Il ne pleuvait pas, un soleil éblouissant brillait dans un ciel bleu éclatant. Lorsqu'elle était partit, il pleuvait, maintenant qu'elle rentrait, le beau temps semblait l'accueillir. Fermant les yeux et inspirant avec force, elle huma l'air de sa ville, de son monde, de chez elle. Elle était rentrée. Essayant péniblement de marcher, ses valises entravant sa marche, elle tituba jusqu'à un taxi quand une grande jeune femme se posa devant elle.

- Molly Hooper ?

- Ou… oui…

- Veuillez me suivre s'il vous plait.

Et sans même avoir le temps d'esquisser le moindre geste, plusieurs hommes en costume noir apparurent, prirent ses valises et l'escortèrent jusqu'à une limousine. Qui étaient ces gens ? Pourquoi l'attendaient-ils ? Elle venait à peine de poser le pied sur le sol de l'Angleterre que déjà elle avait des ennuis. Anxieuse, elle prit place dans la voiture à côté de la mystérieuse femme et réalisa qu'un individu se trouvait sur le siège d'en face et l'observait, un sourire ironique peint sur les lèvres.

- Vous… Vous êtes…, balbutia-elle perdue.

- Mycroft Holmes en effet, le frère de Sherlock, répondit-il de son habituel air pincé. Ravi de vous revoir à Londres.

Qu'est-ce que c'était que cette histoire ? Que faisait-elle dans la voiture du frère à Sherlock ? Comment savait-il qu'elle reviendrait aujourd'hui alors qu'en n'avait rien osé dire à qui que ce soit ? Et pourquoi diable voulait-il lui parler ?

- Votre séjour en France fut agréable ?

- Pas… Pas vraiment…

- Je pensais que vous resteriez plus longtemps, remarqua-t-il en haussant un sourcil.

- Londres me manquait.

Elle avait honte de devoir tenir cette conversation, mais elle savait que ce sentiment ne ferait qu'empirer lorsqu'elle devrait affronter ses amis et anciens collègues. Elle n'avait pas tenu plus de trois mois. Elle avait qui avait tant souhaité tout recommencer à zéro n'avait pas tenu le coup. Devoir revivre avec sa mère, le temps de se trouver un logement, s'était avéré particulièrement compliqué. Quant à son travail, la barrière de la langue avait été bien plus complexe à gérer qu'elle ne l'avait alors crû au départ, pourtant elle avait toujours pensé que son niveau en Français était plutôt bon. Jamais elle ne s'était sentie aussi seule, aussi délaissée et ce malgré la bonne volonté de sa mère et de sa sœur. Londres lui manquait, sa morgue lui manquait, ses amis lui manquaient, Sherlock lui manquait… atrocement. Elle avait déjà réussi à continuer à vivre sans lui et ce pendant deux longues années. Néanmoins à ce moment-là, elle avait eu Tom dans sa vie, il l'avait aidé à combler cette absence. Cette fois-ci elle avait été seule au monde.

- Pourquoi souhaitiez-vous me parler ? osa-t-elle demander au bout d'un moment.

- Voyez-vous Mademoiselle Hooper, il s'est passé bien des choses durant votre… voyage.

Il lui semblait qu'il avait craché le dernier mot. Pourquoi paraissait-il en colère contre elle alors qu'elle ne le connaissait même pas ?

- Le Dr Watson a du s'absenter il y a trois semaines, expliqua-t-il sèchement. Un problème de famille, une sœur malade et dépendante. Dieu que je comprends sa situation…, ajouta-t-il dans un soupire.

- Il est… partit ?

- C'est ce que je viens de vous dire, assena le grand homme en levant les yeux au ciel. Peu importe, je pense que vous avez compris où je veux en venir.

- Sherlock est seul.

- En effet.

Elle savait que la sœur à John rencontrait des problèmes d'alcoolisme, ce qui les avait éloignés au fil des années. Son problème avait dû s'aggraver pour que le médecin décide de la rejoindre, après tout il restait son frère. Comment Sherlock avait-il pris son départ ? Certes ce n'était que trois semaines mais tout de même. Sans John ni Madame Hudson, de quelle façon Sherlock avait-il géré sa solitude ?

