre décès.

« Certaine », répond sombrement son amie. Ses yeux sont hantés, soudainement; elle frissonne de plus belle. « Quelqu'un s'est fait attaquer sur le palier juste sous le nôtre; je suis allée voir ce qui se passait… » Un haussement d'épaules et un faible sourire d'autodérision. « Je suis sortie par la fenêtre et j'ai passé la moitié de la nuit sur la corniche à attendre qu'ils s'en aillent – et je suis à peu près sûre qu'ils ne m'avaient même pas remarquée. Quelle héroïne je fais! »

« La – la corniche qui passe sous notre fenêtre? » Marinette blêmit. Celle qui fait à peine dix centimètres de large, qui est pleine de fil barbelé anti-pigeons et que même Ladybug a eu du mal à négocier, la seule fois qu'elle s'y est risquée? Et Alya est d'une stature beaucoup plus robuste, ce qui signifie que son centre d'équilibre devait être plus éloigné du mur, sans compter qu'elle était probablement pieds nus, ou au mieux en pantoufles…

Son amie hoche la tête.

Tu es beaucoup plus brave que moi.

« Ça va? » demande-t-elle plutôt.

Alya se passe une main sur les yeux. « J'ai eu peur, mais… oui, ça va aller. » Marinette lui laisse quelque secondes pour se redonner une contenance, puis se lance :

« Sais-tu quelle est la gravité de l'épidémie? »

Son amie hausse les épaules.

« Internet est hors service et le réseau cellulaire aussi, la plupart du temps; je suis déjà surprise d'être arrivée à te joindre… Tout ce que j'ai comme infos, c'est du bouche à oreille », l'avertit-elle d'abord. Puis elle soupire.

« On pense que ça a dû commencer hier soir, pas très tard – peut-être même avant que tu ne sois repartie pour venir ici. Notre quartier et le campus sont touchés. Toute la zone jusqu'à l'aéroport aussi, à ce qu'il paraît : c'est de là que seraient venus les zombies. J'ai croisé quelques gars tout à l'heure qui pensent que c'est une attaque terroriste. »

Marinette porte une main à sa bouche, choquée.

« Non… » Les bombes et les tireurs fous, c'est une chose – et c'est arrivé un peu trop souvent en France ces dernières années – mais qui peut être assez détraqué pour causer volontairement une épidémie de zombisme? Même les pires fanatiques ne devraient jamais tomber aussi bas.

Alya hausse les épaules. « C'est une théorie. »

« Et Ladybug et Chat Noir? »

« Aucun signe de Ladybug », répond son amie avec une grimace inquiète. « Chat Noir aurait été aperçu à quelques reprises cette nuit, mais personne n'était certain de son identification – c'était juste une ombre qui filait de toit en toit. De toute façon, je ne sais pas trop ce qu'ils pourraient faire contre des zombies… »

« Je suis sûre qu'ils vont bien et qu'ils vont trouver un moyen d'aider », la rassure Marinette gentiment. Chat Noir va probablement bien, donc. Intérieurement, elle se permet un soupir de soulagement.

Puis un détail lui vient à l'esprit.

« Dis donc, Alya… le gardien de sécurité qui est venu ouvrir, tu penses que c'est un zombie, pas vrai? »

« Oh, définitivement. À part toi, tout le monde doit savoir ce qui se passe depuis des heures; il ne serait jamais venu jusqu'ici, sinon. »

« Mais il est venu déverrouiller », Marinette insiste. « Si c'était un zombie… »

« Il serait resté planté debout comme un idiot jusqu'à ce que quelqu'un attire son attention? » Termine Aya à sa place. « Ça, c'est un mythe, ma belle. Sans stimuli, les zombies ont plutôt tendance à suivre leur petite routine habituelle… Le gardien est peut-être mort, mais il continue à faire sa ronde. Il devait être en retard, non? »

Marinette hoche la tête, muette. Dire qu'elle a envisagé de se montrer!

« Les zombies distinguent le jour de la nuit, mais à part ça, ils n'ont pas vraiment de notion du temps. Il va probablement même refaire le tour ce soir pour tout reverrouiller, si rien ne le distrait – moi, j'ai vu un éboueur à la cage thoracique défoncée, tout à l'heure. »

« Oh. C'est – »

Une porte qui claque quelque part.

À l'unisson, les deux jeunes femmes se figent et tendent l'oreille.

Un cliquetis de clés; des pas traînants qui se rapprochent.

Marinette et Alya se dévisagent avec horreur.

« Tu n'avais pas dit qu'il était parti? Accuse cette dernière dans un chuchotement.

« Oui – dans l'autre aile! » riposte Marinette encore plus bas.

Alya souffle un juron qu'elle ne s'est sans doute jamais hasardée à employer à la maison.

« Tu n'aurais pas pu le mentionner plus tôt? » Bougonne-t-elle. « Enfin… La grille devrait le retenir, tant qu'il ne rameute pas trop de copains. Il n'y a pas une autre sortie, par derrière? On devrait passer par là. »

« La porte des employés, tu veux dire? » Marinette hésite. « Celle qui est toujours verrouillée? »

« Pas pour moi. » Son amie tapote la pochette où elle a rangé ses outils de cambrioleur avec assurance.

Les pas se rapprochent, sans jamais changer de cadence. Le gardien zombifié risque de tourner le coin d'un instant à l'autre.

Marinette accepte le plan d'un signe de tête, et toutes deux tournent finalement dos à la grille.

Juste à temps pour voir la bibliothécaire, le teint gris et les yeux vides, fondre sur elles avec un monstrueux rictus affamé.

Le tapis épais continue à amortir ses pas, et seules le tintement des clés qui pendent encore à son cou tordu annonce sa venue.

Par-derrière, les pas traînants accélèrent brusquement.

XXX

AN : Et une petite histoire de zombies pour une personne qui se reconnaîtra… (Qui adore les zombies et qui m'a fait découvrir Miraculous, alors ça semblait tout naturel de mélanger les deux!)