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Bonjour à tous !
Merci à tous pour vos commentaires sur le chapitre précédent. Voici le chapitre 12.
Je suis désolée pour cette longue absence. Il y a quelques mois, je justifiais les laps de temps importants entre mes chapitres par une fatigue écrasante, qui empirait. J'ai malheureusement découvert que ma fatigue n'était pas seulement liée au travail, mais à un problème de santé que je devais régler. J'ai été hospitalisée, puis alitée assez longtemps, raison pour laquelle j'ai été totalement absente pendant des mois, de l'écriture et du site en général. Je suis sur la bonne pente maintenant. Je peux me tenir assise, et même debout depuis peu.
Normalement, je suis tirée d'affaire, bien qu'encore épuisée. Je serai en soins tout l'été, ce qui signifie : aucunes vacances cette année ! Point positif : je vais mettre ce temps à profit pour terminer cette histoire sans plus tarder. Si vous partez au soleil quelques semaines, vous trouverez sûrement de nouveaux chapitres en revenant. Dans l'immédiat, j'espère que vous aimerez celui-ci, qui parle de Madelyn, de l'ancienne amitié Marlene-James, de la future relation Marlene-Sirius et des problèmes financiers de Rose et Remus.
N'oubliez pas : vos retours sont le seul signe de reconnaissance et d'encouragement que je puisse espérer.
Bonne lecture et à bientôt !
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Chapitre 12
Relation
Je cherche aussitôt le regard de Rose. Elle a déjà posé son grimoire et semble prête à sauter de sa chaise comme le clown à ressort d'un jeu pervers.
- Merci madame ! répond-elle.
La bibliothécaire s'éloigne vers le comptoir d'une démarche incertaine. Je suis presque sûre qu'elle se gratte le nez.
- Oui, voilà, merci ! lancé-je à mon tour.
- Allons-y ! décide Rose en se levant.
Elle attrape mon sac et m'arrache mon journal pour l'enfoncer dedans. Un souvenir récent s'impose alors à mon esprit, aussi brutal qu'un piano tombant d'une fenêtre.
- Rose ! Sirius m'a donné rendez-vous à seize heures dans les cuisines ! m'exclamé-je. Il a fait son sourire charmeur et a battu les cils et j'ai oublié Madelyn… Je lui ai dit que je viendrai !
- Marlene… soupire-t-elle en rebouchant mon flacon d'encre.
- Je suis une sœur indigne ! En même temps, ajouté-je d'une voix plus calme, avec toutes les horreurs que ma sœur commet, elle a forcément un mauvais karma. Si la justice cosmique joue contre elle, il y a fort à parier que je ne sois que l'instrument du destin… Qu'en penses-tu ?
Elle ferme mon sac et le fait glisser sur la table.
- Je pense que nous n'avons pas une minute à perdre, donc si l'instrument du destin veut bien se donner la peine… m'invite-t-elle en montrant la sortie.
Je roule les yeux et m'exécute.
Quand nous entrons dans l'infirmerie, Madelyn est assise sur son lit, un petit miroir dans les mains. Elle sursaute et tente de se cacher en entendant nos pas.
- Vous m'avez fait peur ! s'écrie-t-elle d'un ton accusateur dès qu'elle nous reconnaît.
- C'est Sainte Mangouste qui se moque des chaudrons, répliqué-je.
- Comment te sens-tu ? demande Rose.
Madelyn soupire.
- Mal. Je vais mal ! s'agace-t-elle en jetant le miroir. L'infirmière refuse de faire des onguents plus concentrés… Je ressemble à un gnome !
J'ai envie de me moquer. Je me retiens.
- Qui m'a vu dans cet état ?
- Tout le monde, répondé-je.
- Seulement Slughorn et Pomfresh, corrige Rose. Et nous.
Ma sœur semble se calmer. Elle récupère le miroir pour s'admirer sous tous les angles en grimaçant. Pauvre chérie.
- Madelyn ? continue Rose. Tu as dit au professeur Slughorn que tu ignorais qui t'avait agressée… Que s'est-il passé exactement ?
- Si ce sont des Serpentards, tu peux nous le dire ! ajouté-je.
- Pour que vous les dénonciez ? Tu plaisantes ? Je ne vais pas trahir ma Maison et lui faire perdre des points ! Et de toute façon, j'ignore qui c'est ! Quand j'ai terminé ma valise, ce matin, j'ai voulu rendre mes livres à la bibliothèque. Je suis sortie du dortoir et…
Elle lève les mains en écartant les doigts et en soufflant longuement.
- On t'a fait exploser ? tenté-je.
- Ma mémoire s'est envolée, corrige-t-elle.
- Désolée mais tu ne sais pas mimer.
- Marlene et moi pensons que ton agression est liée à la manière dont tu es… devenue… Premier Ministre, reprend Rose avec tact.
Madelyn se fige. Ses yeux vont de mon amie à moi.
- J'ai deviné seule, révèle Rose. Je crois que quelqu'un veut te faire payer l'évènement malheureux de la Grande Salle.
Elle hoche lentement la tête d'un air suspicieux et se redresse d'un seul coup.
- Tu espères me faire croire que tu as deviné toute seule ? s'emporte-t-elle. Marlene ! poursuit-elle en pointant un doigt accusateur vers ma poitrine. Tu lui as tout répété !
- J'espérais que Rose viendrait t'achever en apprenant ton lourd secret, mais hélas pour moi, elle a choisi de t'aider, répondé-je. Flûte, l'héritage est toujours en jeu.
- Il n'y a rien de drôle ! s'énerve-t-elle. Est-ce que tu te rends compte de la gravité de la situation ? Je vais me faire casser la figure si tu ne tiens pas ta langue !
- Je crois que cela s'est déjà produit, remarque Rose.
Un silence suit cette phrase.
- En effet, il y a probablement un lien, admet-elle. J'ai été agressée parce que ma chère sœur m'a demandé un service, que je lui ai rendu avec une grande efficacité…
- Le marché fonctionnait dans les deux sens, remarqué-je.
- …et les suspects sont très nombreux, termine-t-elle. On ne saura jamais qui est responsable. Tout ce que je peux faire, c'est me protéger du mieux que je peux !
- Tu plaisantes ? interviens-je. Il faut qu'on trouve le coupable !
- Ne t'en mêle pas ! insiste-t-elle. Je t'interdis d'intervenir dans ma vie !
- Tu ne veux pas savoir qui t'a agressée ?
- Non, je m'en fiche et je compte sur toi pour faire pareil !
- Marlene, tu dois respecter la volonté de ta sœur, intervient Rose.
- Quoi ? m'étranglé-je.
Mon amie soupire.