- Vous comprenez pourquoi je fais appel à vous.

- Pas vraiment, répondit-elle, de plus en plus stressée.

- Je souhaiterais que vous teniez compagnie à mon frère jusqu'au retour du Dr Watson.

- Pourquoi moi ?

Elle venait tout juste de rentrer, ne pouvait-on pas la laisser se morfondre toute seule comme elle l'avait prévu.

- Parce que je pense que vous êtes la personne la plus… adaptée je dirais, susurra-t-il en souriant.

Enfin, un sourire qui tenait plus de la grimace en vérité. Est-ce qu'il lui demandait son aide car il connaissait l'affection qu'elle portait au détective ? Très certainement.

- Vous vous questionnez beaucoup trop Mademoiselle Hooper, railla-t-il en la scrutant avec attention.

- Je ne suis pas sure d'être la plus apte à m'occuper de Sherlock.

- Bien au contraire, vous êtes calme et patiente, des qualités qui vous seront très utiles. De plus, vous êtes médecin.

- Légiste, précisa-t-elle vivement. Et en quoi serait-ce utile ?

Le regard entendu qu'il lui lança la déconcerta, puis elle comprit. Sherlock avait replongé.

- En êtes-vous sûr ?

- Oh je connais mon frère, c'est un être sensible et très à fleur de peau. Un rien le fait basculer.

- De là à se droguer ?

- Justement Mademoiselle, vous êtes là pour me dire si c'est le cas ou non.

A peine avait-il finit sa phrase que la voiture s'arrêta. La porte s'ouvrit rapidement par le chauffeur, dévoilant ainsi la façade si reconnaissable du 221B Baker Street. Admirer cette porte qu'elle n'avait plus vue depuis trois mois lui noua la gorge. Elle était définitivement rentrée. Prise au dépourvu, elle se retourna et fit face à l'ainé des Holmes, qui avait consenti à sortir du véhicule à son tour.

- J'ai beaucoup de choses à régler, je dois retourner à St Bart et voir s'il y a possibilité de reprendre mon travail sans compter que je n'ai nulle part où dormir pour le moment et je…

- Je me suis chargé de votre emploi, la coupa-t-il froidement. Vous commencez lundi prochain. Quant au logement, je m'en suis aussi occupé mais je vous en parlerai dans une semaine.

- Je ne… Mais je… Pourquoi faites-vous ça ? bredouilla-t-elle complètement confuse.

- Voyez-vous Mademoiselle Hooper, je tiens énormément à mon frère, murmura-t-il du bout des lèvres. Allez-y maintenant, je vous attends ici.

- Vous ne montez pas avec moi ?

- Ma présence risque de l'agacer plus qu'autre chose, ricana-t-il. Cependant il a quelque chose à me donner donc je vous prierez de me l'apporter.

- D'accord…

Alors qu'elle s'apprêtait à gagner la porte, plusieurs des hommes de Mycroft Holmes la dépassèrent, ses valises en main, et gravirent les escaliers. Devait-elle comprendre qu'elle était réellement tenue de rester avec Sherlock jusqu'à ce que John rentre ? Dans leur appartement ? C'était fou, cette histoire était complètement ahurissante. Cependant, inquiète de l'état dans lequel pouvait se trouver le détective, elle prit son courage à deux mains et monta à son tour les escaliers. John n'était partit que depuis trois semaines, il n'aurait tout de même pas replongé pour si peu alors qu'il avait tenu deux ans sans le voir et sans toucher à la drogue. Chacun de ses pas la rapprochait un peu plus de l'homme qu'elle aimait. Dieu qu'elle avait essayé de l'oublier, mais tout lui avait fait penser à lui, chaque détail, chaque parole, chaque instant. Elle était pitoyable. Arrivée sur le pallier, elle remarqua que la porte était déjà ouverte, les hommes en noir venaient tout juste de poser les bagages qu'ils s'en allaient sans un regard pour elle. Voilà, elle était seule, sur le pas de la porte, sans oser pénétrer dans ce foutu appartement. Tout s'était passé trop vite, elle n'avait pas prévu de le revoir dans ces circonstances, elle avait souhaité se préparer pendant quelques jours et réfléchir à ce qu'elle trouverait à lui dire avant de devoir lui faire face. Mais que faisait-elle ici bon sang ?