- Les Serpentards règlent leurs affaires eux-mêmes, poursuit-elle. Si tu insistes, tu vas mettre Madelyn dans les ennuis. Je connais bien cette Maison, toute ma famille y a étudié. Fais-moi confiance.
- Je ne resterai pas les bras croisés !
- Nous allons parler en privé, annonce-t-elle en attrapant mon bras. Madelyn, ne t'inquiète pas, elle ne fera rien de… stupide.
Madelyn fronce les sourcils tandis que Rose m'entraîne à l'extérieur de l'infirmerie, la démarche rapide et le visage indéchiffrable. Bien qu'elle soit habituellement une excellente actrice, j'ai perçu l'ombre d'un doute dans le regard de ma sœur. Cette observation est suffisamment rare pour que je la souligne.
Rose accélère le pas. Je trotte pour rester à sa hauteur. A peine sommes-nous sorties de l'infirmerie qu'elle se tourne vers moi.
- Qu'est-ce que c'est que ce manège ?
- Ta sœur nous a menti, rétorque-t-elle. A mon avis, elle sait très bien qui l'a attaquée et cela n'a rien à voir avec son accession immorale au poste de Premier Ministre.
- Alors qu'est-ce que c'est ?
- Aucune idée.
J'écarte quelques cheveux de mon front d'une main lasse.
- Peut-être une simple jalousie ? suggéré-je. Coleen est très envieuse et Madelyn la protégerait peut-être… Non… réfuté-je tout de suite. Elle tient trop à son apparence pour lui pardonner d'abîmer son visage…
Rose pince les lèvres.
- Nous n'avons aucune piste, réalise-t-elle.
- Absolument aucune, validé-je avec regret.
- Nous faisons du sur-place et je ne vois aucun sortilège qui puisse nous aider.
- Moi non plus.
Nous échangeons un regard.
- Tu envisages la même chose que moi ? demandé-je d'une voix obscure.
- Qu'envisages-tu ? répond-elle sur le même ton.
- Nous allons préparer un sérum de vérité…
- Tu sais le faire ? s'étonne-t-elle.
- Bien sûr que non ! Rose, tout le monde sait que je suis nulle en potions !
- Tout le monde sait que je ne vaux pas mieux que toi, me rappelle-t-elle.
Nous soupirons de concert.
- Commençons par établir une liste des suspects, suggère-t-elle.
- Bonne idée. J'ai une écriture divine. Tu vas adorer !
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Petit carnet de Marlene McShakespeare
Vendredi 19 décembre 1975
Suite au crime commis le vendredi 19 décembre 1975 aux alentours de 10h30,
à l'école de sorcellerie Poudlard en Grande-Bretagne, dans les cachots, aile nord,
sur la personne de Madelyn Adhara Fiona McKinnon,
Liste des suspects :
- Severus Rogue
N'ayant jamais été aimé, ni par ses ennemis, ni par ceux qui auraient dû devenir ses amis, être assailli de tous côtés par de fougueuses jeunes filles souhaitant introduire leur langue dans sa cavité buccale a probablement provoqué un choc traumatique chez Severus Rogue. Depuis ce jour, le suspect reproduit inconsciemment et compulsivement cet évènement.
- Jinny Jenkins
Sous un visage doux et timide, la représentante de Serpentard cache peut-être une ambition féroce et une passion inavouée pour la violence. Sa maigreur, sa blondeur et sa tête de bébé écureuil renforcent le possible contraste avec une tendance instable, dissimulatrice et sociopathe. L'élection de la victime au poste de Premier Ministre aurait-elle éveillé le monstre qui sommeillait sous son sourire candide ?
- Coleen Carrow
Aussi gentille et patiente qu'un dragon affamé, la candidature de Coleen Carrow au poste de suspect présente des aspects séduisants. De plus, ses liens avec la victime semblent la désigner d'office. Je tiens cependant à attirer votre attention sur le manque d'originalité de cette candidate qui ne fait aucun effort pour rendre l'enquête intéressante.
- Helmet Dolohov
Brutal, menaçant, grossier : les adjectifs ne manquent pas pour qualifier Helmet Dolohov, le géant de Serpentard. A ses antécédents de violence s'ajoutent une force titanesque qui le rend tout à fait capable de causer des dommages importants sans utiliser de baguette magique. Son attirance évidente pour la victime nous oriente vers l'hypothèse du crime passionnel, une infraction qui ne recouvre plus aucune réalité juridique, mais qui continue de captiver l'opinion publique.
- Darius Avery
Serpentard populaire et dragueur s'il en existe, Darius Avery a peut-être pour habitude d'attirer d'innocentes jeunes filles dans les couloirs afin de se venger d'une enfance malheureuse auprès d'une mère abusive. Sa mère étant blonde, Darius Avery est devenu un agresseur en série qui ne s'attaque qu'à des jeunes filles blondes, et si Madelyn ne se teignait pas les cheveux, nous n'en serions pas là aujourd'hui.
- Regulus Black
Trêve de minauderies : de sérieuses études menées à Sainte Mangouste sur des patients non-consentants ont démontré qu'un excès de sang-pur dans l'organisme provoquait des troubles de l'humeur, des hallucinations et la phobie des cuillères. Une enquête à charge sur Regulus Black nous orienterait, par conséquent, sur la piste du crime psychotique.
- Sirius Black
Voir ci-dessus. Issu du même sang que Regulus Black, le Gryffondor Sirius Black a sa place dans cette liste. Nous ne pouvons décemment pas retirer un suspect sous prétexte qu'il embrasse bien. Par ailleurs, sa culpabilité donnerait à son idylle naissante avec la sœur de la victime un soupçon de tragédie, ce qui est à prendre en compte lorsque nous atteindrons la retraite et écrirons nos mémoires.
- Rouquine
La couleur orange est à l'être humain ce que le rouge est au taureau. Cette théorie fut validée par ladite Rouquine le matin de l'agression, lorsqu'elle pénétra sans frapper dans le dortoir numéro huit. Considérant donc que la perception visuelle prolongée de mèches orange provoque un surplus d'excitabilité et une surchauffe du cerveau, la suspecte aurait pu descendre dans les cachots afin d'agresser le premier Serpentard qu'elle croiserait, puis de remonter à la tour de Gryffondor, fière d'avoir accompli son devoir envers sa Maison.
oOo
- Marlene, avec cet argument, tous les roux de l'école sont suspects ! souligne Rose dans un soupir.
- Les autres roux n'entrent pas dans les chambres sans frapper aux portes.
- Qu'est-ce que tu en sais ?
- Rien du tout mais j'avais envie de la mettre dans la liste, j'ai le droit, non ? râle-je. Bien ! J'espère que tu ne m'en voudras pas, mais j'ai finalement une chance d'aller à mon rencard et je ne vais pas la manquer !
- Quoi ? Tu plaisantes ?
- Pas du tout.
- Tu ne crois pas qu'il y ait des priorités ? s'offusque-t-elle.
- Mon rencard ne serait pas d'accord avec toi !
Je m'éloigne en ignorant ses protestations. Le jour où elle arrêtera de fantasmer sur Potter, elle comprendra.
J'accède en courant au couloir des cuisines et chatouille la poire du tableau. Le battant s'écarte en grinçant, accompagné par les esclaffements des fruits peints. Les odeurs des plats en préparation montent aussitôt à mes narines, claires et piquantes.
Les jambes étendues sous la table, Sirius m'attend. Il s'occupe en fabriquant des étoiles avec les fourchettes argentées du vaisselier principal. Le plateau de sucreries posé devant lui est déjà entamé.
- Et la voilà ! s'exclame-t-il en lâchant ses étoiles.
- J'aime me faire désirer, répondé-je d'une voix faussement séductrice.
Je me laisse tomber sur le banc et il m'attire contre lui avec un sourire amusé. Je décide de ne pas lui parler de Madelyn tout de suite – les questions polies qui suivraient nuiraient à l'ambiance bohème-romantique que j'essaie d'instaurer. En quelques secondes, une troupe d'elfes approche, portant un plateau de sucreries supplémentaire. Quand Sirius les aperçoit, je discerne une pointe de mépris dans son regard.
- Tu n'aimes pas les elfes, affirmé-je.
- Ils font tout ce qu'on leur demande sans réfléchir.
- Oui… En même temps, c'est dans leur nature.
- Je sais, mais je ne supporte pas les gens qui font tout ce qu'on leur demande sans réfléchir.
- Ce ne sont pas des gens, ce sont des elfes !
- Je ne suis pas venu pour voir les elfes, avoue-t-il d'une voix rauque en se penchant vers moi.
Alors qu'il va poser ses lèvres contre les miennes, je jette un coup d'œil vers la porte. Sirius recule aussitôt pour m'imiter. Constatant qu'aucun visiteur inattendu ne peut justifier ma vigilance soudaine, il fronce les sourcils.
- Est-ce que tout va bien ?
- Je vérifiais juste que nous étions seuls, assuré-je.
Il sourit et se penche vers moi mais ses lèvres s'immobilisent de nouveau à quelques millimètres des miennes.
- Pourquoi tu vérifiais que nous étions seuls ? demande-t-il.
La discussion avec Rose me revient en tête. Je me fustige intérieurement.
- Au cas où quelqu'un viendrait prendre un en-cas aux cuisines, répondé-je rapidement. On ne sait jamais quand les gens sont en manque de sucre et…
Il me coupe en m'embrassant. Je soupire et ferme les yeux.
Quand nous nous détachons l'un de l'autre, quelques minutes plus tard, ma respiration courte et saccadée provoque son air rieur.
- Tu aimes te faire désirer, murmure-t-il.
Je me contente de sourire en louchant sur sa bouche.
- Si quelqu'un était entré, il aurait peut-être appris quelque chose ! ajoute-t-il fièrement en se redressant.
- Personne n'est obligé d'apprendre quoique ce soit, remarqué-je.
- Tu as raison, je dois rester le seul garçon de cette école à savoir embrasser.
Sa réponse m'angoisse. Pourquoi comprend-il de travers tout ce que je dis ?
- Sirius… hésité-je.
La suite de ma phrase reste bloquée dans ma gorge.
- Oui ? m'encourage-t-il.
- Je me demande… comment les filles de l'école réagiraient si elles apprenaient qu'on se retrouve en douce dans les cuisines… Je les ai quand même éloignées de toi pendant des semaines, rappelé-je.
- Et quand elles nous verront ensemble, tes ordres prendront tout leur sens ! plaisante-t-il.
- Heu…
- En parlant de la Coupe, j'ai travaillé sur tes objets magiques ! déclare-t-il. Je sais ce que je vais faire du parchemin.
J'ouvre la bouche, puis la referme sans avoir prononcé un son. Nom d'une flûte. Rose avait raison. Sirius n'a pas l'intention de rester discret. Ignorant mon trouble, il fouille ses poches et sort le parchemin à ensorceler pour l'étaler à plat sur la table. D'une quarantaine de centimètres en longueur comme en largeur, jauni et élimé sur les bords, il reflète vaguement la lumière des chandeliers.
- Tu pensais que les miroirs seraient ta meilleure affaire mais regarde bien le parchemin : à quoi te fait-il penser ?
- Hein ?
J'imagine la réaction des filles de l'école à leur retour de vacances. Celles qui louchent sur Sirius voudront m'attacher au Saule Cogneur pour assister à mon exécution, longue et douloureuse. Celles qui le détestent voudront également m'attacher au Saule Cogneur, dos-à-dos avec Sirius pour faire bonne figure. Il me reste une chance avec la dernière catégorie de filles, celles qui considèrent Sirius comme un gage de promotion sociale au physique avantageux sans pour autant s'imaginer à son bras avec une robe blanche. Roulement de tambours, j'ai nommé : les élèves de première année.
- A quoi te fait-il penser ? répète-t-il.
Bizarrement, la réaction de Lily m'inquiète plus que tout. Je vois son sourire narquois. J'entends ses réflexions agressives, déformées dans le prisme de nos conflits récents. Je l'imagine remuer ses cheveux roux de mannequin moldu en ricanant.
- Tu n'as aucune imagination ! se moque-t-il. Ce parchemin a la taille idéale pour une carte !
Lily qui se moque de moi. Lily qui me prend de haut. Lily qui m'arrache la tête.
- Nous allons donc créer une…
- Sirius ! le coupé-je. Je voudrais qu'on se mette d'accord sur… la discrétion, tenté-je.
- La discrétion, répète-t-il.
- Oui. Toute l'école n'est pas obligée de savoir ce qu'il se passe entre nous, pas vrai ?
Il fronce légèrement les sourcils.
- Je n'avais pas l'intention de faire une annonce publique, remarque-t-il. Cela dit, je n'envisage pas de me cacher non plus. Quand tu parles de discrétion, tu parles de…
- De se cacher, complété-je. De jeter des sorts de dissimulation et de s'enfermer dans les placards. Nous pouvons aussi payer nos amis pour qu'ils fassent le guet. Je propose Rose et Lupin. Ils sont dignes de confiance et pauvres, donc ils ont besoin d'argent, nous pouvons sûrement les soudoyer.
Son expression devient indéchiffrable. J'attends sa réponse. Elle ne vient pas.
- Pourquoi ? dit-il soudain. Tu as honte ?