- Par pitié ne restez pas planté là et décidez-vous à entrer.

Sa voix avait retentit dans tout l'appartement mais il restait toujours invisible. Mon Dieu, cette voix, si grave, si rauque, si… Qu'est-ce cette voix lui avait manqué. Et il était là, quelque part, tout près d'elle. Tout le manque qu'elle avait ressenti durant ces derniers mois s'abattit sur elle d'un seul coup. Elle ne pouvait plus attendre, il fallait qu'elle le voit, qu'elle contemple sa haute silhouette svelte, son regard acéré, ses grandes mains puissantes, ses cheveux indomptables. Ses pas la guidèrent jusque dans le salon, cherchant l'homme du regard sans succès, quand la porte claqua violement derrière elle. Dans un sursaut elle se retourna et le vit, enfin. Adossé contre la porte, la main sur la poignée, sa robe de robe de chambre froissée et sa tignasse emmêlée. Il était là, devant elle, à la regarder sans rien dire quand soudain il s'élança vers le canapé, grimpa dessus et examina les articles de journaux épinglés au mur.

- Beaucoup d'homicides depuis quelques jours mais aucun ne mérite ne serait-ce que la note de sept. Décevant !

- Sherlock… Comment allez-vous ?

- Contrairement à ce que pense mon sceptique de frère, très bien !

- Descendez de là et regardez-moi.

Elle avait parlé durement parce que son inquiétude gagnait du terrain. L'homme semblait agité, plus qu'à l'accoutumée, ses gestes étaient imprécis et ses pupilles lui avaient paru dilaté. Tout en soufflant exagérément fort, Sherlock bondit du canapé et lui fit face, de toute évidence quelque peu agacé

- Vous voulez voir mes bras je présume ?

- S'il vous plait, oui.

- Je ne pensais pas que vous pourriez douter à ce point de moi ? siffla-t-il offusqué.

- Je souhaite uniquement vous savoir en bonne santé Sherlock.

Son expression s'adoucit et il consentit à laisser tomber sa robe de chambre au sol, dévoilant ses bras pâles mais vierges de toute trace de piqure. Un soupir de soulagement franchit ses lèvres, il n'avait pas replongé.

- J'imagine que Mycroft attend ceci, n'est-ce pas ?

Il lui tendit alors un petit morceau de papier plié en deux qu'elle prit soigneusement dans sa main.

- Donnez-le lui ou sinon il se sentira obligé de venir me voir et aucun de nous deux ne souhaitons cela pour le moment, ricana le grand brun en se jetant sur le canapé, le bras sur son visage.

Comprenant qu'il n'en dirait pas plus sur le sujet, elle se dépêcha de rejoindre l'ainé qui arqua un sourcil à sa vue.

- Vous avez fait vite, grinça-t-il, surpris.

- Il me l'a donné sans que je n'aie eu besoin de lui demander quoique ce soit, expliqua-t-elle en lui remettant ce petit bout de papier bien mystérieux. A première vue il présente certes des signes de fatigue mais il ne semble pas avoir replongé.

- Vous m'en voyez ravi, s'exclama-t-il en dépliant le mot.

A sa lecture, son sourire cynique s'effaça pour être remplacé par une expression plus détendue et surtout plus amusée.

- Sacré petit frère…, murmura-t-il en mettant le papier dans sa poche. Eh bien Mademoiselle Hooper, je vous remercie par avance de votre coopération, je reviendrai vers vous sous peu afin de vous parler de votre logement, ajouta-t-il cordialement.