- Non, pas du tout ! Cette année, comme tu le sais, j'ai gagné la Coupe de Cache-Cache. J'ai une fonction importante auprès des filles de l'école. Je leur ai quand ordonné de rester loin de toi pendant des semaines, ce qui les a bien embêtées, rappelé-je. Le fait que je sorte avec toi risque de les mettre hors d'elles. Je ne suis déjà pas très populaire comme reine, mais… là…
Il pousse un long soupir et passe une main lasse dans ses cheveux.
- Combien de temps ? demande-t-il abruptement.
- Comment ça ?
- Si c'est bien ton rôle qui t'oblige à rester vigilante, et rien d'autre, nous pourrons nous conduire normalement quand tu ne seras plus Reine, n'est-ce pas ?
- Quand je serai redevenue une élève comme les autres, je suppose qu'elles ne pourront plus m'accuser d'abus de pouvoir… La nouvelle Reine se contentera de me faire assassiner dans mon sommeil…
- Eh bien voilà, nous avons une solution ! entend-il. Nous pourrons nous montrer en public quand tu ne seras plus Reine. Marché conclu ?
Je soutiens un instant son regard d'acier. A court de nouvel argument, j'abdique.
- Marché conclu, soupiré-je. Je dois quand même t'avertir que notre relation risque d'être écourtée par un suicide suspect, répliqué-je. Ne t'étonne pas si j'écris une lettre d'adieux pleine de fautes d'orthographe avant de me jeter de la tour d'Astronomie, bâillonnée, les mains attachées dans le dos.
- Ne t'inquiète pas, je continuerai à sortir avec ton fantôme.
- Ne compte pas là-dessus ! m'offusqué-je.
Malgré son air jovial, je suis certaine de percevoir une once de doute dans sa voix, une hésitation bien éloignée de notre potentielle romance tragique. Outre mon statut et mon histoire royale, peut-être devine-t-il ma crainte de m'afficher en public avec le coureur de jupons de l'école. Et peut-être me connaît-il suffisamment pour savoir que je veux systématiquement le jus d'œillet et l'argent du bar.
- Revenons à nos gnomes, décide-t-il. Même si je ne suis plus certain d'avoir intérêt à t'aider…
Il lisse le parchemin et se fige quelques secondes, le regard vague.
- Je disais donc, reprend-il. Nous allons créer une carte magique de l'école. Une carte qui te permettra de savoir où sont tes adversaires en temps réel.
La solution m'apparaît aussi clairement que la flamme d'un chandelier dans l'obscurité : si je gagne à nouveau la Coupe, je pourrai repousser l'échéance jusqu'au début de l'année prochaine ! Entre temps, les vacances d'été auront poli les mémoires et adouci les émotions de toute la communauté féminine du château. C'est le cas de figure idéal !
- Remus connaît un sortilège capable d'indiquer les noms et emplacements de toute personne se trouvant dans l'enceinte de l'école. Tu seras la meilleure candidate de cette partie de cache-cache ! Même si, encore une fois, j'ai l'impression de jouer contre moi-même… Il faudra qu'on reparle de ce marché plus tard, car je pense qu'il va nuire à ma motivation, souligne-t-il.
Plusieurs des anciennes petites amies de Sirius passeront en dernière année. Les ASPICS au bout du chemin les préoccuperont tellement qu'elles oublieront le reste. Miracle ! Si je gagne la Coupe une deuxième fois, je gagne la paix ! Avec l'aide de Sirius et de Remus, ce sera du gâteau !
Remus…
Qu'est-ce qu'il vient faire là-dedans ?
- Pour revenir à la carte, nous avons un seul problème : il faut être au moins cinq pour l'une des étapes, ce qui implique…
- Attends… Tu peux répéter ? intervins-je soudain.
- Heu… Il faut être cinq pour l'une des étapes.
- Non, avant.
- Nous allons créer une carte magique de l'école ?
- Non, après !
- J'ai l'impression de jouer contre moi-même en t'aidant ? Oui, j'insiste… Je suis de parti pris maintenant ! Si tu perds, nous pouvons sortir ensemble alors que si tu gagnes…
Flûte, il a deviné mon plan. Flûte, il a parlé d'un de ses amis et de la Coupe dans la même phrase. C'est quoi, le pire ?
- Qu'as-tu dit à propos de Remus ? demandé-je d'une voix faussement calme.
- Oh ! s'exclame-t-il en évitant mon regard. Oui, je… Je me doutais que tu poserais la question.
- Est-ce que tu lui as parlé de la Coupe de Cache-Cache ? continué-je aussi gentiment que possible.
- Non… C'est James… qui lui en a parlé.
- Potter lui a parlé de la Coupe.
- Oui.
- Tu as parlé de la Coupe à Potter.
- Oui… Non. Pas exactement.
Le chantage. La Coupe. McGonagall. Potter. Lupin. Et…
- Et maintenant, est-ce qu'un seul de tes copains n'est pas au courant ? demandé-je d'une voix tremblante.
- Heu… Il y avait Peter mais… Remus lui en a parlé aussi.
J'essaie d'inspirer. Ma respiration se bloque.
- Comprends-le, il trouvait injuste que Peter soit le seul à ne pas savoir…
- HAAAAA ! explosé-je en attrapant le col de sa chemise. TU N'AS PAS PU T'EMPECHER D'EN PARLER A TES COPAINS ! NOM D'UNE BAGUETTE DE GNOME A LA FRAMBOISE DE SA MERE !
Il recule dans un mouvement paniqué mais je reste agrippée à sa cape avec une force décuplée par la rage.
- SI MACGONAGALL FAIT LE LIEN ENTRE NOUS JE TE FERAI CUIRE AVEC DES OIGNONS DANS LE CHAUDRON DE SLUUU…. REVIENS ICI ! crié-je en me débattant lorsqu'il parvient à décrocher une main de son col de cape.
J'essaie de l'attraper de nouveau mais Sirius se montre plus rapide. En moins d'une seconde, je bascule en avant et mes genoux heurtent le carrelage glacé. Alors que je me redresse, il passe derrière la table dans une tentative spontanée d'évasion.
- Marlene, James était déjà au courant pour la Coupe ! Je ne lui ai rien appris ! s'exclame-t-il.
Je repère une grande cuillère en bois près de la corbeille de fruits.
Si je le tue maintenant, est-ce que Rose m'aidera à transporter le corps ? Nous pouvons l'enterrer près du Saule Cogneur. Aucun élève n'ose s'en approcher à moins de cinquante mètres : la zone est idéale pour dissimuler un cadavre. Nous pouvons aussi le garnir d'algues, de saumon, de confiture d'avocat et d'une pincée de ciboulette, le confier au Calmar Géant comme repas de Noël et attendre que la digestion efface toute trace du crime. En plus d'être créative, cette solution propose un bénéfice secondaire non négligeable : l'amitié du Calmar Géant, s'il reconnaît notre effort de courtoisie.
- ALORS QUI ! m'écrié-je.
- Quand je lui ai demandé son aide pour la carte, il a deviné que c'était un objet à enchanter pour la Coupe !
- DIS-MOI QUI A CRACHE LE MORCEAU !
- C'EST TOI ! hurle-t-il à son tour.
Je reste immobile, la bouche entrouverte.
- Je… Je t'ai entendu en parler, avoue-t-il.
- Quand ? Où ?
- James et moi avons surpris une de tes discussions… avec Rose… poursuit-il. James s'est rappelé quelques mots prononcés par sa mère et sa grand-mère, il y a plusieurs années, lorsqu'elles se pensaient seules dans la cuisine du manoir, à Godric's Hollows. Elles parlaient d'un concours de cache-cache à Poudlard. Nous avons regroupé nos informations. Nous avons enquêté. Petit à petit, nous avons compris…
Je ne réponds pas, vaguement choquée. A quel moment Rose et moi avons élevé le ton de notre voix, oublié de vérifier les environs ? Quand avons-nous à ce point manqué de prudence, nous qui avons toujours été si prévoyantes et si méfiante vis-à-vis – notamment – des garçons de notre classe, que nous savons particulièrement curieux ?
- Je ne sais pas ce que tu avais l'intention de faire avec cette grosse cuillère mais tu veux bien la reposer ?
Je sens qu'il tire mon arme de mes doigts lâches.
- Depuis le début, je cherche une ultra-groupie parmi les écervelées de l'école… soufflé-je.
- Une ultra-quoi ?
- Celle qui t'a révélé l'existence de la Coupe et qui provoquera mon exclusion de l'école lorsque tu me dénonceras à McGonagall…
Je secoue la tête, comme pour me réveiller. Sirius me regarde d'un air agacé.
- Si ça peut te rassurer, je n'ai jamais eu l'intention de dire quoique ce soit à McGonagall. J'ai été extrêmement discret sur la Coupe ! Par contre, je ne cache rien à mes amis.
Je baisse les yeux sur le parchemin qui reflète faiblement la lumière du lustre.
- Je n'aurai peut-être pas dû t'annoncer les choses de cette façon, continue Sirius d'une voix moins assurée. Tu as une drôle d'expression maintenant.
- Eh bien… Tu as accepté que nous gardions notre relation secrète jusqu'à ce que je ne sois plus Reine, alors je suppose qu'en échange, ce serait normal que j'accepte votre amitié, déclaré-je difficilement.
Il acquiesce.
- Je tiens à préciser que je ne leur fais pas confiance pour autant ! ajouté-je plus fermement.
Il acquiesce de nouveau. Malgré sa volonté de rester stoïque, un léger frémissement à la commissure de ses lèvres trahit son amusement.
- Même pas Remus ? tente-t-il.
- Non. Je ne le connais pas assez.
- Tu es dans sa classe depuis cinq ans.
- Je fréquente Coleen Carrow depuis plus longtemps que ça, tu sais.
Il renonce et pose ses mains de chaque côté du grand parchemin.
- Je vois… Dans ce cas, revenons à la carte. Il y a une chose importante que je ne t'ai pas encore dite.
- J'en tremble d'impatience.
- Et je parle au nom des garçons du dortoir numéro sept.
- Ça commence bien ! me moqué-je.
- Nous acceptons de nous investir dans la création d'une carte magique si, et seulement si, cette carte est reconnue comme notre propriété légitime, déclare-t-il.
- Heu… Concrètement, ça signifie…
- Que cette carte nous appartient, explique-t-il. Nous pourrions la créer sur n'importe quel support mais nous utiliserons ton parchemin afin que ce soit l'instrument de ta victoire lors de la Coupe de Cache-cache. Dès que la Coupe sera terminée, que tu aies gagné ou non, la carte nous reviendra.
- Que comptez-vous faire d'une carte qui indique les noms des personnes et leurs emplacements ? Question stupide, renoncé-je devant son regard amusé. Je préfère ne pas savoir.
J'imagine un Rusard transpirant et exténué, armé de son balai, courant dans les couloirs en vociférant sans interruption.
- J'accepte le marché, décidé-je. Je vous remettrai la carte après la Coupe et j'espère que vous en ferez un usage profitable à notre Maison.
- Nous sommes fidèles à Gryffondor contre vents et marées ! déclare-t-il vaillamment.
Sa remarque, combinée à son sourire affirmé, m'arrache un soupir.
A Gryffondor, pas sûr mais à eux-mêmes, toujours.
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Une demi-heure avant le dîner, Sirius remonte au dortoir et je prends naturellement la direction de l'infirmerie. A peine sommes-nous séparés qu'une question commence à me tarauder : où et quand m'a-t-il entendu parler de la Coupe ? Les doutes commencent à affluer, envahissant mon esprit, si lourds et agités que j'en ai la migraine. J'ai beau chercher un moment d'imprudence dans les tréfonds de ma mémoire, aucun souvenir ne me vient. Je ne trouve qu'un ouragan de pressentiments désagréables.
Que ce soit en cours ou à la bibliothèque, nous avons toujours été prudentes. Personne n'aurait pu déduire toutes les informations qu'il possédait à partir les mots que nous utilisions. Par ailleurs, comment a-t-il su que j'étais Reine dès le lendemain de la Coupe alors que je n'avais pas abordé le sujet en dehors du dortoir ?
Qui lui a dit que Madelyn était devenue Premier Ministre ?
A-t-il surpris une autre conversation ?
A-t-il menti sur la façon dont ces informations lui étaient parvenues ?
Oui, c'est plus qu'évident.
… mais pourquoi mentirait-il ?
Finalement, réfléchir à l'agression de ma sœur me semble la meilleure occupation possible : en plus de son utilité, elle a le mérite d'être moins angoissante et de me distraire.
J'entre dans l'infirmerie d'un pas traînant. Madelyn s'agite dès qu'elle me voit. J'imagine qu'elle s'ennuie comme un rat mort maintenant qu'elle est éveillée. Je l'entends vaguement me reprocher d'être venue les mains vides. J'avais oublié qu'elle réclamait des livres… Alors que je m'assois sur le lit voisin, écoutant ses babillages d'une oreille distraite, un phénomène étrange se produit.
Le visage d'adolescente blonde calculatrice de ma sœur s'efface au profit de son visage de de petite fille mesquine. Elle charrie le parfum humide du parc familial sur ses vêtements bien ajustés. Du haut de ses sept ans, Madelyn m'observe avec son sourire d'arnaqueuse, celui qu'elle porte fièrement lorsqu'elle projette de me faire punir pour une faute que je n'ai pas commise.