A présent il paraissait moins à cran, qu'est-ce que Sherlock avait bien pu lui écrire ? D'un pas ferme, il regagna la voiture et s'apprêta à entrer dedans quand elle se décida à lui poser la question qui tournait en boucle dans sa tête.

- Comment aviez-vous su que je rentrerai aujourd'hui ?

Il tourna son visage vers elle et elle aperçut une lueur malicieuse traversa ses prunelles sombres.

- Sachez Mademoiselle Hooper, que contrairement à ce que vous croyez, Sherlock n'est pas le plus intelligent des frères Holmes.

Il la gratifia d'un dernier sourire et s'engouffra dans la limousine.

Bon. Très bien. D'accord. Il était à présent temps de rejoindre à nouveau le plus jeune des frères Holmes et de devoir lui faire face. Sans la présence de John ou de Madame Hudson, elle savait que la tâche n'allait pas être aisée, mais maintenant qu'elle y était, elle ne pouvait plus reculer. La démarche cette fois-ci plus assurée, elle gravit rapidement les marches et regagna le salon, où se trouvait toujours le détective, allongé sur le canapé. Légèrement tremblante et le cœur battant frénétiquement, elle approcha le fauteuil près de l'homme et s'essaya en silence sans le quitter du regard. Même si son visage était partiellement caché par son avant-bras, elle ne pouvait s'empêcher d'admirer ses lèvres pleines qui formaient comme souvent une moue boudeuse légèrement enfantine, qui contrastait totalement avec sa carrure si masculine. Même habillé ainsi – pantalon en toile de pyjama et tee-shirt du même genre – il restait charismatique, magnétique. Dieu qu'il lui avait manqué. Son cœur battait si fort qu'il lui semblait résonner à ses oreilles, la boule dans sa gorge ne cessait de croitre sans compter son estomac qui menaçait de se rompre à tout instant. Et pourtant rien au monde n'aurait pu l'empêcher de continuer à l'observer, jamais elle ne serait rassasiée de regarder.

- Vous devriez aller dormir dans votre lit, dit-elle doucement de peur de le mettre en colère. Vous seriez plus à l'aise.

- Vous n'êtes pas partie bien longtemps.

Soit, s'il préférait directement lancer les hostilités, elle se sentait maintenant prête pour les affronter.

- C'est vrai, Londres me manquait bien trop.

- Plutôt que de solennels adieux mieux aurait-il valu se contenter d'un simple au revoir, vous ne croyez pas ? murmura-t-il ironiquement.

- Je ne pensais pas rentrer si tôt, je l'avoue.

Il baissa son bras et plongea son regard acier dans le sien. Son cœur menaça d'exploser et ses jambes de la lâcher, bien qu'elle était assise.

- Pourquoi êtes-vous revenue Molly ?

« Pour vous », pensa-t-elle aussitôt.

Non, elle ne pouvait pas répondre ça, jamais, de toute façon elle n'était pas rentrée uniquement pour lui. N'est-ce pas ?

- Je suis bien trop attachée à ma vie ici pour l'abandonner, répondit-elle le plus sincèrement possible.

- Alors pourquoi avoir décidé de partir ? rétorqua le détective sans la lâcher du regard.

- Parce que ce n'est qu'une fois que je l'ai perdu que j'ai compris à quel point je tenais à elle.

Est-ce qu'elle parlait de sa vie à Londres ou de sa relation avec Sherlock ? Surement un peu des deux, tout se mélangeait dans son esprit, comme souvent lorsqu'elle était en présence de cet homme. Le grand homme se redressa et se mit assis, ses longues jambes frôlant les siennes ce qui la fit légèrement tressauter. Pourtant elle décida de ne pas bouger, le sentir si proche d'elle était si bon qu'y renoncer aurait été une torture.

- Je n'ai pas replongé.

- Je sais, je suis désolée de vous avoir soupçonné à tort, chuchota-t-elle en baissement timidement les yeux.

Elle ne parvenait jamais à soutenir bien longtemps le regard du consultant.

- Mycroft a toujours été très… alarmiste, cracha-t-il en se passant la main dans les cheveux.

Ce simple geste la fit frémir.

- Qu'est-ce qui était inscrit sur le petit mot que j'ai dû lui donner ? demanda-t-elle avant de se reprendre. Excusez-moi, ça ne me regarde bien évidemment pas.

Plus il lui parlait et plus elle se montrait hardie, se montrant toujours plus curieuse. Jamais rassasiée.

- Mon frère m'a toujours demandé la liste des drogues qui altéraient mon esprit.

- Le papier était donc vierge ?

Un sourire énigmatique fut la seule réponse à laquelle elle eut droit. Le grand brun se redressa complétement et s'étira longuement en baillant.

- Depuis combien de temps n'avez-vous pas dormi ? s'inquiéta la jeune femme en se mettant debout à son tour, ses mains triturant l'ourlet de son pull.

- Je ne sais plus, j'ai perdu le fil, soupira-t-il en faisant quelques pas en direction de sa chambre. Je me sentais agité dernièrement.

- A cause d'une enquête ?

Encore une fois elle n'obtenue aucune réponse, l'homme en question préférant se trainer jusque dans sa chambre sans un mot. Dépitée, elle allait se rassoir quand elle entendit la voix grave de l'homme qu'elle aimait l'appeler. Sans comprendre, elle se précipita dans la pièce en question et s'arrêta à l'embrasure de la porte.

- La pression et l'adrénaline sont en train de retomber, grogna-t-il allongé dans son lit, sur le côté, lui tournant ainsi le dos.

- Je ne vous embête pas plus, je vais dans le salon, n'hésitez pas à m'appeler si vous avez besoin de quoique ce soit.

- C'est ce que je viens de faire à l'instant, Molly.

Elle ne comprenait pas, comment pouvait-elle lui être utile ?

- Vous êtes presque aussi épuisée que moi, continua-t-il sur le même ton rauque. Le trajet en avion, couplé à l'angoisse de votre retour, ajouté à la conversation avec mon frère.

- Je… Je ne… Non pas…

- Vos traits sont tirés et vos cernes marquées.

Se passant les mains sur les joues, gênée d'apprendre qu'elle était dans un état si pitoyable, elle s'apprêta à fermer la porte et à faire une sieste sur le canapé du salon quand le détective lui parla à nouveau.

- J'ai besoin de dormir et pour ceci j'ai besoin de vous.

- Comment cela ?

- Venez et allongez-vous sans un mot.

Avait-elle bien entendu ? Impossible. Ses fantasmes avaient murmuré à son oreille, ce n'était en aucun cas Sherlock Holmes qui venait de lui proposer de dormir avec lui.

- Je vous entends penser et ce n'est pas très reposant, railla-t-il sans se retourner.

- Je… Vous… Vous vous moquez de moi ? bredouilla-t-elle de plus en plus nerveuse.

- Je me suis rendu compte récemment qu'en cas de grande fatigue, le souffle régulier d'une personne non loin me plongeait plus rapidement dans un sommeil profond et paradoxal.

- Je ne… Sherlock… Je ne peux pas…

Il lui en demandait toujours plus, toujours trop. Peut-être ne se doutait-il pas à quel point ça pouvait être douloureux de dormir aux côtés d'un homme qui ne ressentirait jamais les mêmes sentiments amoureux qu'elle-même éprouvait.

- Je croyais que dormir avec quelqu'un nuisait à votre sommeil.

- Rosie m'a prouvé le contraire.

Pour lui ce n'était qu'une sieste, elle remplaçait Rosie, tout simplement. Il ne prenait pas en compte son amour pour lui car il n'en avait même pas conscience, malgré son évolution et malgré l'influence de John, il était trop compliqué pour lui d'imaginer qu'une simple sieste avec lui la rendrait tellement heureuse et malheureuse à la fois.

- Pourquoi agissez-vous ainsi ?

- Je ne sais pas Molly, lâcha-t-il dans un soupire contrarié, il perdait patience. Peut-être parce que j'en ai envie.