Sept ans. L'âge auquel j'ai compris que ma sœur était plus maligne que moi. L'âge auquel j'ai admis que je ne pourrai pas la battre dans certains domaines, et que la manipulation en faisait partie. Plus tard, je m'apercevrai que les potions, les enchantements, les sortilèges ménagers, les duels, le sens esthétique et les relations sociales appartenaient aussi à cette catégorie, et que la meilleure solution consistait à travailler mon humour en redéfinissant mes priorités.
Je finirai par savoir ce que Sirius dissimule. Dans l'immédiat, la situation la plus préoccupante est celle de Madelyn. Qu'elle le veuille ou non et quelques soient ses motivations à dissimuler des faits aussi graves qu'inquiétants, je dois découvrir qui est à l'origine de son agression, pourquoi et comment. Dans cette entreprise, Rose reste ma meilleure alliée.
- Je dois aller dîner, l'interrompé-je.
Elle se laisse tomber sur son oreiller en grognant.
- D'accord mais tu reviens après ! râle-t-elle. Je suis seule, je m'ennuie et j'ai mal partout !
- Quand c'est demandé si gentiment, comment refuser ?
- Cette fois, ramène-moi des livres, ajoute-t-elle. Demande à Rose de t'aider, si tu choisis seule, ça ne me plaira pas.
Je lui tourne le dos et louche méchamment.
- Je vois ton visage dans la vitre, Marlene !
Deux couloirs et quatre escaliers plus tard, j'entre dans la Grande Salle. Tous les Gryffondors sont déjà attablés. Si le sourire de Sirius ne me surprend pas, je manque de trébucher dans ma cape quand Potter m'adresse un hochement de tête poli. Après quatre secondes passées à me convaincre intérieurement que c'était involontaire de sa part, puis cinq autres à supposer que l'excès de sucre ingurgité en cuisine tout au long de la journée a peut-être abîmé mon cerveau, j'enjambe le banc pour m'asseoir à côté de Rose. Elle constate mon arrivée avec un soulagement non dissimulé.
- Où étais-tu passée ? demande-t-elle d'un ton presque plaintif. Tu m'as laissée toute seule !
- Je rendais visite à Madelyn, répondé-je.
- Tu es retournée l'interroger ?
- Non. Quoiqu'elle sache, elle ne veut pas le dire de toute façon. J'ai seulement…
Ma voix disparait dans un tonnerre d'applaudissements. Tous les yeux se tournent vers le bout de la table, où Bacon vient apparemment de renverser son bol de soupe. Potter se lève et tend sa baguette magique par-dessus son assiette. Le liquide brûlant qui s'étalait lentement entre les couverts argentés s'évapore. Quelques éclats de rire ponctuent l'incident avant que les conversations ne reprennent normalement.
- Tu disais ? me relance Rose.
- Ma sœur m'a demandé de lui amener des livres, répondé-je. Tu veux bien m'accompagner à la bibliothèque après le repas ?
- Elle ferme plus tôt pendant les vacances, m'informe Rose. Ne t'inquiète pas, il y a deux ou trois livres qui pourraient lui plaire dans le dortoir… Madelyn a les mêmes goûts que Lily, n'est-ce pas ?
- Oui… aucune idée, en fait…
Elle rejette en arrière ses épais cheveux noirs avant de se reconcentrer sur son assiette. Pensive, je laisse mes yeux suivre innocemment le cortège de plats or et argent qui font la queue-leu-leu sur le centre de table, jusqu'aux gobelets de nos camarades masculins. A côté de Potter, Sirius écoute Bacon, son verre en suspension entre la table et sa jolie bouche. S'il surprenait mon regard, je pourrai toujours prétendre que je cherchais le sien, mais en réalité, c'est Potter qui occupe mes réflexions.
Nous avons été amis pendant un an. Dès la rentrée en deuxième année, nous nous sommes éloignés, mais nous étions en bons termes – ou presque – pendant quelques temps. La guerre froide a débuté autour du mois d'octobre de notre quatrième année, lorsque j'ai insulté le Quidditch devant témoins, mais notre relation est réellement partie en vrille après que j'ai déclaré avoir écrit une romance sur Rogue et lui dans la salle en commune. Cet évènement parait tellement infime en comparaison de tout ce qui a suivi…
Je me suis énervée contre Potter car il me provoquait au sujet de mes amourettes passées. Or je n'ai jamais su qui lui avait révélé mon attirance pour Samuel Winter. J'ai supposé que l'une de mes camarades de dortoir s'était montrée trop loquace au cours d'une parade de séduction avec l'un des mâles de notre Maison. J'en viens à douter de cette conclusion.
Comment les garçons savent-ils autant de choses sur nous ?
Quand aurai-je le fin mot de cette histoire ?
D'ordinaire, Rose et moi aimons être les dernières à quitter la table. Cette fois, nous sommes pressées et boudons le dessert pour retourner rapidement dans la tour de Gryffondor. Officiellement, nous nous dépêchons pour rendre visite à Madelyn. Officieusement, j'ai besoin de changer d'air et Rose veut enquêter le plus efficacement possible. Alors que mon amie fouille dans la bibliothèque collective, je monte dans notre chambre pour prendre un sac et redescend les escaliers en sautillant.
- Je suis sûre que c'est Dolohov, déclaré-je en tenant le sac ouvert afin qu'elle y place les livres. Il regarde toujours Madelyn avec un air de chien battu. Ils sont sortis ensemble, elle a abusé de lui avant de le le quitter, il n'a pas supporté.
- Propose donc cette théorie à ta sœur…
- Elle ne la validera jamais, même si c'est juste ! me lamenté-je. C'est comme… comme…
Un chandelier s'allume dans ma tête.
- Comme une affaire de meurtre ! souligné-je. Imagine que Madelyn soit morte… Elle ne pourrait plus rien dire !
- Encore une fois, tu confonds tes fantasmes avec la réalité.
- Mais non ! Rose, si nous étions Aurors et que Madelyn était morte, comment ferions-nous ?
Rose soupire et reste immobile un instant, les yeux dans le vague. Je referme le sac.
- Les Aurors ont des compétences que nous n'avons pas, déclare-t-elle en prenant la direction de la sortie. Par exemple, ils savent faire du Veritaserum. Un mandat par-ci, un verre par-là…
- Oui, d'accord, mais ils ne résolvent pas toutes leurs enquêtes avec du Veritaserum ! contré-je.
- Ils utilisent aussi des sortilèges pour créer des spectres de la scène de crime. Nous pouvons peut-être les apprendre, mais nous mettrons probablement des mois avant d'y parvenir et s'il y a des grimoires qui les décrivent, ils sont nécessairement dans la Réserve.