Elle devait tourner les talons et claquer cette maudite porte derrière elle, c'est évidemment ce qu'une femme censée ferait sans hésiter. Mais elle était consciente qu'elle n'avait rien d'une femme censée, sinon jamais elle ne serait tombée éperdument amoureuse d'un tel sociopathe. Le corps frémissant de part en part, elle s'avança doucement en direction du lit, s'essaya maladroitement dessus, inspira et expira lentement puis s'allongea, mal à l'aise. Allongée sur le côté, elle se mit à observer le détective avec attention. Son tee-shirt était légèrement remonté et laissé entrevoir quelques centimètres de la peau blanche de son dos, insufflant en elle une inexplicable envie d'y laisser courir ses doigts. Approchant délicatement sa main de cette surface de peau tentatrice, elle sentit son estomac se retourner quand elle décida d'arrêter net son geste. Elle avait eu raison d'hésiter, le rejoindre sur ce lit avait été une très mauvaise idée. Le voir si proche, sentir son odeur, percevoir sa légère respiration, tout était bien trop douloureux pour elle. Elle le voulait, complètement et irrémédiablement, et elle savait que jamais elle ne l'aurait. Elle n'était pas Rosie, elle ne pourrait pas se coller à lui et prendre sa main dans la sienne, elle n'en avait pas le droit. Ravalant ses larmes qui menaçaient de couler, elle prit sur elle et se retourna, lui tournant ainsi le dos. Si elle ne le voyait pas, sa souffrance diminuerait au moins un peu.


Je vous aime Sherlock.

Le laboratoire baignait dans la lumière, et comme toujours Elle irradiait littéralement. Son regard emplit d'amour se posa sur lui, Son rire cristallin se percuta sur chacun des murs de la pièce et sur chacune des parois qui comprimaient sa poitrine, son esprit, son corps tout entier. Son rire semblait résonner en lui comme des vagues qui viendraient et s'en iraient au gré de leurs envies. Elle ne portait pas Sa blouse, mais une robe blanche, Ses longs cheveux bruns détachés, Ses pieds nus. Si petite, si menue, si adorable.

Je vous aime Sherlock.

Elle s'approchait de lui, doucement, légèrement, avec grâce, un sourire taquin peint sur Ses lèvres appétissantes. Et lui ne bougeait pas, restait là, stoïque, la fixant sans émettre le moindre son. Elle mettait trop de temps pour le rejoindre, ce satané laboratoire n'avait jamais paru aussi grand.

Je vous aime Sherlock, vous le savez, n'est-ce pas ?

Bien sûr qu'il le savait, il l'avait toujours su même lorsqu'il avait fait semblant du contraire. Elle l'aimait depuis si longtemps que c'était devenu une habitude pour lui. Son amour lui appartenait, c'était ainsi. C'était immuable.

Je vous aime tellement.

Voilà, elle était si près de lui maintenant. Elle plantait Ses iris envoutants en lui, caressant du bout des doigts son torse, son cou, son menton. Chacune de Ses caresses l'électrisait et le brûlait en même temps, il ne savait pas s'il voulait qu'Elle continue ou s'il souhaitait qu'Elle s'arrête. Quand Elle rompit le contact, le dilemme devint une évidence, elle devait poursuivre. Pourtant Elle reculait de quelques pas, sa robe flottant autour d'Elle, et toujours ce même sourire mutin.

Je ne vous aimerai pas toute ma vie.

Elle ne devait pas partir, elle ne devait pas reculer, chaque pas qu'elle faisait l'éloignait de lui et ça lui faisait mal, physiquement, comme si ses entrailles se tordaient. Elle n'avait pas le droit de partir et Elle n'avait pas le droit de ne plus l'aimer. Son amour n'était qu'à lui depuis si longtemps, cela ne devait pas changer, Elle ne devait pas changer.

Au revoir Sherlock.

Il essayait de parler mais aucun son ne sortait de sa bouche. Il désirait lui ordonner de rester avec lui mais Elle s'éloignait et disparaissait de plus en plus dans la lumière éblouissante. Et lui restait planté là, sans pouvoir parler, sans pouvoir bouger, à attendre qu'elle revienne vers lui.

La luminosité orangée d'un soleil couchant s'inscrit dans ses rétines et dans son esprit. Avant de se redresser, Sherlock s'accorda quelques minutes de réflexion afin de discerner le songe de la réalité. Il n'y avait plus de laboratoire, de lumière blanche aveuglante et de Molly Hooper, il était réveillé. Soulagé, comme à chaque fois qu'il s'éveillait de ces rêves à présent familiers, il se mit sur le dos et fixa le plafond, l'esprit vide. Il ne devait penser à rien, il fallait à présent qu'il classe ce rêve avec les autres et qu'il l'oublie jusqu'à sa prochaine nuit, c'était vital. Il allait se lever complètement quand une masse allongée juste à côté de lui attira son attention, et là tout lui revint en mémoire. Le retour de Molly, leur conversation, son souhait qu'elle vienne dormir à côté de lui. Pris au dépourvu par ses propres souvenirs, il se releva d'un bond et chancela jusqu'au mur, continuant à la fixer sans ciller. Il lui avait demandé de dormir avec lui. C'était incohérent, que lui avait-il pris ? Les mains sur les tempes, il se força à fermer les yeux, essayant de réfléchir à la situation. Molly Hopper était dans son lit parce qu'il l'avait exigé. Pourquoi ? Parce que cela faisait des jours qu'il ne trouvait plus le sommeil. Mais quel était le rapport avec la légiste ? Le bout de papier qu'il avait remis à Mycroft lui revint subitement en mémoire. Mais pourquoi diable avait-il fait ça ?

A vrai dire il savait pourquoi, il préférait l'ignorer mais il était temps d'y faire face, continuer à le nier n'aurait été que faiblesse et il n'était pas un homme faible. Lorsqu'il avait entendu la voix de Molly retentir en bas de chez lui, il avait d'abord cru à un rêve éveillé, mais là il avait perçu la voix si reconnaissable de son frère et avait compris qu'il ne rêvait pas, jamais son subconscient ne lui imposerait la présence horripilante de son frère. Il ne s'était pas attendue à la voir revenir, encore une fois elle l'avait pris de court et avait su le surprendre. Et encore une fois il n'avait pas su comment réagir lorsqu'elle s'était retrouvée en face lui. Son départ, il y a de ça trois mois, avait rendu sa vie comme… morne. Malgré les enquêtes, malgré les facéties de John et de sa fille, il ne prenait plus aucun plaisir à se rendre à la morgue. Quel aurait été l'intérêt d'y aller si sa légiste personnelle n'était plus là pour l'accueillir de son sourire chaleureux et de son regard pétillant. Quand il avait compris qu'elle s'en allait, il n'avait rien dit, rien ressenti, comme s'il n'avait pas été présent, comme si ça l'indifférait. Une réaction somme toute logique venant de lui, si seulement il n'avait cessé de penser à elle pendant ces trois longs mois. Il avait même hésité à lui envoyer un texto, juste pour savoir comment elle allait. Risible.

Mais elle était revenue et se trouvait maintenant dans son lit, à dormir paisiblement, recroquevillée sur-même, si fluette, si fragile. Il n'avait pas d'instinct protecteur, il en était parfaitement conscient, car cela aurait impliqué une empathie dont il était difficilement capable. Pourtant, plus il observait cette petite femme roulée en boule sur son lit, plus il ressentait le besoin impérieux de la protéger du monde, qu'il savait si dangereux et mauvais, après tout il en était lui-même le parfait représentant. Secouant la tête, les mains dans les cheveux, il réfléchissait, ou du moins tentait de le faire. John était partit avec sa fille il y avait de ça trois semaines. Cet idiot bien trop gentil avait longtemps hésité avant de s'en aller rejoindre son alcoolique de sœur, surement parce qu'il pressentait que son colocataire sombrait petit à petit. Est-ce qu'il sombrait réellement ? Non. Après le départ de Molly, après le départ de John, pas une seule fois il n'avait pensé à replonger. Certes il lui était arrivé de fumer à quelques reprises mais il n'avait pas retouché à tous ces produits illicites qui parsemaient son passé de toxicomane. Cependant, il avait l'impression de sombrer, son incapacité à rester focalisé sur une idée précise était une des conséquences de la drogue. Mais c'était une nouvelle drogue dont il ne voulait pas et qu'il n'avait même pas consommé qui le rongeait ainsi.