- Ce n'est pas un problème, nous pouvons demander à ta mère de nous faire un mot.
- Surtout pas ! Ma mère est plus maligne que tu ne crois ! réplique-t-elle en ouvrant de grands yeux. Non, si nous allons sur cette voie, il faudra demander l'aide de mon père.
- Ton père ? m'étranglé-je.
- Ne te leurre pas. Il devinera tout de suite que nous faisons quelque chose d'illégal. Mais contrairement à ma mère, il s'en fichera s'il pense que j'apprends des choses.
Bienvenue mon petit, tu cherches une nouvelle famille ou un gentil parrain ? Fais-toi adopter par le professeur Winter, ce père aimant, enthousiaste et dévoué à l'éducation de ses enfants, sans aucun conformisme et sans aucune limite.
- Ton plan ne me rassure pas, avoué-je en fronçant les sourcils. Quelles autres méthodes utilisent les Aurors ?
- Qu'est-ce que j'en sais ? s'agace-t-elle. Ce n'est pas une carrière qui m'intéresse !
Elle se renfrogne parce que j'ai botté en touche à l'idée d'impliquer sa famille. Classique.
- Aussi réjouissante que soit la perspective de collaborer avec ton père, j'ai peut-être une nouvelle idée ! avancé-je d'un ton joyeux. Nous avons toutes les deux lu le roman policier de Lily, n'est-ce pas ?
- J'en ai lu plusieurs, en ce qui me concerne, mais je crois savoir à quoi tu fais référence.
Nous prenons l'escalier. Rose passe derrière moi.
- Si tu suggères une enquête à la moldue, nous devons commencer par interroger les témoins… qui sont tous à Serpentard, déclare-t-elle. Ils ne seront pas coopératifs. Surtout si certains pensent que ta sœur a… disons… agi à l'encontre des intérêts de sa Maison.
- Dolohov n'est pas concerné par cette histoire et il apprécie Madelyn.
- Je croyais que tu le suspectais ?
- Oui, mais si je me trompe, ce serait peut-être un témoin intéressant. Par contre, il faudra que tu viennes l'interroger avec moi. La dernière fois que Madelyn a été agressée, il m'a tendu une embuscade dans un couloir. J'en fais encore des cauchemars.
- Marlene, ça ne fonctionnera pas. Les Serpentards se protègent les uns les autres. Mes frères étaient à Serpentard, je sais ce que je dis ! Pour faire une enquête à la moldue, il faudrait un témoin qui parle, donc un témoin qui ne soit pas à Serpentard…
Alors que nous prenons un nouvel escalier, mon regard erre sur les tableaux qui décorent les murs. Accrochés à des hauteurs différentes, ils forment comme un deuxième escalier et leurs locataires interrompent discussions, duels et tricots pour nous regarder passer.
- D'abord, il faudrait qu'on sache où Madelyn a été retrouvée, décidé-je. On pourrait demander à Slughorn ?
- Non. Il faudrait mieux demander à Madelyn.
- Elle m'a expressément ordonné de ne pas m'en mêler et tu as pris son parti !
- Dis-lui que tu as seulement besoin de comprendre pour passer à autre chose ! suggère-t-elle.
- Très crédible ! me moqué-je. Honnêtement, Rose, tu sais que Madelyn est une menteuse finie. Il y a un effet d'entraînement. Elle ment comme elle respire et détecte les mensonges des autres plus rapidement qu'une personne normale.
Quatrième étage. Nous nous engageons dans le grand corridor bordé de fenêtres semi-circulaires qui longe la bibliothèque. Rose revient à mon niveau, ses bras serrés autour d'elle-même pour se protéger du vent froid qui file depuis la porte ouverte d'un balcon.
- C'est ta sœur ! insiste-t-elle. Tu la connais !
- En fait, non… avoué-je. Je voulais prendre l'option « compréhension madelynesque » en première année, mais il n'y avait plus de place. C'est comme dans les équipes de Quidditch, ils ne prennent que les meilleurs.
- Marlene, ta sœur est humaine. Dis-lui que tu as besoin d'informations parce que son état te touche, je suis certaine qu'elle comprendra.
- Ton optimisme me désespère.
Nous parcourons la distance qui nous sépare encore des portes de l'infirmerie. Nous cessons notre discussion en nous approchant de Madelyn, qui s'est redressée en nous voyant et louche maintenant vers notre sac. J'ai vaguement l'impression de nourrir un strangulot dans une piscine.
- Tu m'as amené des livres ? demande-t-elle aussitôt.
Elle ouvre le sac et se met à commenter les titres d'une voix rapide. Rose s'assoit sur le lit voisin. Je reste debout, réfléchissant à la façon de procéder. Alors que Madelyn parle à n'en plus finir, je note que les traces de l'agression ont disparu. Seule une légère cicatrice sur la joue témoigne encore de l'incident. Ceci explique probablement sa bonne humeur.
- Où Slughorn t'a-t-il trouvée ? demandé-je tout-à-coup.
- Que… quoi ? s'étonne-t-elle.
- Où Slughorn t'a-t-il trouvée ?
Elle comprend ma question. Son expression se ferme aussitôt.
- Marlene, je t'ai dit de ne pas t'en mêler ! crache-t-elle. Alors oublie cette histoire !
Je plaque sur mon visage mon meilleur masque de tristesse.
- Je… ne voulais pas te mettre mal à l'aise, prétendé-je d'une voix douce. Après tout, si nos professeurs n'ont pas trouvé les responsables, comment le pourrais-je ? Je ne suis même pas à Serpentard… Je n'ai que le courage des Gryffondors à ma disposition et que vaut le courage dans une affaire comme celle-ci ?
Elle plisse les yeux.
- Et tu es ici, seule, dans cette infirmerie sans âme, pendant que je marche librement dans les couloirs du château, ce même château dans lequel on t'a sauvagement agressée ! continué-je. La culpabilité m'oppresse nuit et jour. Pourquoi toi, plutôt que moi ?
- C'est la culpabilité du survivant, déclare Rose.
- Oui, voilà ! validé-je. J'ai besoin que tu m'expliques ce qu'il s'est passé, que tu mettes des mots là où il n'y a que cruels fantasmes. L'imagination nous emmène souvent plus loin que la réalité et comme tu le sais, la mienne galope à toute vitesse. Ma sœur, ramène-moi dans la réalité ! Raconte-moi ce qu'il s'est passé, que je puisse m'en remettre !
Je termine sur un trémolo grave. Madelyn soupire.
- C'est bon, tu as fini ? réplique-t-elle. Un peu plus et tu m'avais à l'usure.
- C'est vrai ? me réjouis-je.
- Non, répond-elle en inclinant la tête sur le côté. Mais merci pour les livres.