La jeune femme souffla doucement, passa sa langue sur ses lèvres et fronça les sourcils. Elle devait être en plein rêve. Incapable de se retenir, malgré les injonctions de son cerveau qui exigeaient qu'il sorte de cette chambre le plus rapidement possible, il se rapprocha de la pathologiste et s'accroupit devant elle. Sans la contrôler, il avança sa main vers son visage endormi, suspendit son geste, indécis, et finit par frôler du bout des doigts les quelques mèches éparpillées de sa queue de cheval. Au contact, il remarqua que l'expression de la jeune femme se fit plus douce, sa crispation se relâcha, son visage se détendit. Il ne parvenait pas à retirer sa main des longs cheveux de la légiste, s'autorisant à faire ce que jamais il n'aurait osé accomplir en temps normal. Agir ainsi alors qu'elle était éveillée aurait été mal, il lui aurait donné de faux espoirs et jamais il ne permettrait cela. Il aimait Molly du mieux qu'il le pouvait, du mieux qu'un sociopathe pouvait aimer, c'est-à-dire si peu en comparaison des sentiments qu'elle ressentait à son égard. Il ne devait pas se perdre dans ce besoin qui naissait en lui, dans cette envie de la toucher et de lui parler, sans cesse. Il se lassait vite, c'était ainsi, l'ennui finissait toujours par le gagner. Et même si l'attraction aussi étrange qu'incompréhensible qu'il ressentait à l'attention de la pathologiste ne semblait pas vouloir décroitre pour le moment, il savait que tôt ou tard ce « sentiment » finirait par disparaitre. Alors il le garderait pour lui, ne dévoilerait rien à la femme brune, se retiendrait de tout contact physique et patienterait jusqu'à ce que cette émotion déraisonnée disparaisse pour de bon.


Les rues de Londres défilaient sous ses yeux mais il ne voyait pas les immeubles, ne distinguaient pas les gens. Tout ce qui l'entourait l'importait peu, pour être franc, même l'Angleterre l'importait peu, il avait juste pris l'habitude d'être indispensable. Tous ces petits politiciens, ces grandes familles riches, ces journalistes fouineurs, tous des êtes insignifiants et d'une stupidité affligeante. Il était de son devoir de les protéger car ainsi était son rôle, il était d'ailleurs tellement plus aisé de protéger ce pays des terroristes et des attaques plutôt que de protéger son propre frère de ses addictions. Mais il continuerait à veiller sur lui, de loin, son petit frère chéri. Le petit mot toujours dans la main, il ne résista pas à l'envie de l'ouvrir encore une fois pour y relire les initiales qui étaient inscrites dessus.

MH

Il était évident qu'il ne faisait pas référence à son patronyme mais plutôt à celui d'une légiste bien plus coriace qu'elle n'y paraissait. Elle allait devoir l'être au vue de ce qui se tramait dans la tête de son inconscient de frère.

- Cette fois-ci, je préfère ne pas me mêler de cette nouvelle dépendance, petit frère…

Ouvrant la vitre, il chiffonna le papier et le lança en-dehors.

OoOoOoOoOoOoO

Encore une fois, navrée pour le temps que j'ai mis à poster cette suite. Je ne sais pas quand je pourrai écrire le prochain chapitre :/ De nouveau un switch, finalement Molly ne reste pas éloignée si longtemps de Sherlock, c'est ce que je comptais faire depuis le début car le plus important a été ce que son départ a représenté pour Sherlock ! J'espère que vous avez aimé !