Changement de stratégie.
- Alors il t'a trouvée dans les toilettes.
- Quoi ?
- Slughorn t'a trouvée dans les toilettes, c'est pour cette raison que tu refuses d'en parler.
- Il ne m'a pas trouvée dans les toilettes ! s'énerve-t-elle.
- Et Pomfresh a retiré ta teinture parce que tu avais les cheveux couverts de…
- D'eau ! me coupe-t-elle. Et de rien d'autre ! Tu es répugnante quand tu t'y mets !
- Tu crois que tes camarades t'ont vu avec les cheveux mouillés lorsque Slughorn t'a emmenée à l'infirmerie ? Tu ne devais pas être à ton avantage, dis donc !
- Personne ne m'a vue ! Fiche-moi la paix !
- Marlene, c'est bon ! chuchote Rose en tirant mon bras vers la sortie.
- Merci sœurette ! lancé-je en me laissant emporter à l'extérieur.
- Tu es odieuse !
- A plus tard !
Nous prenons la direction des cachots sans plus attendre. Alors que nous traversons le hall, je perçois des silhouettes à travers les fenêtres qui précèdent la porte. J'accélère le pas pour éviter de croiser qui que ce soit.
- Où doit-on aller ? demandé-je à Rose une fois au sous-sol.
- Ta sœur a dit que personne ne l'avait vue. Elle est donc certaine de ne pas être passée devant la salle commune de Serpentard ou dans le hall…
Nous prenons une volée de marches qui descend dans les profondeurs du château. Je crois entendre un bruit derrière nous mais quand je me retourne, je ne vois personne.
- A part le lac, il y a peu d'endroits suffisamment humides pour se mouiller les cheveux rien qu'en tombant, poursuit-elle. Je n'en connais qu'un auquel on puisse accéder sans passer devant la salle commune de Serpentard… qui soit dans la même zone… et que les Serpentards apprécient…
Nous accédons au palier inférieur et prenons un couloir obscur. L'odeur des algues et le froid augmente au fil de notre avancée. Bien que je ne descende jamais dans les sous-sols du château pour d'autres raisons que les cours, l'endroit revêt des airs de familiarité. Je suis plongée dans mes réflexions quand je sens la brûlure d'un regard dans mon dos. Je cherche l'origine de cette sensation mais à l'évidence, il n'y a personne.
- Marlene ? appelle Rose. Tu as vu quelque chose ?
- Non, renoncé-je en revenant vers elle.
J'observe à nouveau les environs.
- Je suis déjà venue ici, révélé-je.
- Ce serait surprenant. A moins que nous ne soyons passées par là avec James et Peter en première année…
J'hausse les épaules. Mon amie pousse une porte en bois. Un grand couloir bien éclairé et décoré de tableaux, perpendiculaire au nôtre, s'allonge de quelques dizaines de mètres jusqu'à un large escalier semblant monter dans les étages. Elle le désigne sans y entrer.
- La salle commune des Serpentards se situe un peu plus loin, m'informe-t-elle. Cet escalier est le plus court chemin pour accéder à la bibliothèque. Les Serpentards l'utilisent peu car le bureau de Slughorn est juste à l'angle et ils n'aiment pas passer devant, chuchote-t-elle.
J'analyse les environs.
- Le sol est sec, souligné-je.
- Oui, en effet… Suis-moi.
Elle referme la porte et reprend l'avancée dans le couloir de pierre glacial que nous suivons depuis tout à l'heure, jusqu'à la porte en bois qui le clôt. Quand Rose pousse la poignée, une rafale glacée souffle dans le couloir, gonflant nos capes de l'intérieur et s'infiltrant dans nos pulls en m'arrachant une série de frissons incontrôlables.
Nous arrivons dans une vaste salle, ouverte sur le lac, dont le plafond abîmé est soutenu par de larges piliers. Les rayons du soleil couchant viennent teinter de rouge la végétation humide qui pousse dans les interstices et les algues qui mangent les dalles. Quelques torches, accrochées au mur, répandent une lueur douce aux alentours. Sur notre gauche, un escalier circulaire semble monter dans les étages tandis qu'en direction du lac, une volée de marches descend vers le lac.
- Les quais ! m'exclamé-je. Nous sommes venues ici pendant la Coupe !
Je me retourne vers la porte que nous venons d'emprunter.
- Cette porte était bloquée, ajouté-je en me retournant. Nous sommes descendues par l'escalier, là-bas, qui donne sur…
- Le couloir des classes du rez-de-chaussée, complète-t-elle.
- Rose, il y a des tableaux partout ! continué-je. Nous n'obtiendrons rien des Serpentards, tu l'as dit toi-même ! Heureusement, que l'on quitte les quais en prenant le couloir du rez-de-chaussée, ou l'escalier proche du bureau de Slughorn, les murs sont couverts de toiles et de tapisseries. Nous avons probablement des témoins !
- C'est bien pensé, me félicite-t-elle. Je vais interroger ceux du couloir au sous-sol, je te laisse ceux du rez-de-chaussée ?
Génial. Elle me laisse les tableaux voyeurs.
- Bien, on se partage les tâches et on se retrouve dans la salle commune ensuite, conclus-je.
Rose acquiesce mais ne bouge pas d'un pouce. Son visage devient sérieux. Je croise les bras sur ma poitrine pour me réchauffer. Qu'y-a-t-il encore ? Elle qui semblait si pressée de passer à l'action !
- Un souci ? l'interrogé-je.
- Non mais… Je crois que je dois te dire quelque chose…
- Oui ?
Rose pince les lèvres afin de poursuivre :
- Cet endroit, c'est… plus ou moins… le lieu de rendez-vous des Serpentards.
- Quel genre de rendez-vous ?
- Romantique.
Je reste silencieuse quelques instants.
Ce constat va dans le sens des observations de Lily l'an passé et des courriers que j'ai surpris pendant l'été et de mes soupçons plus récents : Madelyn a un petit ami.
L'étau autour de Dolohov se resserre !
- Je supprime Sirius, Rouquine et Jinny Jenkins de la liste des suspects, déclaré-je. Je laisse Carrow car je ne serai pas surprise qu'elle préfère les filles et… Je pense intégrer Slughorn, sauf si tu y vois un inconvénient.
Elle lève les yeux au ciel et tourne les talons. Avant de la suivre, je jette un regard vers le lac, dont l'eau se pare de reflets dorés. C'est alors que je surprends un mouvement près du demi-mur qui forme un balcon au-dessus des quais, au niveau de l'escalier. Je penche la tête de côté. Une oreille noire et poilue dépasse d'une marche.
Il n'y a plus aucun doute : nous étions bel et bien espionnées.
Depuis combien de temps le chien nous suit-il discrètement ?